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N° 4955

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2022.

PROPOSITION DE LOI

portant création d’un titre protégé de conservateurrestaurateur,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Raphaël GÉRARD, Céline CALVEZ, Anne BRUGNERA, Stéphane CLAIREAUX, Fabienne COLBOC, Jacqueline DUBOIS, Alexandre FRESCHI, Valérie GOMEZBASSAC, Florence GRANJUS, Pierre HENRIET, Danièle HÉRIN, Yannick KERLOGOT, Gaël LE BOHEC, Sandrine MÖRCH, Béatrice PIRON, Florence PROVENDIER, Cathy RACONBOUZON, PierreAlain RAPHAN, Cécile RILHAC, Bertrand SORRE, Stéphane TESTÉ, Patrick VIGNAL, Maud PETIT, PierreYves BOURNAZEL, Stéphanie KERBARH, Brigitte KUSTER, Constance LE GRIP, Delphine BAGARRY, Ramlati ALI, Stéphanie ATGER, Claire BOUCHET, Pascale BOYER, Danielle BRULEBOIS, AnneFrance BRUNET, Yves DANIEL, Dominique DAVID, Laurence GAYTE, Carole GRANDJEAN, Véronique HAMMERER, Yannick HAURY, Guillaume KASBARIAN, Rodrigue KOKOUENDO, Sonia KRIMI, Daniel LABARONNE, Sandra MARSAUD, Monica MICHELBRASSART, Sophie PANONACLE, Bénédicte PÉTELLE, Mireille ROBERT, Marie SILIN, Valérie THOMAS, JeanLouis TOURAINE, Laurence VANCEUNEBROCK, Pierre VENTEAU, Stéphane VOJETTA, Annie CHAPELIER, JeanPierre CUBERTAFON, Brahim HAMMOUCHE, Fabien LAINÉ, Frédérique TUFFNELL, Vincent LEDOUX, Valérie PETIT, Maina SAGE, Didier QUENTIN, Sophie MÉTADIER, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Danièle CAZARIAN, Sophie METTE,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au cours de ces dernières années, dans le sillage de la Convention‑cadre du Conseil de l’Europe adoptée en 2005 sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (dite Convention de Faro), l’opinion publique et les élus semblent avoir pris toute la mesure des enjeux liés à la préservation du patrimoine culturel. En témoignent l’afflux massif de dons pour sauver la cathédrale Notre‑Dame de Paris à la suite du terrible incendie du 15 avril 2019, ou encore, la mobilisation exceptionnelle des visiteurs et des acteurs locaux lors des Journées européennes du patrimoine.

Le patrimoine est une source partagée de mémoire, de compréhension et un marqueur essentiel de l’identité des territoires. Il est également un facteur de développement de l’attractivité touristique et de l’économie locale. Une étude financée par la région Provence Alpes - Côte d’Azur établit ainsi que la qualité du patrimoine culturel constitue l’une des principales motivations au séjour dans la région et estime qu’un euro investi dans le secteur permet de générer près de 10 euros de retombées économiques.

Or, comme le rappelle le rapport « Notre Diversité Créatrice » publié en 1996 par la Commission mondiale de la culture et du développement, sous l’égide de l’UNESCO, les biens culturels sont des ressources qui constituent des « richesses fragiles », non remplaçables, et dont le risque de perte nécessite la mise en place de mesures à la hauteur des enjeux que revêt leur sauvegarde pour l’ensemble de la société.

Les professionnels de la conservation‑restauration des biens culturels contribuent en première ligne à l’excellence des politiques de protection patrimoniale. Dotés d’un code de déontologie et obéissant à une démarche scientifique, ils disposent de compétences rares permettant de garantir la qualité des procédures d’intervention visant à protéger, conserver et mettre en valeur les biens culturels afin d’en assurer la pérennité et la transmission.

Leurs qualifications sont de mieux en mieux reconnues, tant au plan international qu’au plan national. L’activité de conservation‑restauration est définie par le Conseil international des musées (ICOM) et la Confédération Européenne des Organisations de Conservateurs‑Restaurateurs (ECCO), et fait l’objet d’une norme européenne (norme EN15898). En France, les professionnels de la conservation‑restauration bénéficient d’une formation spécialisée de grade master aujourd’hui dispensée par quatre établissements publics. Leurs qualifications sont définies par la circulaire no 2002/021 du 24 décembre 2002, et l’article L. 452‑1 du code du patrimoine leur réserve la possibilité d’intervenir sur les collections des musées de France. Leurs compétences sont en outre requises dans les domaines des monuments historiques‑objets mobiliers (article L. 622‑7 du code du patrimoine), de l’archéologie (articles L. 546‑1, R. 546‑1 et R. 546‑3 du code du patrimoine), des bibliothèques (article R. 311‑3 du code patrimoine) et des archives (article R. 212‑84 du code du patrimoine).

Pour autant, les études commanditées par le ministère de la Culture révèlent que la profession montre des signes de vulnérabilité, exacerbée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, laissant entrevoir un risque de pertes de compétences qui serait particulièrement préjudiciable pour la protection du patrimoine culturel.

Exercée à 75 % par des indépendants, à 80 % par des femmes, la profession est confrontée à un modèle économique fragile, en raison, notamment de l’étroitesse du marché et d’un flux tendu de trésorerie lié à des charges importantes associées à de faibles revenus, ce qui conduit de nombreux chefs d’entreprises à interrompre leur activité après seulement quelques années d’exercice. En outre, elle est composée d’entreprises de petite taille, hétérogènes de par leur spécialité et leur statut d’emploi, ce qui nuit à sa visibilité et constitue une source de fragilité importante en temps de crise. Pour ces raisons, les professionnels ont pu rencontrer des difficultés pour accéder aux dispositifs de soutien mis en place par le Gouvernement pour pallier les incidences économiques liées à l’épidémie de coronavirus.

Le manque de reconnaissance des qualifications et des compétences spécifiques génère, par ailleurs, un sentiment de malaise chez les jeunes professionnels qui freine l’attractivité du métier.

L’objectif de la présente proposition de loi est donc de permettre une meilleure identification des professionnels de la conservation‑restauration au sein des métiers du patrimoine culturel au moyen de la création d’un titre professionnel protégé de conservateur‑restaurateur.

Elle fait ainsi suite à la publication de divers rapports insistant, tous, sur la nécessité de création d’un tel titre, que ce soit les travaux de Daniel Malingre en 2003, de Christian Kert en 2006, ou plus récemment, la mission de l’inspection générale des affaires culturelles en 2016 sur les conséquences de l’inscription des professionnels de la restauration du patrimoine dans la liste des métiers d’art.

La création d’un titre protégé de conservateur‑restaurateur a pour objet de reconnaître le haut niveau de formation et les compétences spécifiques des conservateurs‑restaurateurs, sur lesquelles repose l’exécution des interventions visant à préserver notre patrimoine commun, afin de permettre aux commanditaires de cibler les qualifications requises et d’évaluer, avec précision, les besoins lors de l’élaboration du cahier des charges.

Cette reconnaissance ne fait pas obstacle à ce que d’autres professionnels interviennent en fonction de leurs compétences propres concomitamment aux personnes visées par la proposition de loi. A l’inverse, elle constitue une réponse adéquate au manque de visibilité des conservateurs‑restaurateurs au sein de l’écosystème des professionnels du patrimoine, dont les compétences sont complémentaires et doivent être reconnues à la hauteur de leurs propres spécificités.

Ce faisant, elle est susceptible de dynamiser un secteur économique et de favoriser l’émergence d’équipes pluridisciplinaires alliant l’intelligence de la main des métiers d’art et l’approche déontologique des conservateurs‑restaurateurs sur des chantiers aussi emblématiques que celui de la cathédrale Notre‑Dame de Paris. Elle doit également permettre de faciliter les passerelles entre professions partenaires, en clarifiant le cadre des procédures de validation des acquis de l’expérience (VAE).

Cette démarche est celle adoptée par de nombreux États européens et inscrite dans leur droit du patrimoine, pour garantir la réalisation des travaux de conservation‑restauration sur le patrimoine protégé par des professionnels dont la formation, les qualifications et les compétences sont reconnues et couvertes par un titre professionnel.

L’article 1er crée un chapitre 7, intitulé « Conservation‑restauration des biens culturels », dans le titre Ier du livre I du code du patrimoine. Ce chapitre introduit, d’une part, la définition de la conservation‑restauration, telle que reconnue par les instances internationales, au sein livre I du code du patrimoine, consacrant sa fonction transversale à l’ensemble des catégories de biens qui composent le patrimoine culturel et structurent le code du patrimoine. D’autre part, il encadre l’utilisation de la dénomination » conservateur‑restaurateur » en la conditionnant à l’obtention d’un diplôme de grade master en conservation‑restauration des biens culturels, ou à des conditions de formation ou d’expérience professionnelle analogues à celles des titulaires de ce diplôme, qui seront fixées par décret.

L’article 2 prévoit les dispositions transitoires pour les praticiens en exercice à la date de la création du titre protégé. Pour bénéficier du titre professionnel de ‘conservateurs‑restaurateurs’, ces praticiens doivent satisfaire à des conditions de formation ou d’expérience professionnelle analogues à celles énoncées au nouvel article L. 117‑2 du code du patrimoine. Ces conditions seront fixées par décret.

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est complété par un chapitre 7 ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« CONSERVATION‑RESTAURATION DES BIENS CULTURELS

« Art. L. 1171  La conservation‑restauration comprend l’ensemble des mesures et actions ayant pour objectif la sauvegarde du patrimoine culturel matériel, tout en garantissant son accessibilité aux générations présentes et futures. La conservation‑restauration comprend la conservation préventive, la conservation curative et la restauration. Toutes ces mesures et actions doivent respecter la signification et les propriétés physiques des biens culturels.

« Les activités des professionnels et du personnel qualifié visés aux articles L. 452‑1, L. 546‑1 et L. 622‑7, ainsi que les travaux de réparation ou de restauration visés à l’article R. 212‑84 et les projets de restauration visés à l’article R. 311‑3, relèvent de la conservation‑restauration.

« Art. L. 1172.  La mise en œuvre des mesures et actions de conservation‑restauration ainsi que l’accomplissement de missions de maîtrise d’œuvre, de conseil et d’expertise en matière de conservation‑restauration, ressortent de la compétence de professionnels, dénommés conservateurs‑restaurateurs, qualifiés dans les domaines de la conservation préventive, de la conservation curative et de la restauration.

 « Seuls peuvent utiliser le titre de » conservateur‑restaurateur », dans le cadre de leur exercice professionnel, les personnes titulaires d’un diplôme de grade master, délivré par un établissement de formation agréé dans des conditions fixées par voie réglementaire, sanctionnant une formation spécifique de caractère culturel, scientifique et technique à la conservation‑restauration. »

Article 2

Pour bénéficier du titre professionnel de » conservateur‑restaurateur », les praticiens en exercice à la date de publication de la présente loi doivent satisfaire à des conditions de formation ou d’expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné à l’article premier de la présente loi. Ces conditions sont déterminées par décret.