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N° 4998

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 février 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre plus démocratique le système de parrainage des candidats à l’élection présidentielle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

Mme Emmanuelle MÉNARD,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lorsque la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 a été publiée, son article 3 disposait que chaque candidat à l’élection présidentielle devait réunir 100 signatures de la part d’élus habilités pour se présenter à l’élection présidentielle. Ces parrainages sont depuis contrôlés par le Conseil Constitutionnel. L’objectif de cette loi était de limiter les candidatures aux seuls candidats sérieux. Un objectif toujours maintenu. La même loi prévoyait en outre que la liste des signatures resterait anonyme. 

En 1976, Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République, engagea une réforme en vue de rehausser le seuil de 100 signatures à 500, non plus seulement pour filtrer les candidats mais pour en limiter le nombre. L’effet escompté ne s’est pas confirmé puisque le nombre de candidats à l’élection présidentielle oscille, depuis, entre 9 et 16 candidats environ à chaque élection. Cette loi a également apporté une modification majeure puisqu’elle disposait que « le nom et la qualité des citoyens qui ont proposé des candidats inscrits sur la liste sont rendus publics […] dans la limite du nombre requis pour la validité de la candidature ». Ainsi, était rendu public le nom de 500 élus signataires, tirés au sort parmi tous les élus ayant présenté le même candidat. 

La loi du 25 avril 2016 a marqué une nouvelle étape en matière de parrainage puisque depuis, le Conseil constitutionnel rend publics deux fois par semaine les noms des élus présentant un candidat. Tous les noms des élus présentant un candidat sont ainsi rendus publics. Aucun élu ne peut se soustraire à cette obligation de publicité. Cette dernière réforme a eu pour conséquence malheureuse de décourager un grand nombre d’élus habilités à présenter un candidat. Seuls 30 % d’entre eux ont présenté un candidat en 2017, ce qui a diminué de 14 % le nombre de parrainages validés par le Conseil Constitutionnel. 

La publicité des parrainages est problématique car, si elle a le mérite de la transparence, elle empêche certains élus de « présenter » un candidat. En effet, les élus, notamment les maires qui représentent 80 % des élus habilités à parrainer, sont moins enclins à le faire par peur des « représailles » des communautés d’agglomération et de communes, des départements, ou des régions auxquels ils appartiennent.

Pour un élu local, pour un maire, les subventions sont souvent vitales pour la bonne marche de sa commune. Ainsi, et on le comprend, le maire d’un petit village y réfléchira à deux fois avant de donner sa signature à un candidat qui n’est pas du même bord que celui des présidents des collectivités dont il « dépend ». Présidents qui, justement, peuvent promettre de soutenir financièrement certains projets nécessaires, par exemple, au développement desdites communes.

Évidemment, ces pratiques ne sont pas la règle. Rien n’est écrit. Rien n’est dit. Mais cela existe. Et le doute qui s’installe dans les esprits est déjà de trop. 

Par ailleurs, les maires sont également sujets aux pressions de leurs propres conseils municipaux qui les menacent parfois de démissionner s’ils donnent leur parrainage à tel ou tel candidat. Un maire expliquait encore récemment à ce sujet que « La pseudo transparence sur les parrainages est problématique dans le monde rural car ils sont interprétés comme un soutien politique. Dans un petit village, on vous étiquette directement à partir de ce choix. » Pourtant, le parrainage du maire ne relève que de lui et non de son conseil municipal. Jacques Pélissard, ancien président de l’Association des maires de France, le rappelait : « Le parrainage est un acte républicain qui n’est pas un soutien politique : il ne s’agit pas d’un choix et encore moins d’un vote en faveur de l’un ou l’autre candidat. »

Ces différentes pressions empêchent malheureusement la démocratie de s’exercer pleinement. Certains candidats crédités, selon les sondages, de plus de 10 % d’intentions de votes, ont le plus grand mal à atteindre les 500 signatures alors que d’autres, issus de partis traditionnels, obtiennent sans difficulté les parrainages nécessaires alors même qu’ils représentent une très faible proportion des intentions de vote. 

Dans une démocratie en bonne santé, les parrainages ne devraient pas devenir un obstacle à la candidature d’un candidat sérieux. En vertu de cette sacro‑sainte « transparence », nous prenons le risque de biaiser une élection aussi cruciale pour notre pays que l’élection présidentielle. En 1962, la loi était créée pour limiter les candidatures aux candidats sérieux, aujourd’hui la publicité des parrainages empêche la démocratie de s’exercer pleinement.

Il est donc plus que jamais nécessaire et urgent de la modifier. Cela peut se faire très facilement en supprimant un simple alinéa de la loi du 6 novembre 1962.

C’est l’objet de cette proposition de loi.


proposition de loi

Article unique

Le dernier alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel est supprimé.