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N° 312

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les représentants de la force publique, les professionnels de santé et du secteur médicosocial ainsi que le personnel d’éducation et d’orientation,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Yannick NEUDER, Éric CIOTTI, Michèle TABAROT, Marc LE FUR, Alexandre VINCENDET, Nathalie SERRE, Julien DIVE, Nicolas RAY, Josiane CORNELOUP, Fabien DI FILIPPO, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Alexandra MARTIN, Éric PAUGET, Nicolas FORISSIER, Francis DUBOIS, Philippe GOSSELIN, Pierre VATIN, Philippe JUVIN, JeanPierre TAITE, Alexandre PORTIER, Christelle PETEXLEVET, Thibault BAZIN, JeanJacques GAULTIER, Michel HERBILLON, Vincent SEITLINGER, Véronique LOUWAGIE, Stéphane VIRY, Patrick HETZEL,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

Protéger ceux qui nous protègent,
nous soignent et nous enseignent.

 

Mesdames, Messieurs,

Les agressions contre ceux qui nous protègent, nous soignent et nous enseignent, se sont banalisées et aggravées depuis les dernières années.

Alors que l’Ordre des médecins observe « une progression régulière des violences physiques ou verbales à l’égard des soignants » ([1]), les forces de l’ordre et les pompiers indiquent eux aussi être très inquiets par l’insécurité grandissante dont ils sont victimes : « On se fait caillasser sans trop savoir pourquoi. On n’a pas choisi ce métier pour ça » ([2]). Les enseignants aussi sont nombreux à avoir peur d’enseigner librement par crainte de s’attirer les foudres des familles. Un sentiment exacerbé depuis l’assassinat de Samuel Paty.

Pour illustrer l’opportunité de la présente proposition de loi, il convient de mentionner que d’après le Ministère de l’Intérieur, on déplorait en 2019 plus de 68 000 procédures pour agression contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, soit 72 % de plus qu’en l’an 2000. L’augmentation est même de 148 % en ce qui concerne les seuls faits de violence ([3]).

De plus, d’après un rapport de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONSV), près de 23 800 cas de violences ont été signalés en 2019. La majorité d’entre elles sont constatées en service d’urgences ([4]).

Quant au personnel éducatif et d’orientation, une étude de la Fédération des délégués départementaux de l’Éducation nationale indique par exemple qu’en 2021, près d’un chef d’établissement sur deux (44 %) dit avoir été insulté dans le cadre de ses fonctions, notamment par des parents d’élèves. Ces derniers remettraient en cause la légitimité des enseignants, les punitions et résultats scolaires, voire parfois nos principes de laïcité.

La Nation doit se faire protectrice de ceux qui ont embrassé une mission d’intérêt général et qui s’engagent chaque jour au service de la collectivité. Il est insupportable que certains d’entre eux se rendent au travail avec la boule au ventre. Parce qu’ils nous protègent, nous soignent et nous enseignent, l’État doit tout mettre en œuvre afin de leur permettre d’exercer leurs missions dans des conditions satisfaisantes.

C’est pourquoi, le législateur a le devoir de s’assurer que des peines suffisantes soient appliquées à tous ceux qui s’en prennent à nos héros du quotidien, lesquels ne cessent d’interpeller les pouvoirs publics dans l’espoir d’une réponse forte.

L’article premier de la présente proposition de loi prévoit la mise en place d’un dispositif de peines minimales de privation de liberté, dites « peines planchers » pour les crimes et délits commis contre les policiers, les gendarmes, les sapeurspompiers professionnels ou volontaires, les policiers municipaux, les agents des douanes ainsi que toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique.

L’article second prévoit la mise en place d’un dispositif de peines minimales de privation de liberté, dites « peines planchers » pour les crimes et délits commis contre l’ensemble des professionnels de santé et du secteur médicosocial, de droit public ou privé.

L’article troisième prévoit la mise en place d’un dispositif de peines minimales de privation de liberté, dites « peines planchers » pour les crimes et délits commis contre l’ensemble du personnel d’éducation et d’orientation des établissements d’enseignement public ou privé.

Par exemple, si un individu est condamné pour un délit puni de cinq ans d’emprisonnement, la peine prononcée ne pourra être inférieure à trois ans. Toutefois, la juridiction pourra, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine ou de la prononcer pour une durée inférieure à ces seuils.


proposition de loi

Article 1er

La sous‑section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :

1° L’article 132‑18‑1 est ainsi rétabli :

« Art. 132181. – Pour les crimes commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire, un policier municipal, un agent des douanes, ainsi que toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« Lorsqu’un crime est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » ;

2° L’article 132‑19‑1 est ainsi rétabli :

« Art. 132191. – Pour les délits commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire, un policier municipal, un agent des douanes ainsi que toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Dix‑huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;

« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;

« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;

« 4° Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« Lorsqu’un délit est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. »

Article 2

La sous‑section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :

1° Après l’article L. 132‑18‑1, il est inséré un article L. 132‑18‑2 ainsi rédigé :

« Art. 132182. – Pour les crimes commis contre l’ensemble des professionnels de santé et du secteur médico‑social, de droit public ou privé, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« Lorsqu’un crime est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » ;

2° L’article L. 132‑19‑2 est ainsi rétabli :

« Art. 132192. – Pour les délits commis contre l’ensemble des professionnels de santé et du secteur médico‑social, de droit public ou privé, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Dix‑huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;

« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;

« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;

« 4° Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« Lorsqu’un délit est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. »

Article 3

Après l’article L. 132‑18‑2 du code pénal, sont insérés des articles 132‑18‑3 et 132‑18‑4 ainsi rédigés :

« Art. 132183. – Pour les crimes commis contre l’ensemble du personnel d’éducation et d’orientation des établissements d’enseignement public ou privé, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« Lorsqu’un crime est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » ;

« Art. 132193. – Pour les délits commis contre l’ensemble du personnel d’éducation et d’orientation des établissements d’enseignement public ou privé, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Dix‑huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;

« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;

« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;

« 4° Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« Lorsqu’un délit est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. »


([1]) Dauphiné Libéré, 26 juillet 2022.

([2]) Le Parisien, 21 août 2022.

([3]) Chiffres départementaux mensuels relatifs aux crimes et délits enregistrés par les services de police et de gendarmerie depuis janvier 1996, Ministère de l’Intérieur, mis à jour le 31 août 2022.

([4]) Rapport 2020, ONSV, Ministère des Solidarités et de la Santé, 2020.