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N° 5239

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à lever les freins au développement des sociétés coopératives d’intérêt collectif,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme AnneLaurence PETEL,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ont été créées par la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, alors que la vie économique de notre pays était en pleine mutation et que les aspirations de la société et des Français à de nouvelles formes d’entreprenariat n’étaient pas aussi puissantes qu’aujourd’hui. Plus qu’hier, nos concitoyens ont le souhait que les entreprises soient vigilantes de leur impact sur la société, tant d’un point de vue social qu’environnemental, et qu’au‑delà des considérations économiques elles partagent avec leurs salariés des valeurs et des préoccupations sociétales.

Sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées ou sociétés à responsabilité limitée régies par le code de commerce, les Scic ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale. De forme privée et d’intérêt public, la Scic est une forme juridique d’entreprise originale, qui associe des personnes physiques ou morales autour d’un projet commun alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale.

L’atout majeur du modèle des Scic réside dans la coopération d’acteurs hétérogènes, au sein desquels les collectivités territoriales sont un moteur d’une dynamique collective autour du déploiement de projets à vocation d’intérêt général. Toutefois, cette forme d’entrepreneuriat est assez peu choisie depuis sa création il y a 20 ans, et l’on ne dénombre que 1 060 Scic sur le territoire national.

Ces entreprises innovantes ne sont pas armées pour faire face à un univers réglementaire complexe et en constante évolution. Des flous de définition juridique, des interprétations possibles de la loi, des barrières normatives qui n’ont plus lieu d’être freinent le développement des Scic.

Face à ce constat, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire ont commandé à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances un rapport d’évaluation de la situation portant sur les Scic et les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), qui propose un panel de propositions visant à faciliter le recours à ces formes d’activités coopératives.

Cette proposition de loi reprend un certain nombre des solutions proposées par le rapport de l’IGAS/IGF pour lever les freins au développement des sociétés coopératives d’intérêt collectif.

D’abord, en son titre Ier, cette proposition de loi sécurise le statut des coopératives d’intérêt collectif. L’article 1er inscrit dans la loi de 1947 les obligations déclaratives incombant aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic), créé un registre des Scic tenu par le ministère en charge de l’ESS. Cet article défini également deux principes pour une Scic qui n’informerait pas l’administration de toute modification de ses statuts dans un délai de six mois après sa mise en demeure : elle serait radiée du registre des Scic, et interdite d’utiliser l’appellation Scic ou de prétendre aux dispositifs dont bénéficient légalement et exclusivement les Scic en cas de non‑inscription sur le registre.

En son article 2, cette proposition de loi inscrit dans la loi de 1947 l’appréciation du caractère d’utilité sociale par les effets, directs ou indirects, de la coopérative sur la cohésion sociale, le renforcement de la cohésion territoriale, le développement durable, la transition énergétique. Cette demande permet de préciser le droit en vigueur et de limiter les effets de bord d’interprétation des textes.

Ensuite, le titre II de cette proposition de loi renforce la place du salarié dans les sociétés coopératives d’intérêt collectif et fait évoluer le statut des personnes physiques travaillant dans les Scic.

L’article 3 clarifie la place de la catégorie obligatoire pour le salarié, et la conséquence en matière de droit du travail de l’obligation pour un salarié de devenir sociétaire de Scic. Reprenant le même dispositif que ce qui existe pour les Sociétés coopératives et participatives (Scop) cet article prolonge la philosophie de l’engagement que constitue le fait d’être un salarié et un sociétaire d’une Scic, et encadre l’éventuel blocage de l’investissement financier préalable pour le salarié en limitant l’obligation de souscription à une seule part.

L’article 4 inscrit dans la loi de 1947 trois principes : lorsqu’un titulaire d’un contrat de travail est nommé directeur, gérant ou membre du conseil d’administration du directoire ou de l’organe de direction dans une forme de société par actions simplifiée, les conditions du maintien de lien de subordination sont précisées dans l’acte de nomination ; le Président du conseil d’administration, directeur général, gérant ou membre de l’organe de direction s’ils perçoivent une rémunération au titre de leur fonction, sont considérés comme employés de l’entreprise ; en cas de révocation (hors faute grave) ou non‑renouvellement du mandat, de cessation de l’entreprise ou de départ à la retraite, le congé et les indemnités sont ceux prévus par la convention collective de l’activité de la société. Il s’agit ici d’ouvrir la possibilité pour les mandataires sociaux des Scic de pouvoir être affilié à l’assurance chômage, étant donné que cette actuelle impossibilité a été relevée par la mission IGAS/IGF comme un frein au développement des Scic, et plus particulièrement à la transformation d’associations en Scic.

L’article 5 propose d’autoriser les Scic à accueillir des jeunes en service civique. Cette demande émane d’un certain nombre de Scic qui ont pu y recourir lorsqu’elles étaient des associations mais ne peuvent plus depuis. L’article borne cependant ce recours au service civique aux Scic titulaires de l’agrément Esus, donc remplissant déjà un cahier des charges précis assurant qu’elles œuvrent dans le même esprit que le service civique qui a pour « objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et offre à toute personne volontaire l’opportunité de servir les valeurs de la République et de s’engager en faveur d’un projet collectif en effectuant une mission d’intérêt général […] ».

Enfin, le titre III propose deux mesures pour améliorer le financement des Scic.

L’article 6 donne à un associé sortant ayant cinq ans d’ancienneté révolus, le droit, en proportion de sa part de capital social et dans la limite du barème en vigueur fixant le taux de majoration applicable aux rentes viagères, à une part de la réserve constituée à cet effet. Cette mesure doit permettre de stabiliser l’attractivité pour les Scic qui, ayant une lucrativité réglementairement limitée, ne peuvent assurer aujourd’hui aux investisseurs un rendement suffisamment important pour ne serait‑ce que compenser les effets de l’inflation. Les Scic œuvrant dans le secteur du logement en particulier ont besoin de pouvoir attirer beaucoup d’investisseurs. Le dispositif envisagé est le même que celui des Scop, il a donc déjà été expérimenté et est opérationnel.

Enfin, l’article 7 inscrit dans le code du commerce la possibilité pour les Scic sous forme de SA, SAS ou SARL d’émettre des titres participatifs. Ces derniers sont interdits en règle générale pour les SAS pour des raisons de gouvernance. Or, la gouvernance des Scic, y compris sous forme de SAS, est rigoureusement encadrée et empêche les dérives possibles pour une société classique.


proposition de loi

TITRE IER

SÉCURISER LE STATUT DES COOPÉRATIVES D’INTÉRÊT COLLECTIF

Article 1er

I. – Après l’article 19 sexdecies A de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, il est inséré un article 19 sexdecies B ainsi rédigé :

« Art. 19 sexdecies B. – Les sociétés coopératives d’intérêt collectif sont tenues, indépendamment des obligations imposées à toutes les entreprises, et sous peine des sanctions prévues à l’article 23 de la présente loi, de s’inscrire sur un registre dédié, tenu par le ministère en charge de l’économie sociale et solidaire.

« Pour leur inscription sur ce registre, les sociétés doivent transmettre leurs statuts ainsi qu’une preuve d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Elles sont tenues de transmettre, annuellement, toute modification intervenue dans leur situation et à chaque échéance prévue par l’article 25‑1, leur rapport de révision.

« Une société sera radiée du registre si elle ne procède pas aux transmissions prévues à l’alinéa précédent dans un délai de six mois après mise en demeure, ou lorsque le fonctionnement normal de la société coopérative n’a pas été rétabli dans le délai et les conditions prévues à l’article 25‑4.

« Aucune société ne peut prendre ou conserver l’appellation de société coopérative d’intérêt collectif ou utiliser cette appellation ou les initiales « SCIC », et prétendre au bénéfice des dispositions prévues par les textes législatifs ou réglementaires relatifs aux sociétés coopératives d’intérêt collectif si elle n’est pas inscrite sur ce registre. »

II. – Les sociétés coopératives d’intérêt collectif immatriculées au registre du commerce et des sociétés à la date de publication de la présente loi disposent d’un an pour réaliser leur immatriculation conformément au I. Pendant cette période, elles sont considérées comme inscrites au registre pour l’application du quatrième alinéa de l’article 19 sexdecies B de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

Article 2

L’article 19 quinquies de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le caractère d’utilité sociale, au sens du présent article, s’apprécie par les effets, directs ou indirects, de la coopérative sur le développement de la cohésion sociale, le renforcement de la cohésion territoriale, le développement durable, la transition énergétique ou environnementale. Ce caractère d’utilité sociale s’apprécie indépendamment de la nature des activités exercées. »

TITRE II

RENFORCER LA PLACE DU SALARIÉ DANS LES COOPéRATIVES D’INTéRêT COLLECTIF ET FAIRE ÉVOLUER LE STATUT DES PERSONNES PHYSIQUES TRAVAILLANT DANS LES SCIC

Article 3

L’article 19 septies de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est ainsi modifié :

A – Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

1° Les mots : « coopérative et » sont remplacés par les mots : « coopérative, » ;

2° Les mots : « , en l’absence de personnes salariées au sein de la société, » sont supprimés ;

3° Sont ajoutés les mots : « et une autre catégorie d’associé librement déterminée ».

B. – Après le troisième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Les statuts peuvent également prévoir que le contrat de travail conclu avec toute personne employée dans l’entreprise fera obligation à l’intéressé de demander son admission comme associé dans le délai qu’ils précisent et au plus tôt à sa majorité ; à défaut, celui‑ci sera réputé démissionnaire à l’expiration de ce délai.

« Dans ce cas, les statuts prévoient que la personne employée est admise sur simple demande en qualité d’associé, soit de plein droit, soit à défaut d’opposition émanant de la prochaine assemblée des associés ou, selon le cas, de l’assemblée générale ordinaire, statuant à la majorité requise pour la modification des statuts. L’admission est constatée par les gérants, par le conseil d’administration ou le directoire ou par l’organe de direction lorsque la forme de société par actions simplifiée a été retenue, selon le cas. 

« L’admission en qualité d’associé en application des deux alinéas précédents ne peut être subordonnée à l’engagement de souscrire ou d’acquérir plus d’une part sociale ».

Article 4

Après le premier alinéa de l’article 19 undecies de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’ils sont titulaires d’un contrat de travail, les conditions du maintien du lien de subordination résultant de leur qualité de salarié sont précisées dans l’acte prévoyant leur nomination à l’une des fonctions mentionnées au premier alinéa du présent article. À défaut, le contrat de travail est présumé suspendu pendant l’exercice de l’une des fonctions mentionnées au même premier alinéa.

« Les gérants, les directeurs généraux, les présidents du conseil d’administration, les membres du directoire et les membres de l’organe de direction lorsque la forme de société par actions simplifiée a été retenue, lorsqu’ils perçoivent une rémunération de la société au titre de leurs fonctions, sont considérés comme salariés de l’entreprise au sens de l’article 19 septies, s’ils ne le sont déjà à un autre titre, et au regard de la législation du travail. À ce titre, la société est notamment tenue aux obligations prévues aux articles L. 5422‑13 et L. 3253‑16 du code du travail en garantie de la rémunération due au titre du mandat social qui s’ajoute, le cas échéant, aux droits constitués à d’autres titres.

« En cas de révocation, sauf faute grave, et de non‑renouvellement du mandat ou en cas de cessation de l’entreprise ou encore en cas de cessation du mandat pour départ à la retraite, le délai, le congé et l’indemnité auxquels ils peuvent avoir droit sont ceux prévus par la convention collective applicable à l’activité principale exercée par la société et, à défaut de convention collective, ceux prévus aux 1° à 3° de l’article L. 1234‑1 et aux articles L. 1234‑9, L. 1234‑10 et L. 1237‑9 du code du travail. »

Article 5

La troisième phrase du premier alinéa du II de l’article L. 120‑1 du code du service national est complétée par les mots : « ou une société coopérative d’intérêt collectif régie par les articles 19 quinquies et suivant de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et étant titulaire de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » conformément à l’article 11 de la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ».

TITRE III

FINANCEMENT DES SCIC

Article 6

Le dernier alinéa de l’article 19 nonies de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est ainsi rédigé :

« L’article 15 et les troisième et quatrième alinéas de l’article 16 ne sont pas applicables. »

Article 7

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 228‑36 du code de commerce, après le mot : « limitée » sont insérés les mots : « , les sociétés coopératives d’intérêt collectif constituées sous la forme de société anonyme ou de société à responsabilité limitée ou de société par actions simplifiée ».