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N° 5236

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger le droit à la propriété contre le squat,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Guillaume PELTIER,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit à la propriété est l’un des ciments de notre modèle de société. Il figure à l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen comme « inviolable et sacré » de sorte que « nul ne peut en être privé ». La possibilité pour un individu de posséder est une disposition naturelle que nous devons veiller à garantir.

Chaque année, nous observons l’augmentation du nombre de Français qui craignent pour leur logement. Selon l’IFOP, 69 % de nos concitoyens déclarent être inquiets au moment de laisser leur lieu d’habitation pour un congé ou un week‑end (6 juillet 2021). Une crainte en nette hausse alors qu’en 2006 ils étaient à 45 %, 24 points de moins (Ifop). L’ensauvagement de la société porte le danger jusque dans nos foyers. En 2018, avant les mesures de limitation des déplacements liés à la crise sanitaire, 490 000 ménages ont subi une violation de leur domicile.

Parmi ces atteintes aux biens des Français, nous retrouvons le phénomène de « squat ». Il s’agit de l’occupation illégale d’un bien sans droit ni titre suite à une entrée par effraction (article 132‑73 du Code pénal). On se souvient de nombreuses histoires relayées dans les médias, comme celle de Rolland, un Toulousain de 88 ans dépossédé de son appartement alors qu’il souhaitait le louer avant de retrouver son épouse en Ehpad, celle de la maison squattée du résistant Jean Bégué, ou encore du jeune étudiant Tristan qui a retrouvé son appartement occupé et vidé après le confinement. Autant de situations injustes qui engendrent l’émoi et la colère naturelle des Français. Dans l’ensemble de la population, le squat suscite de fortes inquiétudes pour le logement principal (56 %) et la résidence secondaire (72 %) (IFOP 6 juillet 2021). Cette crainte atteint particulièrement les couches sociales les moins favorisées : 75 % de ceux dont le niveau de vie est inférieur ou égal à 900 euros nets/mois, et 56 % de ceux qui disposent de plus de 2500 euros nets/mois. Quand les moyens matériels de surveillance et de protection ne sont pas accessibles à tous, c’est la loi qui doit garantir les mesures permettant de faire régner la justice et la sérénité.

Les démarches pour obtenir lexpulsion des squatteurs devant la justice sont lentes, complexes et coûteuses. Souvent la lourdeur et le coût de ces procédures conduisent au découragement, de sorte que la résignation se mêle à la détresse ainsi qu’au sentiment d’injustice. Pour caractériser l’infraction, au sens de larticle 226‑4 du code pénal, la victime doit apporter la preuve de la situation doccupation. Le recours aux services d’huissiers engendre un coût élevé et imprévu, qui s’ajoute à l’absence d’éventuels revenus, ou encore l’augmentation de dépenses liées à la perte de la jouissance du bien.

D’autre part, larticle 38 de la loi n° 2007‑290 dite « loi DALO » modifié par la loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 dite « loi ASAP » et la circulaire du 22 janvier 2021 relative à la réforme de la procédure administrative d’évacuation forcée en cas de « squat » ayant suivi n’ont pas étendu la notion de « domicile d’autrui » à l’ensemble des biens immobiliers. Les nouveautés apportées par ce texte sont insuffisantes. Pour bénéficier de la procédure administrative d’évacuation, la victime doit prouver que le bien était meublé conformément à la circulaire d’application selon laquelle « l’occupation effective au moment de l’intrusion n’est pas requise dès lors que le local comporte des éléments minimaux, notamment mobiliers, nécessaires à l’habitation et qu’il puisse servir à tout moment de refuge à celui qui dispose de droits sur lui. En revanche la procédure n’est pas applicable lorsque le local est destiné à un autre usage que l’habitation ». Le seul fait d’être détenteur d’un bien et d’en apporter la preuve devrait conduire à obtenir sa libération. Il est compliqué pour un individu victime de justifier de la présence de mobilier dans un espace auquel il n’a plus accès. D’autre part, de nombreux biens sont exclus de fait, tels que les biens vides suite à un écart de temps entre deux locations ou encore les biens en indivisions. Une incertitude plane sur les logements en réfection ou en cours d’achat. Il s’agit d’une atteinte au droit de propriété.

Les sanctions contre les squatteurs ne sont pas suffisamment dissuasives. D’autant plus au regard de ce qu’encourent les propriétaires pour tenter de retrouver la possession de leur bien. En se risquant à pousser les occupants illégaux à la sortie, le détenteur du bien encourt 3 ans de prison et 45 000 euros damende. De son côté l’occupant risque 15 000 euros damende pour seulement 1 an de prison. Ce déséquilibre est totalement injustifié.

Des initiatives fleurissent partout sur le territoire comme l’opération « Tranquillité vacances » pour lequel les services de police et de gendarmerie surveillent les logements des volontaires pendant leur absence, ou encore la plateforme citoyenne « Voisins vigilants et solidaires » selon laquelle des bénévoles du voisinage s’engagent pour la sécurité collective. Si ces actions sont positives, elles ne peuvent suffire ni remplacer une loi qui doit mieux protéger.

La libération des logements en cas d’occupation de type « squat » est actuellement non systématique et soumise à une condition d’ameublement qui constitue une entrave à la liberté de propriété. Alors que les Français aspirent à plus de justice sociale, la volonté de pouvoir disposer de ses propres biens doit trouver rapidement une issue légale.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à défendre enfin le droit de propriété en expulsant les squatteurs de tout type de bien privé en moins de 72 heures, grâce au recours obligatoire à la force publique par les préfets, ainsi qu’à renforcer les sanctions contre les occupants illégaux.


proposition de loi

Article 1er

L’article 226‑4 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « dans le domicile d’autrui » sont remplacés par les mots : « dans la propriété immobilière d’autrui, qu’elle soit affectée ou non à l’habitation » ;

b) Les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 ».

2° Au second alinéa, les mots : « dans le domicile d’autrui » sont remplacés par les mots : « dans la propriété immobilière d’autrui, qu’elle soit affectée ou non à l’habitation ».

Article 2

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les deux occurrences des mots : « le domicile » sont remplacées par les mots : « la propriété immobilière » et le mot : « occupé » est remplacé par le mot : « occupée » ;

b) les mots : « son domicile », sont remplacés par les mots : « sa propriété immobilière ».

2° Après le premier alinéa il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de sa propriété en raison de l’occupation, le préfet sollicite l’administration fiscale pour l’établir. »

3° La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « et supérieur à soixante‑douze heures ».

Article 3

À l’article L. 411‑1 du code des procédures civiles d’exécution, les mots : « d’un immeuble ou d’un lieu habité » sont remplacés par les mots : « d’une propriété immobilière ».