N° 5094
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2022.
PROPOSITION DE LOI
relative à l'accompagnement familial des enfants malades
des outre-mer,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Karine LEBON, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Jean‑Paul LECOQ, Jean‑Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La crise sanitaire a largement médiatisé les évacuations sanitaires des malades des Outre-mer vers les hôpitaux de l’Hexagone. Pour spectaculaires qu’elles soient et malgré leurs dimensions « hors normes », ces évasan-covid s’inscrivent dans une pratique présente, depuis plusieurs années, dans le paysage sanitaire ultra-marin.
Ces évacuations sont prises en charge par la sécurité sociale lorsqu’il s’agit de maladies graves pour lesquelles l’offre de soins est inexistante localement. Elles s’apparentent à une continuité territoriale sanitaire.
Chaque année, plusieurs mineurs connaissent des évasans depuis un territoire des Outre-mer vers l’Hexagone. L’évacuation sanitaire d’un enfant malade, au point de partir se faire soigner à des milliers de kilomètres, est évidemment particulière et peut devenir très vite un enchevêtrement d’obstacles accablant une famille déjà aux prises avec la maladie.
Le synopsis est à chaque fois le même. Il est toujours difficilement accepté et supportable.
Le diagnostic tombe, et malgré tous les efforts du personnel médical pour lui offrir les meilleurs soins, l’enfant doit partir se faire soigner à 7 000, 10 000, 20 000 km de son domicile. Il quitte avec souvent un seul parent tout ce qui est nécessaire à son équilibre et à sa guérison : une famille, une fratrie, des amis, un territoire, un climat, son autre parent.
Rien d’étonnant à ce que la Ligue contre le cancer parle de double peine pour les enfants des Outre-mer atteints de cancer soignés dans l’Hexagone. Elle demande : « qu’une prise en charge personnalisée soit proposée à chaque enfant ou adolescent afin que son projet de vie (scolarité, formation, loisirs…) et ses besoins (présence ou communication avec la famille, les proches, les amis, la fratrie, retour au domicile…) soient respectés. Pour que ces enfants ne subissent pas une double peine, la Ligue souhaite que les remboursements des frais liés à leur éloignement géographique pendant les traitements soient autorisés au-delà des normes administratives, mais en tenant compte des volontés de l’enfant et de son projet de vie. »
Pour tous ces petits évasans, la situation est en effet tout autre. La CGSS prend en charge le billet d’un seul parent en plus de celui de l’enfant. Toutefois -et cette précision est importante- si l’évasan nécessite la présence d’un médecin ou d’une infirmière, c’est le billet du personnel médical qui est pris en charge au détriment de celui du parent accompagnateur.
De leur côté, les collectivités locales font avec les moyens du bord. Elles prennent également en charge un deuxième billet, et quelques frais annexes.
Mais, une fois sur place, les problèmes financiers s’accumulent liés à la maladie, au coût d’un logement supplémentaire, qui n’est pas complètement pris en charge, à la situation précaire du parent accompagnateur qui a dû quitter son emploi.
Dans de telles conditions, aucun enfant, aucune famille n’est armée pour affronter aussi sereinement que possible une maladie grave.
L’objectif de la présente proposition de loi est donc de permettre au nom du principe d’égalité, que les petits évasans des Outre-mer bénéficient des mêmes chances de guérison que ceux de l’Hexagone comme le préconise la Ligue contre le cancer.
L'article 1er de cette proposition de loi instaure ainsi un nouveau chapitre au sein du Code de la Sécurité Sociale spécifique aux territoires d’Outre-mer.
Il introduit, en plus de la prise en charge par la CGSS de l'accompagnement, celle de plusieurs autres membres de la famille de l’évasan mineur depuis un territoire d’Outre-mer.
Il permet dans son deuxième alinéa la prise en charge de frais annexes par la CGSS étant donné que la seule prise en charge du transport de ces accompagnants ne saurait suffire à résoudre les nombreux problèmes financiers qui s’accumulent, comme ceux liés au logement ou à la situation de précarité du parent accompagnateur provoquée par l’abandon de son emploi.
Conformément aux préconisations émises par la Ligue contre le Cancer, l’alinéa 3 organise un entretien permettant la prise en charge personnalisée des besoins de l'enfant malade en fonction de son projet de vie.
L’article 2 encadre la compensation financière proposée aux parents contraints d'abandonner leur emploi pour assister leur enfant malade.
L'article 3 présente les moyens permettant de financer cette mesure de justice sociale.
proposition de loi
Article 1er
Le titre II du livre III du code de la sécurité sociale est complété par un chapitre 6 ainsi rédigé :
« Chapitre 6
« Dispositions particulières aux territoires d’outre-mer
« Art. L. 326-1. I. Sont pris en charge, dans les conditions fixées à l’article R. 322-10-7, les frais de transport en commun exposés par tous les membres de sa famille c’est-à-dire le père, la mère, les frères et sœurs accompagnant un assuré ou un ayant droit, en provenance des outre-mer, lorsque qu’il est âgé de moins de seize ans.
« II. – Les frais liés à l’accompagnement d’enfant malade en provenance des outre-mer relatifs à l’hébergement et à l’alimentation sont intégralement pris en charge quotidiennement. Ils sont remboursés après délivrance des justificatifs correspondants.
« III. – Dans les quinze jours suivant l’arrivée de l’enfant malade en France hexagonale, un entretien est organisé dans l’enceinte de sa structure hospitalière en présence du médecin responsable de son suivi, d’un psychologue, d’un représentant de la caisse générale de la sécurité sociale pour organiser une prise en charge personnalisée en fonction du projet de vie formulé par l'enfant malade.
« IV. Les conditions d’application du présent article sont fixés par décret. »
Article 2
L’article L. 3142-1 du code du travail est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° En cas d’évacuation sanitaire d’un enfant malade depuis les outre-mer vers la France hexagonale ».
Article 3
I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.