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N° 5208

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2022.

PROPOSITION DE LOI

de programmation relative à la sécurisation, à l’égalité sociale, au rattrapage et au développement durable de Mayotte,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Mansour KAMARDINE, Christian JACOB, Damien ABAD, Éric CIOTTI, David LORION, Nicole SANQUER, Didier QUENTIN, Raphaël SCHELLENBERGER, Valérie BEAUVAIS, Fabien DI FILIPPO, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, Ian BOUCARD, JeanMarie SERMIER, Martine WONNER, JeanPierre DOOR, Constance LE GRIP, Jacques CATTIN, Émilie BONNIVARD, Xavier BRETON, Laurence TRASTOURISNART, Pierre VATIN, JeanLouis BRICOUT, Charles de la VERPILLIÈRE, Patrick HETZEL, JeanLouis THIÉRIOT,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Mayotte est française depuis 1841 ([1]), soit avant la Savoie et Nice ([2]). Attachés à la liberté collective et individuelle, les Mahorais, de façon continue et répétée, jamais démentie en près de deux cents ans, manifestent leur attachement à la France. Réclamant la départementalisation depuis 1958, ils confirment leur volonté de faire Nation avec le peuple français lors de la consultation d’autodétermination du 22 décembre 1974. Malgré la faiblesse des investissements réalisés par la Métropole à Mayotte ([3]) et l’absence d’accès aux dispositifs sociaux, cette volonté a été confirmée à quatre reprises lors des consultations populaires du 8 février 1976, du 11 avril 1976, du 2 juillet 2000, puis lors de la consultation pour la départementalisation du 29 mars 2009. C’est ainsi que Mayotte devient, le 31 mars 2011, une collectivité unique relevant de l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences d’un département et d’une région.

Département depuis 11 ans, Mayotte souffre d’une immigration clandestine hors norme qui conduit actuellement à ce que les Français de Mayotte ne représentent plus qu’un tiers d’une population estimée à plus de 400 000 habitants en population réelle ([4]). Cette tendance s’accélère avec la croissance démographique de 3,8 % portée par une natalité d’origine étrangère représentant 75 % des 10 560 naissances ([5]) répertoriées en 2021 et un taux de fécondité des femmes nées à l’Étranger deux fois supérieur à celui des femmes natives.

Le flux migratoire massif met à mal l’ensemble des politiques publiques et il induit le développement sur l’ensemble du territoire du département de dizaines de bidonvilles, aggravant ainsi la pression sur l’environnement et la biodiversité.

En outre, il engendre une insécurité et une violence barbare ([6]) au point que Mayotte a évolué d’un département parmi les plus sereins de France à la région au taux d’homicide par habitant le plus élevé d’Europe ([7]) et cela en quelques années seulement…

De plus, Mayotte déplore un retard d’équipement historique et supporte une lenteur indubitable de mise en œuvre des droits sociaux, comme le relèvent les multiples rapports des inspections générales de l’État, des corps de contrôle externe, des commissions et assemblées parlementaires nationales et européennes.

Pourtant, les Français de Mayotte et les collectivités locales aspirent à créer une croissance économique endogène, en dotant le territoire des équipements structurants indispensables au développement durable de l’emploi et du cadre de vie.

Enfin, ils souhaitent poser les bases d’un développement économique exogène, en insérant et en connectant Mayotte dans son environnement régional qui est riche de potentialités sur le pourtour de l’océan Indien.

Aussi, les acteurs mahorais souhaitent‑ils asseoir le développement local sur la création d’emplois et la conquête des marchés régionaux. Néanmoins, après soixante‑et‑un ans de bataille pour acquérir la pleine citoyenneté française, au sens de l’article premier de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui prescrit que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », ils attendent toujours que la Nation, à travers ses politiques publiques, concrétise l’égalité des droits sociaux et l’égalité des territoires.

Les acteurs mahorais souhaitent également prendre toute leur part au rayonnement économique et culturel de la France et de l’Europe, en faisant du 101ème département un pôle d’influence culturel, une base d’accès aux marchés en pleine expansion de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe.

Jouissant d’un environnement et d’une biodiversité exceptionnels, ils entendent participer au succès des objectifs du développement durable (ODD) des Nations‑Unies auxquels la France adhère et de l’accord de Paris sur le climat (COP21), en faisant de Mayotte un territoire zéro carbone, zéro déchet et zéro polluant agricole, tel que défini par le programme « trajectoire Outre‑mer 5.0 », présenté par le gouvernement le 8 avril 2019.

Faire vivre les valeurs de la République et en premier lieu sa devise, Liberté Égalité Fraternité, en assurant le rattrapage sur dix ans des infrastructures de base, en établissant l’égalité des droits sociaux 11 ans après la départementalisation, en garantissant la préservation de l’environnement de l’île et du lagon et, enfin, en donnant une chance à nos compatriotes de Mayotte de porter le rayonnement économique et culturel de la France dans le sud‑ouest de l’océan Indien, tel est l’objet de la présente proposition de loi de programme.

Il est urgent d’agir avec méthode et détermination, afin de préserver la paix civile et la cohésion sociale à Mayotte. La grave crise sociale du printemps 2018 a mis en lumière l’exaspération de la population devant l’inertie gouvernementale et l’absence de prise en compte des légitimes aspirations à l’égalité et à la sécurité. La crise sanitaire 2020‑2021 a démontré crûment l’atrophie du système social et sanitaire. Elle s’est traduite par le plus fort taux de surmortalité ([8]) de France en 2020, avec une augmentation des décès de 25 % par rapport à 2019.

C’est pourquoi l’adoption d’une loi de programme pour Mayotte a été avancée par l’ensemble des acteurs institutionnels, les corps intermédiaires et la société civile mahoraise comme outil de redressement et de développement des politiques publiques. Cette proposition a été formalisée dans la « plateforme revendicative » ([9]) adressée au Gouvernement lors des troubles sociaux de 2018. Une proposition de loi de programmation a ensuite été portée devant l’Assemblée nationale et examinée en séance publique le 20 juin 2019. Cette proposition de loi n° 1907 relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte a été rejetée par la majorité parlementaire ([10]) à la demande du Gouvernement.

Pourtant, ce type de véhicule législatif de programmation budgétaire a fait ses preuves concernant Mayotte. En effet, à travers la mise en œuvre de la loi de programme outre‑mer de 1986 ([11]), Mayotte est sortie du tiers‑monde, grâce notamment à la construction d’un aéroport, d’un port en eau profonde, de routes, de réseaux d’électrification et de distribution d’eau potable à l’ensemble des villages du territoire.

En outre, le plan d’action ([12]) présenté par le Gouvernement pour répondre à l’ébranlement social de 2018 et sa traduction budgétaire dans le contrat de convergence institué par l’article 9 de la loi « égalité réelle » de 2017 ([13]) consiste, pour l’essentiel, à afficher des crédits relevant d’obligations liées aux compétences de l’État ([14]). Il vise en particulier à insérer l’immigration (école, logement…). Aussi, sur les 1,6 milliard d’euros annoncés, les mesures nouvelles ne représentent qu’une centaine de millions d’euros, soit 6 % des sommes affichées.

De plus, la mise en œuvre des crédits, notamment en ce qui concerne les 477 millions d’euros dédiés à la construction des 857 classes manquantes pour la scolarisation des enfants, peine à se concrétiser. En effet, seulement 23 % de l’enveloppe « scolaire » est réellement mobilisée ([15]) à 9 mois du terme du contrat de convergence, alors que la planification financière des fonds relève de compétences étatiques. Ainsi, les capacités d’absorption budgétaire et financière des collectivités territoriales mahoraises ne peuvent être invoquées pour justifier le faible taux de réalisation des programmes d’investissement. De fait, des difficultés de gouvernance au niveau de l’État ([16]) apparaissent clairement à Mayotte après la mise en œuvre en 2007 de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) pour l’État central, puis de l’application de la Réforme de l’administration territoriale de l’État (REATE) pour ses organes déconcentrés à partir de 2010.

Enfin, le déni, depuis 2012, de la dangereuse dérive du territoire en matière d’immigration illégale et d’insécurité a empêché la mise en œuvre de politiques efficaces sur l’ensemble du spectre régalien. Ainsi, en termes de justice, de police, de maîtrise des frontières et des espaces maritimes, il est communément admis à Mayotte que l’État agit toujours trop peu, trop tard et sans anticipation. Les mesures annoncées dans ces domaines, en août 2021, vont dans le bon sens, mais elles ne sont pas suffisantes pour, ne serait‑ce, que stabiliser l’insécurité, les violences et l’immigration illégale.

Pour ce qui concerne les infrastructures, Mayotte nécessite un effort particulier pour combler le sous‑investissement historique qui aura caractérisé l’action publique au XXème siècle ([17]) et, plus récemment, lors de la préparation de la départementalisation. Le temps est venu d’offrir des conditions de mobilité décentes à nos compatriotes mahorais, ainsi que des outils de développement digne du XXIème siècle au 101ème département.

En effet, bien que les routes départementales aient été entièrement rénovées ces dernières années, les routes nationales relevant de la compétence de l’État, quant à elles, sont calibrées pour une circulation routière vieille de 30 ans, alors que le taux d’équipement automobile a été multiplié par trois. Ce dernier devrait encore progresser tendanciellement de 50 %, pour se rapprocher de la norme nationale, dans les dix ou quinze prochaines années. Ainsi, la grande zone urbaine Dembéni‑Mamoudzou‑Koungou est totalement saturée et nécessite la construction d’un contournement à 2 fois 2 voies. Quant aux voies routières nationales existantes, une modernisation globale est indispensable, notamment en ce qui concerne les routes nationales RN1, RN2 et RN3, ce qui appelle une planification budgétaire, mais également le renforcement des outils de pilotage et de programmation des services de l’État ([18]).

L’aéroport de Pamandzi, avec sa piste en milieu tropical de 1 934 mètres pour le décollage et 1 650 mètres pour l’atterrissage, présente des risques identifiés d’accident et des faiblesses en matière de sécurité aérienne ([19]) en vol. En outre, elle ne peut accueillir qu’un faible nombre de types d’aéronefs long‑courriers, octroyant un monopole de fait à une compagnie régionale, ce qui entraîne un coût élevé pour la population et des prix qui entravent le développement touristique de Mayotte. Le projet de construction d’une piste longue, largement avancée il y a 10 ans, a subi un coup d’arrêt en 2012 ([20]). Il n’a été relancé qu’à l’occasion de la visite du président de la République en octobre 2019 et prend depuis du retard sur le nouvel agenda de réalisation. Il convient donc, d’une part, d’en accélérer la construction et d’autre part, de s’assurer que la longueur de la future piste garantira une réelle ouverture du ciel mahorais à la concurrence.

Le port en eau profonde de Longoni a vu son trafic tripler en 10 ans. Des périodes de tension apparaissent régulièrement qui engendrent des surcoûts se répercutant sur l’ensemble de la chaîne de valeur, augmentant la cherté de la vie pour les consommateurs finals. La croissance prévisible de l’activité va, en outre, à moyen terme, conduire à l’embolie. Aussi, la construction d’un 3ème quai est nécessaire pour assurer l’approvisionnement de l’île, mais également pour inscrire Mayotte comme plateforme régionale logistique. À cet égard, d’importantes opportunités se présentent au 101ème département dans des secteurs industriels en voie de développement dans le canal de Mozambique, notamment dans le secteur énergétique ([21]). De plus, avec ses 15 mètres de tirant d’eau, le port est apte à accueillir des navires de très fort tonnage, ce qui lui confère une capacité à devenir, également, une plateforme régionale d’éclatement à destination de ports de la sous‑région.

Pour ce qui est relatif à l’enseignement supérieur, le centre universitaire de formation et de recherche sis à Dembéni (CUFR) est saturé, alors même que le nombre de lycéens obtenant leur baccalauréat progresse de façon exponentielle (55 % de la population de Mayotte a moins de 20 ans) comme nulle part ailleurs sur le territoire national, que les filières d’enseignement sont limitées en termes de matières dispensées et de niveau académique des diplômes délivrés. Aussi, il est indispensable de transformer le centre universitaire en université de plein exercice dotée d’un centre régional des œuvres universitaires et sociales (CROUS), comme c’est le cas aux Antilles, à La Réunion, en Guyane, en Polynésie française et en Nouvelle‑Calédonie. Cette évolution et ce développement sont d’autant plus requis que le taux de réussite dans l’enseignement supérieur des étudiants mahorais aux examens universitaires de 1ère année est 2,5 fois supérieur lorsque leurs études s’effectuent dans leur région d’origine que lorsqu’ils doivent les poursuivre loin de leur famille en Europe ([22]). Il s’agit, en la matière, d’une exigence d’égalité des chances. Mais encore, l’élévation du système universitaire à Mayotte permettrait de renforcer l’attractivité et l’influence scientifique et culturelle régionale de la France.

Dans le domaine des infrastructures numériques, essentielles au XXIème siècle en matières économique, commerciale, sociale et éducative, un saut qualitatif et quantitatif est incontournable pour que le territoire et ses habitants puissent vivre dans leur temps et se connecter au monde. À cet égard, Mayotte pourrait devenir un nœud régional, notamment en se positionnant comme un hub d’informatique en nuage (cloud computing). Cela implique d’une part le déploiement de réseaux « très haut débit » à l’ensemble des villages du département et d’autre part une augmentation importante et une sécurisation des capacités de transport de l’information via les câbles sous‑marins d’interconnexion.

Quant à l’agriculture, Mayotte dispose d’un important potentiel du fait de la fertilité des terres. Cela ouvre de réelles perspectives d’augmentation et de diversification de la production agricole, afin de stimuler l’économie endogène, d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans de nombreux secteurs et développer des filières d’exportation à forte valeur ajoutée, comme la vanille bourbon dont la production est relancée.

Il en est de même en ce qui concerne la croissance bleue. Avec son lagon, ses plages, son climat tropical ([23]), sa zone économique exclusive de 69 000 km², son port en eau profonde et son aéroport, Mayotte possède des atouts indéniables, en matière de tourisme et développement d’une filière de valorisation des ressources halieutiques, qu’il s’agisse de la pêche ou des industries de transformation. Aussi, un puissant cluster maritime pourrait se structurer à Mayotte autour de l’économie bleue.

Enfin, le développement depuis 2018 de la plus importante éruption volcanique sous‑marine jamais documentée ([24]) et du phénomène sismique connexe accroissent considérablement les risques naturels sur un territoire déjà fortement exposé aux aléas cycloniques, mais également d’éboulement, de glissement de terrain et d’inondation, alors que 30 % des habitations sont situées sur des zones à risques naturels ([25]) et que 40 % de l’habitat est en tôle. Ainsi, à ces risques s’ajoutent désormais les risques de tsunami avec des délais d’alerte réduits à quelques minutes, alors que la population se concentre majoritairement sur la bande littorale. En outre, l’activité sismo volcanique a accéléré brutalement l’érosion du trait de côte et la montée des eaux liée au changement climatique ([26]). Des risques de submersion marine à l’occasion de phénomènes naturels extrêmes sont désormais clairement identifiés par les organismes de recherches scientifiques ([27]) et les décideurs politiques ([28]). Ils doivent être pris en compte en matière de sécurité civile et de sécurisation des infrastructures collectives. Il en va de la sécurité des habitants de Mayotte et de la pérennité de l’ensemble des infrastructures et réseaux collectifs.

Pour ce qui concerne l’égalité sociale, les Français de Mayotte subissent une discrimination sociale indéniable. En effet, 11 ans après la départementalisation, nombre de dispositifs, de droits et de prestations sociales ne sont pas appliqués à Mayotte. C’est le cas notamment des conventions collectives et accords de branches. C’est également le cas de la retraite complémentaire obligation (AGIRC‑ARCOO et IRCANTEC), alors que celle‑ci est prévue depuis l’ordonnance n° 2002‑401du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte et confirmée par voie législative en 2011 puis en 2017 ([29]). Il en est de même pour la complémentaire santé solidaire (ex CMU‑C) ou encore de l’aide personnalisée au logement (APL).

Mais encore, en 2022, les prestations et les allocations sont quasiment toutes minorées de 50 % par rapport au droit commun appliqué en métropole et dans les autres départements d’outre‑mer. C’est le cas notamment du revenu de solidarité active (282 € contre 560 € de droit commun), de la prime d’activité (277 € contre 554 € en droit commun), de l’allocation aux adultes handicapés (458 € contre 903 € en droit commun), de l’allocation de solidarité pour personnes âgées (ASPA) minorée de moitié par rapport au droit commun, ainsi que la continuité des droits acquis dans un autre département lors d’un retour à Mayotte.

Quant aux pensions de retraites versées à Mayotte, leurs montants mensuels varient de 50 € à 800 € avec une moyenne de 276 €, soit une pension moyenne 5 fois moindre que la moyenne nationale ([30]) (1 400 € net) ! Ainsi, après une carrière professionnelle complète, les retraités sont plongés de facto dans la misère, avec des pensions moyennes équivalentes à un demi RSA de droit commun. Pourtant le 101ème département possède le taux de cotisants par rapport à la population retraitée le plus élevé de France, compte tenu de la très forte jeunesse de sa population. En effet, les 65 ans et plus ne représentent que 1,7 % de la population de Mayotte, contre 21 % en moyenne nationale. Cette situation entraîne un excédent ([31]) annuel de la branche vieillesse de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) supérieur à 50 millions d’euros qui est reversé aux structures nationales au nom des règles de solidarité !

Pourtant, Mayotte est de loin la région la plus pauvre de France ([32]). Le PIB par habitant est 4 fois moindre et le revenu disponible par habitant 3 fois moindre que la moyenne nationale. 77 % de la population officielle vit sous le seuil de pauvreté. Les dépenses de santé par habitant sont 3 fois inférieures et les dépenses par enfant scolarisé 2 fois inférieures aux normes nationales. Le taux de chômage est le plus haut de France et dépasse 30 % en 2022.

Au total, les transferts financiers de l’État vers le 101ème département sont d’environ 5 600 € par habitant par an, alors qu’ils sont d’environ 20 000 € par habitant en moyenne nationale. Les prestations de l’État et les dépenses de services publics par habitant à Mayotte ne représentent que 38 % de la moyenne nationale ([33]).

Ainsi, la population régionale française qui nécessite le plus d’accompagnement social et d’effort de la Nation pour réduire les inégalités est celle qui fait l’objet de la solidarité nationale la plus faible. Nous sommes face à une véritable péréquation financière inversée qui se traduit par une discrimination des habitants et du territoire. La colère gronde face à une ségrégation sociale qui est interprétée comme une volonté de mise à distance de Mayotte par la communauté nationale.

Nonobstant cette situation d’inégalité sociale et d’accès restreint aux services de base à la population, en particulier l’accès à l’eau, à la santé et l’éducation, l’agenda de l’égalité sociale prévu pour 2036, dans une quinzaine d’années, ne cesse de reculer. À cet égard, l’alignement du SMIC, si important sur la structuration de l’ensemble des salaires, a été annoncé en 2014 par le président de la République pour le 1er janvier 2015. Cet engagement est resté lettre morte à ce jour. Actuellement le SMIC horaire est de 7,98 € à Mayotte contre 10,57 € en droit commun. Ainsi, en France, au XXIème siècle, le travail d’un salarié rémunéré au minimum à Mayotte vaut 20 % moins que celui d’un salarié vivant partout ailleurs dans un département français !

Il en est de même concernant la rémunération et l’indemnisation des agents de l’État. En effet, l’indemnité de vie chère versée à Mayotte est inférieure à celle versée à La Réunion, alors que les conditions de vie sont moins favorables à Mayotte et que les prix à la consommation sont supérieurs. De plus, l’Indemnité de remboursement partiel des loyers (IRPL) n’est versée qu’à une partie des agents publics.

Quant à la pénurie d’eau potable, elle s’amplifie depuis la grave crise de l’eau de 2016‑2017 et touche désormais annuellement toutes les communes de Mayotte, à la fin de saison sèche et au début de saison pluvieuse, entraînant des coupures de distribution d’eau planifiées de plusieurs jours par semaine sur des périodes de 3 à 5 mois par an. Le « plan urgence eau Mayotte » ([34]) de 2017 est ainsi en échec, en raison d’une mise en œuvre défaillance de l’augmentation de la production d’eau de l’usine de dessalement de Petite‑Terre et de l’absence de construction de la 3ème retenue collinaire prévues au plan. En outre, contrairement aux autres départements d’outre‑mer, Mayotte ne dispose pas d’office de l’eau ([35]) pourtant si structurant pour favoriser une politique efficiente de la ressource en eau.

Cette situation d’inégalité sociale entretenue n’est plus soutenable. Les atermoiements et la procrastination des acteurs étatiques sont vécus par les collectivités, les corps intermédiaires et les citoyens comme une véritable défiance. La fixation d’un agenda resserré d’ouverture des droits sociaux et d’alignement des prestations, sollicité par tous à Mayotte, est inévitable.

Il en est de même à propos de l’accès à la santé, qu’il s’agisse de la prévention, des soins et de leur suivi. Située à 1 400 km de La Réunion qui est dotée de 13 établissements hospitaliers dont 1 centre hospitalier universitaire et à plus de 8 000 km de la Métropole, Mayotte n’est dotée que d’un unique centre hospitalier (CHM) qui porte, avec ses dispensaires rattachés, presque la totalité du système de santé du département ([36]). En effet, la médecine de ville, le réseau de pharmacies, d’infirmiers et de professionnels spécialisés comme les dentistes, les orthophonistes et les kinésithérapeutes, notamment, sont en nombre très insuffisant. À titre d’exemple, le nombre de médecins libéraux par habitant est 22 fois inférieur à la moyenne nationale. De nombreuses spécialités médicales et chirurgicales de base sont absentes du CHM. Les Français de Mayotte sont donc contraints de différer leur prise en charge médicale et souvent d’effectuer 8 000 km par avion, afin d’obtenir une simple consultation dans des spécialités aussi ordinaires que la cardiologique ou l’ophtalmologique. Pour les situations d’urgence médicale, cela conduit à effectuer plus de 1 000 évacuations sanitaires vers La Réunion par an, engendrant d’importants surcoûts ([37]). C’est pourquoi, la construction d’un second hôpital est impérative, tout comme l’élévation du système hospitalier en centre hospitalier régional universitaire (CHRU).

Pour ce qui concerne le cadre de vie et l’environnement, Mayotte est en danger. Située sur un des 34 « points chauds » de la biodiversité mondiale répertoriés par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) ([38]), le 101ème département subit une forte pression démographique, une érosion des sols et une déforestation rapide qui amplifient le ruissellement des eaux de pluie et le rejet des eaux usées vers le lagon, entraînant une lente mais certaine eutrophisation et un envasement. Pourtant, avec ses 1 100 km² de superficie, ses 195 km² de récifs coralliens, sa double barrière de corail, ses 250 espèces de coraux, ses 2 300 espèces marines dont 760 espèces de poissons et 20 espèces de mammifères marins, le quart de la biodiversité récifale mondiale est présent à Mayotte ([39]). Ainsi, la protection de la biodiversité à Mayotte est une problématique qui dépasse largement les enjeux régionaux et nationaux. Il s’agit une exigence éthique à l’égard de la communauté humaine. C’est pourquoi il est nécessaire d’amplifier les efforts de préservation de l’environnement au‑delà de la gestion de la réserve naturelle des forêts de Mayotte (2 800 hectares soit 7,5 % du territoire terrestre et 51 % des forêts publiques de Mayotte) et de la surveillance du parc naturel marin de Mayotte qui couvre 69 000 km² de la zone économique exclusive.

Pour ce qui a trait à la transition énergétique nécessaire à la réduction de l’empreinte de l’activité humaine qui affecte le climat, Mayotte, comme toutes les régions ultramarines françaises, est inscrite dans la cible nationale 0 carbone pour 2030. Actuellement, 95 % de la production énergétique locale est issue de l’utilisation d’hydrocarbures. Or, la politique de réduction des émissions polluantes, si elle est mise en œuvre à 100 % et dans les délais, ne permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre que d’à peine 20 %. Ainsi, la cible 0 carbone à l’horizon 2030 est, de fait, une cible à 80 % carbone ! C’est pourquoi la politique de lutte contre le changement climatique au niveau régional mérite d’être profondément revue, pour espérer rapprocher Mayotte des objectifs nationaux en la matière.

S’agissant de la démocratie locale, celle‑ci souffre d’un sous‑développement notable de l’État de droit et de l’institution judiciaire qui autorise des pratiques administratives, politiques et électorales d’un autre âge. À cet égard, des rapports de la Cour des comptes ([40]) sont édifiants et les statistiques concernant la délinquance financière instructives ([41]). C’est pourquoi un plan quinquennal de renforcement de l’institution judiciaire est nécessaire pour améliorer le fonctionnement de la démocratie locale et finalement de la démocratie en général.

De plus, Mayotte est une collectivité unique exerçant les compétences d’un département et d’une région. Cependant, le mode de désignation des élus de la collectivité unique reprend celui d’un scrutin départemental par canton ([42]). Ainsi, les enjeux régionaux d’aménagement du territoire et de projet de territoire sont minimisés dans le débat public, en particulier lors des périodes électorales, ce qui, en outre, crée une fragilité intrinsèque de l’exécutif local face à l’État lors des négociations des grands projets. C’est pourquoi il serait pertinent de rapprocher le mode de scrutin du scrutin régional métropolitain, c’est‑à‑dire du scrutin de liste proportionnel à deux tours avec prime majoritaire et section électorale unique couvrant l’ensemble du territoire.

Mais encore, les dispositions du code général des collectivités territoriales qui régissent le Département de Mayotte sont plus rigides que celles applicables dans des collectivités uniques d’outre‑mer comparables, comme la Guyane et la Martinique, ce qui ne permet pas de bénéficier pleinement de la souplesse d’utilisation des crédits, des capacités de négociation des emprunts et de l’accroissement de la transparence budgétaire, si utile au débat pour les élus mais également pour les citoyens. Il convient donc de rapprocher les normes applicables à Mayotte de celles des autres collectivités uniques, selon la nomenclature budgétaire et comptable « universelle » ([43]).

Enfin, comme région ultrapériphérique de l’Union européenne (RUP), Mayotte a accès aux fonds structurels européens. Mais, contrairement à toutes les autres régions françaises, l’autorité de gestion n’a pas été transférée à la collectivité locale. Ainsi, l’État conserve la maîtrise de l’administration des fonds malgré une gestion défaillante ([44]) de l’enveloppe 2014‑2020. En outre, l’Union européenne a déterminé le montant des fonds pour Mayotte dans l’enveloppe globale dédiée aux RUP françaises, sur la période 2021‑2027, à 825 millions d’euros. Or, la répartition de l’enveloppe des fonds dédiés aux RUP françaises a abouti à n’affecter que 479 millions d’euros à Mayotte, privant ainsi la région française qui a le plus besoin des fonds de la moitié de ceux‑ci ! Aussi, malgré ses besoins d’investissement criants comme nulle part au sein des RUP, une péréquation inversée a été appliquée à la plus sous‑développée des régions françaises. Il doit être mis un terme à cette situation de contrôle sur les financements européens alloués à Mayotte, d’autant plus que le taux de mise en paiement des fonds européens par l’État gestionnaire s’est révélé faible ([45]). La démocratie locale et l’organisation décentralisée de la République, inscrite à l’article premier de la Constitution, s’épanouiront d’autant plus que les collectivités locales s’administreront librement.

Pour faire de Mayotte un département à part entière et non un département entièrement à part, l’adoption d’une simple loi modifiant des dispositions dans des secteurs épars de l’action collective n’est pas suffisante. Elle présenterait, de surcroît, le risque d’être soumise aux aléas budgétaires nationaux.

C’est pourquoi l’adoption d’une loi de programme est indispensable et impérative. Elle l’est pour donner de la profondeur et de la stabilité en termes programmatique et budgétaire. Au final, elle est nécessaire pour rendre efficace les politiques publiques, pour atteindre l’égalité réelle des outre‑mer fixée dans nos lois depuis dix ans, pour libérer le dynamisme et l’énergie de la jeunesse mahoraise, pour faire vivre l’égalité des citoyens français, pour élargir et renforcer l’influence de la France et de l’Europe dans l’espace indopacifique, en particulier en Afrique australe et orientale.

Afin d’appréhender la situation générale de Mayotte, y répondre de façon globale, la présente proposition de loi de programme est élaborée pour créer des synergies entre les problématiques régaliennes (sécurité, immigration, justice), les problématiques d’aménagement du territoire et de développement économique (infrastructures collectives), les problématiques sociales (égalité sociale, santé, éducation, eau) et les problématiques démocratiques (décentralisation, conditions du débat public). L’objectif est de créer un cercle vertueux où chaque pilier de l’action publique renforce les autres, condition incontournable de l’efficacité et donc de l’atteinte de l’égalité réelle. Pour ce faire, la proposition de loi de programme est articulée en 10 titres contenant 44 articles.

Titre I – Articles 1er à 3

Objectifs, programmation financière et suivi

Pour l’atteinte des objectifs cités précédemment, la présente proposition de loi de programme prévoit un effort exceptionnel de rattrapage des équipements de sécurité et de souveraineté, des infrastructures de transport, d’interconnexion, de santé, d’enseignement supérieur, sportifs et culturels, des réseaux collectifs d’accès à l’eau et à l’électricité, ainsi que des dispositifs d’appui au développement économique et social durable, permettant la préservation de la biodiversité et d’atteindre les cibles nationales de la transition énergétique.

Cet effort de mise à niveau du territoire de Mayotte sur les normes nationales d’équipement est de 280 millions d’euros par an en moyenne, sur une période de dix ans, financé par le budget de l’État sur la base de la réintroduction à un taux réduit de la taxe sur les transactions financières infra‑journalières adoptée dans le projet de loi de finances pour 2017. En concertation avec les collectivités mahoraises, les fonds européens pourraient être mobilisés, ce qui réduirait l’apport de l’État à 140 millions d’euros par an.

Les transferts vers Mayotte représenteraient ainsi une augmentation d’à peine 20 % des transferts publics globaux vers le 101ème département, tels qu’ils sont retracés dans le document de politique transversale (DCP), annexé à la loi de finances pour 2022 (PLF 2022).

En outre, il est structuré autour des priorités stratégiques identifiées par les acteurs locaux, ce qui en fait, pour la première fois de l’histoire des relations entre l’État et la collectivité de Mayotte, un programme véritablement définit par une démarche de co‑construction.

Enfin, son impact sur le territoire et ses habitants a pour but d’enclencher un cercle vertueux en faveur du développement économique et social durable, alors que le programme en cours 2019‑2022 vise, pour beaucoup, à compenser les conséquences d’un défaut d’efficacité de la politique de maîtrise des frontières et de lutte contre une immigration illégale de l’Union des Comores vers la France.

Aussi l’article 1er détermine les objectifs globaux de la loi de programme.

L’article 2 fixe la programmation et l’agenda d’exécution du plan de développement des infrastructures et de mise en œuvre des opérations de développement durable et de transition énergétique.

L’article 3 assure le suivi de mise en œuvre du projet.

Titre II – Articles 4 à 13

Dispositions relatives à la maîtrise des frontières et à la sécurité publique

Face à la submersion migratoire, à l’insécurité et au développement d’un habitat illégal connexes que subit Mayotte, il est urgent de prendre les mesures permettant d’élever la capacité de maîtriser les flux migratoires et de combattre l’insécurité.

Pour ce faire, il est proposé notamment de :

– Supprimer le titre de séjour spécifique à Mayotte (article 4) ;

– Délivrer les titres de séjours pour les primo‑demandeurs uniquement dans les consulats français des pays d’origine (article 4) ;

– Enregistrer et instruire les demandes d’asile dans les pays de transit (article 4) ;

– Limiter la régularisation des clandestins (article 4) ;

– Supprimer le droit du sol à Mayotte (article 5) ;

– Renforcer l’information du public sur le cadre juridique d’acquisition et de non‑acquisition de la nationalité française (article 6) ;

– Limiter le regroupement familial à la famille nucléaire et sous réserve d’une présence durable sur le territoire (article 7) ;

– Faciliter les procédures d’éloignement des délinquants étrangers (article 8) ;

– Renforcer les sanctions pour l’entrée, le maintien, l’appui de l’immigration clandestine (article 9) ;

– Consolider les sanctions pour l’emploi illégal de clandestins (article 10) ;

– Fortifier la lutte contre les reconnaissances frauduleuses et la fraude documentaire (article 11) ;

– Accroître le délai de procédure permettant la démolition de l’habitat informel (article 12) ;

– Élargir de 12 milles marins la zone de police des frontières (article 13).

Titre III – Articles 14 et 15

Dispositions relatives aux infrastructures

Le titre III élargie la durée du contrat de convergence à 10 ans pour Mayotte, afin de le mettre en phase avec la présente proposition de loi à l’article 14 et il fixe la liste des principales infrastructures de sécurité, de justice, de souveraineté, de transport, d’interconnexion, de développement économique, d’enseignement supérieur, de santé, d’accès à l’eau concernées par la proposition de loi de programme à l’article 15.

Titre IV – Articles 16 à 21

Dispositions relatives à l’égalité sociale

Ce titre fixe l’atteinte de l’égalité sociale réelle, selon un agenda resserré, sur 5 ans à l’article 16.

Il détermine les modalités de concertation avec les acteurs locaux et de mise en œuvre législative et budgétaire à l’article 17.

Il aligne à l’article 18 les prestations et les allocations sociales applicables à Mayotte sur le droit commun et ouvre les droits sociaux non encore applicables, dès le 1er janvier suivant l’adoption de la présente proposition de loi de programme, pour :

– Le salaire minimum de croissance ;

– La complémentaire santé solidaire ;

– Le minimum retraite contributif ;

– L’allocation de solidarité pour personnes âgées ;

– Le revenu de solidarité active ;

– La prime d’activité ;

– L’allocation adulte handicapé ;

– La retraite complémentaire.

Il harmonise les dispositifs d’indemnisation des agents de l’État à Mayotte et aligne les majorations indiciaires sur celle appliquées à La Réunion.

Il prescrit la rédaction par le Gouvernement d’un rapport sur la pertinence à légiférer par ordonnances dans le cadre d’une forte co‑construction législative et réglementaire institutionnalisée entre l’État et les acteurs locaux à l’article 19.

L’article 20 élargit à Mayotte la possibilité pour l’agence régionale de santé de Mayotte de recruter des médecins, pharmaciens, chirurgiens‑dentistes et sages‑femmes ayant obtenu leur diplôme hors Union européenne, selon le modèle mis en œuvre dans les départements français d’Amérique et à travers une commission territoriale d’autorisation d’exercice spécifique à Mayotte.

L’article 21 prévoit l’inclusion de l’agenda de l’égalité sociale réelle, dans les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale.

Titre V – Articles 22 et 28

Dispositions relatives aux collectivités, aux dotations, aux constructions scolaires, à la mobilité des étudiants et à la gestion des fonds européens

L’article 22 tend à relever les dotations des collectivités sur la base de la population réelle estimée de plus de 400 000 habitants, notamment en expertisant et réévaluant le recensement général de la population de 2017. Celui‑ci a sous‑évalué la population à 256 000 habitants du fait des difficultés à recueillir les données dans les multiples zones d’habitat illégal.

Il rend également applicable à Mayotte le livre VI de la 1ère partie du code général des collectivités territoriales.

L’article 23 permet le versement direct aux budgets des communes des fonds dédiés aux constructions scolaires prévus dans le plan de convergence signé en 2019, afin d’accélérer la construction et la rénovation des écoles. En effet, le dispositif mis en œuvre par l’État, en la matière, n’a permis la réalisation que de 23 % des objectifs, en raison d’une programmation financière confiée à un service déconcentré de l’État, notablement sous‑doté en personnel et donc en expertise.

Il autorise également l’accès à l’agence de l’outre‑mer pour la mobilité et à ses dispositifs d’aide pour les élèves mahorais relevant de l’enseignement technique.

L’article 24 donne au conseil départemental de Mayotte accès au fonds national de péréquation des régions, dès promulgation de la loi.

L’article 25 tend à garantir aux collectivités mahoraises l’accès aux dotations de droit commun des départements et des régions.

L’article 26 institue un fonds temporaire de dotations spéciales pour les collectivités mahoraises afin de rattraper les dotations sous‑évaluées versées ces dernières années.

L’article 27 établit le transfert de l’autorité de gestion des fonds européens au conseil départemental le 1er janvier suivant l’adoption de la présente proposition de loi.

L’article 28 confie à la collectivité de Mayotte les compétences élargies en matière de coopération régionale selon le modèle de celles des collectivités de Guyane et de Martinique.

Titre VI – Articles 29 à 32

Dispositions relatives à la préservation de l’environnement, à la régularisation foncière et à l’inscription du territoire dans une trajectoire bas carbone

L’article 29 institue une double compensation environnementale à Mayotte. Sa règle est la création ou la réhabilitation d’espaces naturels terrestres, marins et de marais maritimes (mangroves) d’une superficie double de celle des atteintes à l’environnement nécessaires aux aménagements collectifs et aux projets économiques d’intérêt collectif. Ainsi chaque hectare pris à la nature engendrera‑t‑il 2 hectares rendus à la nature, à l’environnement et à la biodiversité.

Afin de mettre un terme à la crise de l’eau devenue récurrente depuis 2017 à Mayotte, de garantir un accès à l’eau potable à l’ensemble de la population sur l’ensemble du territoire départemental et de généraliser l’assainissement des eaux usées et des eaux de pluie qui portent gravement atteinte à l’environnement, notamment au lagon de Mayotte, l’article 30 détaille les infrastructures à intégrer aux contrats de convergence prévus par la loi sur l’égalité réelle outre‑mer du 27 février 2017. Il s’agit de la 3ème retenue d’eau collinaire, de 4 ou 5 stations de dessalement réparties sur le territoire départemental, de la collecte et du traitement des eaux de pluie, de la généralisation de l’assainissement, de la collecte, de la gestion et de la valorisation des déchets.

L’article 31 détermine l’intégration financière aux contrats de convergence prévus par la loi sur l’égalité réelle outre‑mer du 27 février 2017 des outils permettant de garantir l’atteinte des cibles nationales en matière de transition énergétique. Il s’agit notamment de développer la production d’énergie solaire photovoltaïque, les capacités de stockage et d’interconnexion électrique, la production de gaz par méthanisation. Il s’agit également d’appuyer la préservation des espaces naturels, agricoles et la suppression des polluants et substances chimiques.

L’article 32 modifie l’emprise de la zone des pas géométriques et les modalités de déclassement du domaine maritime de l’État. Il confie à la commission d’urgence foncière (CUF) de Mayotte l’instruction et l’examen des demandes de déclassement des parcelles construites avant 2007.

Titre VII - Articles 33 à 39

Dispositions relatives aux facilitations du développement accéléré de Mayotte

L’article 33 aligne la gouvernance de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte sur le droit commun en confiant la présidence du conseil d’administration de l’établissement à un élu de Mayotte, comme c’est le cas de tous les départements d’outre‑mer.

L’article 34 crée un établissement public de l’État pour faciliter l’exécution des grands travaux relevant des compétences de l’État à Mayotte.

L’article 35 établit une exception, pour une durée de 5 ans, au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique qui permet d’accélérer la réalisation des grandes infrastructures ou leur modernisation à Mayotte, notamment la piste longue de l’aéroport de Pamandzi, le port en eau profonde de Longoni, le contournement routier de Mamoudzou, les routes nationales et la construction d’une Université de plein exercice.

L’article 36 prescrit une exception, à titre expérimental et pour une durée de 3 ans, au code de l’environnement qui permet de substituer aux enquêtes publiques la procédure simplifiée de participation du public mentionnée à l’article L.123‑19 du même code lorsque cela est nécessaire et dans le périmètre de l’opération d’intérêt nationale (OIN) annoncée par le gouvernement en 2018.

L’article 37 classe les sites d’extraction de matériaux nécessaires au développement des grandes infrastructures à Mayotte en tant que gisement d’intérêt régional.

L’article 38 demande au Gouvernement la rédaction d’un rapport sur la pertinence de légiférer par ordonnances pour la mise en œuvre du présent titre.

L’article 39 permet d’élever le statut du port de Longoni en grand port maritime avec des règles adaptées pour en faire un port d’éclatement régional et développer son activité internationale.

L’article 40 favorise la co‑construction entre l’État et les acteurs locaux des mesures législatives et réglementaires nécessaires à la mise en œuvre du présent titre.

TITRE VIII – Articles 41et 42

Dispositions relatives au mode de scrutin des élections au Conseil Départemental

L’article 41 institue pour les élections à l’assemblée départementale un scrutin de liste proportionnel avec prime majoritaire à deux tours, sans section.

L’article 42 prévoit la consultation de la population de Mayotte par référendum local, tel que prévu à l’alinéa 3 de l’article 72‑1 de la Constitution, sur la modification du mode de scrutin institué par l’article 41 de la présente proposition de loi de programme.

TITRE IX – Article 43

Gage financier

L’article 43 définit les modalités de compensation financière de la présente proposition de loi de programme, notamment à travers l’élargissement de la base de la taxe sur les transactions financières infra‑journalières. Néanmoins, la moitié des montants nécessaires à la construction et à la mise à niveau de l’ensemble des infrastructures et des équipements de Mayotte pour faire vivre l’égalité des territoires pourrait être mobilisée au sein des fonds européens dédiés au 101ème département sur la période 2022‑2032.

TITRE X – Article 44

Dispositions diverses

L’article 44 énonce que les modalités d’application de la présente proposition de loi de programme sont précisées par un décret en Conseil d’État.


proposition de loi

TITRE Ier

Dispositions générales

Article 1er

L’effort de la Nation en faveur du département de Mayotte tend à sécuriser le territoire de Mayotte, à parvenir à l’égalité sociale pleine et entière d’ici 2026, à mettre à niveau les infrastructures de sécurité, de défense, de transport, de mobilité et d’interconnexion, à garantir la libre administration des collectivités territoriales, à inscrire ce territoire dans une trajectoire bas carbone et de préservation de l’environnement, à renforcer son développement économique endogène et sa position de pôle économique et culturel français et européen dans son environnement régional, à un horizon de 1, 3, 6 ou 10 ans selon les opérations.

Article 2

Sont approuvés les objectifs et les moyens d’un programme de développement des infrastructures, de préservation du cadre environnemental, de déploiement d’équipements sportifs et culturels, de redressement des dotations aux collectivités pour la période 2022 à 2032, tel que définis par la présente loi.

L’exécution de ces objectifs et moyens entraîne l’inscription de crédits supplémentaires pour le budget de l’État par rapport à ceux figurant dans la loi de finances initiale pour 2022. Ces crédits évolueront sur la période 2022‑2032 conformément au tableau suivant :

  

 (En millions d’euros constants)

 

Programme 20222024

Programme 20252028

Programme 20292032

Total

 

2022 à 2024

2025 à 2028

2029 à 2032

 

AP

CP

AP

CP

AP

CP

AP

CP

Opérations spécifiques de mise à niveau des infrastructures 

 

 

 

 

 

 

1490 

1490 

Portuaire civil

40

20

40

60

20

20

100

100

Aéroportuaire

250

150

100

200

0

0

350

350

Routes nationales

50

30

30

50

20

20

100

100

Contournement de Mamoudzou

50

30

200

80

100

240

350

350

Haut débit numérique

20

15

5

10

5

5

30

30

Universitaire

25

20

15

15

10

10

50

50

CHRU

100

70

150

130

100

50

350

350

Infrastructures de sécurité et de justice

40

20

20

40

 

 

60

60

Infrastructure de défense maritime

40

20

40

80

20

20

100

100

Opérations spécifiques de préservation du cadre environnemental terrestre et maritime 

 

 

 

 

 

 

800

800

Troisième retenue collinaire d’eau et interconnexion

20

10

10

20

 

 

30

30

Unité de dessalement

20

10

10

20

 

 

30

30

Connexion à l’assainissement collectif

50

30

50

70

50

50

150

150

Assainissement hors zone collective

20

10

20

30

10

10

50

50

Collecte et traitement des eaux de pluie

100

50

100

150

100

100

300

300

Gestion responsable des déchets

20

20

20

20

10

10

50

50

Préservation des espaces naturels et agricoles

30

20

30

40

30

30

90

90

Mise en œuvre de la double compensation environnementale 

40

20

40

60

20

20

100

100

Opérations spécifiques d’équipements sociaux

 

 

 

 

 

 

120

120

Équipements sportifs

50

40

10

20

 

 

60

60

Équipements culturels

20

20

20

20

20

20

60

60

Opérations spécifiques de redressement des dotations locales 

 

 

 

 

 

 

150

150

Dotations temporaires de rattrapage des dotations aux collectivités 

50

50

50

50

50

50

150

150

Opérations spécifiques d’intégration de la consommation énergétique à la trajectoire bas carbone 

 

 

 

 

 

 

240

240

Production solaire

40

30

40

50

40

40

120

120

Production par méthanisation

10

5

5

10

 

 

15

15

Stockage énergétique

20

10

20

30

20

20

60

60

Distribution électrique

15

10

15

20

15

15

45

45

 

1120

710

1040

1275

640

730

2800

2800

 

Indépendamment des crédits du budget de l’État prévus au tableau ci‑dessus, les régimes de sécurité sociale assurent, pour ce qui les concerne, la réalisation de l’égalité sociale pleine et entière dans le respect de l’agenda fixé au titre IV de la présente loi.

Article 3

Le Gouvernement rédige chaque année un rapport d’exécution de la présente loi qui est annexé au projet de loi de finances du budget de l’État et au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce rapport est communiqué au conseil économique social et environnemental de Mayotte, au conseil départemental de Mayotte, aux communes de Mayotte ainsi qu’à leurs établissements et syndicats de coopération intercommunale.

Titre II

Dispositions relatives à la maîtrise des frontières et à la sécurité

Article 4

I. – Le sixième alinéa de l’article L. 441‑7 et l’article L. 441‑8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont abrogés.

II. – Les titres de séjours des primo‑demandeurs non ressortissants de l’Union européenne sont délivrés dans les postes consulaires français des pays d’origine des demandeurs.

III. – L’enregistrement et l’instruction des demandes d’asile à Mayotte sont effectués dans les postes consulaires français des pays de transit des demandeurs d’asile à destination de Mayotte.

IV. – Après le 2° de l’article L. 441‑7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sont insérés un 2° bis et un 2° ter ainsi rédigés :

« 2° bis À l’article L. 423‑7, le nombre : « deux » est remplacé par le nombre : « sept » ;

« 2° ter À l’article L. 423‑8, après la deuxième occurrence du mot : « civil, » sont insérés les mots : « depuis la naissance de celui‑ci ou depuis au moins sept ans » ; »

Article 5

À la fin des articles 21‑7, 21‑11, 21‑12 et 21‑13 du code civil est ajouté l’alinéa suivant :

« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas au territoire de Mayotte ».

Article 6

Après l’article 21‑7 du code civil, il est inséré un article 27‑1 bis ainsi rédigé :

« Art. L. 217 bis – À Mayotte, les services de maternité des établissements de santé, sont tenus d’informer spécifiquement le public des dispositions dérogatoires en matière de nationalité figurant, respectivement, aux articles 33‑3 à 33‑5 et 2492 à 2495 du présent code. »

Article 7

Le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un titre V ainsi rédigé :

« Titre V

« Dispositions applicables à Mayotte

« Chapitre unique

« Art. L. 4511. - L’étranger qui séjourne régulièrement à Mayotte depuis au moins trois ans, sous couvert d’un des titres d’une durée de validité d’au moins cinq ans prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial :

« 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins dix‑huit ans ;

« 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix‑huit ans. »

Article 8

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

I. – Après l’article L. 651‑7, il est inséré un article L. 651‑7 bis ainsi rédigé :

« Art. L. 6517 bis. – Les articles L. 631‑2 et L. 631‑3 ne sont pas applicables à Mayotte. »

II. – Après le chapitre IV du titre IV du livre VII, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Dispositions propres à Mayotte

« Art. L. 5571. – Pour l’application du présent titre à Mayotte :

« 1° Au deuxième alinéa de l’article L. 742‑4, les mots : « d’une particulière gravité » sont supprimés » ;

« 2° À l’article L. 743‑22, toutes les occurrences du mot : « grave » sont supprimées. »

III. – Après le chapitre III du titre III du livre III, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Dispositions propres à Mayotte

« Art. L. 334 – À Mayotte, lorsque l’équipage d’un navire se livrant à des activités de pêche illicite est contraint par l’autorité administrative de se rendre à terre, ses membres peuvent être éloignés d’office, avec leur accord et aux frais de l’État, à destination des Comores et de Madagascar, s’ils ont la nationalité de l’un de ces États.

« L’autorité administrative prend toutes mesures à cette fin dans un délai qui ne peut excéder quarante‑huit heures. »

IV. – L’article L. 632‑1 du code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« II – Le 2° n’est pas applicable à Mayotte. »

Article 9

I. – L’article L. 831‑2 du code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;

2° Au 2°, les mots : « , à Mayotte, » sont supprimés ;

3° À la fin, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Est puni d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 7 500 € l’étranger qui n’est pas ressortissant d’un État membre de l’Union européenne et a pénétré à Mayotte sans se conformer à l’article L. 311‑1 du présent code.

« La juridiction peut, en outre, interdire à l’étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder six ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement. » ;

II. – La section 5 du titre III du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. 83111 – Pour l’application du présent livre à Mayotte :

« 1° Au premier alinéa de l’article L. 823‑1, les mots : « cinq » et « 30 000 » sont remplacés respectivement par : « dix » et « 50 000 » ;

« 2° Au premier alinéa de l’article L. 823‑2, les mots : « cinq » et « 30 000 » sont remplacés respectivement par : « dix » et « 50 000 » ;

« 3° Au 1° de l’article L. 823‑4, le nombre : « cinq » est remplacé par le nombre : « dix » ;

« 4° L’article L. 823‑6 est ainsi rédigé :

« Les étrangers condamnés en application des articles L. 823‑1, L.823‑2 ou L. 823‑3 encourent l’interdiction du territoire à titre définitif. » ;

« 5° Au premier alinéa de l’article L. 823‑11, les mots : « cinq » et « 15 000 » sont remplacés respectivement par : « dix » et « 30 000 » ;

« 6° Au 1° de l’article L. 823‑13, le nombre : « cinq » est remplacé par le nombre : « dix » ;

« 7° L’article L. 823‑15 est ainsi rédigé :

« Les étrangers condamnés en application des articles L. 823‑11 et L. 823‑12 encourent l’interdiction du territoire à titre définitif. » ;

« 8° La fin du second alinéa de l’article L. 824‑1 après le mot : « complémentaire » est ainsi rédigée : « d’interdiction du territoire français à titre définitif » ;

« 9° Au premier alinéa de l’article L. 824‑3, les mots : « d’un » et « 3 750 » sont remplacés respectivement par : « de deux » et « 7 500 » ;

« 10° À l’article L. 824‑4, le nombre : « trois » est remplacé par le nombre : « cinq » ;

« 11° Aux articles L. 824‑5, L. 824‑6 et L. 824‑7, les mots : « d’un » sont remplacés par les mots : « de deux » ;

« 12° Au premier alinéa des articles L. 824‑8, L 824‑9, L. 824‑10 et L. 824‑11, le nombre « trois » est remplacé par le nombre « cinq » ;

« 12° bis La fin du second alinéa des articles L. 824‑8, L 824‑9, L. 824‑10 et L. 824‑11 après le mot : « complémentaire » est ainsi rédigée : « d’interdiction du territoire français à titre définitif ».

Article 10

Après l’article L. 8323‑1‑25, il est inséré un article L. 8323‑1‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 832313. – Pour l’application à Mayotte de l’article L. 8253‑1, les coefficients : « 5 000 », « 2 000 » et « 15 000 » sont respectivement remplacés par les coefficients : « 6 000 », « 3 000 » et « 17 000 ».

Article 11

I. – Après le premier alinéa de l’article L. 811‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation aux dispositions du chapitre Ier du titre III du livre II du code des relations entre le public et l’administration, lorsque, en cas de doute sur l’authenticité ou l’exactitude d’un acte de l’état civil étranger, l’autorité administrative, saisie d’une demande d’établissement ou de délivrance d’un acte ou de titre, procède ou fait procéder, en application de l’article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l’autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet.

« Dans le délai prévu à l’article L. 231‑4 du code des relations entre le public et l’administration, l’autorité administrative informe par tout moyen l’intéressé de l’engagement de ces vérifications.

« En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par l’autorité administrative que par l’intéressé. »

II. – L’article 47 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II. – À Mayotte, en cas de doute, l’administration, saisie d’une demande d’établissement, de transcription ou de délivrance d’un acte ou d’un titre, peut surseoir à la demande. Elle informe alors l’intéressé qu’il peut, dans un délai de deux mois, saisir le procureur de la République compétent pour qu’il soit procédé à la vérification de l’authenticité de l’acte ou du titre.

« S’il estime sans fondement la demande de vérification qui lui est faite, le procureur de la République en avise l’intéressé et l’administration dans le délai d’un mois.

« S’il partage les doutes de l’administration, le procureur de la République fait procéder, dans un délai qui ne peut excéder six mois, renouvelable une fois pour les nécessités de l’enquête, à toutes investigations utiles, notamment en saisissant les autorités consulaires compétentes. Il informe l’intéressé et l’administration du résultat de l’enquête dans les meilleurs délais.

« Au vu des résultats des investigations menées, le procureur de la République peut saisir le tribunal de grande instance pour qu’il statue sur la validité de l’acte après avoir, le cas échéant, ordonné toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II et, en particulier, le procureur de la République et la juridiction compétents. »

Article 12

Au II de l’article 11‑1 de la loi n° 2011‑725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre‑mer, les mots : « est en cours d’édification » sont remplacés par les mots : « a été construit depuis moins de quatre‑vingt‑seize heures ».

Article 13

Après l’article L. 214‑4 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 214‑5 ainsi rédigé :

« Art. L. 2145. – Dans la zone contiguë telle que définie par le second alinéa de l’article 10 de l’ordonnance n° 2016‑1687 du 8 décembre 2016, les personnels de la police nationale ou les militaires de la gendarmerie nationale peuvent exercer les contrôles nécessaires en vue de prévenir et réprimer la commission d’infractions aux lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou d’immigration sur le territoire terrestre, dans les eaux intérieures ou dans la mer territoriale. »

TITRE III

Dispositions relatives aux infrastructures

Article 14

Au premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, après le mot : « ans, », sont insérés les mots « sauf à Mayotte où la durée peut être portée à dix ans, ».

Article 15

Le contrat de convergence pour Mayotte mentionné à l’article 9 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique intègre les financements de l’État pour la construction ou la modernisation des infrastructures suivantes :

1° piste longue convergente à l’aéroport de Pamandzi ;

2° troisième quai de débarquement au port de Longoni ;

3° transformation du port de Longoni en port d’éclatement régional ;

4° routes nationales ;

5° contournement et déserte routière de l’agglomération de Mamoudzou ;

6° réseau haut débit numérique ;

7° retenue d’eau collinaire d’Ourovéni ;

8° unités de dessalement reparties sur le territoire ;

9° université de plein exercice ;

10° second hôpital et infrastructures d’élévation du système hospitalier en centre hospitalier régional universitaire ;

11° commissariat de police en Petite‑Terre, à Dembéni et à Koungou ;

12° palais de Justice, second centre de détention et centre pénitentiaire pour mineurs ;

13° base navale de la Marine nationale en eau profonde.

Le montant des financements de l’État pour la réalisation des infrastructures déclinées au présent article est établi au tableau et selon la programmation inscrite à l’article 2 de la présente loi.

TITRE IV

Dispositions relatives au droit à l’égalité sociale

Article 16

I. – L’égalité sociale, selon les règles en vigueur en France métropolitaine et dans les autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, est mise en œuvre à partir de la promulgation de la présente loi.

II. – L’ouverture de l’ensemble des droits sociaux, des prestations sociales et de leurs alignements, selon les règles en vigueur en France métropolitaine et dans les autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, est pleine et entière au plus tard le 1er janvier 2026.

Article 17

I. – Le gouvernement propose aux organisations syndicales de salariés et aux organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs indépendants représentatives à Mayotte, ainsi qu’au conseil départemental de Mayotte, une concertation, d’une durée maximale de six mois, sur les conditions et les modalités de mise en œuvre de l’article 16 de la présente loi.

II. – La durée de la concertation prévue au I du présent article est de trois mois pour les droits, prestations et allocations non mentionnés à l’article 18.

Article 18

I. – Le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance, de la complémentaire santé solidaire, du minimum contributif, de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, du revenu de solidarité active, de la prime d’activité, de l’allocation adulte handicapé et les droits à de la retraite complémentaire sont uniformisés en France métropolitaine et dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution à compter du 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi.

II. – Les conventions et accords collectifs nationaux et de branches s’appliquent à Mayotte à compter du 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi.

III. – L’ordonnance n° 2015‑682 du 18 juin 2015 relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs est ratifiée.

IV. – Les périodes de cotisations à la retraite complémentaire et les montants versés depuis le 27 mars 2002 sont intégrés à la base de calcul des droits à pension complémentaire.

V. – Les régimes indemnitaires des agents de l’État en poste à Mayotte, où que se situent leurs intérêts matériels et moraux, sont uniformisées au 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi.

VI. – Les majorations de traitement indiciaire des agents de l’État en poste à Mayotte sont uniformisées sur celles appliquées à La Réunion au 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi.

Article 19

I. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement rédige un rapport sur la pertinence de solliciter l’autorisation à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à ouvrir et aligner les droits, prestations et allocations prévus aux articles 16 et 18 de la présente loi.

II. – Le rapport mentionné au présent I est remis au parlement et au conseil départemental de Mayotte dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Article 20

I. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 4111‑1 du code de la santé publique, et jusqu’au 31 décembre 2025, le directeur général de l’agence régionale de santé de Mayotte peut autoriser un médecin, un chirurgien‑dentiste ou une sage‑femme, ressortissant d’un pays autre que ceux mentionnés au 2° du même article ou titulaire d’un diplôme de médecine, d’odontologie ou de maïeutique à exercer dans une structure de santé située à Mayotte. Cette autorisation est délivrée par arrêté, pour une durée déterminée, après avis d’une commission territoriale d’autorisation d’exercice, constituée par profession et, le cas échéant, par spécialité.

II. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 4221‑1 du code de la santé publique, et jusqu’au 31 décembre 2025, le directeur général de l’agence de santé de Mayotte peut autoriser un pharmacien ressortissant d’un pays autre que ceux mentionnés au 2° du même article ou titulaire d’un diplôme de pharmacie à exercer dans une structure de santé située à Mayotte. Cette autorisation est délivrée par arrêté, pour une durée déterminée, après avis d’une commission territoriale d’autorisation d’exercice.

III. – Le nombre de professionnels autorisés à bénéficier des dispositions du présent article est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé et établi sur la base de propositions de l’agence régionale de santé de Mayotte.

IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de mise en œuvre du présent article.

Article 21

La loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivant la promulgation du présent projet de loi fixent le calendrier prévoyant l’application à Mayotte de l’ensemble des dispositifs du code de la sécurité sociale, du code de la santé publique, du code de l’action sociale et des familles et du code du travail tels qu’ils résultent de la présente loi.

TITRE V

Dispositions relatives aux collectivités, aux dotations et la gestion des fonds européens

Article 22

I. – Une mission d’audit et de préconisation portant sur le recensement général de la population de Mayotte est conduite dès la promulgation de la présente loi. Cette mission est réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques et l’Institut national d’étude démographique, conjointement avec l’Inspection générale de l’administration, l’Inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche, l’Inspection générale des finances et l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales.

La mission établit un rapport public évaluant la population réelle de Mayotte et précise la répartition entre les communes de cette collectivité. Ce même rapport prévoit les modalités de mise en œuvre au 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi d’un recensement annuel.

Le rapport mentionné au précédent alinéa identifie également, pour chacune des communes de Mayotte, les éventuelles dotations auxquelles ces collectivités sont éligibles et qui ne leur seraient pas encore affectées.

À compter du 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi, le recensement de la population de Mayotte est effectué annuellement, dans chaque commune de cette collectivité, sur la base d’un échantillon de 10 % de la population.

II. – Les dotations, les subventions et les fonds de péréquation versés par l’État aux collectivités et aux syndicats de coopération intercommunale de Mayotte sont calculées à compter du 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi sur la base du rapport d’audit et de préconisation prévu au I.

III. – À compter du 1er janvier suivant la promulgation de la présente loi, les dotations, les subventions et les fonds de péréquation versés par l’État aux collectivités et aux syndicats de coopération intercommunale de Mayotte sont calculées sur la base du recensement de l’année précédente réalisé selon les modalités précisées à l’article 22 de la présente loi.

IV. – Le livre VI de la Première partie du code général des collectivités territoriales est applicable au Département de Mayotte.

Article 23

I. – Les fonds destinés à la construction des écoles mentionnés au contrat de convergence institué par l’article 9 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, conformément aux orientations stratégiques du plan de convergence établi et signé par l’ensemble des partenaires en 2018 pour Mayotte, sont versés directement aux budgets des communes de Mayotte.

II. – Au troisième alinéa de l’article L. 1803‑5 du code des transports, après les mots : « de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon », sont ajoutés les mots : « , de Mayotte ».

Article 24

Le III de l’article L. 4332‑9 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour Mayotte, la somme est répartie en tenant compte de la population, du revenu par habitant et du nombre de personnes âgées de moins de vingt ans.

« Cette même somme est versée à compter de la promulgation de la présente loi. »

Article 25

I. – Les collectivités territoriales de Mayotte disposent de l’ensemble des dotations de droit commun des départements et des régions pour les compétences qu’elles exercent.

II. – Le gouvernement propose une concertation avec les acteurs institutionnels de Mayotte à compter de la promulgation de la présente loi et pour une durée de trois mois afin d’appliquer le I du présent article.

III. – À l’issue de la concertation prévue au II, le gouvernement soumet à l’assemblée départementale les modifications législatives permettant l’application du I.

IV. – Les modifications législatives pour l’application du I sont intégrées au projet de loi de finances pour l’année suivant l’année de promulgation de la présente loi.

Article 26

Il est créé, au 31 décembre de l’année de promulgation de la présente loi, un fonds temporaire de dotations spéciales aux collectivités territoriales et syndicats intercommunaux de Mayotte, intitulé « Fonds temporaire pour le rattrapage des dotations de Mayotte » et dont la dotation est intitulée « Dotation temporaire spéciale Mayotte ».

La dotation temporaire spéciale est affectée pour cinquante pour cent au conseil départemental de Mayotte, pour vingt‑cinq pour cent aux communes et pour vingt‑cinq pour cent aux syndicats de coopération intercommunale. Les sommes sont versées aux communes et aux syndicats de coopération au prorata de la population.

Le fonds et les dotations temporaires spéciales sont indépendants, pour chacune des collectivités et syndicats concernés, des modifications éventuelles des dotations de fonctionnement, de solidarité, de péréquation, d’investissement et d’équipement liées à la mise en œuvre des alinéas 1 et 2 de l’article 22 de la présente loi.

Article 27

Après le 3° du I de l’article 78 de la loi n° 2014‑58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les 1° à 3° s’appliquent à Mayotte à compter du 1er janvier suivant la promulgation de la loi n° de programmation relative à la sécurisation, à l’égalité sociale, au rattrapage et au développement durable de Mayotte »

Article 28

I. – Les dispositions législatives en matière de coopération régionale applicables à Mayotte sont établies sur le modèle de celles de la Guyane et de la Martinique.

II. – Le Gouvernement propose une concertation avec les acteurs institutionnels de Mayotte à compter de la promulgation de la présente loi et pour une durée de trois mois afin d’appliquer le I.

III. – À l’issue de la concertation prévue au II, le Gouvernement soumet à l’assemblée départementale les modifications législatives permettant l’application du présent I.

TITRE VI

Dispositions relatives à la préservation de l’environnement et à l’inscription du territoire dans une trajectoire bas carbone

Article 29

I. – Une double compensation environnementale est instituée à Mayotte. Celle‑ci consiste à réhabiliter, à développer ou à créer des espaces naturels terrestres, marins et de marais maritimes représentant le double de la superficie des atteintes à l’environnement qui seront issues, à compter de la promulgation de la présente loi, des aménagements collectifs publics et des aménagements économiques réalisés à Mayotte.

II. – La double compensation environnementale mentionnée au présent I est mise en œuvre en concertation avec les services de l’État, les collectivités territoriales, les acteurs économiques et d’aménagement, les instances consulaires, le conseil économique social et environnement de Mayotte, les services du parc naturel marin de Mayotte et de la réserve naturelle nationale des forêts de Mayotte et les associations environnementales du territoire de Mayotte.

Article 30

Le contrat de convergence de Mayotte mentionné à l’article 9 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique intègre les financements de l’État pour l’appui au développement, à la construction, à la modernisation des réseaux collectifs et des dispositifs suivants :

1° troisième retenue collinaire d’eau, son interconnexion ;

2° unités de dessalement ;

3° collecte et traitement des eaux de pluies ;

4° réseaux de connexion à l’assainissement collectif ;

5° dispositif d’appui à l’assainissement individuel hors zone d’assainissement collectif ;

6° réseau de gestion éco responsable et à équipements de valorisation des déchets.

Le montant des financements de l’État pour la réalisation des infrastructures, réseaux et dispositifs déclinés au présent article est établi au tableau et selon la programmation inscrite à l’article 2 de la présente loi.

Article 31

Le contrat de convergence mentionné à l’article 9 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique intègre les financements de l’État pour l’appui à la création, la construction ou à la modernisation des infrastructures, des réseaux et des dispositifs suivants :

1° production d’énergie solaire photovoltaïque ;

2° stockage et interconnexion électrique ;

3° production de gaz par méthanisation, stockage et distribution ;

4° appui à la préservation des espaces naturels, à la valorisation des espaces agricoles et à la suppression des polluants et substances chimiques.

Le montant des financements de l’État pour la réalisation des infrastructures, réseaux et dispositifs déclinées au présent article est établi au tableau et selon la programmation inscrite à l’article 2 de la présente loi.

Article 32

I. – Après l’article L. 5114‑6 du code général de la propriété des personnes publiques, il est inséré un article L.5114‑6 bis ainsi rédigé :

« Art. L. 51146 bis. – Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les terrains situés dans la zone définie à l’article L. 5114‑2 et inclus dans une zone classée, en application de l’article L. 5114‑4, hors espaces urbains et d’urbanisation future, peuvent être déclassés aux fins de cession à titre onéreux aux personnes physiques ayant édifié ou fait édifier avant le 1er janvier 2007 des constructions à usage d’habitation qu’elles occupent à titre principal ou qu’elles donnent à bail en vue d’une occupation principale, ou à leurs ayants droit.

« À défaut d’identification des personnes mentionnées à l’alinéa précédent, ces terrains peuvent être déclassés aux fins de cession à titre onéreux aux occupants de constructions affectées à leur habitation principale et édifiées avant le 1er janvier 2007.

« À la date de leur demande de cession, ces personnes physiques doivent :

« 1° avoir leur domicile fiscal à Mayotte ;

« 2° être ressortissantes d’un État membre de l’Union européenne.

« Le prix de cession est déterminé d’après la valeur vénale du terrain nu à la date du dépôt de la demande de cession. Il est fixé selon les règles applicables à l’aliénation des immeubles du domaine privé.

« Lorsque la cession concerne un immeuble à usage d’habitation principale personnellement occupé par le demandeur, elle peut intervenir à un prix inférieur à la valeur vénale en fonction de l’ancienneté de l’occupation, des ressources du bénéficiaire et du nombre de personnes vivant au foyer, dans des conditions fixées par décret. Ce décret fixe les conditions de cette décote, qui peut atteindre 95 % de la valeur vénale du bien considéré.

« La superficie cédée est ajustée en fonction des nécessités de l’équipement du secteur en voirie et réseaux divers et des conditions de cession des fonds voisins. Elle ne peut excéder un plafond fixé par arrêté du représentant de l’État. »

II. – Le 1° de l’article L. 5114‑2 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par les mots : « ou aux personnes physiques ayant édifié ou fait édifier avant le 1er janvier 2007 des constructions à usage d’habitation qu’elles occupent à titre principal ou qu’elles donnent à bail en vue d’une occupation principale, ou à leurs ayants droit ; »

III. – La commission instituée par l’article 35‑1 de la loi n° 2009‑594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre‑mer est compétente pour l’application des dispositions des I et II du présent article.

TITRE VII

Dispositions relatives aux facilitations du développement accéléré de Mayotte

Article 33

Le dernier alinéa de l’article L. 321‑36‑4 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :

« À Mayotte, le président du conseil d’administration est élu par les membres mentionnés au 1° parmi les membres mentionnés au 2° du présent article. »

Article 34

I. – Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial ayant pour mission de réaliser des projets d’infrastructures et d’équipements publics relevant des compétences de l’État à Mayotte. Cette mission s’exerce sans préjudice des missions confiées à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte mentionné à l’article L. 321‑36‑1 du code de l’urbanisme.

II. – Le conseil d’administration de l’établissement mentionné au I du présent article est composé, en nombre égal :

1° de représentants du conseil départemental, désignés par l’assemblée délibérante, et de représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme compris dans le périmètre de compétence de l’établissement, désignés dans les conditions prévues à l’article L. 321‑22 du code de l’urbanisme.

2° de représentants de l’État.

Le représentant de l’État à Mayotte assure la présidence du conseil d’administration.

Article 35

La procédure prévue aux articles L. 522‑1 à L. 522‑4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique peut être appliquée en vue de la prise de possession immédiate, par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique, de terrains bâtis ou non bâtis nécessaires à l’opération de construction d’une nouvelle piste d’aéroport longue à Mayotte, d’un port d’éclatement régional à Longoni, de contournement routier de Mamoudzou, de modernisation des routes nationales et de construction d’une université de plein exercice à Mayotte.

Pour l’application du présent article, les décrets pris sur avis conforme du Conseil d’État prévus au second alinéa de l’article L. 522‑1 du même code sont publiés dans un délai de cinq ans à compter de la date de publication du décret en Conseil d’État déclarant d’utilité publique l’opération.

Article 36

À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, pour tout plan, toute opération d’aménagement ou tout projet de construction situé dans les périmètres de l’opération d’intérêt national de Mayotte, l’obligation de réaliser une enquête publique au titre des articles L. 123‑1 à L. 123‑18 du code de l’environnement est remplacée par la procédure de participation du public mentionnée à l’article L. 123‑19 du même code. Le représentant de l’État à Mayotte peut décider, après consultation du conseil départemental et des collectivités mahoraises concernées, d’organiser une enquête publique s’il estime que la situation le justifie.

Article 37

Les sites d’extraction de matériaux nécessaires à la construction des infrastructures aéroportuaire, portuaire et routière à Mayotte sont intégrés dans le schéma régional des carrières en tant que gisement d’intérêt régional.

Article 38

I. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement rédige un rapport sur la pertinence de solliciter l’autorisation à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toute mesure relevant du domaine de la loi de nature à faciliter la réalisation, dans les meilleurs délais, des opérations de travaux de construction d’une nouvelle piste d’aéroport plus longue à Mayotte, du contournement routier de Mamoudzou et de modernisation des routes nationales à Mayotte.

II. – Le rapport mentionné au présent I est remis au Parlement et au conseil départemental de Mayotte dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Article 39

I. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement rédige un rapport sur la pertinence de solliciter l’autorisation à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toutes mesures relevant du domaine de la loi pour créer un statut de grand port maritime adapté aux enjeux d’intégration régionale de Mayotte, avec des règles différenciées dans les domaines pertinents pour développer l’activité économique internationale de Mayotte.

II. – Le rapport mentionné au présent I est remis au Parlement et au conseil départemental de Mayotte dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Article 40

I. – Les concertations du gouvernement avec les acteurs institutionnels de Mayotte prévues aux articles 17, 25, 28 et 29 de la présente loi visent à une co‑construction législative et réglementaire.

II. – Les rapports du gouvernement prévus aux articles 19, 38 et 39 sont élaborés en consultant et en associant les acteurs institutionnels de Mayotte.

III. – Les concertations et rapports mentionnés aux présents I et II visent à :

1° étendre la législation intéressée à Mayotte ;

2° harmoniser l’état du droit et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet.

TITRE VIII

Dispositions relatives au mode de scrutin des élections au Conseil Départemental

Article 41

Les élections au conseil départemental de Mayotte sont régies par un scrutin de liste proportionnel avec prime majoritaire à deux tours, sans section, à compter de la promulgation de la présente loi.

Article 42

La modification du mode de scrutin prescrite à l’article 41 de la présente loi est soumise à la consultation de la population de Mayotte selon les modalités de l’alinéa 3 de l’article 72‑1 de la Constitution.

TITRE IX

Dispositions relatives au financement

Article 43

I. – La charge pour l’État et les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par l’élargissement de la base de la taxe sur les transactions financières aux transactions visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts aux transactions infra‑journalières.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonction et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

TITRE X

Dispositions diverses

Article 44

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente loi.


([1]) Protectorat en 1841 – Colonie en 1843 – Abolition de l’esclavage en 1846

([2]) 29 avril 1860 pour la Savoie et 14 juin 1860 pour le comté de Nice

([3]) Rapport de la cour des comptes « La départementalisation de Mayotte, une réforme mal préparée, des actions prioritaires à conduire » de janvier 2016

([4]) L’Insee estime la population officielle à 299 345 habitants au 1er janvier 2022

([5]) Lettre n° 29 du 18 mars 2022 – Insee Mayotte actualités

([6]) Mayotte une délinquance hors norme – Insee analyse Mayotte n° 30 – 8 octobre 2011

([7]) Taux d’homicide pour 100 000 habitants de 5,3 contre 1,7 en France selon Eurostat

([8]) Naissance et décès à Mayotte en 2020 – Insee - mars 2021

([9]) Plateforme d’union des revendications pour la sécurité et le développement de Mayotte du 28 mars 2018 signée par les syndicats et les organisations de la société civile

([10]) Compte rendu des débats et analyse des scrutins publics de la 2ème et 3ème séance du 20 juin 2019 à l’Assemblée nationale

([11]) Loi n° 86‑1383 du 31 décembre 1986 de programme relative au développement des départements d’outre‑mer, de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et de Mayotte

([12]) Plan d’action pour l’avenir des Mahorais du 17 mai 2018 qui se décline en 53 engagements et 125 actions

([13]) Loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique

([14]) Contrat de convergence et de transformation signé à l’hôtel de Matignon le 8 juillet 2019

([15]) Réponse au journal officiel du 5 octobre 2021 du secrétaire à l’éducation prioritaire à la question écrite n° 32345

([16]) Rapport d’information n° 4608 de la délégation aux outre‑mer de l’Assemblée nationale – octobre 2021

([17]) Rapport d’information n° 1592 en conclusion d’une mission de la commission des lois de l’Assemblée nationale – 22 janvier 2019

([18]) Rapport de la Cour des comptes sur l’entretien des routes nationales et départementales – mars 2022

([19]) Absence de contrôle aérien d’approche – voir la réponse parue le 26 mars 2019 au journal officiel à la question écrite n° 15054

([20]) Le Conseil d’orientation des infrastructures (ex Commission mobilité 21) a proposé de rapporter la construction de la piste longue à Mayotte à l’horizon lointain de 2050 dans son rapport de juin 2013

([21]) Le gisement du canal de Mozambique est évalué à 441 mille milliards de mètres cubes de gaz naturel et à 13,77 milliards de barils de gaz naturel liquide

([22]) Le taux de réussite des étudiants mahorais en 1ère année universitaire est de 10 % en métropole contre 25 % au CUFR de Mayotte alors que la moyenne nationale est de 40 à 50 %

([23]) Température moyenne de 26,8° et ensoleillement moyen de 7,8 heures par jour

([24]) Étude de l’IGPN, IFREMER, CNRS et du BRGM parue dans Nature Geoscience – août 2021

([25]) Atlas des risques naturels et des vulnérabilités territoriales de Mayotte – Presse universitaire de la Méditerranée - 2014

([26]) Bulletin n° 23 - Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte – janvier 2021

([27]) Cartographie prédictive des submersions à Mayotte – BRGM – septembre 2021

([28]) Rapport pour avis n° 4525 tome 8 « sécurités civile » de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2022

([29]) Ordonnance n° 2011‑1923 du 22 décembre 2011 relative à l’évolution de la sécurité sociale à Mayotte et la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 sur l’égalité réelle

([30]) Les retraités et les retraites – Panorama de la DRESS – Édition 2021

([31]) Excédent de 62,1 % des sommes collectées – Rapport d’information n° 2667 de la délégation aux outre‑mer de l’Assemblée nationale sur les conséquences de la réforme des retraites – février 2020

([32]) Revenus et pauvreté à Mayotte – Insee - juillet 2020

([33]) Éclairages n° 22 - Institut de recherches économiques et sociales – janvier 2022

([34]) Plan urgence eau Mayotte du gouvernement annoncé le 27 février 2017 et doté de 42,2 millions d’euros d’investissements devant être réalisés entre 2017 et 2021

([35]) L’article L. 213‑13 du code de l’environnement prescrit « qu’il est créé, dans chacun des départements d’outre‑mer, un office de l’eau »

([36]) Statistiques et indicateurs de la santé et du social – ARS de Mayotte - 2019

([37]) En 2020, 1141 évacuations sanitaires réalisées dont 1058 vers la Réunion et 40 % concernant des clandestins – ARS Mayotte

([38]) Union Internationale pour la Conservation de la Nature - Cri d’alarme du comité français – janvier 2021

([39]) Ifrecor - Initiative française pour les récifs coralliens - État de santé des récifs coralliens, herbiers et mangroves - 2020

([40]) Rapport d’observations définitives sur la gestion du port de Longoni de la Chambre régionale des comptes Réunion Mayotte – août 2017

([41]) Le ressort de la cour d’appel de La Réunion compétente pour Mayotte a mené sur la période 2016‑2020 4,5 % des enquêtes nationales pour fait de délinquance financière

([42]) Le processus d’évolution de la Collectivité départementale de Mayotte en Département de Mayotte est détaillé dans les rapports n° 2945 et 2946 de la commission des lois de l’Assemblée nationale du 17 novembre 2010

([43]) Instruction budgétaire et comptable M57

([44]) Le rapport de la Commission Interministérielle de Coordination des Contrôles (CICC) d’octobre 2018 marque un important retard dans la programmation 2014‑2020, relève une absence significative de pilotage des fonds européens par l’État et insiste sur la nécessité d’un copilotage avec le Conseil départemental de Mayotte en vue du transfert de l’autorité de gestion

([45]) Le Comité régional de suivi des programmes opérations européens et la mission à Mayotte de juin 2019 de la Commission européenne ont constaté, 5 ans après l’ouverture de l’enveloppe 2014‑2020, un très faible taux de paiement dans la gestion des fonds : 24 % pour le FEDER, 18 % pour les FEADER, 12 % pour le FSE et 0 % pour le FEAMP