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N° 5211

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à consolider l’éthique de notre politique d’aide au développement,

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Dominique POTIER, Jacques MAIRE, Annie CHAPELIER, Alain DAVID, Nicolas DÉMOULIN, Cécile DELPIROU,  Stella DUPONT, M’jid EL GUERRAB, Bruno FUCHS, Thomas GASSILLOUD, Anne GENETET, Olga GIVERNET, Fabien GOUTTEFARDE, Chantal JOURDAN, Régis JUANICO, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Rodrigue KOKOUENDO, JeanCharles LARSONNEUR, JeanPaul LECOQ, Martine LEGUILLEBALLOY, Marion LENNE, Gérard LESEUL, Jean François MBAYE, Monica MICHELBRASSART, Philippe NAILLET, Nicole LE PEIH, Bénédicte PÉTELLE, Michèle PEYRON, Florence PROVENDIER, Isabelle RAUCH, Marie TAMARELLEVERHAEGHE, Isabelle SANTIAGO,  Nathalie SARLES, Hervé SAULIGNAC, Liliana TANGUY, Valérie THOMAS, Élisabeth TOUTUTPICARD, Cécile UNTERMAIER, Boris VALLAUD, Michèle VICTORY,

Député‑e‑s.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La responsabilité sociale et environnementale (RSE) s’impose désormais comme un nouveau paradigme de l’économie. Née d’une aspiration éthique fondée sur le respect du bien commun et la dignité humaine et de l’engagement d’entreprises pionnières, la RSE devient progressivement un nouveau cadre par lequel les sociétés intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans l’ensemble de leurs activités.

La profusion actuelle de recommandations et de cadres internationaux – du Pacte mondial des Nations Unies aux Principes directeurs de l’OCDE en passant par la déclaration de performance extra‑financière européenne – permet à présent aux acteurs privés comme publics d’avoir une vision claire de la responsabilité des entreprises dans les chaînes de valeur mondialisée quant au respect des droits humains et de l’environnement.

En France, ces dispositions normatives en matière de RSE, reposaient essentiellement sur des obligations déclaratives. La loi du 27 mars 2017 a constitué un tournant majeur en exigeant des entreprises donneuses d’ordre d’établir et mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance afin de prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, y compris lorsqu’elles sont commises par leurs filiales directes ou indirectes, sur le territoire national et dans le reste du monde.

Volontaires ou obligatoires, deux voies complémentaires permettent désormais de promouvoir une plus grande responsabilisation des acteurs économiques. Dans un continuum législatif, plusieurs dispositions ont été adoptées lors de cette mandature afin de préciser et décliner ce double mouvement. C’est le cas des lois PACTE, AGEC, « Climat et Résilience », LOPDS‑IM.

Dans ce cadre, les acteurs publics du développement ont vocation à agir activement, par les leviers qui sont à leur disposition, afin de rendre plus vertueuses les pratiques des entreprises basées ou ayant une activité dans les pays bénéficiaires. L’Agence française de développement et ses filiales, au premier rang desquelles Proparco, ont ainsi vocation à jouer leur rôle de vigie éthique dans la mondialisation en se basant sur les Objectifs de Développement Durable, les principes communs aux bailleurs européens, le Cadre Environnemental et Social de la Banque Mondiale, les standards de performance de la SFI, les normes internationales de l’OIT, les critères de la FAO, de l’OCDE.

Notre proposition de loi vise à préciser et renforcer ce processus pour que, dans ses finalités comme dans les moyens mis en œuvre, l’aide publique au développement soit de façon plus cohérente génératrice d’une économie plus responsable sur le plan social et environnemental.

L’article 1 vise à inscrire normativement l’enjeu de la responsabilité sociale et environnementale pour l’Agence française de Développement et ses filiales, et ainsi que pour l’ensemble de leurs actions de financement, garantie, prêts et participations auprès des pays bénéficiaires.

Par ailleurs, et en veillant à ce que cela ne crée pas distorsion de concurrence, l’AFD et ses filiales peuvent, sur le modèle de l’alinéa 20 de l’article 35 de la loi Climat, exclure du bénéfice d’un financement les entreprises françaises soumises à la loi sur le devoir de vigilance qui n’auraient pas respecté leur obligation de publication de plan de vigilance.

Parallèlement, l’article 2 permet à l’AFD et ses filiales de déroger au principe de déliaison des aides, dans le cadre exclusif des dons, et pour certains secteurs sensibles, en particulier ceux définis pour le contrôle des investissements stratégiques à l’article R. 153‑2 du code monétaire et financier. Un décret définit les motifs et les conditions dans lesquelles certains dons seraient liés. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe général de déliement de l’aide mis en œuvre par l’AFD depuis 2002, mais de s’inspirer des pratiques de certains pays de l’OCDE. L’exception doit concerner certains secteurs stratégiques, pour des motifs d’intérêt général, comme la nécessité de protection des données personnelles, justifiant de privilégier des acteurs économiques de l’Union européenne ou de Pays les moins avancés.

L’article 3 précise la vigilance portant sur l’intermédiation bancaire. L’AFD et ses filiales déterminent les conditions dans lesquelles elles exigent des établissements de crédit qui bénéficient de leurs financements, garanties, de prêts et participations, le respect de critères de responsabilité sociale et environnementale et leurs intégrations dans les activités qui y sont liées.

Ces trois articles modifient l’article 10 de la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021.

L’article 4, dans cette même logique, vient modifier le Cadre de Partenariat Global de la LOPDS‑IM, afin de renforcer l’engagement de la France en matière de transparence. Il vise à la mise en œuvre effective des moyens de contrôle de l’AFD et de ses filiales permettant le respect des normes nationales, européennes et internationales pertinentes. Ces normes sont rappelées dans le paragraphe 6 du document de politique générale du groupe AFD en matière de prévention et de lutte contre les pratiques prohibées, mis à jour en 2020, comme suit :

Par l’article 5, notre politique d’aide au développement favorise la création et le développement d’établissements de crédit fondés sur les principes d’une économie sociale et solidaire. L’objectif est de permettre un modèle bancaire plus vertueux, transparent et en phase avec les besoins fondamentaux des populations, des collectivités territoriales et des entreprises des pays bénéficiaires, en cohérence avec les Objectifs de Développement Durable.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 10 de la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 est complété par un VII ainsi rédigé :

« VII. – L’Agence française de développement et ses filiales, pour toutes leurs actions de financement, de garantie, de prêts et de participations intègrent des critères de responsabilité sociale et environnementale.

Elles peuvent exclure du bénéfice d’un financement les personnes morales soumises à l’article L. 225‑102‑4 du code de commerce qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance comportant les mesures mentionnées au même article, pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation. »

Article 2

L’article 10 de la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 est complété par un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – L’Agence française de développement et ses filiales peuvent lier, pour des raisons d’intérêt général, les dons qu’elles octroient et ciblant les secteurs stratégiques définis par le code monétaire et financier. Un décret définit les conditions dans lesquelles ces dons peuvent être liés. »

Article 3

L’article 10 de la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 est complété par un IX ainsi rédigé :

« IX. – L’Agence française de développement et ses filiales, déterminent les conditions dans lesquelles elles exigent des établissements de crédit qui bénéficient de leurs financements, garanties, de prêts et participations, le respect de critères de responsabilité sociale et environnementale et leur intégration dans les activités qui y sont liées. »

Article 4

Après la deuxième phrase du cinquième paragraphe du point 6 de la sous‑partie b) de la partie B du titre II du Cadre de partenariat global annexé à la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021, il est inséré la phrase ainsi rédigée : « À ce titre, l’Agence française de développement et ses filiales doivent mettre en œuvre de manière effective tous les moyens de contrôle permettant le respect des normes nationales, européennes et internationales pertinentes. »

Article 5

Après le dernier paragraphe du point 5 de la sous‑partie b) de la partie B du titre II du Cadre de partenariat global annexé à la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021, il est inséré le paragraphe ainsi rédigé :

« La France s’engage à favoriser la création et le développement d’établissements de crédit fondés sur les principes de l’économie sociale et solidaire, ayant vocation à proposer des instruments financiers adaptés aux besoins des populations, aux collectivités territoriales et aux entreprises. »