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N° 5096

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2022.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses mesures de justice fiscale, de souveraineté économique et industrielle,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Émilie CARIOU, Aurélien TACHÉ, Delphine BAGARRY, Guillaume CHICHE, Paula FORTEZA, Albane GAILLOT, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Matthieu ORPHELIN, Cédric VILLANI, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Claudia ROUAUX, PaulAndré COLOMBANI, JeanPaul DUFRÈGNE,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le consentement à l’impôt est au cœur de notre pacte social. En France, l’impôt remplit plusieurs rôles. Il sert certes à financer les dépenses publiques, mais peut de surcroît assumer un rôle redistributif qui concourt à nos politiques de réduction des inégalités et constituer un moyen de régulation de l’activité économique.

Aujourd’hui, une partie de notre fiscalité, tant sur le plan national qu’international, est perçue comme injuste, créatrice d’inégalités et incitative à la délocalisation. Cette proposition de loi a donc pour objectif premier de bâtir un ensemble de propositions œuvrant à la réorientation de notre système réglementaire vers d’avantage de justice fiscale.

La fiscalité constitue également un levier puissant de régulation, un outil de lutte contre la délocalisation de nos acteurs économiques, contre les concurrences déloyales. Pendant trente ans, nos décideurs publics ont négligé cet outil, adoptant la lecture monolithique néolibérale qui édictait comme injonction à nos entreprises : « jouissez sans entrave ». Le dogme du moins d’impôt comme garant de la création d’emplois a montré hélas ses limites, ou plutôt son absence de limite dans la dépossession des états de leurs outils de souveraineté économique.

Les dix propositions de cette proposition de loi ont pour but de rééquilibrer d’une part la fiscalité des particuliers et d’utiliser le levier fiscal pour retrouver une réelle souveraineté économique et industrielle.

En 40 ans, les 1 % les plus riches ont profité deux fois plus de la croissance des revenus que les 50 % les plus pauvres. Les revenus des classes moyennes, ont quant à eux, soit stagné, soit baissé. Force est de constater que nos politiques économiques sont loin de profiter à tout le monde. Sauf peut‑être aux très grandes entreprises et aux fonds d’investissements.

Les multinationales profitent largement d’une fiscalité à trous pour payer de moins en moins d’impôt et sont devenues des expertes en planification fiscale agressive. En 2021, les entreprises du CAC40 ont versé de manière agrégée 51 milliards d’euros à ses actionnaires (+22 %), soit l’équivalent de 140 % de ses profits en 2020. Parallèlement, la France compte désormais plus de 10 millions de pauvres. De plus en plus de personnes dorment dans la rue, la précarité s’installe, la reproduction sociale se réimpose comme phénomène social majeur et les politiques de solidarité sont absentes. L’explosion de la pauvreté n’est pas une fatalité. Elle est le fruit d’un système injuste. Comment changer la donne ? En faisant de la justice sociale, de la réduction des inégalités, la boussole de nos politiques économiques et fiscales.

Désormais, il est temps pour la France qui compte en 2021 près de dix millions de pauvres, de reconnaître que la justice fiscale est un levier fondamental pour lutter contre les inégalités économiques et sociales. Il ne s’agit pas de tout balayer d’un revers de manche mais de réguler et de toiletter l’ensemble des niches fiscales existantes qui profitent seulement à une poignée d’actionnaires. L’heure est venue de relancer l’économie avec ceux qui la font : les classes moyennes, et en écoutant les forces productives des travailleurs de notre pays.

Aussi, pour tenter de ramener plus d’équité dans notre fiscalité nationale et internationale, avec pour conséquences in fine de permettre des recettes supplémentaires pour nos finances publiques, nous proposons de mettre en place urgemment ces quelques mesures dans notre législation.

Dans le titre I, nous souhaitons replacer la justice fiscale au cœur de notre pacte social et cela passe nécessairement par un rééquilibre de la fiscalité des particuliers.

Ainsi, nous proposons de relever la part fiscale du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital ; de suspendre l’abattement de 40 % sur les dividendes ; de compléter l’impôt sur la fortune immobilière ; de mettre fin au problème de distorsion fiscale entre fiscalité des successions et assurance‑vie, et de redonner de la substance à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

L’article 1 propose de relever la part fiscale du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital :

– de 3 points pour les dividendes et les cessions de valeurs mobilières à hauteur de 1 000 000 euros, faisant donc passer le taux global de référence de 30 à 33 % pour ce type de revenus.

– de 10 points pour les dividendes et les cessions de valeurs mobilières au‑delà de 1 000 000 euros, faisant donc passer le taux global de référence de 30 à 40 % pour ce type de revenu.

Le PFU a constitué un élément politique d’attractivité selon le Gouvernement pour encourager la prise de risques et l’investissement dans l’économie et en fixant une règle plus monolithique, favorisant la simplification de la fiscalité. La crise du Covid‑19 commande d’infléchir cette politique quand des besoins de service public ressortent plus vivement, de même que leur nécessaire financement immédiat. À l’heure où l’État n’a jamais autant soutenu les entreprises, il est demandé un effort de solidarité sur les revenus des actionnaires, qui ont bénéficié des mesures de soutien à l’économie par l’argent public.

L’article 2 propose la suppression de l’abattement de 40 % sur les dividendes. L’abattement de 40 % a été élaboré à une époque où le taux de l’impôt sur les sociétés était bien plus élevé qu’aujourd’hui. Ainsi il ne se justifie plus et n’est plus du tout en cohérence avec le taux de l’impôt sur les sociétés qui a frappé le résultat distribué. Par ailleurs, le niveau de dividendes versés en 2021 – dans un contexte économique et sanitaire compliqué – paraît abusif quand on constate l’importance de l’argent public déversé dans l’économie française pour soutenir nos entreprises. Il est donc juste de les faire contribuer plus fortement à la solidarité nationale.

En 2021 ce sont près de 51 milliards d’euros de dividendes qui ont été distribués par les entreprises du CAC40 comme le révèle le dernier rapport de l’Observatoire des multinationales. À la vue de ces chiffres, la politique mise en œuvre par le Gouvernement ne fait qu’aggraver ces inégalités : allègement des prélèvements sur les grandes entreprises et les contribuables les plus fortunés, renoncement à une politique efficace de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, diminution du financement des services publics au détriment des plus démunis.

Le Gouvernement porte aujourd’hui une responsabilité dans l’accroissement des inégalités de richesses. Au regard de ces éléments, rien ne saurait justifier l’accroissement supplémentaire de ces inégalités, causé par un abattement de 40 % sur les dividendes.

L’article 3 propose d’assimiler aux biens listés dans l’actuelle assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) les liquidités et les contrats d’assurance vie investis en unités de compte, c’est‑à‑dire en action d’entreprises. Ainsi élargi, l’IFI pourra par son rendement amélioré contribuer à nos comptes publics par ailleurs largement mobilisés pour le soutien de notre économie en temps de crise et notamment en faveur des PME/TPE.

La mise en place de l’IFI en lieu et place de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été guidée en début de ce quinquennat par une politique plus générale pour stimuler l’investissement. Si le début de quinquennat a certes vu un redémarrage de l’investissement privé, force est de constater qu’aujourd’hui l’imposition ainsi redéfinie laisse toujours de côté des biens qui ne peuvent être considérés comme des moteurs premiers de la prise de risque et des soutiens directs à l’économie. Aussi, la proposition initiale qui était de ne plus taxer à l’ISF uniquement les biens non productifs, a été dévoyée, car la mise en place de l’IFI en lieu et place de l’ISF a entraîné la défiscalisation de liquidités non productives que sont les comptes bancaires et les contrats d’assurance‑vie, largement défiscalisés par ailleurs sur leurs rendements. Ajuster la fiscalité sur ces biens permettrait d’engendrer de nouvelles recettes à l’État sans que l’économie en pâtisse.

L’article 4 vise à mettre fin au problème de distorsion fiscale entre fiscalité des successions et assurance‑vie en procédant à un alignement de leur taxation. En effet, les produits issus de l’assurance‑vie sont aujourd’hui taxés à des niveaux préférentiels par rapport au traitement des salaires, c’est pourquoi il est proposé ici un accroissement progressif de la fiscalité portant sur les assurances‑vie qui excèdent certains seuils.

L’article 5 ne change pas les seuils de l’actuelle contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), mais redonne substance à l’entrée dans cet impôt, permettant de ressouder le contrat républicain et la contribution des plus aisées à la solidarité nationale, via les taux et la fin de la familialisation de l’assiette, c’est‑à‑dire du calcul de cette contribution.

La CEHR a été mise en place sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Elle a alors été présentée comme un gage de sérieux budgétaire européen pour assurer la contribution des plus aisés aux mesures de responsabilité budgétaire mises en place tout à la fin de ce mandat (Loi n° 2011‑1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 2, I).

Maintenir le système de doublement des seuils d’entrée pour les couples comme actuellement dans cette contribution écarte trop largement nombre de foyers fiscaux, quand le seuil de 250 000 euros reste formellement mis en avant. Rappelons qu’à juste titre, cette « super imposition » sur le revenu n’est pas affectée par le plafonnement des prélèvements obligatoires organisé dans le cadre du prélèvement forfaitaire unique, mis en place en 2018. Ce qui permet une plus juste imposition des revenus du capital des plus aisés, qui plus est en temps de crise.

Le produit supplémentaire de l’impôt ainsi obtenu doit initier une nécessaire alimentation par des ressources fiscales équitablement sollicitées de nos comptes publics. Il faut au plus vite éviter qu’une future accumulation de la dette sur notre économie n’oblige à terme à mettre sous pression nos dépenses publiques sans choix assumé et organisé, au détriment des solidarités qu’elles permettent.

Mettre un terme à la familiarisation augmenterait sensiblement son rendement, évalué à 1 milliard d’euros en 2018. L’empilement peu coordonné de mesures fiscales de faveur à disposition des foyers les plus aisés accrédite la réalité d’un dernier décile des contribuables qui paieraient proportionnellement un impôt moindre que les moins aisés : relever la CEHR permettrait de lutter contre cette réalité et redonnerait une certaine substance au sentiment d’équité fiscale.

Le titre II de cette proposition de loi apporte des outils permettant de lutter contre les délocalisations et l’optimisation fiscale en réformant la fiscalité française.

Nous proposons donc de faire du crédit d’impôt recherche (CIR) un réel outil de politique industrielle avec une logique d’agrément contrôlant les impératifs de relocalisation des emplois dans notre proximité immédiate française et européenne. Est également proposée la régulation du « régime mère‑fille » qui porte sur le régime fiscal de distribution des dividendes au sein des groupes de sociétés, source particulière de l’érosion des bases imposables en matière d’impôt sur les sociétés (IS) pour les groupes disposant de filiales hors Union européenne (UE). Enfin, nous proposons de moduler la niche dite « Copé ».

L’article 6 revient sur le crédit d’impôt recherche (CIR) afin d’en faire un réel outil de relocalisation des unités de productions en France et en Europe. Créé en 1983, le crédit d’impôt recherche est progressivement devenu une aide décisive pour les acteurs économiques de notre pays et la vitalité de notre tissu industriel. Il représente selon les chiffres produits avec la loi de règlement pour 2019 un volume massif de près de 6.5 milliards d’euros d’argent public réinjectés pour soutenir nos emplois à valeur ajoutée et notre futur.

Nous soutenons l’engagement fort de l’État pour allouer cette aide à la recherche. Nous proposons donc de faire du CIR un réel outil de relocalisation des unités de production en France et en Europe en conditionnant les dépenses du CIR. En effet, il est vital de renforcer la régulation de ce dispositif tout en conservant son aspect massif, afin de lui redonner une direction plus protectrice de nos intérêts souverains français et européens, en préservant nos intérêts sanitaires et écologiques à moyen et long terme.

Le présent article soutient ce dispositif essentiel, mais à travers une réforme de sa gouvernance, nous proposons de faire du CIR un réel outil de politique industrielle avec une logique d’agrément contrôlant les impératifs de relocalisation des emplois dans notre proximité immédiate française et européenne. Reprenant des principes également inscrits dans d’autres crédits d’impôt fonctionnant selon la technique de l’agrément, l’article propose donc d’inclure une clause générale de respect des législations fiscales environnementales et sociales à la charge du bénéficiaire.

L’article 7 intervient pour réguler le « régime des sociétés mère‑fille », dispositif qui a une cohérence lorsque les dividendes sont distribués au sein d’un groupe dont les sociétés sont soumises des taux identiques d’impôt sur les sociétés, mais dispositif incohérent lorsque les dividendes reçus par les sociétés holding françaises proviennent de pays où les taux d’impôt sur les sociétés sont nettement plus bas qu’en France.

Finalement, dans ces cas de figure, l’application du régime mère‑fille s’apparente à un paiement de l’indu qui constitue aujourd’hui le principal mécanisme d’optimisation fiscale à l’échelle internationale puisque dans les derniers documents budgétaires des voies et moyens où cette dépense fiscale a été chiffrée, elle flottait autour des 24 milliards d’euros de montant de dépenses tous les ans. Elle a depuis deux ans mystérieusement disparu des documents budgétaires et est aujourd’hui complètement invisibilisée dans la masse de l’impôt sur les sociétés.

La dépense fiscale concernée représente presque deux tiers de l’ensemble de l’imposition des bénéfices sur les sociétés dans notre pays. Le droit vise aujourd’hui à éviter les mécanismes de double imposition entre États membres de l’Union européenne en autorisant les déductions de leur résultat fiscal par la société mère des dividendes reçus de ses filiales (directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011, article 216 du CGI). Le différentiel de taux d’IS génère un remboursement net par le fisc français pouvant excéder l’impôt payé dans les pays étrangers où le taux d’IS est inférieur au taux français.

Cet article propose de limiter le jeu des déductions de bases imposables pour la réintégration des résultats des filiales étrangères pour le cas de celles établies dans des pays hors UE. Ainsi, le dispositif proposé consiste à :

– limiter l’actuel régime des sociétés mère‑fille aux pays de l’Union européenne ;

– remettre en place, pour les pays hors UE et les flux concernés, un mécanisme de crédits d’impôt, lequel limitera ainsi les déductions fiscales, suivant le mécanisme dit de « l’imputation » relatif aux dispositions de droit commun des articles 220 et suivants du Code général des impôts ;

– plafonner ces crédits d’impôts, pour éviter les effets adverses du nouveau système pour les pays à imposition sur les bénéfices des entreprises plus élevés que le nôtre. L’article propose pour leurs cas un « butoir » supplémentaire à celui du droit commun que l’alinéa 2 du 1.a) de l’article du Code général des impôts dispose.

L’article 8 propose de financer notre effort de reconstruction économique dès à présent en modulant la niche dite Copé.

Le droit français accorde un taux préférentiel sur les plus‑values long terme tirées de cessions de titres de sociétés dans le cas de holding (mécanisme dit de la Niche Copé). Au sein de ce mécanisme, le droit fiscal impose un minimum de quote‑part pour frais et charges financières (QPFC) qui reste assujettie au taux normal de l’impôt sur les bénéfices (deuxième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du Code général des impôts).

Avec la baisse des différents taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés, il devait déjà être appelé à notre sens à ce que le calcul de cette QPFC soit réajusté.

Il est donc proposé que le taux pour le calcul de la QPFC soit ainsi maintenu à 40 % du montant brut des plus‑values de cession jusqu’à 1 000 000 euros, et 20 % au‑delà de 1 000 000 euros à compter de l’exercice 2023.

Cet ajustement aurait pour conséquences d’imposer les plus‑values long terme au taux de 10 % à l’IS. Tout en imposant davantage les grandes opérations, nous proposons donc d’imposer plus fortement les seules opérations 1 000 000 euros de valorisation afin de préserver les TPE‑PME.

Dans le titre III, nous avons voulu nous attaquer à ces paradis fiscaux qui ne disent pas leur nom.

Ainsi, nous proposons d’élargir la liste des paradis fiscaux en ajoutant à celle‑ci les pays n’appliquant pas les normes minimales de bonne gouvernance dans le domaine fiscal. Dans cette même logique, nous demandons au Gouvernement, via le dernier article, une évaluation du manque à gagner pour les finances publiques qui résulte de l’utilisation détournée de conventions fiscales internationales conclues avec certains pays et qui sont utilisées pour éviter l’impôt.

L’article 9 propose d’élargir la liste des paradis fiscaux dits « États ou territoires non coopératifs » (ETNC), en assimilant aux ETNC les pays ne suivant pas les normes élémentaires de bonne gouvernance fiscale, dont un taux d’impôt sur les sociétés trop éloigné – 5 points – de celui applicable dans les grands pays industrialisés. Cette notion de bonne gouvernance renvoie au travail nécessaire accompli par la Commission européenne à l’automne 2021, afin de proposer « sa » liste des ETNC/paradis fiscaux, et sa recommandation du 6 décembre 2012 relative à des mesures visant à encourager les pays tiers à appliquer des normes minimales de bonne gouvernance dans le domaine fiscal.

Avec cette alternative aux actuels critères amenant à la qualification par arrêté interministériel d’ETNC, la liste française pourra donc quitter son formalisme jugé superficiel. La seule conclusion de conventions d’échange d’informations avec la France, certes utiles, ne doit par ailleurs plus entraîner ipso facto l’exclusion de la liste des ETNC.

C’est cette superficialité qui, à l’échelon européen, a conduit à la mise en place en octobre 2021, par la Commission européenne, d’une « liste noire » des paradis fiscaux, laquelle comprend les Samoa américaines, les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, le Samoa, Trinité‑et‑Tobago, les Îles Vierges américaines et le Vanuatu.

L’article 10 vise à ce que les services de l’État établissent une évaluation du manque à gagner pour les finances publiques qui résulte de l’utilisation détournée de conventions fiscales internationales conclues avec certains pays et qui sont utilisées pour éviter l’impôt.

Dès 2019, notre rapport d’information sur le bilan de la lutte contre les montages transfrontaliers dénonçait le manque à gagner de l’optimisation fiscale et de la fraude fiscale grâce au détournement de conventions fiscales internationales, ou de la mauvaise application des conventions prévoyant des échanges d’informations entre états. Ainsi, la recommandation n° 18 prévoyait déjà la nécessité de « prioriser la révision des conventions prévoyant une exonération des flux sortants de dividendes de toute retenue à la source (conventions avec l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, la Finlande, le Koweït, le Liban, Oman et le Qatar), compte tenu des abus résultant de cette stipulation. »

Cette proposition s’inscrit dans la continuité des nouvelles révélations et des estimations relatives aux CumEx Files par la presse en octobre 2021 qui chiffrait ce détournement à plus de 33 milliards sur 20 ans pour la France, et plus de 140 milliards dans le monde.

Cette proposition est ainsi rédigée de manière à couvrir également la recommandation n° 17 du rapport d’information sur le bilan de la lutte contre les montages transfrontaliers : « examiner en priorité les relations conventionnelles de la France avec les États et territoires non coopératifs (ETNC), afin d’introduire dans les conventions fiscales avec eux les standards les plus élevés de coopération, de mesures antiabus et de possibilité de taxation des flux de revenus sortants « sensibles » (redevances, dividendes, intérêts…). »

Il convient de noter que le rapport recommandait également des mesures allant dans le même sens que de nombreuses propositions que nous portons au Parlement et dans nos territoires depuis 2017 : plus de moyens et d’effectifs pour le contrôle fiscal et le Parquet National Financier (PNF), plus de protection pour les aviseurs fiscaux, plus de coopération internationale dans la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscale.

Conclusion

Cette proposition de loi reprend le travail réalisé au cours de cette législature, sous forme d’amendements en lois de finances ou de rapports parlementaires. À ce stade des échéances électorales elle devrait fonder un programme à engager afin d’accélérer un virage fiscal salutaire vers plus d’égalité dans notre pays. Ces différentes propositions devraient a minima rapporter plusieurs milliards d’euros annuels dans le budget de l’État. Évidemment, une telle proposition de loi devrait donner lieu à une fine évaluation des services du ministère de l’Économie, des finances et de la relance pour un chiffrage exact.


proposition de loi

Titre Ier

Replacer la justice fiscale au cœur
de notre pacte social

Article 1er

I. – À la fin du premier alinéa du 1 du I de l’article 117 quater du code général des impôts et à la fin du 1° du B du 1 de l’article 200 A du même code, le taux : « 12,8 % » est remplacé par les mots : « 15,8 % jusqu’à 1 000 000 euros et 22,8 % au‑delà de ce montant ».

II. – Le I du présent article est applicable à compter du 1er janvier 2023.

III. – Le Gouvernement présente, au plus tard le 15 septembre 2023, au Parlement un rapport évaluant les effets budgétaires, économiques et extra‑économiques du relèvement de trois points de la part fiscale du prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes et les cessions de valeurs mobilières et la réalité de sa contribution à réorienter l’épargne vers les investissements productifs.

Article 2

Les 2° à 4° du 3 de l’article 158 du code général des impôts sont abrogés.

Article 3

L’article 965 du code général des impôts est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Sont assimilés à des biens taxables tels que définis au premier alinéa du présent article :

« a) Les liquidités non nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui‑ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

« b) Les sommes, rentes ou valeurs d’assurance‑vie, exclusions faites de ceux placées en unités de compte tels que visées à l’article L. 131‑1 du code des assurances. »

Article 4

I. – À la fin de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 990 I du code général des impôts, les mots : « 700 000 €, et à 31,25 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire excédant cette limite » sont remplacés par les mots : « 552 324 €, à 30 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire inférieure ou égale à 902 838 €, à 40 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire inférieure ou égale à 1 805 677 € et à 45 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire supérieure à 1 805 677 € ».

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2023.

Article 5

I. – Les deuxième et dernier alinéas du 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts sont ainsi rédigés :

« – 3,3 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés, divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune ;

« – 4,5 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés, divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune. »

II. – Le I du présent article s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023.

Titre II

Mettre fin aux délocalisations et
à l’optimisation fiscale à l’échelle française

Article 6

Le III bis de l’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi rédigé :

« III bis. – Les entreprises qui engagent plus d’un million d’euros de dépenses de recherche mentionnées au II joignent à leur déclaration spéciale de crédit d’impôt recherche prévue à l’article 49 septies M une demande d’agrément. Elles y font descriptif la nature de leurs travaux de recherche en cours, l’état d’avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains, directs ou indirects, qui y sont consacrés et la localisation de ces moyens, et leurs perspectives de trois à cinq ans de maintien et de relocalisation des moyens de production en France et dans l’Union européenne. Les dépenses mentionnées au III ouvrent droit au crédit d’impôt à compter de la date de réception par le ministre chargé de de la Recherche d’agrément provisoire. Cet agrément, délivré après avis d’un comité d’experts, atteste que le recherche remplit les conditions prévues au I. Les modalités de désignation et fonctionnement du comité d’experts nommés par les ministres en charge de la recherche et de l’industrie et les conditions de délivrance de l’agrément provisoire sont fixées par décret. L’agrément ne peut être accordé lorsque l’ensemble des obligations légales, environnementales, fiscales et sociales ne sont pas respectées par l’entreprise souhaitant bénéficier du dispositif. »

Article 7

I. – Le titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 1 de l’article 145, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu’il est défini à l’article 216, est applicable aux seules filiales ayant leur siège dans un État de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. »

2° Le deuxième alinéa du a du 1 de l’article 220 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette déduction pour les filiales hors Union européenne telles que visées au 1 bis de l’article 145 ne peut excéder une déduction calculée sur la base d’un taux d’impôt sur les sociétés supérieur à 50 % de celui fixé à l’article 219 ».

II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

III. – Le I s’applique aux exercices ou périodes d’imposition ouverts à compter du 1er janvier 2023.

Article 8

I. – Au deuxième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts, après le mot : « cession » sont insérés les mots : « jusqu’à 1 000 000 euros, et 20 % au‑delà de 1 000 000 euros, »

II. – Le I du présent article s’applique au 1er janvier 2023.

Titre III

Lever le voile sur les paradis fiscaux dissimulés

Article 9

L’article 238‑0 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa du 1, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également considérés comme non coopératifs les États et territoires ne poursuivant pas effectivement les normes élémentaires de bonne gouvernance fiscale. Ne respecte pas ces normes élémentaires l’État ou le territoire qui n’a pas adopté des mesures juridiques, réglementaires et administratives relatives au respect des normes de transparence et d’échange d’informations internationalement reconnues, ou lorsqu’il applique une mesure fiscale dommageable dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Est notamment présumé ne pas respecter ces normes élémentaires l’État ou territoire présentant un taux d’imposition sur les bénéfices inférieur de 5 points par rapport au taux de droit commun en vigueur en France ».

2° Le a du 2 est abrogé.

Article 10

Le Gouvernement remet avant le 1er janvier 2023 un rapport au Parlement détaillant l’impact des conventions fiscales internationales conclues notamment avec l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, la Finlande, le Koweït, le Liban, Oman et le Qatar, ainsi que toute autre convention fiscale pertinente, sur les possibilités d’évitement de l’impôt. Ce rapport chiffre le manque à gagner pour les recettes publiques. Il évalue l’opportunité de réviser celles de ces conventions identifiées comme permettant l’évitement, légal ou illégal, de l’impôt.

Article 11

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.