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N° 210

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 août 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre le transfert de trimestres de retraite
au sein du couple,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Maud PETIT, Anne‑Laure BABAULT, Erwan BALANANT, Géraldine BANNIER, Philippe BERTA, Christophe BLANCHET, Philippe BOLO, Jean‑Louis BOURLANGES, Blandine BROCARD, Vincent BRU, Mickaël COSSON, Laurent CROIZIER, Jean‑Pierre CUBERTAFON, Romain DAUBIÉ, Mathilde DESJONQUÈRES, Laurent ESQUENET‑GOXES, Marina FERRARI, Estelle FOLEST, Bruno FUCHS, Maud GATEL, Luc GEISMAR, Perrine GOULET, Frantz GUMBS, Cyrille ISAAC‑SIBILLE, Élodie JACQUIER‑LAFORGE, Sandrine JOSSO, Fabien LAINÉ, Mohamed LAQHILA, Florence LASSERRE, Pascal LECAMP, Delphine LINGEMANN, Aude LUQUET, Emmanuel MANDON, Éric MARTINEAU, Jean‑Paul MATTEI, Sophie METTE, Bruno MILLIENNE, Louise MOREL, Hubert OTT, Jimmy PAHUN, Frédéric PETIT, Josy POUEYTO, Richard RAMOS, Sabine THILLAYE, Laurence VICHNIEVSKY, Philippe VIGIER, Frédéric ZGAINSKI,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La question de la retraite est une source de préoccupation pour nos concitoyens notamment en raison de la complexité du système actuel et du manque de lisibilité des modes de calcul en vigueur. Egalement car au sein d’un même couple, il se peut que compte tenu de l’âge, de la carrière, éventuellement de l’un des deux qui s’est occupé des enfants issus du couple, il ne soit pas possible, malgré la volonté de chacun, de partir ensemble à la retraite pour aborder une nouvelle vie.

Le dispositif inscrit dans la présente proposition de loi vise ainsi à permettre le transfert de trimestres de retraite, entre personnes composant un couple, dans le cas où l’un des membres de ce couple n’a pas atteint la durée d’assurance nécessaire au départ à taux plein en même temps que son conjoint.

Depuis les réformes paramétriques de 2010 et 2014, les conditions d’obtention d’une retraite à « taux plein » ont été profondément modifiées, en particulier la durée d’assurance requise. Ainsi l’article L. 161‑17‑3 du code de la sécurité sociale dispose qu’il faut :

– 167 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 ;

– 168 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963 ;

– 169 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966 ;

– 170 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 ;

– 171 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 ;

– 172 trimestres, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973.

Cette durée d’assurance influe sur le taux retenu pour calculer le montant de la pension au regard du salaire annuel de base dont bénéficiait l’assuré.

Ainsi, l’âge légal de départ en retraite est aujourd’hui fixé à 62 ans et la durée de cotisation pour bénéficier du « taux plein » varie selon l’année de naissance de l’assuré. Par exemple, un assuré né en 1960 et souhaitant partir à la retraite en 2022 devra avoir une durée d’assurance au moins égale à 167 trimestres.

Or la durée d’assurance varie beaucoup d’un assuré à l’autre notamment en fonction de l’âge, des parcours de vie et de carrière.

Au‑delà, il existe de nombreuses situations où un assuré, au moment de partir en retraite, dispose d’un nombre de trimestres supérieur au minimum requis pour atteindre le « taux plein ». Il peut alors, à l’inverse, bénéficier d’une surcote de sa pension de base.

Cette inégalité devant la durée d’assurance se retrouve souvent au sein des couples où il n’est pas rare qu’un des membres soit excédentaire en trimestres quand l’autre est déficitaire. C’est souvent le cas des femmes ayant momentanément arrêté leur activité pour élever leurs enfants.

Toutefois, en l’état actuel du droit, il n’est pas possible de procéder à un transfert de trimestre entre époux ou conjoints. Si un mécanisme de partage existe permettant aux parents de se répartir les trimestres supplémentaires accordés en contrepartie de l’éducation de l’enfant, celui‑ci est particulièrement complexe et peu utilisé.

De nos jours, avec l’évolution de la structure du marché du travail ainsi que des aspirations des actifs, les carrières ne sont plus linéaires et peuvent connaitre des interruptions plus ou moins longues.

Dans ce contexte, il apparaît ainsi cohérent de faciliter, pour les assurés qui le souhaitent, le transfert de leurs trimestres excédentaires à leurs époux ou conjoints afin de permettre à ces derniers de liquider leurs droits à la retraite au taux plein.

Il est proposé de créer ce dispositif à la fois pour le régime général, mais également pour le régime issu du Code des pensions civiles et militaires, pour les agriculteurs ainsi que pour les indépendants.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – Après la section 8 du chapitre 1er du titre V du livre III du code de la sécurité sociale, est insérée une section 9 ainsi rédigée :

« Section 9

« Transfert de trimestres au sein d’un couple d’assurés

« Art. L. 351142. – I. – Au moment de la liquidation de sa pension, l’assuré dont la durée d’assurance excède la limite prévue au deuxième alinéa de l’article L. 351‑1 peut renoncer au bénéfice d’un ou plusieurs trimestres au profit de la personne avec laquelle il est marié, lié par un partenariat civil de solidarité ou avec laquelle il vit en concubinage, sous réserve que cette personne ait accompli une durée d’assurance inférieure à la limite prévue au même deuxième alinéa de l’article L. 351‑1 ou équivalente à cette limite pour l’ensemble des régimes obligatoires auxquels elle a été affiliée. Le nombre de trimestres ainsi cédé par l’assuré est inférieur ou égal au nombre de trimestres qui excède la limite susmentionnée. Ce transfert s’exprime de façon définitive.

« II. – Pour l’application du I, la caisse d’assurance vieillesse compétente retranche du nombre des trimestres validés par l’assuré dans les conditions du présent titre celui ou ceux auxquels il souhaite renoncer.

« III. – Le ou les trimestres transférés en application du I du présent article sont imputés sur la durée d’assurance de la personne bénéficiaire. Seules les personnes ayant fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 351‑1 peuvent bénéficier des trimestres transférés en application du I du présent article.

« L’imputation prévue au premier alinéa du présent III ne peut conduire à ce que la durée d’assurance de la personne bénéficiaire excède la limite mentionnée à la première phrase du I.

« IV. – Par dérogation aux I à III, l’option prévue au I peut être exercée au moment de la liquidation de la pension de la personne bénéficiaire, sous réserve que l’assuré cessionnaire ait fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels il peut prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires mentionnés au III.

« V. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article, notamment :

« – les modalités de calcul du montant de la pension du cessionnaire et du bénéficiaire en fonction du nombre de trimestres cédés ;

« – les conditions dans lesquelles les demandes sont justifiées. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2023. Il est applicable aux pensions dues à compter de cette date, y compris aux pensions de retraite ayant pris effet avant cette date.

Article 2

Le paragraphe 1er du chapitre II du titre III du livre Ier du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par un article 14 bis ainsi rédigé :

« Art. 14 bis. – I. – Au moment de la liquidation de sa pension, l’assuré dont la durée d’assurance excède le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum prévu au deuxième alinéa du I de l’article L. 13 peut renoncer au bénéfice d’un ou plusieurs trimestres au profit de la personne avec laquelle il est marié, lié par un partenariat civil de solidarité ou avec laquelle il vit en concubinage, sous réserve que cette personne ait accompli une durée d’assurance inférieure à la limite prévue au même deuxième alinéa de l’article L. 351‑1 du code de la sécurité sociale ou équivalente à cette limite pour l’ensemble des régimes obligatoires auxquels elle a été affiliée. Le nombre de trimestres ainsi transféré par l’assuré est inférieur ou égal au nombre de trimestres qui excède le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum prévu au deuxième alinéa du I de l’article L. 13 du présent code. Ce transfert s’exprime de façon définitive.

« II.  Le ou les trimestres transférés en application du I du présent article sont imputés sur la durée d’assurance de la personne bénéficiaire. Seules les personnes ayant fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, mentionnés au I de l’article L. 14, peuvent bénéficier des trimestres transférés en application du I du présent article.

« L’imputation prévue au premier alinéa du présent II ne peut conduire à ce que la durée d’assurance de la personne bénéficiaire excède la limite mentionnée à la première phrase du I du présent article.

« III. – Par dérogation aux I et II, l’option prévue au I peut être exercée au moment de la liquidation de la pension de la personne bénéficiaire, sous réserve que l’assuré cessionnaire ait fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels il peut prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires mentionnés au II.

« IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article, notamment :

« – les modalités de calcul du montant de la pension du cessionnaire et du bénéficiaire en fonction du nombre de trimestres transférés ;

« – les conditions dans lesquelles les demandes sont justifiées. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2023. Il est applicable aux pensions dues à compter de cette date, y compris aux pensions de retraite ayant pris effet avant cette date.

Article 3

I. – Après l’article L. 732‑25‑1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 732‑25‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 732252.  I.  Au moment de la liquidation de sa pension, l’assuré dont la durée d’assurance excède la durée minimale prévue au 1° de l’article L. 73224 peut renoncer au bénéfice d’un ou plusieurs trimestres au profit de la personne avec laquelle il est marié, lié par un partenariat civil de solidarité ou avec laquelle il vit en concubinage, sous réserve que cette personne ait accompli une durée d’assurance inférieure à la limite prévue au deuxième alinéa de l’article L. 3511 du code de la sécurité sociale ou équivalente à cette limite pour l’ensemble des régimes obligatoires auxquels elle a été affiliée. Le nombre de trimestres ainsi transféré est inférieur ou égal au nombre de trimestres qui excède la durée minimale prévue au 1° de l’article L. 73224 du présent code. Ce transfert s’exprime de façon définitive.

« II. – Pour l’application du I du présent article, la caisse d’assurance vieillesse compétente retranche du nombre des trimestres validés par l’assuré dans les conditions du présent titre celui ou ceux qui n’ouvrent droit à aucune majoration de sa pension.

« III.  Le ou les trimestres transférés en application du I sont imputés sur la durée d’assurance de la personne bénéficiaire. Seules les personnes ayant fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, mentionnés au premier alinéa de l’article L. 732251 du présent code, peuvent bénéficier des trimestres transférés en application du I.

« L’imputation prévue au premier alinéa du présent III ne peut conduire à ce que la durée d’assurance de la personne bénéficiaire excède la limite mentionnée à la première phrase du I.

« IV. – Par dérogation aux I et II, l’option prévue au I peut être exercée au moment de la liquidation de la pension de la personne bénéficiaire, sous réserve que l’assuré cessionnaire ait fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels il peut prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires mentionnés au III.

« V. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article, notamment :

« – les modalités de calcul du montant de la pension du cessionnaire et du bénéficiaire en fonction du nombre de trimestres transférés ;

« – les conditions dans lesquelles les demandes sont justifiées. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2023. Il est applicable aux pensions dues à compter de cette date, y compris aux pensions de retraite ayant pris effet avant cette date.

Article 4

I. – Après l’article L. 643‑4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 643‑4‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 64341. – I. – Au moment de la liquidation de sa pension, l’assuré dont la durée d’assurance excède la durée minimale mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article L. 643‑3 peut renoncer au bénéfice d’un ou plusieurs trimestres au profit de la personne avec laquelle il est marié, lié par un partenariat civil de solidarité ou avec laquelle il vit en concubinage, sous réserve que cette personne ait accompli une durée d’assurance inférieure à la limite prévue au deuxième alinéa de l’article L. 351‑1 ou équivalente à cette limite pour l’ensemble des régimes obligatoires auxquels elle a été affiliée. Le nombre de trimestres ainsi transféré est inférieur ou égal au nombre de trimestres qui excède la durée minimale mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article L. 643‑3. Ce transfert s’exprime de façon définitive.

« II. – Pour l’application du I du présent article, la caisse d’assurance vieillesse compétente retranche du nombre des trimestres validés par l’assuré dans les conditions du présent titre celui ou ceux qui n’ouvrent droit à aucune majoration de sa pension.

« III.  Le ou les trimestres transférés en application du I du présent article sont imputés sur la durée d’assurance de la personne bénéficiaire. Seules les personnes ayant fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, mentionnés au III de l’article L. 6433, peuvent bénéficier des trimestres transférés en application du I du présent article.

« L’imputation prévue au premier alinéa du présent III ne peut conduire à ce que la durée d’assurance de la personne bénéficiaire excède la limite mentionnée à la première phrase du I.

« IV. – Par dérogation aux I et II, l’option prévue au I peut être exercée au moment de la liquidation de la pension de la personne bénéficiaire, sous réserve que l’assuré cessionnaire ait fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels il peut prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires mentionnés au III.

« V. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article, notamment :

« – les modalités de calcul du montant de la pension du cessionnaire et du bénéficiaire en fonction du nombre de trimestres cédés ;

« – les conditions dans lesquelles les demandes sont justifiées. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2023. Il est applicable aux pensions dues à compter de cette date, y compris aux pensions de retraite ayant pris effet avant cette date.

Article 5

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.