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N° 235

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à punir pénalement l’appropriation du bien d’autrui
sans motif légitime,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Annie GENEVARD, Éric CIOTTI, JeanLuc BOURGEAUX, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Raphaël SCHELLENBERGER, Philippe JUVIN, MarieChristine DALLOZ, Justine GRUET, JeanJacques GAULTIER, Émilie BONNIVARD, Christelle PETEXLEVET, Isabelle VALENTIN, JeanPierre TAITE, Frédérique MEUNIER, Ian BOUCARD, Véronique LOUWAGIE, Thibault BAZIN, AnneLaure BLIN, Vincent SEITLINGER, Emmanuel MAQUET, Alexandra MARTIN, Nicolas RAY, Michel HERBILLON, JeanLouis THIÉRIOT Fabien DI FILIPPO, Patrick HETZEL, Alexandre PORTIER, Jérôme NURY, Isabelle PÉRIGAULT, Mansour KAMARDINE, Nathalie SERRE, Emmanuelle ANTHOINE, Vincent DESCOEUR, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Valérie BAZINMALGRAS, Yannick NEUDER, Hubert BRIGAND,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la proposition de loi visant à punir pénalement l’appropriation du bien d’autrui sans motif légitime déposée le 20 mars 2019 par Julien Aubert, la procédure administrative d’expulsion de squatteurs occupant illégalement un logement a été modifiée le 1er janvier 2021 et depuis le 1er février 2022, il est possible de faire accompagner par un huissier de justice les propriétaires concernés.

Pourtant, les affaires retentissantes de squats dans notre pays continuent, preuve de la faiblesse des dispositifs juridiques en vigueur et des nombreux freins qui existent encore tels que la méconnaissance des règles nouvelles, l’interprétation subjective des textes ou l’inaction des autorités concernées, ce que les Républicains avaient dénoncé lors de l’examen des mesures proposées par le Gouvernement. Nous avions dit clairement leur insuffisance. L’actualité le démontre, hélas !

La médiatisation de certaines affaires peut accélérer leur résolution mais c’est le droit, et lui seul, qui peut régler ces situations et apporter assistance aux victimes de squatteurs.

Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi a vocation à défendre réellement le droit de propriété en luttant contre les phénomènes de squats de logements mais aussi contre les locataires indélicats qui s’installent dans le logement d’autrui et cessent de payer leurs loyers.

Ces atteintes manifestes au droit de propriété - qui a pourtant une valeur constitutionnelle – sont inacceptables. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites, qui ne font pourtant valoir que leur bon droit, se trouvent dans une situation d’impuissance à laquelle nous devons répondre.

Ces situations dramatiques ont, de plus, mis en évidence l’existence d’un vide juridique et d’une carence de l’action administrative : si le domicile est protégé en tant qu’extension de la notion d’atteinte à la vie privée, inscrite dans le code pénal, la propriété ne l’est pas.

Enfin, malgré l’existence des voies de recours pour expulser les personnes qui s’introduisent ou se maintiennent dans un bien immobilier sans droit ni titre, ces voies de recours sont lentes voire inexistantes lorsque l’administration, par souci d’éviter des troubles à l’ordre public, choisit de ne pas agir. Le recours indemnitaire, auquel le propriétaire lésé a dès lors droit, ne lui permet pas pour autant de retrouver la jouissance de son bien !

La présente proposition de loi entend donc lutter contre le recours à une justice privée qui est la conséquence regrettable d’une action publique souvent impuissante face aux violations de la propriété immobilière, en renforçant la célérité des voies d’exécution et en créant un nouveau délit sanctionnant les occupants sans droit ni titre d’un immeuble.

Cette proposition de loi fait donc de la défense du droit de propriété un véritable droit inaliénable et sacré, consacré par l’utilisation obligatoire du recours à la force publique pour le faire respecter.

Ses deux objectifs sont donc bien de défendre le droit de propriété en créant un délit d’occupation sans droit ni titre d’un immeuble, d’accélérer les voies d’exécution forcée et de rendre obligatoire l’exécution des décisions de justice en recourant à la force publique, si nécessaire.

Il s’agit dans un premier temps de dissuader les violations répétées du droit de propriété par la création d’un nouveau délit sanctionnant les occupants sans droit ni titre d’un immeuble.

Cette avancée nécessaire ne permet toutefois pas de débloquer la totalité des situations de squats de logement. Avec la notion de « domicile » inscrite dans le code pénal, le juge peut estimer qu’un immeuble vacant ou des bureaux n’entrent pas dans la notion de domicile.

Aussi, il appartient au législateur de faire le nécessaire afin de remédier à ce vide juridique en créant un cadre législatif autour de l’occupation sans droit ni titre de mauvaise foi d’un immeuble, au‑delà de la simple protection du « domicile », telle qu’interprétée par la jurisprudence.

Ainsi, l’article 1er introduit la notion de droit de propriété dans le code pénal en créant un chapitre distinct à l’intérieur du livre III du titre Ier du code pénal consacré aux « appropriations frauduleuses » afin que la propriété soit protégée en dehors de la notion de domicile. En complément, il crée dans ce chapitre deux nouveaux articles instituant un délit spécifique d’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier appartenant à un tiers, l’assimilant à un vol.

Cette assimilation entre occupation d’un bien immobilier et vol d’un bien mobilier rend alors l’occupation sans droit ni titre « de mauvaise foi » punissable de trois ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende, au minimum au même titre qu’un vol d’un bien mobilier.

L’article 2 aggrave la peine prévue à l’article 226‑4 du code pénal pour le délit d’ » introduction dans le domicile à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte » à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Il s’agit de doubler les peines prévues dans la loi afin de permettre une comparution immédiate devant le juge pénal et dès lors faciliter l’expulsion des personnes violant le domicile d’autrui. En effet, l’article 395 du code de procédure pénale dispose qu’à partir d’une peine minimale de deux ans d’emprisonnement, « le procureur de la République, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée, peut, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu surlechamp devant le tribunal ».

L’article 3 du présent texte propose de modifier l’article 38 de la loi sur le droit au logement opposable, en insérant l’occupation sans droit ni titre aux cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui.

En outre, l’article 4 crée un cas d’exclusion du bénéfice des dispositions de la loi sur le droit au logement opposable pour toute personne ayant été condamnée pour occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier pendant une durée de trois ans à compter de sa condamnation.

Par ailleurs, afin de rendre obligatoire le recours à la force publique pour expulser les occupants sans droit ni titre d’un bien, l’article 5 oblige le préfet à faire appel aux forces de l’ordre dans les 48 heures après la décision d’un juge accueillant la demande du propriétaire ou du locataire lésé.

Enfin, l’article 6 prévoit d’obliger la contractualisation de conventions entre propriétaires et occupants à titre gratuit d’un bien immobilier. Ces conventions qui seront résiliables selon le même mécanisme que les baux locatifs classiques, permettront de mieux protéger les occupants et les propriétaires, les occupants à titre gratuit se soumettant aux mêmes règles que les locataires d’un bien, mais sans versement d’une compensation financière. De même, un propriétaire qui souhaiterait récupérer un bien prêté temporairement pourrait le faire sous la seule condition de donner une période de préavis d’un mois à l’occupant afin que celui‑ci puisse quitter le logement qu’il occupe à titre gratuit.


proposition de loi

Article 1er

Le titre Ier du livre III du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« De l’occupation frauduleuse d’un immeuble

« Art. 3151. – L’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un bien immobilier appartenant à un tiers est assimilée à un vol et relève donc à ce titre des articles 311‑1 et suivants.

« Art. 3152. – Il incombe au tiers occupant sans droit ni titre de prouver sa bonne foi par la présentation d’un titre de propriété, d’un contrat de bail le liant au propriétaire de l’immeuble occupé, ou d’une convention d’occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien. »

Article 2

L’article 226‑4 du code pénal est ainsi modifié :

1° Après le mot : « est », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » ;

2° Après le mot : « autrui », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « , hors les cas où la loi le permet, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende et s’apparente à une occupation sans droit ni titre au sens de l’article 315‑1. »

Article 3

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « contrainte », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « ou d’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un bien immobilier, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte et fait la preuve que le logement est occupé de manière illicite par un officier de police judiciaire ou un huissier de justice. » ;

2°Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase, les mots : « aux occupants et » sont remplacés par les mots : « aux tiers occupants sans droit ni titre, ainsi qu’au propriétaire ou à l’occupant légal du logement, et est » ;

b) La troisième phrase est supprimée ;

3° Après le mot : « préfet », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « recourt à la force publique afin de procéder à l’évacuation forcée du logement. »

Article 4

Après l’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il est inséré un article 38 bis ainsi rédigé :

« Art. 38 bis. – Toute personne ayant fait l’objet d’une décision de justice la condamnant suite à une occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier, ne peut se prévaloir des dispositions prévues par la présente loi pendant une durée de trois ans à compter de la date de sa condamnation. »

Article 5

Lorsqu’un juge constate sur le fondement de l’article 315‑1 du code pénal une occupation sans droit ni titre par un tiers, le représentant de l’État dans le département où se situe l’immeuble occupé recourt, sur demande du propriétaire, dans les quarante‑huit heures à la force publique afin de déloger les tiers occupants de mauvaise foi dudit immeuble.

Article 6

À compter de la promulgation de la présente loi, toute occupation à titre gratuit d’un bien immobilier doit faire l’objet d’une convention signée entre le propriétaire et l’occupant.