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N° 4959

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à reconnaître le fléau des punaises de lit et
à structurer un dispositif de lutte et de prévention,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Cathy RACONBOUZON, Bruno STUDER, Laurianne ROSSI, Stéphane TESTÉ, JeanMarc ZULESI, Cédric ROUSSEL, Bertrand BOUYX,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Disparue de notre vie quotidienne dans les années 50, la punaise de lit a fait son grand retour dans de nombreux pays développés depuis les années 1990.

La recrudescence des infestations de punaises de lit, si elle n’est pas quantifiée précisément faute de dispositif d’observation, s’explique en partie par l’évolution de nos modes de vie de plus en plus nomades, par nos modes de consommation plus durable favorisant l’achat de « seconde main » et surtout par la résistance croissante développée par les populations de punaises à certains insecticides.

Tapie dans l’ombre de notre intimité, la punaise doit être détectée le plus rapidement possible pour amorcer une lutte sans merci qui s’avèrera dans la plupart des cas, longue et complexe.

La punaise est un véritable fléau. Fléau par la diversité et l’importance des secteurs d’activité concernés, que ce soit le logement dans son ensemble, l’hôtellerie et les locations de tourisme, l’hébergement d’urgence, mais aussi les transports (notamment aérien, ferroviaire, maritime), toutes les salles accueillant du public (théâtres, cinémas, congrès,…). Fléau par la difficulté à s’en débarrasser de manière durable et par l’impact dévastateur qu’elle a sur la vie sociale des personnes qui en sont victimes ; la punaise peut engendrer l’isolement, voire des troubles psychologiques allant jusqu’aux syndromes post‑traumatiques, persistant bien après l’infestation.

La punaise de lit suscite un sentiment de honte tenace chez sa victime : elle constitue en effet encore aujourd’hui un tabou et les personnes mal informées, une grande majorité de la population, ont tôt fait de coller à l’infestation de punaises une étiquette d’infamie liée à la pauvreté et au manque d’hygiène des occupants, pourtant, il n’en est rien, la punaise ne choisit pas le milieu social de la personne qu’elle infeste.

Malgré une évolution certaine des mentalités, la punaise semble encore largement passer à travers les mailles du filet de l’action publique, ce qui pose la question fondamentale de sa prise en charge par les autorités, question à laquelle le rapport de Madame RACON‑BOUZON, députée des Bouches‑du‑Rhône, rendu en septembre 2020 à la ministre du Logement, a tenté d’apporter des réponses. Ce rapport a révélé un problème de connaissance de la punaise de lit, de reconnaissance de l’enjeu et la nécessité d’agir vite, fort et de façon coordonnée

En effet, l’absence de surveillance du phénomène pénalise la mise en place de mesures efficaces et ciblées. Il apparaît nécessaire de pouvoir cartographier en dynamique la situation de la punaise de lit sur tout le territoire, pour piloter l’action et évaluer dans le temps la pertinence et l’efficacité des mesures engagées. L’observatoire créé par la présente proposition de loi pourrait permettre, entre autres, aux compagnies d’assurances de développer un dispositif assurantiel.

Non reconnue comme un problème de santé publique, ce fléau ne fait pas l’objet d’une prise en charge « sanitaire » encadrée, le développement de traitements étant par conséquent laissé à la liberté de professionnels et d’industriels privés privilégiant majoritairement les moyens chimiques. L’absence d’articulation entre les scientifiques experts de la punaise et les professionnels ou industriels du traitement pose un véritable problème de fiabilité et d’efficacité de la filière.

Une première initiative du ministère en charge de la Ville et du Logement visant à mettre en place un plan de prévention et de lutte, témoigne d’une prise de conscience des autorités. La lutte contre les nuisibles, notamment les punaises de lit, est dorénavant l’une des mesures du Plan National Santé‑Environnement 4 (PNSE 4). Pour autant la punaise de lit reste encore la grande orpheline des politiques publiques.

Pour articuler les actions qui relèvent de champs aussi variés que la santé, la recherche, le logement ou le tourisme, l’État doit impulser une dynamique collective et accompagner la structuration d’un service public de l’accompagnement à différents échelons territoriaux.

Le Gouvernement travaille ainsi depuis plusieurs mois à l’élaboration d’un plan d’action de lutte contre les punaises de lit. Ce plan reprend - en grande partie - les propositions du rapport de Madame RACON‑BOUZON « la punaise de lit, un fléau à l’ombre des politiques publiques » et complète la présente proposition de loi.

Si nous sommes tous égaux devant l’éventualité d’une infestation de punaises de lit, le nuisible ne faisant pas de distinction entre les milieux sociaux de ses victimes, il n’en est pas de même quant à notre capacité financière à éradiquer ce fléau.

Aussi, proposer des moyens de financement pour accompagner les foyers les plus modestes, qu’ils soient propriétaires‑occupants, propriétaires‑bailleurs ou locataires devient une nécessité pour lutter efficacement contre les infestations.

Venir en aide aux personnes infestées constitue un enjeu de solidarité, mais également un enjeu de salubrité publique pour ne laisser personne sans solution et pour ne laisser aucune infestation se propager.

La présente proposition de loi fait suite aux travaux du groupe de travail élaborés par Monsieur Bruno STUDER, président de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale et aux recommandations du rapport de Madame Cathy RACON‑BOUZON.

Ainsi, l’article 1er crée un comité de pilotage de la lutte contre la punaise de lit, chargé de coordonner et évaluer les politiques visant à lutter contre la punaise de lit. Il travaillera en collaboration avec le comité directeur interministériel qui sera chargé d’élaborer un plan d’action pluriannuel de lutte contre ce fléau et de coordonner la mise en œuvre des politiques publiques. Il devra notamment mettre en place un observatoire capable de suivre le développement de la punaise de lit, d’informer les populations et les acteurs économiques concernés, de soutenir la recherche, de structurer la filière et d’identifier les aides financières nécessaires au soutien des foyers les plus modestes.

L’article 2 permet de sécuriser les accords collectifs de lutte contre les punaises de lit - mis en place par certains bailleurs sociaux - en insérant une exception supplémentaire à l’article 42 de loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, ainsi qu’à l’article L.442‑3 du Code de la construction et de l’habitation.

L’article 3 vise à compléter la notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes pour régler leurs litiges annexés au contrat de location en clarifiant la responsabilité du bailleur et du locataire en matière d’infestation de punaises de lit.

L’article 4 vise à garantir que les meublés de tourisme soient exempts de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, notamment de punaises de lit.

L’article 5 permet aux locataires de meublés de tourisme de signaler la présence de punaises de lit auprès de la commune où le bien a été enregistré.

L’article 6 permet l’inscription des punaises de lit dans le code de la santé publique.

L’article 7 permet au maire d’affecter - lorsque les infestations de punaises de lit nuisent à la fréquentation touristique - une partie du produit de la taxe de séjour à la lutte contre ce parasite.

L’article 8 permet au maire de mettre en place une collecte spécifique pour le ramassage de déchets infestés de punaises de lit et de verbaliser les contrevenants.

L’article 9 réduit à un mois le délai de réaction du propriétaire à l’issue duquel le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation, en cas d’infestation du logement par les punaises de lit.

 


proposition de loi

Titre IER

De la création d’une Agence nationale de lutte contre la punaise de lit et de l’organisation
de la lutte contre ce parasite

Article 1er

Au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi, il est institué un comité de pilotage de la lutte contre la punaise de lit, chargé de coordonner et évaluer les politiques visant à lutter contre la punaise de lit.

Ce comité réunit deux députés et deux sénateurs, respectivement désignés par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, ainsi que des représentants de l’État. Il est présidé par un parlementaire. Il associe des experts issus du milieu académique et des parties prenantes des politiques menées.

Sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement sont précisées par décret. Les fonctions exercées dans le comité de pilotage n’ouvrent droit à aucune rémunération.

Il est consulté sur l’ensemble des projets de textes législatifs et réglementaires qui concernent la lutte contre la punaise de lit, en particulier ceux relatifs aux :

1° Exigences applicables aux organismes certificateurs et critères de certification des opérateurs en charge de la détection et de l’éradication de ce parasite ;

2° Modalités d’attribution des aides financières pour les ménages à faibles revenus.

Titre II

Des relations entre les bailleurs et
les locataires

Article 2

I. – À l’avant‑dernier alinéa du I de l’article L. 442‑3 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « ou la prise en compte du développement durable, » sont remplacés par les mots : « , la prise en compte du développement durable ou, sans préjudice des obligations mentionnées à l’article 6 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986, la lutte contre la punaise de lit. Ces accords sont ».

II. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article 42 de loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière est complétée par les mots : « , les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre la punaise de lit. »

Article 3

Après la première phrase du quatorzième alinéa de l’article 3 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette notice rappelle notamment les droits et obligations des locataires et des bailleurs en cas d’infestation de punaises de lit ainsi que les recommandations concernant la lutte contre ce phénomène. »

Article 4

Après l’article L. 324‑1‑1 du code du tourisme, il est inséré un article L. 324‑1‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 32412. – Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui‑ci soit classé ou non au sens du présent code, est tenue de remettre au locataire un logement exempt de toute infestation par des espèces nuisibles et parasites, notamment la punaise de lit. »

Article 5

Après le IV bis de l’article L. 324‑1‑1 du code du tourisme, il est inséré un IV ter ainsi rédigé :

« IV ter. – Le locataire d’un meublé de tourisme peut déclarer une infestation par la punaise de lit auprès du maire de la commune où est situé ce meublé. La déclaration est établie conformément à un formulaire dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé du logement et peut être adressée par voie électronique à la mairie. »

Titre III

De la reconnaissance de la lutte contre la punaise de lit comme un enjeu de santé publique

Article 6

L’article L. 1311‑1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« – de lutter contre les rongeurs et les vermines, notamment les punaises de lit. »

Titre IV

Des prérogatives des collectivités territoriales pour lutter contre les punaises de lit

Article 7

Après l’article L. 2224‑16 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2224‑16‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2224161. – I. – Le maire peut définir des règles relatives à la collecte et au traitement de déchets infestés de punaises de lit.

« II. – Tout manquement à un arrêté du maire relatif à la collecte de déchets mentionnés au I peut donner lieu à une amende administrative d’un montant maximal de 500 €. »

Article 8

Le I de l’article L. 2333‑27 du code général des collectivités territoriale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les infestations par la punaise de lit nuisent à la fréquentation touristique, le produit de la taxe peut être affecté, totalement ou partiellement, aux dépenses destinées à la lutte contre ce parasite. »

Article 9

Après le premier alinéa de l’article 20‑1 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’infestation par la punaise de lit, le délai mentionné au premier alinéa est ramené à un mois. »

Article 10

La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.