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N° 5252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux protéger les victimes d’effondrement d’immeubles,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

Mme Catherine FABRE,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Même s’il est faible, le risque d’effondrement d’immeubles est bel et bien réel. Cet aléa de la vie n’est pourtant pas considéré comme il le devrait par la société. En effet, lorsqu’il advient, les conséquences sont nécessairement dramatiques tant sur le plan corporel, matériel, psychologique que financier. Les victimes quant à elles, se retrouvent dans la plupart des cas complètement démunies dans un moment de forte vulnérabilité et doivent faire face à des préjudices très importants (frais d’hospitalisation, de relogement, de sécurisation et de reconstruction etc.).

Durant ces dernières années, ces drames souvent très impressionnants et largement médiatisés se sont multipliés en France comme à l’international. En juin 2021, l’effondrement d’un immeuble de 12 étages à Surfside aux États‑Unis faisant 90 morts a marqué les esprits. A Marseille, rue d’Aubagne, en novembre 2018, 8 personnes sont décédées sous l’effondrement de 2 immeubles. D’autres évènements moins dramatiques mais emportant des conséquences graves ont été dénombrés, comme l’effondrement de 2 immeubles rue de la Rousselle à Bordeaux en juin 2021.

En France, la réponse assurantielle est lacunaire en matière d’effondrements d’immeubles. Alors que le risque « incendie » est obligatoirement assuré, la garantie « effondrement d’immeuble » n’est que facultative dans les contrats d’assurance multi risque habitation (MRH). De plus, ces procédures d’indemnisation demeurent bien souvent complexes et inopérantes. En effet, l’indemnisation est trop tardive et les montants ne sont pas à la hauteur de l’ampleur des préjudices subis par les victimes.

Par ailleurs, aucune obligation n’existe pour le propriétaire et le syndicat de copropriétaires de s’assurer de l’entretien et de la solidité de l’immeuble. La décision de ne pas engager de réparations alors qu’il est avéré qu’un immeuble présente un risque d’effondrement n’est pourtant pas sans conséquence tant pour les propriétaires eux‑mêmes que pour les tiers, qu’ils soient propriétaires ou locataires d’immeubles voisins.

Enfin, avec le changement climatique, la probabilité pour que de tels accidents se reproduisent va potentiellement augmenter dans les prochaines années. A Bordeaux par exemple, le sol argileux et la pierre girondine sont susceptibles de réagir plus fortement au dérèglement climatique, compte tenu de l’alternance de fortes pluies et de périodes de sécheresse.

C’est pourquoi, l’article unique de cette proposition de loi vise à permettre un réel accompagnement des victimes d’effondrement d’immeubles en proposant de rendre la garantie « effondrement » obligatoire dans les contrats d’assurance multi risque habitation en cours et pour l’avenir, au même titre que la garantie « incendie ».

En contrepartie, cette proposition instaure également une obligation pour le propriétaire et le syndicat des copropriétaires de faire procéder tous les 5 ans par un organisme indépendant et agréé à cette fin, à une évaluation de l’entretien et de la solidité de l’immeuble si ce dernier a été construit avant 1970.

S’il ressort de cette évaluation qu’un risque sérieux d’effondrement de l’immeuble existe, celle‑ci est transmise par l’organisme indépendant à l’autorité compétente pour exercer l’autorité de police conformément à l’article L511‑4 du code de la construction et de l’habitation.

Cette proposition vise donc à responsabiliser l’ensemble des acteurs au premier rang desquels les propriétaires et les syndicats de copropriétaires qui devront apporter la preuve de la réalisation de l’audit attestant du bon entretien et de la solidité de l’immeuble.

En instituant cette expertise, l’objectif ainsi recherché est de faire du risque effondrement un aléa assurable, qui ne soit plus considéré comme une déficience en matière d’entretien de l’immeuble.

Cette obligation incombant au propriétaire ou au syndicat de copropriétaires permet également de faire de la prévention en matière de logements insalubres en permettant à l’autorité compétente de prendre des arrêtés de périls si un danger pour la sécurité de ses occupants, voisins ou passants est avéré.

Par ailleurs, afin de parvenir à une pré‑indemnisation pour les victimes dans les jours suivant l’effondrement du logement, une procédure prévoyant des délais contraignants est ainsi créée.

La procédure de pré‑indemnisation entre les assureurs et les victimes devra être initiée dans les 15 jours suivant la date de l’effondrement sous l’égide du comité local d’aides aux victimes (CLAV) en cas d’accidents collectifs. En l’absence d’accidents collectifs, la procédure est supervisée par une instance ad hoc. L’offre de pré‑indemnisation devra être proposée dans les 30 jours suivant la date de l’effondrement.

Lorsque les assureurs ne respectent pas l’un des délais précités ou proposent une offre indemnitaire manifestement insuffisante, l’assuré pourra, après l’avoir notifié aux assureurs, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par les assureurs sera alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux d’intérêt légal.

Liste des personnes auditionnées :

Ministère du logement :

Mme Lucy KERCKAERT, conseillère parlementaire

M. Florian LEDUC, conseiller logement

Ministère de l’économie, des finances et de la relance :

M. Benjamin BUFFAULT, conseiller parlementaire

M. Antonin DUMONT, conseiller chargé du financement de l’économie

France Assureurs :

M. Stéphane PENET, directeur général adjoint

Mme Ludivine AZRIA, responsable des affaires territoriales et fédérations professionnelles

Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs :

Mme Marie‑Claude DESJEUX, présidente

Mme Sophia SECO, directrice générale

Association des victimes et sinistrés de la rousselle :

M. Thomas Drouffe, président

Mme Sylvie Marcilly, avocate

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre II du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre X ainsi rédigé :

« CHAPITRE X

« L’assurance contre l’effondrement d’immeubles 

« Art. L. 1301. − Les contrats d’assurance souscrits par toute personne physique ou morale de droit privé et garantissant les dommages d’incendie ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les dommages causés par l’effondrement de l’immeuble.

« Art. L. 1302. – L’assureur contre l’effondrement indemnise les dommages corporels, matériels et immatériels subis par la victime, propriétaire occupant ou non occupant, et le cas échant, ses ayants droit résidant dans l’immeuble effondré.

« Art. L. 1303. – Pour les immeubles bâtis avant le 1er janvier 1970, le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires fait procéder tous les cinq ans, par un organisme indépendant et agréé à cette fin, à une évaluation de l’entretien et de la solidité de l’immeuble.

« S’il ressort de cette évaluation qu’un risque sérieux d’effondrement de l’immeuble existe, celle‑ci est transmise par l’organisme mentionné au premier alinéa à l’autorité compétente pour exercer l’autorité de police conformément à l’article L. 511‑4 du code de la construction et de l’habitation.

« Lors de la survenance de l’effondrement, le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires doit apporter la preuve de la réalisation de l’audit pour obtenir une prise en charge assurantielle. »

« Art. L. 1304. – Dans les quinze jours suivant l’effondrement d’un immeuble, les assureurs des immeubles effondrés engagent une procédure de pré‑indemnisation sous l’égide du comité local d’aides aux victimes en cas d’accidents collectifs. En l’absence d’accidents collectifs, la procédure est supervisée par une instance ad hoc.

« La pré‑indemnisation s’effectue sans préjudice des recours subrogatoires contre les responsables du sinistre. L’offre de pré‑indemnisation doit être proposée dans les 30 jours suivant la date de l’effondrement.

« Lorsque les assureurs ne respectent pas les délais mentionnés aux deux premiers alinéas ou proposent une offre indemnitaire manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié aux assureurs, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal. »

« Art. L. 1305. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre. »

Article 2

I. La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.