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N° 249

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre le fléau des rodéos urbains,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Christelle D’INTORNI, Éric CIOTTI, Jean-Luc BOURGEAUX, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Victor HABERTDASSAULT, PierreHenri DUMONT, Meyer HABIB, Alexandra MARTIN, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Yannick NEUDER, Nicolas RAY, Vincent ROLLAND, Vincent SEITLINGER, Raphaël SCHELLENBERGER, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Antoine VERMORELMARQUES, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le phénomène des « rodéos urbains », loin du caractère festif que leur désignation semble leur attribuer, est devenu un véritable fléau mettant régulièrement en danger nos compatriotes, qu’ils soient sur les routes ou à pied. Ainsi, en 2021, ce sont près de 1 400 condamnations qui ont été adressées contre des auteurs de ce délit, soit près de quatre par jour.

Cet été encore, nous avons hélas été témoins de nouveaux délits graves en la matière. Fin juillet, une famille s’est retrouvée encerclée par tout un cortège de mariage en Seine‑Saint‑Denis qui a dégénéré en rodéo. Lundi 6 août c’était deux enfants de 7 et 11 ans qui se trouvaient très grièvement blessés dans le Val‑d’Oise, percutés par un jeune homme à moto. Mercredi 25 août, toujours dans le Val‑d’Oise, une fillette de 9 ans cette fois‑ci, qui marchait sur le trottoir devant son domicile en compagnie de sa famille, était à son tour blessée par un délinquant de 15 ans sur son deux‑roues.

Pour tenter d’endiguer ce phénomène dangereux une loi a été votée en 2018, prévoyant des amendes et des peines d’emprisonnement, ainsi que la confiscation du véhicule et la possibilité de suspendre le permis de conduire pour les auteurs de ces délits. Force est de constater aujourd’hui que les dispositions prévues par celle‑ci ne sont pas suffisamment dissuasives. Il est urgent de réagir avant que de nouveaux drames, plus lourds encore, ne se produisent.

Par ailleurs nos voisins britanniques, eux aussi confrontés à ces comportements dangereux, ont décidé de prendre des mesures fortes pour lutter contre les malfaiteurs qui en sont responsables. Également confrontée à une criminalité importante à véhicule, comme des vols à l’arraché, la police britannique a mis en place en 2018 la technique du « contact tactique » qui consiste à mettre fin à une poursuite avec un deux‑roues en « établissant un contact délibéré » entre le véhicule de police et la moto du suspect. Elle permet ainsi une interpellation directe du suspect.

Même si cette technique est utilisée principalement pour lutter contre la criminalité commise à l’aide de motos ou scooters, celle‑ci prouve son efficacité : ainsi selon le Sunday Times « 12 419 délits à moto ont été signalés à Londres entre janvier et octobre 2018, ce qui représente une réduction substantielle par rapport aux 19 455 incidents enregistrés au cours de la même période l’année [précédente] ».

L’usage de cette technique n’est aujourd’hui pas possible juridiquement pour les forces de l’ordre en France, et un rapport de Mme Natalia Pouzyreff et M. Robin Reda, députés, du 8 septembre 2021, souligne en matière de course‑poursuite « l’existence de plusieurs doctrines d’intervention sensiblement différentes » ([1]). Ils évoquent notamment la doctrine émanant de la Préfecture de police de Paris, remaniée par une note du préfet de police en date du 3 juillet 2020, qui a assoupli les conditions dans lesquelles les policiers peuvent recourir à la poursuite de véhicules, intitulée « prise en charge » ou « marquage ». À l’inverse, les agents de la Police nationale qui ne sont pas sous la responsabilité du préfet de police de Paris, et les militaires de la Gendarmerie nationale ont eux une doctrine beaucoup plus restrictive.

Aujourd’hui, huit Français sur dix sont pourtant favorables aux courses‑poursuites pour mettre un terme aux rodéos motorisés ([2]) et bien que la note de 1999 de la direction générale de la police nationale qui fixe la doctrine en la matière ait été plusieurs fois mise à jour, la possibilité pour les policiers d’engager une poursuite est très restreinte, a fortiori le « contact ».

La présente proposition de loi entend donc répondre au fléau des rodéos urbains en renforçant les moyens de les réprimer.

L’article premier de cette proposition de loi aggrave les peines encourues pour les auteurs de ces délits, en les faisant passer d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour le délit « simple », et en augmentant également les peines en cas de circonstances aggravantes.

Parce que ceux qui mettent en danger la vie d’autrui par ce genre de comportement ne devraient plus être autorisés à circuler sur nos routes pendant un certain temps, l’article deux prévoit, en plus de l’annulation obligatoire du permis de conduire, l’impossibilité de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant dix ans pour les personnes condamnées pour ce délit.

Par ailleurs, pour faciliter le prononcé des mesures de confiscation de véhicules ayant servi à commettre l’infraction, auquel le recours est aujourd’hui limité en partie en raison du coût qu’il représente pour les finances publiques durant la mise en fourrière, l’article trois de la présente proposition de loi réduit de sept à deux le nombre de jours au‑delà desquels le véhicule mis en fourrière est réputé abandonné et livré à la destruction.

Enfin, l’article quatre de la présente proposition ouvre la voie juridique à la mise en place de la doctrine du « contact tactique » pour faciliter le travail des forces de l’ordre dans l’interpellation des malfaiteurs responsables de ces délits.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 236‑1 du code de la route est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » et le nombre : « 15 000 » est remplacé par le nombre : « 30 000 ».

2° Au II, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois », et le nombre : « 30 000 » est remplacé par le nombre : « 45 000 ».

3° Au premier alinéa du III, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq », et le nombre : « 45 000 » est remplacé par le nombre : « 75 000 ».

4° Au IV, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept », et le nombre : « 75 000 » est remplacé par le nombre : « 100 000 ».

Article 2

Le 3° de l’article L. 236‑3 du code de la route est ainsi rédigé :

« 3° L’annulation obligatoire du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant dix ans. La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée ; »

Article 3

À la première et à la seconde phrase de l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 325‑7 du code de la route, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « deux ».

Article 4

Le titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Interpellation

« Art. L.4361. – Les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent engager la poursuite d’un véhicule refusant d’obtempérer aux injonctions de s’arrêter formulées par les membres des forces de l’ordre dans le cadre de la répression du délit prévu à l’article L. 236‑1 du code la route. Ils peuvent, en veillant à ne pas causer de dommage à des tiers, engager un contact direct entre leur véhicule et le véhicule poursuivi afin de l’arrêter.

« La prise en charge du véhicule doit s’effectuer avec discernement et fait l’objet d’un compte‑rendu immédiat au centre de commandement et d’information concerné qui évalue alors le bien‑fondé de cette intervention, en fonction des informations transmises et sollicitées, puis décide ou non de l’interrompre. »


([1]) Rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, 8 septembre 2021.

([2]) Sondage de l’Institut CSA pour CNEWS du 10 juin 2021.