Description : LOGO

N° 4947

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre les débordements
lors des rassemblements et cortèges de mariage,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Sébastien CHENU, Myriane HOUPLAIN, Bruno BILDE, Emmanuel BLAIRY, Nicolas MEIZONNET, Catherine PUJOL, Marine LE PEN, MarieFrance LORHO, Joachim SONFORGET,

 

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La liberté de se marier constitue une liberté fondamentale ayant valeur constitutionnelle. La cérémonie du mariage représente le cadre institutionnel de l’échange des volontés des époux. Traditionnellement, et cela depuis des siècles, la cérémonie est suivie d’un rassemblement et d’un cortège nuptial, devenus quasiment inséparables du mariage lui‑même.

Si dans la mémoire collective, cette liasse de bonheur et de joie est vécue comme un moment festif et positif, il constitue, de plus en plus régulièrement, une source de nuisances pour les riverains, et donne lieu à de lourdes infractions, voir même à la mise en danger de la vie des personnes ou, dans certains cas extrêmes, à de tragiques décès.

Depuis plusieurs années, l’actualité ne cesse de mettre en avant les cas de graves débordements à la suite de la cérémonie de mariage. La tranquillité publique de certaines villes n’est plus respectée. Les effusions de joie laissent alors place aux scènes de jungle et de mises en danger de la vie des riverains et des représentants de l’État : usages abusifs du klaxon, excès de vitesse, conduites à contre‑sens, rodéos urbains, règlements de compte, agressions de policiers et gendarmes, menaces sur les élus, utilisations de fumigènes, dégradations des biens publics, tirs de mortiers et même tirs à l’arme à feu…

Comme le relevait le journal » Le Figaro » (article du 5 Octobre 2021), ces agissements résultent de mariages communautaires. C’est d’ailleurs ce que confirment sur le terrain les autorités préfectorales, les autorités de police, et les élus de tous bords. Il est d’ailleurs courant de voir des drapeaux étrangers brandis dans ces mariages qui posent de graves problématiques de sécurité publique. Face à ce phénomène, les maires se retrouvent désarmés. En effet, les grandes villes et les métropoles ne disposent plus du monopole de cette insécurité urbaine. Beaucoup de petites ou moyennes communes en sont désormais victimes.

Ces débordements ont pris tellement d’ampleur qu’ils ne sont plus de simples faits divers mais se produisent chaque semaine en France, comme en témoignent la presse nationale et régionale. Des simples usages des klaxons, nous en arrivons aujourd’hui à ce que des autoroutes ou rocades soient bloquées, comme à Lyon début octobre 2021. Des personnes en perdent la vie, comme il y a quelques semaines encore à Nice en novembre 2021.

Plusieurs municipalités ont décidé de mettre en place une convention, une « charte de mariage », signée par les futurs mariés dans laquelle ils s’engagent à respecter un certain nombre de règles de bonne conduite. Si cette initiative va dans le bon sens, c’est malheureusement un coup d’épée dans l’eau puisque ces conventions n’ont aucune valeur juridique, la jurisprudence les déclarant illégales. En effet, sans texte précis, les juges assimilent le cortège nuptial à une sortie sur la voie publique spontanée, constituant une tradition conforme aux usages locaux et ne nécessitant pas une autorisation préalable.

Face à la montée de cette insécurité urbaine, il apparaît nécessaire de légiférer afin de mieux encadrer ces pratiques qui suivent la cérémonie de mariage. C’est d’ailleurs une demande croissante des élus locaux. Afin de responsabiliser les futurs époux, à l’origine de ce rassemblement, il convient de les soumettre à une déclaration préalable.

Bien que le maire dispose du pouvoir de police et donc qu’il puisse verbaliser, c’est a posteriori, lorsque le mal est fait, qu’il peut intervenir. Par ailleurs, que peuvent faire un maire ou des policiers municipaux d’une petite ou moyenne commune face à des dizaines de véhicules et une centaine d’individus ?

En ce sens, le chapitre 1er vient véritablement responsabiliser les futurs mariés. Il s’agit ainsi de nommer spécifiquement les rassemblements et cortèges nuptiaux dans le code de la sécurité intérieure en lui conférant la valeur d’un rassemblement sur la voie publique différents de ceux existants. Ainsi, l’article 1er pose le principe de déclaration préalable et définit le régime applicable. Cette reconnaissance permettra de donner une véritable valeur juridique aux « chartes de mariage » des municipalités qui sont aujourd’hui sans effet contraignant au‑delà de l’engagement moral des futurs époux. Cette modification du code de la sécurité intérieure permettra de tenir responsables les mariés pour l’ensemble des actes commis lors du cortège ou du rassemblement qui suit la cérémonie en mairie. Par conséquent, pour éviter toute erreur d’interprétation des juges, il convient de spécifier que les rassemblements et cortèges à l’occasion des mariages ne sont pas dispensés de déclaration comme le sont les usages locaux (article 2).

Le chapitre 2 quant à lui fait d’un débordement lors d’un rassemblement ou d’un cortège de mariage une circonstance aggravante en cas d’exposition d’un tiers à un risque de mort ou de blessures (article 3), et en cas d’entrave à la circulation (article 4).

Cet évènement républicain a une symbolique forte pour les mariés mais aussi pour la collectivité et la société. Le mariage civil, au‑delà d’être l’union de deux personnes, est aussi l’adhésion aux valeurs de la République. Par conséquent, les débordements qui peuvent en découler ne sont aucunement acceptables et doivent être plus sévèrement sanctionnés.

 


proposition de loi

Chapitre 1er

Encadrement des rassemblements et cortèges lors des mariages

Article 1er

Après la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure, il est inséré une section I bis ainsi rédigée :

« Section I bis

« Rassemblements et cortèges de mariage

« Art. L. 21141. ‒ Les rassemblements et cortèges de mariage sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable par les futurs époux.

« Art. L. 21142. ‒ La déclaration mentionnée à l’article L. 211‑4‑1 est faite à la mairie de la commune où se tient la cérémonie de mariage sept jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la cérémonie de mariage. À Paris, la déclaration est faite à la préfecture de police.

« Lorsque le rassemblement prend la forme d’un cortège traversant plusieurs communes, la déclaration préalable doit être faite auprès de toutes les mairies des communes traversées, et, le cas échéant à la préfecture de police si la ville de Paris est traversée.

« La déclaration fait connaître les noms, prénoms et domiciles des futurs époux. Elle indique le lieu, la date et l’heure du rassemblement, le nombre de personnes raisonnablement attendues, ainsi que l’itinéraire projeté lorsque le rassemblement prend la forme d’un cortège. Elle est signée par les deux futurs époux qui s’engagent, par cette déclaration, à ne pas troubler l’ordre public. »

« Art. L. 21143. ‒ Si les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public et à compter du jour de déclaration du rassemblement ou du cortège visé par la présente section ou si ce même rassemblement ou ce même cortège n’a pas été déclaré, dès qu’il en a connaissance, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut interdire, pendant les vingt‑quatre heures qui le précèdent et jusqu’à dispersion, le port et le transport, sans motif légitime, d’objets pouvant constituer une arme au sens de l’article 132‑75 du code pénal. L’aire géographique où s’applique cette interdiction se limite aux lieux de la manifestation, aux lieux avoisinants et à leurs accès, son étendue devant demeurer proportionnée aux nécessités que font apparaître les circonstances.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

« Art. L. 21144. ‒ Si l’autorité investie des pouvoirs de police estime que le rassemblement ou le cortège sont de nature à troubler l’ordre public, elle interdit ce même rassemblement ou ce même cortège par un arrêté qu’elle notifie immédiatement aux futurs époux.

« Le maire transmet, dans les vingt‑quatre heures, la déclaration au représentant de l’État dans le département. Il y joint, le cas échéant, une copie de son arrêté d’interdiction. »

« Si le maire, compétent pour prendre un arrêté d’interdiction, s’est abstenu de le faire, le représentant de l’État dans le département peut y pourvoir dans les conditions prévues à l’article L. 2215‑1 du code général des collectivités territoriales. »

Article 2

Le deuxième alinéa de l’article L. 211‑1 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « , à l’exception des rassemblements et cortèges de mariage qui sont soumis à l’obligation de déclaration préalable prévue à l’article L. 211‑4‑1 ».

Chapitre 2

Création d’une circonstance aggravante en cas de débordements lors des rassemblements ou cortèges lors des mariages

Article 3

L’article 223‑1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actes mentionnés au précédent alinéa commis à l’occasion d’un rassemblement ou d’un cortège de mariage sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

Article 4

L’article L. 412‑1 du code de la route est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les délits prévus au présent article commis à l’occasion d’un rassemblement ou d’un cortège de mariage sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende.

« Le permis de conduire des conducteurs coupables de l’un des délits visés à l’alinéa précédent est suspendu pour une durée de trois ans au plus. Lorsque ces délits sont commis à l’aide d’un véhicule, ce dernier est immobilisé et mis à fourrière dans les conditions prévues aux articles L. 325‑1 à L. 325‑3. »