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N° 5210

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à moderniser les dispositifs rattachés à l’aide médicale de l’État pour une meilleure traçabilité financière et migratoire,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Robin REDA,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’aide médicale de l’État (AME) répond à un principe éthique et humanitaire mais aussi à un objectif de Santé publique et de pertinence de la dépense. Créé en 1999, le dispositif a été plusieurs fois amendé, notamment pour réduire le panier de soins accessible et pour introduire un droit d’entrée de trente euros en 2011, depuis supprimé en 2012. L’AME représente 0,6 % des dépenses publiques de la Santé en France. Son contrôle doit être renforcé car son coût budgétaire ne cesse d’augmenter.

Ce dispositif s’inscrit dans un cadre juridique constitué des engagements internationaux de la France, diversement contraignants, du droit européen et de plusieurs décisions du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État. Ce cadre définit un socle minimum de soins aux étrangers en situation irrégulière notamment pour les situations d’urgence et pour les populations les plus vulnérables (mineurs, femmes enceintes). Mais, en dépit d’un socle juridique commun à l’ensemble des États membres de l’Union européenne, le dispositif français est souvent désigné comme le plus généreux.

Fin 2018, soit avant la crise sanitaire liée au Covid‑19, 318 106 étrangers en situation irrégulière ont bénéficié de l’AME. Ce nombre est stable depuis 2015, à la différence du nombre de demandeurs d’asile, bénéficiaires de la protection universelle maladie (PMUa), qui augmente rapidement. Plus de la moitié de ces bénéficiaires sont rattachés à une caisse primaire d’assurance maladie d’Île-de-France.

Le coût total de l’AME s’élève à 904 millions d’euros en 2018. Il s’est accru de 1,4 % par an sur les cinq dernières années. Néanmoins, son coût total et son évolution sont certainement sous‑évalués en raison de la complexité des procédures administratives opposées aux hôpitaux pour obtenir le remboursement des soins aux étrangers en situation irrégulière et de la non prise en compte des frais de gestion.

Enfin, la dépense en soins de l’AME reflète les spécificités de cette population. Deux tiers de cette dépense de soins sont représentés par les soins hospitaliers. Leur consommation de médicament est supérieure à celle des assurés sociaux pour les traitements associés à certaines maladies infectieuses (VIH, hépatites, tuberculose), aux dépendances et à la toxicomanie ou encore pour les antalgiques et anti‑inflammatoires.

La présente proposition vise donc à venir réformer ce dispositif pour un meilleur accompagnement des bénéficiaires tout en renforçant les politiques de lutte contre la fraude et pour une meilleure égalité entre les citoyens et les bénéficiaires de l’AME.

Alertés sur l’inefficacité des dispositifs de lutte contre la fraude à l’AME, les pouvoirs publics ont souhaité rénover ce dispositif. Par un arrêté du 31 décembre 2019 (SSAS1937648A), une nouvelle carte d’admission à l’aide médicale de l’État (AME) a été créée. Cette mesure est un premier pas mais il faut aller plus loin.

Un rapport d’octobre 2019, commandé par le Premier Ministre à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), avait pour objet « d’évaluer les dispositifs de l’aide médicale d’État et des soins d’urgences et vitaux afin d’envisager une possible évolution de ces dispositifs, ayant notamment pour perspectives la maîtrise de la dépense publique et une plus grande convergence européenne des pratiques ». Dans leur rapport, ils préconisent de mettre en place une nouvelle carte électronique pour les bénéficiaires de l’AME.

Le rapport fait mention de l’absence de carte vitale. En effet, actuellement, les professionnels de santé ne disposent pas de l’accès aux données de suivi de prescriptions et à l’historique des remboursements. Un tel accès, selon eux, permettrait d’éviter des redondances, le nomadisme ou les interactions médicamenteuses de plusieurs traitements prescrits par des professionnels différents.

La mission recommande la délivrance d’une carte à puce, de type carte vitale, aux bénéficiaires de l’AME, et l’ouverture pour chacun d’entre eux d’un dossier médical partagé afin d’améliorer cette prise en charge.

La présente proposition vise à inscrire dans notre droit ces dispositifs protecteurs pour les bénéficiaires et ces outils de lutte contre la fraude et les trafics.

Or la nouvelle carte mise en place par décret à la fin de l’année 2019 ne répond pas aux problématiques qu’elle souhaite combattre. La principale innovation résidait dans le passage d’une carte imprimée sur « un papier sécurisé contenu dans une pochette plastique scellée (version 2009) à une carte « fabriquée sur un support plastique [et] sécurisée par un hologramme » (version 2019). Mais il est aujourd’hui nécessaire de pouvoir profiter des mêmes outils que ceux mis en place dans la carte vitale.

La fraude porte atteinte au principe fondamental d’égalité devant les charges publiques, grève les recettes publiques nécessaires à la solidarité nationale et au financement des services publics.

La présente proposition de loi suggère de compléter le dispositif en matière de lutte contre la fraude à l’AME, en mettant en œuvre un nouvel outil : la carte d’admission à l’aide médicale de l’État électronique.

Si la circulation de centaines de milliers de fausses cartes d’admission à l’aide médicale de l’État n’est pas démontrée, de nombreux professionnels de santé alertent sur la faiblesse des dispositifs actuels. Par exemple, aujourd’hui, un étranger en situation irrégulière qui, avec une ordonnance française, va chercher ses médicaments dans une pharmacie peut profiter des dispositifs attachés à son statut de bénéficiaire de l’AME. Mais le pharmacien, responsable légalement de la délivrance des médicaments, ne peut savoir si ce dernier a déjà pris ses traitements dans une autre officine. Cette situation pose deux problèmes :

– D’une part, il y a un risque pour le patient de surdosage du traitement ce qui peut avoir de très graves conséquences. Ensuite, si plusieurs professionnels de santé prescrivent différents traitements au bénéficiaire, il n’y a aucune possibilité de vérifier les éventuelles interactions médicamenteuses ;

– D’autre part, pour les finances publiques, si le bénéficiaire va dans différentes pharmacies, il aura plusieurs fois son traitement remboursé ce qui vient injustement impacter les comptes sociaux. De plus, cela peut favoriser l’émergence d’un marché parallèle illégal de revente de médicaments sur le sol français ou à l’étranger.

Il est donc indispensable de lutter contre la fraude au titre de la solidarité, le fraudeur étranger pénalisant l’ensemble des assurés sociaux.

L’article 1 vise à mettre en place une nouvelle carte d’admission à l’aide médicale de l’État électronique. Grâce à cette carte à puce, les bénéficiaires pourront avoir un meilleur suivi de l’ensemble des professionnels de santé et les caisses d’assurance maladie auront un nouvel outil pour venir lutter contre la fraude.

L’article 2 vise à ce que l’ensemble des dispositifs du dossier médical partagé et du dossier pharmaceutique puissent être applicables pour les bénéficiaires de l’AME. Par ce biais, les professionnels de santé pourront avoir un accès à l’historique des traitements, avoir une meilleure information sur l’état du patient et adapter plus efficacement la prise en charge du patient.

L’article 3 vise à ce que la présente loi entre en vigueur dans un délai d’un an à compter de sa publication. L’objectif est d’aller vite pour qu’un meilleur service soit rendu aux bénéficiaires et lutter le plus efficacement et le plus rapidement dans un contexte de surendettement de notre pays.

L’article 4 vise à compenser les dépenses engendrées par la mise en place du dispositif mentionné ci‑dessus, en l’occurrence pour les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et pour l’État.

La présente proposition vise donc à instaurer de nouveaux moyens avec un meilleur suivi pour l’ensemble des professionnels de santé et pour lutter contre la fraude. Ce dispositif se concentre sur les personnes illégalement présentes sur le territoire ; en d’autres termes, elles n’ont pas vocation à rester.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 252‑1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 252‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 25211. – I. – Chaque bénéficiaire de l’aide médicale de l’État dispose d’un moyen d’identification électronique inter‑régime. Ce moyen d’identification électronique, matériel ou immatériel, comporte la photographie de son titulaire. Sa mise à disposition est gratuite.

« L’utilisation de ce moyen d’identification électronique est subordonnée à la validité des droits. En cas de vol, perte, dysfonctionnement ou compromission, ce moyen fait l’objet d’une opposition dont les professionnels, les établissements de santé et toute personne ou organisme intervenant dans la prise en charge des soins délivrés au titulaire sont informés.

« Les caractéristiques de ce moyen d’identification électronique, ses modalités de délivrance, d’utilisation et de désactivation ainsi que les caractéristiques du système d’opposition sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles une personne titulaire d’un moyen d’identification électronique peut déléguer temporairement son usage à une autre personne titulaire d’un moyen d’identification électronique similaire aux fins d’assurer son identification ou celles de ses ayants‑droit.

« II. – Le moyen d’identification électronique mentionné au I comporte un volet d’urgence destiné à recevoir les informations nécessaires aux interventions urgentes. Les professionnels de santé peuvent porter sur le volet, avec le consentement exprès du titulaire, les informations nécessaires aux interventions urgentes ainsi que la mention : « A été informé de la législation relative au don d’organes ». Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les conditions d’application de cette mesure ainsi que les conditions d’accès aux différentes informations figurant dans ce volet d’urgence.

« III. – L’utilisation de ce moyen d’identification électronique permet d’exprimer l’accord du titulaire pour autoriser un médecin ayant adhéré à la convention mentionnée à l’article L. 162‑5 du code de la sécurité sociale ou exerçant dans un établissement ou un centre de santé et dûment authentifié par le moyen d’identification électronique mentionné au dernier alinéa de l’article L. 161‑33  du code de la sécurité sociale à prendre connaissance des informations contenues sur le relevé mis à sa disposition en application de l’article L. 162‑4‑3 du code de la sécurité sociale.

« IV. – Sur le premier décompte de l’année civile envoyé à l’assuré figure le montant des dépenses engagées par celui‑ci au cours de l’année civile précédente.

« V. – Le pharmacien qui délivre à un assuré social porteur du moyen d’identification électronique inter‑régime ou à un de ses ayants droit une spécialité pharmaceutique remboursable par les régimes de l’assurance maladie lui communique, pour information, la charge que la spécialité représente pour ces régimes. Un décret précise les conditions de cette obligation de communication. »

Article 2

Après l’article L. 252‑1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 252‑1‑2 ainsi rédigé : :

« Art. L. 25212. – L’ensemble des dispositifs en vigueur à la section 3 du chapitre premier du titre premier du livre premier de la première partie du code de la santé publique relatif aux dossier médical partagé et dossier pharmaceutique est applicable aux bénéficiaires de l’aide médicale de l’État ».

Article 3

La présente loi entre en vigueur dans un délai d’un an à compter de sa publication.

Article 4

La charge pour l’État et les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.