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N° 186

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 août 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer certaines activités financières
et immobilières des établissements d’hébergement
pour personnes âgées dépendantes,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Patrick HETZEL, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, AnneLaure BLIN, Émilie BONNIVARD, JeanYves BONY, JeanLuc BOURGEAUX, ,Xavier BRETON, Fabrice BRUN, Josiane CORNELOUP, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, Justine GRUET, Michel HERBILLON, Mansour KAMARDINE, Véronique LOUWAGIE, Olivier MARLEIX, Yannick NEUDER, Éric PAUGET, Vincent SEITLINGER, Nathalie SERRE, Isabelle VALENTIN, JeanPierre VIGIER, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les scandales touchant les grands groupes privés détenant des autorisations délivrées par la puissance publique démontrent que le contrôle et la régulation de ces opérateurs ne fonctionnent pas, notamment sur la partie financière.

Le dernier rapport de l’IGAS pointant une orientation illégale de financements publics vers les actionnaires au lieu de l’orienter vers les résidents et des soins légitimes, qui était pourtant à l’origine de ces versements, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de ce qui ne fonctionne pas.

De plus, certains groupes font appel à de petits épargnants pour faire des montages immobiliers complexes.

En effet, il convient de préciser qu’à l’heure actuelle, le financement et le fonctionnement de l’accueil des personnes âgées dépendantes (PAD) en France est principalement assuré par une coopération entre trois acteurs :

– Les promoteurs/exploitants qui initient la construction des EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), vendent des lots aux épargnants, puis les prennent en location avec un bail commercial pour assurer l’hébergement des personnes âgées dépendantes.

Ces opérations sont en général conduites par leurs différentes filiales spécialisées respectivement dans la construction, la commercialisation et l’hébergement.

– Les épargnants qui financent la création d’EHPAD en achetant les chambres à un prix très largement supérieur à la valeur de l’immobilier local.

– L’État qui assure la viabilité et la pérennité de ce système en :

­ garantissant aux épargnants un régime fiscal (remboursement de TVA à l’achat, LMNP (location meublée non professionnelle) ou Censi‑Bouvard) à même de les orienter vers ce type d’investissement à impact sociétal,

–  participant ensuite au financement de cet hébergement par des dotations pluriannuelles de fonctionnement documentées par le CPOM (contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens). Il est clair que ce système repose sur la confiance et la coopération de bonne foi entre ces trois parties.

Malheureusement, il semble que certains promoteurs/exploitants cherchent à maximaliser leur part de profits immobiliers à court terme aux dépens des intérêts et des attentes des deux autres acteurs.

À cet effet, ils entreprennent précocement la construction d’un nouvel établissement à proximité du précédent et la commercialisation des nouvelles chambres, puis y transfèrent l’autorisation d’exploitation. En parallèle, ils donnent congé aux propriétaires épargnants dès l’expiration du bail commercial (c’est-à-dire à partir de 9 ans). Ils peuvent ainsi maximiser leur profit.

Les petits épargnants se retrouvent alors spoliés car leur bien peut perdre jusqu’à 90 % de sa valeur après congé de l’exploitant, puisqu’il est inutilisable sans autorisation d’exploitation. Cette spoliation peut avoir des conséquences dramatiques, tout particulièrement pour ceux d’entre eux qui comptaient principalement sur ces revenus pour assurer leur retraite. Enfin, ces pratiques peuvent éroder la confiance des épargnants dans ce type d’investissements et donc compromettre à terme le financement de la dépendance.

Les pratiques de ces grands groupes capitalistiques spoliant résidants, familles et petits épargnants ne peuvent plus être tolérées. Déjà en 2018 un grand groupe avait fait pression pour faire interdire un reportage de cash investigation sur cette gestion calamiteuse des deniers publics, ce scandale se répète malheureusement aujourd’hui entre maltraitance, spoliation de petits épargnants et orientation illégale de financements publics vers l’actionnariat.

La faillite des contrôles est une réalité et l’abandon de la loi dépendance les laisse continuer leurs forfaits.

Cette proposition de loi vise donc à encadrer certaines activités financières et immobilières des EHPAD.

L’article 1er a pour but de donner aux autorités compétentes la possibilité de bloquer un transfert d’activité en cas de préjudice sur les petits épargnants.

L’article 2 permet le transfert d’une autorisation mais en respect du droit des épargnants à être indemnisés justement en cas de transfert.

Il oblige aussi l’opérateur privé à bien informer les épargnants du risque de transfert.

L’article 3 vise à donner à la Cour des Comptes les moyens d’étendre son contrôle à l’ensemble de l’activité de ces opérateurs et aux flux financiers entre établissements et groupes quand cela concerne des fonds issus d’une autorisation délivrée par l’autorité publique.

Dans son rapport annuel et devant le Sénat, lors des auditions dans le cadre du « scandale Orpéa », la Cour des Comptes a pointé le fait que son pouvoir de contrôle était trop limité ne pouvant porter, notamment, sur la partie hébergement et sur la captation par les grands groupes privés de fonds publics destinés aux soins et allant au final aux actionnaires.

L’article 4 prévoit d’inclure les établissements sociaux et médico‑sociaux dans les contrôles auxquels procèdent les agences régionales de santé. En respect du droit Européen, la loi de modernisation de notre système de santé a introduit le contrôle des bénéfices dit « non raisonnables » des opérateurs ayant une autorisation délivrée et financée par la puissance publique. Ce contrôle ne vise que les établissements sanitaires. Il est à noter que six ans après la promulgation de la loi, le décret n’est toujours pas publié. Le Ministère de la santé n’a donc pas appliqué la volonté du législateur, issu du vote des citoyens et nous place en illégalité avec le droit Européen.

Il est donc temps que ce dispositif soit actualisé et appliqué.

L’article 5 est le gage de la recevabilité financière.

 


proposition de loi

Article 1er

L’avant‑dernier alinéa de l’article L. 313‑1 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’autorité compétente peut s’opposer à tout changement si un préjudice risque d’être porté aux bailleurs détenteurs d’un lot dans l’établissement visé par le changement. »

Article 2

L’article L. 313‑4 du code de l’action sociale et des familles est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’elle a pour objet l’ouverture d’un nouvel établissement dans lequel doit être transférée l’activité d’un établissement qui fait déjà l’objet d’une autorisation, l’autorisation prévoit les conditions dans lesquelles les bailleurs détenteurs d’un lot dans l’établissement dont l’activité cesse sont indemnisés par son bénéficiaire.

« Ces conditions doivent obligatoirement être transmises aux bailleurs.

« En cas de non‑respect de cette obligation, l’autorisation est retirée. »

Article 3

L’article L. 111‑7 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce contrôle porte sur l’ensemble des activités des personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico‑social mentionnées au présent article, notamment sur la partie hébergement de l’activité et, quand ces établissements sont détenus par des groupes locaux ou nationaux, les flux financiers issus de l’activité autorisée par la puissance publique. »

Article 4 

L’article L. 6116‑3 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après la première occurrence du mot : « santé », et à la seconde phrase du même alinéa, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « , médico‑sociaux et sociaux » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « Toutes autres pièces comptables nécessaires au contrôle sont mises » sont remplacés par les mots : « Toute autre pièce comptable nécessaire au contrôle est mise » ;

b) Le mot : « communiquées » est remplacé par le mot : « communiqué » ;

3° Après le mot : « transmission, », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « est appliqué aux établissements mentionnés au premier alinéa une pénalité prononcée par le directeur général de l’agence régionale de santé, dans la limite de 5 % de leurs recettes annuelles d’assurance maladie. » ;

4° Après le mot : « activités », la fin de la première phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée : « concernant les établissements mentionnés au premier alinéa. » ;

5° Au cinquième alinéa, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « , médico‑social et social » ;

6° Au dernier alinéa, les mots : « mentionnées à l’article L. 6111‑1, ainsi qu’à l’article L. 6147‑10 » sont remplacés par les mots : « des établissements mentionnés au premier alinéa ».

Article 5

I.  La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.