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N° 4151

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2021.

TEXTE DE LA COMMISSION

DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

ANNEXE AU RAPPORT

PROPOSITION  DE  LOI


 

portant mesures d’urgence pour assurer la régulation
de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.

(Procédure accélérée)

(Première lecture)

 

 

 

 Voir le numéro : 3853.


1

TITRE Ier

ContrÔle du marchÉ sociÉtaire

Article 1er

Le titre III du livre III du code rural et de la pêche maritime est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole

« Art. L. 3331. – Le présent chapitre vise à favoriser l’installation d’agriculteurs, la consolidation d’exploitations agricoles et le renouvellement des générations en luttant contre la concentration excessive des terres et leur accaparement. Il contribue à la souveraineté alimentaire de la France et tend à faciliter l’accès au foncier, notamment en contrôlant le respect des prix du marché foncier local.

« Art. L. 3332. – I. – La prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, au sens de l’article L. 143‑1, réalisée par une personne physique ou morale qui détient déjà, dans les conditions prévues au I ter du présent article, directement ou indirectement, en propriété ou en jouissance, des biens de même nature dont la superficie totale excède un seuil d’agrandissement significatif ou qui, une fois réalisée la prise de contrôle, détiendrait une superficie excédant ce seuil est soumise à l’autorisation préalable de l’autorité administrative.

« I bis (nouveau). – Le seuil d’agrandissement significatif mentionné au I du présent article est fixé par le représentant de l’État dans la région, en hectares, par région naturelle ou par territoire présentant une cohérence en matière agricole, dans des conditions précisées par le décret prévu à l’article L. 333‑5. Il est compris entre une fois et trois fois la surface agricole utile régionale moyenne fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l’article L. 312‑1.

« I ter (nouveau). – Le seuil d’agrandissement significatif mentionné au I du présent article s’apprécie en additionnant la superficie de tous les biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, toutes productions confondues, que la personne physique exploite ou possède, directement ou indirectement par l’interposition d’une ou plusieurs personnes morales qu’il contrôle au sens du II.

« En présence de parcelles de natures de culture différentes pour lesquelles des équivalences sont prévues dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles, il en est tenu compte pour le calcul du seuil d’agrandissement significatif.

« Lorsque l’acquéreur des titres sociaux est une personne morale, sa situation au regard du seuil d’agrandissement significatif est appréciée à l’égard de toutes les personnes physiques qui la contrôlent, au sens des articles L. 233‑3 et L. 233-4 du code de commerce. En cas d’interposition d’une ou de plusieurs personnes morales, la situation est appréciée à l’égard de toutes les personnes physiques qui contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, la personne morale acquéreur.

« Est prise en compte la superficie de la totalité des biens immobiliers sans égard pour le régime matrimonial du bénéficiaire de l’opération ou pour le fait qu’il ne détienne que des droits indivis ou démembrés sur les immeubles faisant l’objet du calcul.

« II. – Constitue une prise de contrôle la prise de participation par acquisition de titres sociaux qui confère à une personne physique ou morale, agissant directement ou par l’interposition d’une personne morale acquéreur, le contrôle de la société, au sens des articles L. 233‑3 et L. 233‑4 du code de commerce. 

« Le présent chapitre s’applique également :

« 1° À toute modification de la répartition du capital social ou des droits de vote aboutissant à transférer le contrôle d’une société mentionnée au I du présent article à un nouveau bénéficiaire, associé ou non, remplissant les conditions prévues au I ter ;

« 2° À toute prise de participation complémentaire réalisée par un cessionnaire contrôlant déjà une société mentionnée au I ;

« 3° À toute prise de participation complémentaire réalisée par un cessionnaire personne morale, ayant pour effet de renforcer les droits d’un tiers agissant par son interposition, contrôlant déjà la société mentionnée au I ;

« 4° À la prise de contrôle d’une société qui contrôle, directement ou indirectement, une autre société réunissant les critères fixés au présent article.

« III. – Ne sont pas soumises au présent chapitre :

« 1° Les opérations d’acquisition et de rétrocession, par cession ou substitution, réalisées à l’amiable par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural dans le cadre de leurs missions légales ou par l’exercice de leur droit de préemption en application des articles L. 143‑1 à L. 143‑16 du présent code. Ces opérations sont réalisées avec l’accord préalable exprès des commissaires du Gouvernement, qui veillent au respect des objectifs mentionnés au présent chapitre ;

« 2° Les opérations réalisées à titre gratuit.

« IV. – Est nulle toute opération réalisée en violation du présent chapitre. L’action en nullité peut être exercée par l’autorité administrative, d’office ou à la demande de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural à laquelle la demande d’autorisation mentionnée au premier alinéa du I de l’article L. 333‑3 devait être adressée. Elle se prescrit par cinq ans à compter du jour où cette opération est portée à la connaissance de l’auteur de l’action.

« Art. L. 3333. – I. – La demande d’autorisation est présentée à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural avec l’information prévue à l’article L. 141‑1‑1. Après avoir vérifié la régularité et le caractère complet de la demande, ladite société la transmet à l’autorité administrative et en accuse réception au demandeur. La réception de cette notification par l’autorité administrative fait l’objet d’une communication publiée selon des modalités fixées par le décret prévu à l’article L. 333‑5. 

« Dans un délai fixé par le même décret, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural instruit au nom et pour le compte de l’autorité administrative la demande aux fins de déterminer si l’opération est susceptible :

« 1° De porter atteinte aux objectifs définis à l’article L. 333‑1, appréciés à l’échelle du territoire agricole pertinent, au regard des demandes d’installation en attente ou des besoins exprimés de consolidation des exploitations existantes ;

« 2° De contribuer, le cas échéant, au développement du territoire ou à la diversité de ses systèmes de production au regard, en particulier, des emplois créés et des performances économiques, sociales et environnementales qu'elle présente.

« II. – Si la société d’aménagement foncier et d’établissement rural détermine que l’opération répond aux caractéristiques mentionnées au 2° du I du présent article ou que la contribution mentionnée au même 2° l’emporte sur l’atteinte mentionnée au 1° du même I, elle en informe l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation. À défaut d’autorisation expresse, l’opération est réputée autorisée dans le silence gardé par l’autorité administrative à l’expiration d’un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 333‑5.

« III. – Si l’autorité administrative ou la société d’aménagement foncier et d’établissement rural détermine que l’opération répond aux caractéristiques du 1° du I du présent article ou que l’atteinte mentionnée au même 1° l’emporte sur la contribution mentionnée au 2° du même I, cette société en informe le demandeur dans un délai et des conditions fixés par le décret prévu à l’article L. 333‑5 et lui fait connaître les motifs qui s’opposent, en l’état, au vu des éléments du dossier et des critères prévus au I du présent article, à la réalisation de l’opération pour laquelle une autorisation est requise.

« IV. – En vue d’obtenir l’autorisation mentionnée à l’article L. 333‑2, la société faisant l’objet de la prise de contrôle ou le bénéficiaire de cette prise de contrôle peut proposer, dans un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 333-5, des mesures de nature à remédier aux effets de l’opération en s’engageant, par la conclusion au bénéfice de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural d’une promesse de vente ou de location, avec faculté de substitution, au profit d’un attributaire soumis à un cahier des charges :

« 1° À vendre ou à donner à bail rural à long terme prioritairement à un agriculteur réalisant une installation en bénéficiant des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ou, à défaut, à un agriculteur réalisant une installation ou ayant besoin de consolider son exploitation une surface lui permettant d’atteindre le seuil de viabilité économique fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du IV de l’article L. 312‑1 ;

« 2° À libérer prioritairement, au profit d’un agriculteur réalisant une installation en bénéficiant des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ou, à défaut, à un agriculteur réalisant une installation ou ayant besoin de consolider son exploitation, une surface lui permettant d’atteindre le seuil de viabilité économique fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du IV de l’article L. 312‑1, en résiliant à due concurrence le titre de jouissance dont il dispose, si le propriétaire des immeubles en question s’engage à les vendre ou les donner à bail rural à long terme audit agriculteur s’installant ou ayant besoin de consolider son exploitation.

« V. – Après avoir pris connaissance des propositions faites par les parties en application du IV du présent article et de l’avis de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural rendu selon des modalités fixées par le décret prévu à l’article L. 333‑5, l’autorité administrative peut, par décision motivée, soit autoriser sans condition l’opération, soit autoriser celle‑ci en la subordonnant à la réalisation effective des engagements pris par les parties, soit refuser l’autorisation en l’absence d’engagements ou si ceux‑ci sont manifestement insuffisants ou inadaptés aux objectifs poursuivis par le présent chapitre. L’opération est réputée autorisée dans le silence gardé par l’autorité administrative à l’expiration d’un délai fixé par décret.

« Si l’autorisation délivrée est subordonnée à des engagements pris, ceux‑ci doivent être réalisés dans les six mois suivant la date à laquelle le demandeur a reçu l’autorisation administrative. Avec l’accord exprès de l’autorité administrative, délivré au vu de circonstances particulières, justifiées notamment par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural titulaire d’une promesse de vente ou de bail, ce délai peut être prorogé de six mois.

« V bis (nouveau). – Si l’autorité administrative constate que les engagements pris n’ont pas été exécutés dans le délai imparti, elle peut mettre l’intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 333‑5. L’intéressé est mis à même, pendant ce délai, de lui présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Il peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. Si, à l’expiration du délai imparti, l’irrégularité perdure, l’autorité administrative peut retirer la décision ayant autorisé l’opération et prononcer à l’encontre de l’intéressé une sanction pécuniaire d’un montant compris entre 304,90 €  et 914,70 € pour chaque hectare ayant fait l’objet des engagements initialement pris ou son équivalent après, le cas échéant, application des coefficients d’équivalence fixés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles applicable aux parcelles concernées.

« En cas de retrait de l’autorisation administrative au terme de la procédure fixée au premier alinéa du présent V bis, est nulle la prise de participation réalisée. L’action en nullité, qui peut être exercée par l’autorité administrative, d’office ou à la demande de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, se prescrit par douze mois à compter du retrait de l’autorisation.

« Sauf cas de force majeure, absence de faute de la part du souscripteur ou dérogation accordée par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, en cas de non‑respect du cahier des charges, l’autorité administrative peut, d’office ou à la demande de toute personne y ayant intérêt, prononcer une amende administrative, égale au moins au montant fixé à l’article 131‑13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe et ne pouvant excéder 2 % du montant de la transaction concernée. L’autorité administrative avise préalablement l’auteur du manquement des faits relevés à son encontre, des dispositions qu’il a enfreintes et des sanctions qu’il encourt. Elle lui fait connaître le délai dont il dispose pour faire valoir ses observations écrites et, le cas échéant, les modalités selon lesquelles il peut être entendu s’il en fait la demande. Elle l’informe de son droit à être assisté du conseil de son choix. La décision de sanction ne peut être prise plus d’un an après la constatation des faits.

« VI. – (Supprimé)

« Art. L 3334. – Si l’opération entrant dans le champ d’application du présent chapitre est également soumise à l’obtention d’une autorisation d’exploiter au titre du chapitre Ier du présent titre, l’autorisation délivrée au titre du présent chapitre tient lieu de cette autorisation. Les opérations qui n’entrent pas dans le champ d’application du présent chapitre demeurent soumises en tant que de besoin à une autorisation préalable d’exploiter en application du chapitre Ier du présent titre.

« Art. L 3335. – Les conditions d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. »

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES D’ADAPTATION

Article 2

L’article L. 141‑1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi modifié :

a) Au 2°, les mots : « au 1° », sont remplacés par les mots : « aux 1° et 3° » ;

b) Au 3°, les mots : « ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole » sont remplacés par les mots : « détenant en propriété ou en jouissance des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole ou détenant des droits sur de telles sociétés, » ;

2° Le 1° du III est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les engagements du cahier des charges portant sur les actions ou parts mentionnées au 3° du II du présent article, qui constituent la contrepartie des exonérations fiscales prévues aux articles 1028 à 1028 ter du code général des impôts, sont définis par décret en Conseil d’État ; ».

Article 3

I. – L’article L. 141‑1‑1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « cédant », sont insérés les mots : « ou le cessionnaire » ;

b) Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Elle vaut aussi pour toutes opérations emportant modification de la répartition du capital social ou des droits de vote et aboutissant à transférer le contrôle d’une société mentionnée au 3° du même II ; la formalité est, dans ce cas, accomplie par le gérant de la société. Pour les opérations sociétaires, l’obligation d’information doit être satisfaite auprès de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural du lieu du siège social de la société concernée ou, si le siège est situé hors du territoire de la République française, auprès de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural du lieu du siège d’exploitation ou du lieu où se trouve la plus grande superficie de terres détenues ou exploitées par la société. » ;

2° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :

« IV. – Le notaire transmet à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural les informations liées à l’obligation déclarative sous forme électronique, dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil et selon les modalités techniques convenues par convention entre le Conseil supérieur du notariat et la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural. Au cas où les opérations prévues au I du présent article interviennent sans le concours d’un notaire, la transmission des informations est réalisée uniquement par voie de télédéclaration, sur le site internet de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. » 

II. – Le 2° du I entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard un an après la publication de la présente loi.

Article 4

(Supprimé)

Article 5

Après la référence : « L. 312‑1 » la fin du 3° de l’article L. 331‑3‑1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée : « et si elle est contraire aux objectifs du contrôle des structures ou  aux orientations de ce schéma, notamment en ce qui concerne l’objectif principal de favoriser l’installation d’agriculteurs prévu à l’article L. 331‑1 ; ».

Article 6

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.