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N° 240

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir la gratuité de l’éducation,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul VANNIER, Ségolène AMIOT, Rodrigo ARENAS, Idir BOUMERTIT, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Léo WALTER, Inaki ECHANIZ, Fatiha KELOUA HACHI, Francesca PASQUINI, Stéphane PEU, JeanClaude RAUX, Claudia ROUAUX, Sophie TAILLÉPOLIAN, Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Farida AMRANI, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Mickaël BOULOUX, Louis BOYARD, Moetai BROTHERSON, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, JeanFrançois COULOMME, Catherine COUTURIER, Pierre DHARRÉVILLE, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Olivier FAURE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Jérôme GUEDJ, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Johnny HAJJAR, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Jean-Paul LECOQ, Charlotte LEDUC, Murielle LEPVRAUD, Frédéric MAILLOT, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, JeanPhilippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Anna PIC, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACHTERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ,

Député.e.s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Dans ces quatre degrés d’instruction, l’enseignement sera totalement gratuit. (…) il importe à la prospérité publique de donner aux enfants des classes les plus pauvres, qui sont les plus nombreuses, la possibilité de développer leurs talents : c’est un moyen non seulement d’assurer à la patrie plus de citoyens en état de servir, aux sciences plus d’hommes capables de contribuer à leurs progrès, mais encore de diminuer cette inégalité qui naît de la différence des fortunes de mêler entre elles les classes que cette différence tend à séparer. L’ordre de la nature n’établit dans la société d’autre inégalité que celle de l’instruction et de la richesse, et en étendant l’instruction, vous affaiblirez à la fois les effets de ces deux causes de distinction. »

Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’Instruction publique présentés à l’Assemblée nationale au nom du Comité d’Instruction publique par Condorcet les 20 et 21 avril 1792.

Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ». Les articles L. 132‑1 et L. 132‑2 du code de l’éducation précisent que l’enseignement est gratuit dans les écoles, collèges et lycées publics.

Pourtant, dans certaines régions, les manuels servant de support à l’enseignement sont à la charge des familles. Dans la majorité des communes, la cantine est payante, ce coût n’est pas toujours proportionnel aux revenus des familles, et il est impossible pour les parents qui travaillent d’assurer eux‑mêmes l’organisation des repas de leurs enfants scolarisés. L’égal accès de l’enfant à l’instruction n’est donc pas, de fait, garanti.

En 2019, le CNAL a mené une enquête sur la gratuité à l’école ([1]). 1 022 réponses ont été recueillies, montrant les multiples atteintes au principe de gratuité :

– 20 % des familles déclarent que la gratuité des ouvrages scolaires n’est pas effective ;

– 52 % des familles dans le premier degré sont sollicitées pour acheter des fournitures scolaires (cahiers, règles, équerres, etc.), parmi elles 26 % sont en difficulté pour les financer. Elles sont 93 % dans le second degré, parmi elles 86 % sont en difficulté́ pour les financer ;

– 42 % des familles dans le premier degré sont sollicitées pour participer aux frais occasionnés lors des sorties pédagogiques (intervenants, transport, entrée des spectacles…). Elles sont 56 % dans le second degré, parmi elles 82 % sont en difficulté́ pour les financer ;

– 8 % des familles sont sollicitées dans le second degré pour participer au financement des activités sportives se déroulant sur le temps scolaire (par exemple, achat de rollers, de chaussons…) mais cela atteint 79 % dans le second degré ;

– 71 % des familles interrogées dans le premier degré déclarent que les classes transplantées avec nuitées impliquent une participation financière des familles. Pour 37 % d’entre elles, le prix n’est pas modulable selon les revenus de la famille et le nombre d’enfants. Dans le second degré, 92 % des familles participent au financement des voyages scolaires, dans 27 % des cas seulement ce prix est modulable. 59 % des répondants indiquent qu’il arrive que des élèves ne participent pas à un voyage scolaire pour des raisons financières ;

– 50 % des familles sont sollicitées pour d’autres financements (clé USB, ordinateur, tablettes, imprimante…) dans le second degré ;

– 74 % des familles sont impliquées dans le financement de la garderie du matin avant la classe ;

– 87 % des familles sont impliquées dans le financement de la garderie du soir après la classe ;

– 26 % des familles sont impliquées dans le financement des études surveillées ;

– 57 % des familles déclarent que la restauration scolaire fait l’objet d’un tarif fixe par enfant et n’est donc pas modulée en fonction de leurs revenus.

Dans un rapport intitulé Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants ([2]) de mai 2019, le Défenseur des droits indique que dans 20 % des communes, il n’y a pas de cantine. Le rapport note que « l’accès à la cantine se trouve entravé par le développement d’une fracture territoriale. Les inégalités entre collectivités locales, accentuées par le renforcement des restrictions budgétaires, contribuent à renforcer les inégalités sociales et les inégalités d’accès au service de restauration scolaire ». De plus, quand elles peuvent ouvrir une cantine, « les petites villes et les communes rurales privilégient un tarif unique, moins favorable aux familles à faibles revenus (…) Pour les familles à revenus modestes, l’inscription à la cantine exige un taux d’effort proportionnellement plus important que pour les familles aisées et coûte souvent trop cher ».

Ces coûts cachés de l’école vont augmenter à partir de la rentrée scolaire. Ainsi, Philippe Laurent, vice‑Président de l’Association des maires de France (AMF), déclarait le 25 mai 2022 ([3]) qu’ » On peut estimer que la moitié des communes » vont appliquer une augmentation des frais de cantine à la rentrée prochaine. Cela ferait passer le coût moyen d’un repas de 6,50 à environ 7 euros pour les 6 millions d’enfants qui mangent à l’école chaque jour. Or, le rapport du Défenseur des droits met en avant que « le rôle joué par la cantine pour certains enfants, en particulier les plus pauvres, apparaît de plus en plus déterminant, le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et équilibré de la journée. Cette situation est amplifiée par laugmentation non seulement du taux global de pauvreté mais aussi de la part de la population la plus pauvre ». La France compte près de 3 millions d’enfants pauvres selon l’INSEE, soit environ un enfant sur cinq ([4]).

De même pour les fournitures scolaires. La tonne de papier est passée de 500 euros à plus de 800 euros en moins d’un an. Éric Labastie, secrétaire général de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) sonne l’alerte sur FranceInfo ([5]) le 21 juin 2022 : « Les prix peuvent évoluer de 10 % à 40 % selon les fournitures », que ce soit le papier, les cahiers, les stylos, les classeurs. L’association Familles de France ([6]) estime le coût de la rentrée scolaire, en forte hausse cette année, à 208,12 € pour un enfant de 6e.

Cette proposition de loi propose de garantir l’égalité des conditions d’accès et d’apprentissage de tous les élèves en instaurant une gratuité réelle de l’éducation, en inscrivant dans la loi la gratuité des cantines, du transport, des sorties scolaires, des activités périscolaires, des manuels ainsi que des fournitures scolaires dans les établissements scolaires publics. Ces nouvelles dépenses seront prises en charge par l’État dans des conditions fixées par décret.

Larticle 1er prévoit la gratuité des cantines, du transport, des sorties scolaires, des activités périscolaires, des manuels ainsi que des fournitures scolaires dans les écoles publiques.

Larticle 2 prévoit la gratuité des cantines, du transport, des sorties scolaires, des activités périscolaires, des manuels ainsi que des fournitures scolaires dans les collèges et lycées publics.

Larticle 3 prévoit les gages de recettes et de charge afin d’assurer la recevabilité financière de la proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 132‑1 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La cantine, le transport scolaire, les sorties scolaires, les activités périscolaires, les manuels ainsi que les fournitures scolaires sont gratuits ».

Article 2

L’article L. 132‑2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La cantine, le transport scolaire, les sorties scolaires, les manuels ainsi que les fournitures scolaires sont gratuits dans les lycées et collèges publics ».

Article 3

I. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1]) https ://www.cnal.info/wordpress/wpcontent/uploads/2019/07/PPTenquêteCNALgratuité1.pdf

([2]) https ://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rapportcantinenum19.06.19.pdf

([3]) https ://www.rtl.fr/actu/debatssociete/invitertlcantinescolairelamoitiedescommunesvontaugmenterlestarifsestimephilippelaurent7900157658

([4]) https ://www.insee.fr/fr/statistiques/5371239?sommaire=5371304

([5]) https ://www.francetvinfo.fr/economie/inflationlafcpereclamelarevalorisationetleversementdesdebutjuilletdelallocationscolairepourfairefaceauxprixdesfournituresscolaires_5211841.html

([6]) https ://www.famillesdefrance.org/fr/domainedexpertises/consommation/coutdelarentreescolaireenfortehaussede425