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N° 308

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter efficacement contre les rodéos motorisés sauvages,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien ODOUL, Laurent JACOBELLI, Michaël TAVERNE, Christine ENGRAND, Timothée HOUSSIN, Aurélien LOPEZLIGUORI, Antoine VILLEDIEU, Lionel TIVOLI, Anaïs SABATINI, Frédéric CABROLIER, Alexis JOLLY, Laure LAVALETTE, Frédéric FALCON, Sébastien CHENU, Laurence ROBERTDEHAULT, Hervé de LÉPINAU, Edwige DIAZ, AnneSophie FRIGOUT, Frédéric BOCCALETTI, Romain BAUBRY, Lisette POLLET, Jorys BOVET, Stéphanie GALZY, Grégoire de FOURNAS, Jérôme BUISSON, Philippe LOTTIAUX, Emeric SALMON, Katiana LEVAVASSEUR, Sandrine DOGORSUCH, Alexandre SABATOU, Joëlle MÉLIN, Jordan GUITTON, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Marine HAMELET, Hélène LAPORTE, Nicolas MEIZONNET, Thierry FRAPPÉ, Thibaut FRANÇOIS, Kévin PFEFFER, Angélique RANC, Bénédicte AUZANOT, Christophe BARTHÈS, Jocelyn DESSIGNY, Gisèle LELOUIS, Pierre MEURIN, Victor CATTEAU, Daniel GRENON, Alexandra MASSON, Bryan MASSON, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Géraldine GRANGIER, Franck ALLISIO, Thomas MÉNAGÉ, Julie LECHANTEUX, JeanPhilippe TANGUY, Matthieu MARCHIO, Alexandre LOUBET, Caroline COLOMBIER, Roger CHUDEAU, Stéphane RAMBAUD, Philippe BALLARD, Christophe BENTZ, Bruno BILDE, Florence GOULET, Joris HÉBRARD, Yoann GILLET, Mathilde PARIS, Serge MULLER, José GONZALEZ, Frank GILETTI, Caroline PARMENTIER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2021, près de 26 900 interventions liées à des rodéos urbains ont été opérées sur notre territoire. Le nombre d’auteurs condamnés a bondi de 1400 % en trois ans, passant de 92 en 2018, à 1383 en 2021. Ce phénomène est non seulement un fléau pour les forces de l’ordre mais également pour les riverains qui subissent des nuisances insupportables et craignent pour leur sécurité et celle de leurs enfants. Le 8 juin dernier, un adolescent de 19 ans est mort percuté par un motard lors d’un rodéo urbain à Rennes. Le 5 août, deux enfants âgés de 10 et 11 ans ont été grièvement blessés à Pontoise, fauchés par un motard. Le 28 août, deux agents de la BAC ont été traînés sur plusieurs mètres par un conducteur à Palaiseau, alors qu’ils tentaient de l’interpeller. Malheureusement, la liste des blessés et des morts risque de s’allonger dans les mois à venir.

Les rodéos sauvages sont symptomatiques d’une société en plein déclin, où l’État peine à trouver des solutions concrètes pour faire face une délinquance toujours plus défiante de l’autorité et insoucieuse de la sécurité publique. Ce phénomène est en forte hausse sur l’ensemble du territoire, entraînant des drames à répétition et une exaspération des forces de l’ordre qui sont désemparés par l’inaction du gouvernement. Le commissaire Patrick Longuet en poste à Marseille expliquait en 2020 que la plupart des engins utilisés pour la pratique du rodéo étaient des instruments de collecte de stupéfiants servant à ravitailler les points de vente. Ce sont donc les mêmes jeunes déjà connus pour des faits de délinquance grave qui s’exercent à la pratique de rodéos sans permis, parfois avec un scooter volé. Si la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a permis d’inscrire un nouveau cadre légal en faisant de cette pratique un délit passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende, force est de constater que le bilan n’est pas celui escompté. L’augmentation exponentielle du nombre de rodéos sauvages ces quatre dernières années démontre bien que malgré un dispositif juridique ambitieux, il ne dissuade aucunement les auteurs.

Devant l’inefficacité de la politique actuelle, d’autres moyens d’action doivent être envisagés afin de lutter contre les rodéos urbains. 

À la suite de la mission d’évaluation sur l’impact de la loi du 3 août 2018 qui a été menée à l’Assemblée nationale en septembre 2021, dix‑huit recommandations ont été formulées. Parmi elles, on peut notamment lire l’engagement d’une réflexion sur « la pertinence et l’intérêt de la méthode du « contact tactique » britannique pour les forces de l’ordre françaises ». La méthode du « contact tactique » ou appelée « tampon » est autorisée au Royaume‑Uni depuis 2018 dans le cadre de la lutte contre les vols à l’arrachée et les rodéos motorisés. La direction centrale de la sécurité publique a assuré lors de son audition devant les membres de la mission d’évaluation que le nombre de rodéos motorisés a « drastiquement baissé » depuis l’entrée en vigueur de cette méthode. À titre d’exemple, à Londres, le nombre de délits commis sur un engin à deux roues est passé de 19 455 en 2017 à 12 419 en 2018, soit une baisse de 36 %. En clair, la technique du contact tactique a pu permettre à la police britannique de s’emparer du problème à bras‑le‑corps et agir concrètement pour protéger les piétons des dangers du rodéo urbain. Il est évident que la pédagogie envers les amateurs de rodéo ne porte plus ses fruits, et que ce phénomène dépasse largement le champ de compétences limité de l’autorité publique. Ce changement de doctrine est désiré par un grand nombre de policiers de terrain, mais aussi et surtout par les Français qui ne peuvent parfois plus se déplacer sans risquer d’être percuté. D’après un sondage en ligne réalisé par CNews en juin 2021, 8 Français sur 10 seraient favorables aux courses‑poursuites pour mettre fin aux rodéos sauvages.

Dans les faits, cette méthode pourrait être mise en place à la condition qu’elle soit accompagnée d’une formation préalable obligatoire pour les forces de l’ordre. Le premier article vient donc inscrire un nouveau cadre légal pour introduire le contact tactique dans le code de la sécurité intérieure.

Le deuxième article vise à augmenter le quantum des peines pour les auteurs de rodéo urbain. Bien souvent, cet acte est délibérément effectué dans le but de nuire à la tranquillité et la sécurité publiques, les peines doivent donc être alourdies en conséquence.

Le troisième article précise que l’auteur du rodéo urbain qui s’est vu saisir son véhicule devra lui‑même prendre en charge les frais qui s’appliquent a posteriori sur la garde et la destruction du matériel. Depuis le mois de janvier, près de 1 900 engins motorisés ont été saisis par la justice. Il n’y a aucune raison valable qui puisse justifier que la destruction du matériel soit à la charge de l’État.

Le quatrième article vise à mettre en place l’expulsion systématique de l’auteur d’un rodéo motorisé de son logement social, à l’instar de l’individu de Pontoise qui avait grièvement blessé une fillette en août dernier.

Enfin, le cinquième article demande un rapport au Gouvernement sur l’évolution de la formation des forces de l’ordre mettant en application le contact tactique.

Pour garantir la sécurité des Français, la lutte contre les délinquants et le fléau des rodéos urbains ne pourra s’opérer sans un changement radical de doctrine en la matière.

Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Contact tactique en cas de comportements portant atteinte à la sécurité ou la tranquillité des usagers de la route

« Art. L. 4361 – Dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale, des polices municipales, de la direction générale des douanes et droits indirects et les militaires de la gendarmerie nationale constatant la commission du délit mentionné à l’article L. 236‑1 du code de la route peuvent mettre en œuvre tous moyens proportionnés et nécessaires, notamment par dispositif mécanique d’interception de véhicule, par véhicule à moteur ou par contact matériel, permettant l’interpellation de l’auteur de l’infraction :

« 1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes motorisées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui ; 

« 2° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter le conducteur du véhicule qui cherche à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui est susceptible de perpétrer, dans sa fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ; 

« 3° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser par un autre moyen le véhicule, dont le conducteur n’obtempère pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui. »

Article 2

Au premier alinéa de l’article L. 236‑1 du code de la route, les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 »

Article 3

La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 325‑1‑1 du code de la route est ainsi rédigée : « Les frais d’enlèvement, de garde en fourrière et de destruction sont à la charge de l’auteur de l’infraction. »

Article 4

Le chapitre VI du titre III du livre II du code de la route est complété par un article L. 236‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2364 – En cas de commission du délit mentionné à l’article L. 236‑1, l’auteur des faits habitant un logement social peut faire l’objet d’une procédure d’expulsion de son logement au sens de l’article L. 411‑1 du code des procédures civiles d’exécution. »

Article 5

Un mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’évolution de la formation des policiers et des gendarmes pour mettre en application les modifications apportées par la présente loi.