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N° 5020

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 février 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à maintenir les barrages hydroélectriques dans le domaine public et à créer un service public des énergies renouvelables,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Delphine BAGARRY, Matthieu ORPHELIN, Paula FORTEZA, Albane GAILLOT, Hubert JULIEN‑LAFERRIERE, Aurélien TACHÉ,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’hydroélectricité est la seconde source de production électrique française, derrière le nucléaire, et la première source d’électricité renouvelable. Elle représente ainsi 50,3 % de notre production d’électricité renouvelable et 13 % de notre production d’électricité totale([1]). Cette filière emploie 25  000 personnes et génère 1,5 milliard d’euros de recettes publiques.

Disposant de 2 500 installations, 400 relevant du régime de la concession et 2 100 celui de l’autorisation, la capacité hydraulique de la France s’élève à 25,5 gigawatts (GW)([2]). Surtout, les barrages représentent le seul outil de stockage de masse d’électricité par le biais des stations de transfert d’énergie par pompage, cette énergie peut ainsi être mobilisée en fonction des pics de consommation.

De surcroît, les barrages tiennent un rôle structurant dans la gestion de la ressource en eau, ils sont des instruments de régulation de la ressource en eau potable (75 % de la réserve française), et pour l’irrigation agricole.

Ils jouent un rôle essentiel pour les populations, en régulant les crues et en évitant les inondations. Ils contribuent à la sûreté nucléaire, en apportant une source d’eau de refroidissement Ils doivent veiller au respect des milieux aquatiques, assurant la garantie d’impératifs environnementaux.

Ainsi, l’hydroélectricité est un secteur éminemment stratégique dans le domaine de la production d’énergie, mais les enjeux qu’elle recouvre vont audelà de la production d’énergie : industrialisation, sécurité, développement économique des territoires, accès aux services publics et environnement.

À ce titre, la gestion des barrages hydroélectriques fait partie du patrimoine commun de la nation et que sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général, comme en dispose l’article L. 210‑1 du code de l’environnement.

Néanmoins, il entre dans le champ du marché pour l’électricité et le gaz, et doit donc se conformer à la Directive 96/92/CE du parlement européen et du conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

D’inspiration libérale, cette directive souhaite créer un marché intérieur de l’énergie concurrentiel et compétitif afin de proposer de l’électricité moins chère aux consommateurs, de stimuler l’innovation commerciale et d’améliorer la qualité de service.

Sauf que l’ensemble des réformes menées jusqu’à présent afin d’ouvrir ce marché à la concurrence, et en particulier le mécanisme de l’Accès régulé au nucléaire historique (ARENH) en 2010, a aboutit à des résultats totalement opposés : l’Arenh garantit quoi qu’il arrive pour les clients les prix les plus chers du marché, et n’a permis ni création de nouveaux services, ni nouvelles innovations.

Ainsi, sur le modèle de la proposition de loi n° 813 déposée au Sénat par le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires, ce texte vise à maintenir les concessions hydrauliques dans le domaine public, et à organiser un service public des énergies renouvelables.

Au lieu de séparer l’État de ses outils stratégiques comme le prévoyait le projet Hercule, il s’agit de mettre l’État au cœur de la stratégie énergétique afin qu’il en soit le planificateur. Ainsi, l’article 1er applique aux concessions hydroélectriques un dispositif de « quasi‑régie ». Prévu par la Directive européenne 2014/24/UE et l’article L. 3211‑1 du code de la commande publique, ce dispositif permet aux concessions de déroger à l’application des règles de concurrence.

Un tel statut permettrait de sortir de la mise en concurrence des barrages et permettrait à l’État d’en faire une production stratégique d’avenir, la gestion d’un bien commun, l’aménagement de nos territoires, une source de revenu pour nos collectivités territoriales, une composante essentielle de nos paysages et de notre sécurité.

Pour atteindre cet objectif, l’article 2 complète l’article L. 100‑4 du code l’énergie relatif aux objectifs de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Il s’agit d’organiser un service public des énergies renouvelables dans les missions qui le conduira à planifier le fort développement des énergies renouvelables à venir et de garantir l’indépendance stratégique et industrielle de notre pays.

L’article 3 apporte un gage financier à ces deux dispositions.


proposition de loi

Article 1er

Le livre V du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° L’article L. 511‑5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5115. – Sont placées sous le régime de quasi‑régie défini à l’article L. 3211‑1 du code de la commande publique les installations hydrauliques dont la puissance excède 4,5 mégawatts. » ;

2° L’article L. 521‑18 est abrogé.

Article 2

Le I de l’article L. 100‑4 du code l’énergie est complété par un 12° ainsi rédigé :

« 12° D’organiser un service public des énergies renouvelables dont les objectifs visent à :

« a) Participer à la structuration de la recherche et du développement ;

« b) Planifier et coordonner le déploiement des énergies renouvelables sur l’ensemble du territoire et dans une logique de péréquation tarifaire et de solidarité territoriale ;

« c) Favoriser l’organisation de filières industrielles de production et la gestion des matériaux sur l’ensemble de leur cycle de vie ;

« d) Accompagner les porteurs de projets publics et privés ;

« e) Encourager l’appropriation citoyenne et la création de communautés énergétiques locales ;

« f) Favoriser l’atteinte des objectifs de développement des énergies renouvelables dans un cadre de sobriété et d’efficacité énergétiques. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) Réseau de transport d’électricité (RTE), Bilan électrique 2020, janvier 2021

([2]) Commission de régulation de l’énergie (CRE), Rapport Coût et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, janvier 2020.