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N° 211

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 août 2022.

PROPOSITION DE LOI

relative à la mise en place d’un mode de scrutin proportionnel
pour l’élection des députés,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean‑Paul MATTEI, Anne‑Laure BABAULT, Erwan BALANANT, Géraldine BANNIER, Philippe BERTA, Christophe BLANCHET, Philippe BOLO, Jean‑Louis BOURLANGES, Blandine BROCARD, Vincent BRU, Mickaël COSSON, Laurent CROIZIER, Jean‑Pierre CUBERTAFON, Romain DAUBIÉ, Mathilde DESJONQUÈRES, Laurent ESQUENET‑GOXES, Marina FERRARI, Estelle FOLEST, Bruno FUCHS, Maud GATEL, Luc GEISMAR, Perrine GOULET, Frantz GUMBS, Cyrille ISAAC‑SIBILLE, Élodie JACQUIER‑LAFORGE, Sandrine JOSSO, Fabien LAINÉ, Mohamed LAQHILA, Florence LASSERRE, Philippe LATOMBE, Pascal LECAMP, Delphine LINGEMANN, Aude LUQUET, Emmanuel MANDON, Éric MARTINEAU, Jean‑Paul MATTEI, Sophie METTE, Bruno MILLIENNE, Louise               MOREL, Hubert OTT, Jimmy PAHUN, Frédéric PETIT, Maud PETIT, Josy POUEYTO, Richard RAMOS, Sabine THILLAYE, Nicolas TURQUOIS, Laurence VICHNIEVSKY, Philippe VIGIER, Frédéric ZGAINSKI,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2013, Jean‑Marc Sauvé, vice‑président du Conseil d’État, expliquait lors d’un colloque « qu’en matière politique, représenter peut signifier trois choses ». En premier lieu, « tenir lieu de » : en matière de théorie du mandat politique, le titulaire d’un mandat représentatif « se substitue à celui qu’il représente », puisqu’il n’existe pas de mandat impératif. Représenter peut également signifier « ressembler » : c’est à ce sens que se rattache, par exemple, l’idée, non de représentation, mais de représentativité d’une institution. La question est alors, par exemple, de savoir si le Parlement est représentatif de la population française. Enfin, en un troisième sens, représenter peut signifier « être le porte‑parole de », ce dernier sens étant sans doute de plus en plus prégnant ». Cette question de représentation et, corollairement, de « trahison représentative » est au cœur du débat public depuis deux siècles avec en filigrane cette attente plus ou moins forte selon les époques de « faire du Parlement le miroir de la nation ».

Face à cette question de la représentation, le sujet du mode de scrutin permettant d’élire les représentants du peuple est central.

Traditionnellement, la plupart des États européens, dont la France jusqu’en 1958, a choisi un mode d’élection dit à la proportionnelle, celui qui accorde aux électeurs le pouvoir d’afficher leurs préférences idéologiques et de fixer le rapport de forces électoral dans le cadre d’un scrutin plus ou moins proportionnel mais qui donne aux dirigeants des partis le soin de passer entre eux les accords nécessaires à la formation d’une majorité de compromis.

La France a préféré, depuis les débuts de la Ve République, à l’exception de l’élection de 1986, un mode de scrutin majoritaire à deux tours avec la forme de brutalité qu’il implique : « au premier tour on choisit, au deuxième on élimine ».

Il est probable qu’une grande part de l’abstention grandissante observée ces dernières décennies soit le fruit de ce non choix. Qui aurait envie d’aller voter lorsque sa sensibilité n’est pas représentée au 2ème tour ?

Ainsi, depuis très longtemps, le Groupe Démocrate considère que l’instauration d’un scrutin proportionnel au niveau départemental permettrait une juste représentation des Français, qui se sentiraient sans doute ainsi davantage intéressés par ce scrutin – cela répond d’ailleurs à une demande croissante des Français : dans un sondage de l’institut Ifop de novembre 2020, 73 % d’entre eux se déclarent favorables à l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives. Derrière ce chiffre, il y a l’expression d’une contestation, celle d’une Assemblée nationale dont le visage n’est pas totalement celui de la France d’aujourd’hui. Il y a aussi un enjeu démocratique fondamental, celui du rétablissement du lien de confiance entre les électeurs et la démocratie représentative.

Charge ensuite pour les partis présents de mener une réflexion afin de former une coalition dont pourrait être issu le Gouvernement, finalisant ainsi la parfaite représentation du peuple. Et c’est bien la place que leur fait la Constitution en son article 4 : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. »

En 1986, la France a connu le scrutin législatif à la proportionnelle intégrale. C’était la concrétisation d’une proposition qui figurait parmi les 101 propositions de François Mitterrand, lors de la campagne de 1981. Mais les élections législatives de 1988 ont signé le retour du scrutin majoritaire. Pour autant, l’idée de la proportionnelle n’a pas totalement disparu. Elle a même figuré dans plusieurs programmes aux élections présidentielles et notamment ceux des candidats élus : Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Emmanuel Macron. Paradoxalement, ces promesses de campagne n’ont pas trouvé de traduction dans le code électoral pendant les trois derniers quinquennats.

Aujourd’hui, le déficit de représentation que nos concitoyens ressentent « peut donner le sentiment à une partie importante des électeurs que leur voix ne compte pas ». Cela les « pousse à des comportements de « vote utile » vécus avec amertume mais aussi, le cas échéant, à l’abstention. Ainsi, aux élections législatives de 2022, seuls 46.23 % des inscrits se sont déplacés pour le second tour.

Si la France n’a pas renoué avec la proportionnelle pour le scrutin législatif, en Europe, la proportionnelle est la norme. Ainsi, au sein de l’Union européenne, vingt‑et‑un pays ont des systèmes proportionnels, et cinq ont des systèmes mixtes. La France quant à elle se singularise avec le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

Le but de l’élection, quelles qu’en soient les règles, est d’assurer la représentation politique du peuple souverain, mais les Français se sentent insuffisamment représentés dans la diversité de leurs sensibilités. C’est pourquoi le retour d’un scrutin législatif à la représentation proportionnelle les séduit majoritairement. A contrario, elle effraie une partie du personnel politique qui craint qu’elle ne soit, notamment, une source d’instabilité gouvernementale. La IVe République a laissé des traces dans la mémoire politique collective. Or le contexte institutionnel a beaucoup évolué au sein d’une Ve République qui a fait la preuve de sa robustesse. Instaurer la proportionnelle départementale, pour les futures élections législatives, revient donc à assurer la meilleure et la plus juste représentation politique des Français. C’est aussi renforcer le rôle du Parlement, lui redonner la légitimité qui doit être la sienne, réaffirmer sa place dans le fonctionnement de nos institutions et remettre la démocratie représentative au cœur de la vie politique de notre pays.

Nous devons aujourd’hui nous rassembler pour donner au Parlement le vrai visage de la France. Nous devons nous extraire d’intérêts partisans immédiats qui desservent la vitalité de notre démocratie et érodent l’indispensable lien de confiance avec nos concitoyens.

Notre responsabilité de législateur est de faire évoluer la loi électorale vers ce mode de scrutin pour les prochaines élections législatives.

Tel est l’objet de cette proposition de loi, à travers quatre articles.

L’article 1er réécrit l’article L. 123 du code électoral pour prévoir que les députés sont élus, dans les départements, qui forment une circonscription, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.

Pour les députés élus par les Français établis hors de France, le vote a lieu dans une circonscription unique.

L’article 2 réécrit l’article L. 124 du code électoral pour prévoir que seules sont admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Il précise également les modalités d’attribution des sièges.

L’article 3 réécrit l’article L. 125 du code électoral pour prévoir, notamment, les modalités de répartition des sièges des députés élus.

L’article 4 supprime l’article L. 126 du code électoral.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 123 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 123. – Les députés sont élus, dans les départements, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Le département forme une circonscription.

« Pour les députés élus par les Français établis hors de France, le vote a lieu dans une circonscription unique. »

Article 2

L’article L. 124 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 124. – Seules sont admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui‑ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus. »

Article 3

L’article L. 125 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 125. ‒ Les sièges des députés élus dans les départements sont répartis conformément aux tableaux n° 1 et n° 1 bis pour la Nouvelle‑Calédonie et les collectivités d’outre‑mer régies par l’article 74 de la Constitution annexés au présent code. Les sièges des députés élus par les Français établis hors de France sont répartis conformément au tableau n° 1 ter annexé au présent code.

« La révision de la répartition des sièges a lieu au cours de la première session ordinaire du Parlement qui suit la publication des résultats du recensement général de la population. »

Article 4

L’article L. 126 du code électoral est abrogé.