TEXTE ADOPTé  590

« Petite loi »

__

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

 

30 mars 2021

 

 

 

proPOSITION DE LOI

 

tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.

 

 

 

 

(Texte définitif)

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Assemblée nationale a adopté, dans les conditions prévues à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, la proposition de loi dont la teneur suit :

 

Voir les numéros :

 Sénat : 1re lecture : 362, 418, 419 et T.A. 72 (2020-2021).

  464. Commission mixte paritaire : 472, 473 et T.A. 86 (2020-2021).

 Assemblée nationale : 1re lecture : 3948, 3973 et T.A. 583.

  Commission mixte paritaire : 3999.

 


1

Article unique

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 144‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions de l’article 803‑8 garantissant le droit de la personne d’être détenue dans des conditions respectant sa dignité, le juge d’instruction ou, s’il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, selon les modalités prévues à l’article 147, dès que les conditions prévues à l’article 144 et au présent article ne sont plus remplies. » ;

2° Le III de l’article 707 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le droit de cette personne d’être incarcérée dans des conditions respectant sa dignité est garanti par l’article 803‑8. » ;

3° Après l’article 803‑7, il est inséré un article 803‑8 ainsi rédigé :

« Art. 8038. – I. – Sans préjudice de sa possibilité de saisir le juge administratif en application des articles L. 521‑1, L. 521‑2 ou L. 521‑3 du code de justice administrative, toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire en application du présent code qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine peut saisir le juge des libertés et de la détention, si elle est en détention provisoire, ou le juge de l’application des peines, si elle est condamnée et incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté, afin qu’il soit mis fin à ces conditions de détention indignes.

« Si les allégations figurant dans la requête sont circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu’elles constituent un commencement de preuve que les conditions de détention de la personne ne respectent pas la dignité de la personne, le juge déclare la requête recevable et, le cas échéant, informe par tout moyen le magistrat saisi du dossier de la procédure du dépôt de la requête. Cette décision doit intervenir dans un délai de dix jours à compter de la réception de la requête.

« Toutefois, à peine d’irrecevabilité, aucune nouvelle requête ne peut être formée tant qu’il n’a pas été statué, dans les délais prévus au présent article, sur une précédente requête ou, si celle‑ci a été jugée infondée, tant qu’un élément nouveau ne modifie pas les conditions de détention.

« Si le juge estime la requête recevable, il procède ou fait procéder aux vérifications nécessaires et recueille les observations de l’administration pénitentiaire dans un délai compris entre trois jours ouvrables et dix jours à compter de la décision prévue au deuxième alinéa du présent I.

« Si le juge estime la requête fondée, il fait connaître à l’administration pénitentiaire, dans un délai de dix jours à compter de la décision prévue au même deuxième alinéa, les conditions de détention qu’il estime contraires à la dignité de la personne humaine et il fixe un délai compris entre dix jours et un mois pour permettre de mettre fin, par tout moyen, à ces conditions de détention. Avant la fin de ce délai, l’administration pénitentiaire informe le juge des mesures qui ont été prises. Le juge ne peut enjoindre à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures déterminées et celle‑ci est seule compétente pour apprécier les moyens devant être mis en œuvre. Elle peut, à cette fin, transférer la personne dans un autre établissement pénitentiaire, sous réserve, s’il s’agit d’une personne prévenue, de l’accord du magistrat saisi du dossier de la procédure.

« II. – Si, à l’issue du délai fixé en application du dernier alinéa du I, le juge constate, au vu des éléments transmis par l’administration pénitentiaire concernant les mesures prises et de toute vérification qu’il estime utile, qu’il n’a pas été mis fin aux conditions indignes de détention, il rend, dans un délai de dix jours, l’une des décisions suivantes :

« 1° Soit il ordonne le transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire ;

« 2° Soit, si la personne est en détention provisoire, il ordonne sa mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;

«  Soit, si la personne est définitivement condamnée et si elle est éligible à une telle mesure, il ordonne une des mesures prévues au III de l’article 707.

« Le juge peut toutefois refuser de rendre l’une des décisions prévues aux 1° à 3° du présent II au motif que la personne s’est opposée à un transfèrement qui lui a été proposé par l’administration pénitentiaire en application du dernier alinéa du I, sauf s’il s’agit d’un condamné et si ce transfèrement aurait causé, eu égard au lieu de résidence de sa famille, une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale.

« III. – Les décisions prévues au présent article sont motivées. Les décisions du juge prévues au dernier alinéa du I et au II sont prises au vu de la requête et des observations de la personne détenue ou, s’il y a lieu, de son avocat, des observations écrites de l’administration pénitentiaire et de l’avis écrit du procureur de la République ainsi que, le cas échéant, si le juge l’estime nécessaire, de l’avis du juge d’instruction. Le requérant peut demander à être entendu par le juge, assisté s’il y a lieu de son avocat. Dans ce cas, le juge doit également entendre le ministère public et le représentant de l’administration pénitentiaire si ceux‑ci en font la demande. Ces auditions peuvent être réalisées selon un moyen de télécommunication audiovisuelle en application de l’article 706‑71.

« Les décisions prévues aux deuxième et dernier alinéas du I et au II du présent article peuvent faire l’objet d’un appel devant le président de la chambre de l’instruction ou devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel. Cet appel est interjeté dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision ; l’affaire doit être examinée dans un délai d’un mois. Lorsqu’il est formé dans le délai de vingt‑quatre heures, l’appel du ministère public est suspensif ; l’affaire doit alors être examinée dans un délai de quinze jours, faute de quoi l’appel est non avenu.

« À défaut de respect des délais prévus au présent article, la personne détenue peut saisir directement le président de la chambre de l’instruction ou le président de la chambre de l’application des peines.

« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État.

« Ce décret précise notamment :

« 1° Les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention ou du juge de l’application des peines ;

« 2° La nature des vérifications que le juge peut ordonner en application de l’avant‑dernier alinéa du I, sans préjudice de sa possibilité d’ordonner une expertise ou de se transporter sur les lieux de détention ;

« 3° Dans quelle mesure, à compter de la décision prévue au dernier alinéa du même I, le juge administratif, s’il a été saisi par la personne condamnée, n’est plus compétent pour ordonner son transfèrement dans un autre établissement pénitentiaire. » ;

4° Le premier alinéa de l’article 804 est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n°     du      tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

 

 

Délibéré en séance publique, à Paris, le 30 mars 2021.

 

 Le Président,

Signé : Richard FERRAND

 


 


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 ISSN 1240 8468

Imprimé par l’Assemblée nationale