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N° 178

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 août 2022.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité
aux élections municipales aux étrangers non ressortissants
de l’Union européenne résidant en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Sacha HOULIÉ,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La reconnaissance des droits politiques des résidents étrangers aux élections locales est un long et beau combat. Les étrangers ont progressivement acquis le droit d’élire et d’être élu. D’abord dans les instances représentatives du personnel (1946), puis en tant que délégués syndicaux (1968) et dans les conseils d’administration des caisses de sécurité sociale (1982). Ces deux dernières décennies, chaque chambre de notre Parlement a, chacune à son tour, débattu et adopté un texte en ce sens. L’Assemblée nationale le 3 mai 2000, puis le Sénat le 8 décembre 2011. Rendant hommage aux millions de travailleuses et travailleurs étrangers qui contribuent à la gloire de notre pays, la présente proposition de loi constitutionnelle s’inscrit dans cette continuité.

Le traité de Maastricht de 1992 a instauré la possibilité, pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité, d’exercer le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes dans le pays où ils résident. Cette règle a été introduite par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, à l’article 88‑3. Sur le modèle des acquis européens consacrés dans notre Constitution, le présent texte vise à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux ressortissants étrangers non européens qui vivent régulièrement dans notre pays. Il s’agit de permettre à ces femmes et à ces hommes qui, sans renier leur héritage, souhaitent devenir des membres à part entière de notre communauté politique, définir leur représentation et exprimer leurs aspirations.

Cette reconnaissance se fait attendre. Nous la devons pourtant à celles et ceux qui bien souvent et depuis longtemps participent au dynamisme de notre société, s’impliquent dans la vie économique, associative ou syndicale et contribuent à l’impôt. Elle répond aussi à une attente des Français, dont l’adhésion à l’ouverture du droit de vote aux résidents étrangers n’a cessé de croître ces dernières années, atteignant 62 % en 2020.

Cela est d’autant plus urgent que notre droit, s’il a consacré une avancée pour les droits civiques des ressortissants européens, a instauré, dans les faits, une discrimination entre deux catégories d’étrangers : les ressortissants des États membres de l’Union européenne d’une part, et ceux des États tiers, d’autre part. Justifiée par l’appartenance à l’Union Européenne, cette distinction apparaît aujourd’hui désuète. La majorité des États membres reconnaissent aux ressortissants étrangers non communautaires ce droit de vote, sous réserve de réciprocité des pays d’origine et/ou de durée de résidence. De telles conditions devront être précisées dans le cadre de la loi organique auquel le dispositif ci‑dessous renvoie.

La France, pays des Droits de l’Homme, berceau de l’idéal républicain, s’honorerait à mettre un terme à la différence qu’elle opère entre les étrangers qui vivent sur son sol, en admettant chacun d’entre eux à exprimer ses opinions par le suffrage. La France enrichirait son modèle d’intégration en associant les ressortissants étrangers non européens aux scrutins locaux. Notre pays ferait aussi refluer les revendications communautaires qui se nourrissent de la marginalisation des différentes communautés qui vivent sur le sol national. Il trouverait, dans cette mesure, un outil pédagogique important pour l’instruction civique, autant qu’un exemple de lutte contre les discriminations et l’exclusion.

La reconnaissance du droit de vote des étrangers est un vieux et beau combat.

Nous avons désormais l’opportunité d’en faire une éclatante avancée. Pour toutes ces raisons, il m’a semblé utile de déposer, à titre personnel, la présente proposition de loi constitutionnelle.


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

Après l’article 72‑1 de la Constitution, il est inséré un article 72‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. 7211. – Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

Article 2

À la première phrase de l’article 88‑3 de la Constitution, le mot : « seuls » est supprimé.