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N° 216

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 septembre 2022.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

visant à renforcer les liens des parlementaires avec
la vie associative et locale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe JUVIN, Ian BOUCARD, Hubert BRIGAND, Dino CINIERI, Josiane CORNELOUP, Annie GENEVARD, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Frédérique MEUNIER, Jérôme NURY, Alexandre PORTIER, Nicolas RAY, Vincent SEITLINGER, Jean-Pierre TAITE, Pierre VATIN, Stéphane VIRY,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avec l’adoption en 2017 des lois organique et ordinaire pour la confiance dans la vie politique, la réserve parlementaire, ou dotation d’action parlementaire (DAP) au Sénat, a été définitivement supprimée.

Cette dotation annuelle de l’État, votée et modifiée en lois de finances initiales ou rectificatives, était fixée à 150 millions d’euros par an, fléchée vers les 925 parlementaires français qui disposaient ainsi d’une enveloppe d’environ 130 000 euros chacun, afin d’aider les associations et les communes de leur circonscription. Par la réserve, les parlementaires soutiennent des investissements de proximité décidés par des collectivités locales et des activités menées par des associations.

Considérée comme un outil sulfureux – de par son opacité supposée, et exagérément discrétionnaire, la réserve parlementaire représentait toutefois un puissant outil de soutien des territoires.

Résultant d’une coutume institutionnelle entre le Gouvernement et le Parlement, cette pratique restait régie par des règles budgétaires et comptables strictement définies ainsi que par les bureaux de chaque assemblée qui ont toujours contribué à mieux encadrer son utilisation. Les crédits ainsi affectés aux collectivités et aux associations faisaient d’abord l’objet d’une vérification et d’un contrôle des dossiers par les ministères concernés. En outre, depuis le 10 octobre 2012, l’Assemblée nationale avait mis en œuvre une répartition équitable de la réserve entre les différents groupes parlementaires, au prorata de leurs effectifs, logique également suivie par le Sénat. Si initialement la pratique était très confidentielle et laissée à la totale discrétion des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances, le Bureau de l’Assemblée nationale a clarifié en 2013 les règles d’attribution avec la possibilité pour chaque député, de la majorité comme de l’opposition, de proposer l’attribution de subventions à hauteur de 130 000 euros en moyenne dont la modulation de la répartition entre les élus relevait de chaque groupe politique. Aux termes de l’article 11 de la loi organique n° 2013‑906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la liste des subventions versées au titre de la réserve parlementaire est par ailleurs devenue publique. Cette liste était notamment disponible sur le site internet de chaque assemblée et indiquait, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme budgétaire concerné et le parlementaire, le groupe parlementaire ou la présidence de l’assemblée à l’origine de la subvention.

Force est de constater que le prétendu manque de transparence de l’utilisation des crédits de la réserve parlementaire apparaît dès lors infondé.

Ainsi en 2016, les crédits exécutés au titre de la réserve parlementaire se sont élevés à 81,86 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et à 53,32 millions d’euros pour le Sénat, soit un total de 135,18 millions d’euros. Ces montants représentaient alors 0,035 % des dépenses de l’État. Ces subventions, exécutées dans les mêmes conditions que les autres dépenses de l’État, pouvaient être attribuées, selon les règles de droit commun, à des collectivités territoriales pour participer à leurs projets d’investissement ou encore à des associations et des fondations pour soutenir les actions qu’elles mènent. En 2016, sur les 81,86 millions d’euros attribués par les députés, 48 % sont allés à des projets d’investissement des collectivités et 52 % aux associations.

Cela représente 11 690 associations qui ont été aidées, le plus souvent avec des sommes modestes : 3 984 d’entre elles ont reçu 1 000 euros ou moins et 2 837 ont reçu entre 1 000 et 2 000 euros. Plus que l’apparent saupoudrage, cette aide permettait à beaucoup d’associations de survivre ou de lancer des projets voire de réaliser quelques investissements. Avec les difficultés actuelles engendrées par la crise sanitaire, de nombreuses associations ont été coupées de leur administration mais ont gardé un lien fort avec les élus et notamment avec leurs députés, ce qui explique l’afflux de demandes de soutien financier malgré la suppression de la réserve parlementaire. Cela témoigne de l’incompréhension des acteurs du territoire face à cette mesure.

De même pour de nombreuses petites communes qui rencontrent des difficultés pour réaliser un certain nombre de travaux et d’investissements, ces sommes représentaient une aide considérable et contribuaient bénéfiquement au financement de leurs projets. Souvent privées des subventions auxquelles ont droit de plus grandes collectivités, il n’existait pas d’autre aide possible que la réserve parlementaire pour bien de ces communes. Ces arguments prennent d’autant plus d’importance dans un contexte de contraction de l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Si l’enveloppe parlementaire permettait un soutien réel, utile et pertinent aux projets locaux ou associatifs, elle favorisait également le lien entre élus et territoires. Avec sa suppression – qui relevait au mieux d’une méconnaissance complète de l’action locale des parlementaires, au pire d’une volonté d’isoler les élus de leurs ancrages locaux, nous avons assisté à une nationalisation des mandats, rimant avec une perte réelle de liberté des élus et du déni de leur rôle à jouer pour soutenir la vie publique locale. Loin des critiques populistes et infondées de clientélisme, la réserve permettait aux parlementaires, proches de leurs administrés et donc parfaitement au courant des besoins de leurs territoires, d’allouer efficacement cette enveloppe. La suppression de la réserve parlementaire, sans aller jusqu’à créer des députés « hors‑sol », sans lien avec le terrain, a indéniablement privé les députés de levier d’action financière concrète pour aider les administrés qui viennent directement leur demander de l’aide. Aujourd’hui, toutes les subventions sont désormais centralisées par l’administration et les ministères.

En effet, pour compenser la suppression dite « sèche » de la réserve parlementaire, l’enveloppe nationale de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR, mission « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ») a été augmentée de cinquante millions d’euros, et le fonds de développement de la vie associative (mission « Jeunesse et vie associative ») a été abondé de vingt‑cinq millions d’euros supplémentaires. Ce fonds de développement de la vie associative (FDVA) est géré par le ministère chargé de la vie associative et ses concours financiers interviennent sous forme de subventions aux associations dont l’octroi intervient sur décision du ministre ou du préfet de région, en sa qualité de représentant de l’État, après avis des instances consultatives (Décret n° 2018‑460 du 8 juin 2018 relatif au fonds pour le développement de la vie associative). Cette réallocation d’une partie des montants autrefois attribués à la réserve parlementaire peut néanmoins souffrir des mêmes critiques que le dispositif antérieur, avec plus d’opacité encore que la réserve parlementaire dont les montants étaient directement consultables sur internet.

Pour l’ensemble de ces raisons, cette proposition de loi vise à permettre à nouveau aux parlementaires, nationaux et européens, de soutenir financièrement la vie associative locale et les projets communaux à travers le rétablissement de la réserve parlementaire, étendue aux établissements publics de santé, sociaux et médico‑sociaux.


proposition de loi ORGANIQUE

Article unique

I. – Après l’article 34 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il est inséré un article 34 bis ainsi rédigé :

« Art. 34 bis. – 1° Les parlementaires et représentants français au Parlement européen disposent de crédits à hauteur de 130 000 euros, consistant en l’ouverture de crédits en loi de finances par l’adoption d’amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Parlement en vue du financement d’opérations déterminées et ayant pour objectif :

« a) La distribution de subventions de financement d’investissement et de fonctionnement aux associations déclarées au titre de la loi de 1901 de leur choix ;

« b) La participation au financement d’investissement de projets financés majoritairement par des collectivités locales de leur choix ;

« c) La participation au financement d’investissement de projets financés majoritairement par des établissements publics de santé, définis par l’article L. 6141‑1 du code de la santé publique, de leur choix ;

« d) La participation au financement d’investissement de projets financés majoritairement par les établissements sociaux et médico sociaux, définis par l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles, de leur choix.

« 2° Les crédits définis au 1° mis à disposition des députés et des représentants français au Parlement sont fixés chaque année par l’Assemblée nationale au moment du vote de la loi de finances. Les crédits définis au 1° mis à disposition des sénateurs sont fixés chaque année par le Sénat au moment du vote de la loi de finances.

« 3° Les crédits non utilisés sont reportables d’année en année pour chaque parlementaire. »

II. – L’article 14 de la loi organique n° 2017‑1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique est abrogé.

III. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.