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N° 321

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à sauvegarder la langue française
et à réaffirmer la place fondamentale de l’Académie française,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

AnneLaure BLIN, Christophe BENTZ, Émilie BONNIVARD, JeanYves BONY, Jean-Luc BOURGEAUX, Hubert BRIGAND, Jérôme BUISSON, Paul CHRISTOPHE, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Fabien DI FILIPPO, Nicolas FORISSIER, Annie GENEVARD, Justine GRUET, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Mansour KAMARDINE, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Alexandra MARTIN, Yannick NEUDER, Éric PAUGET, Christelle PETEXLEVET, Alexandre PORTIER, Nathalie SERRE, Michèle TABAROT, Jean-Pierre TAITE, JeanLouis THIÉRIOT, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Stéphane VIRY, Philippe BALLARD, Christophe BARTHÈS, Pierrick BERTELOOT, Nathalie BASSIRE, Véronique BESSE, Guy BRICOUT, Frédéric CABROLIER, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Roger CHUDEAU, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Romain DAUBIÉ, Béatrice DESCAMPS, Nicolas DUPONTAIGNAN, Frédéric FALCON, Grégoire de FOURNAS, Anne-Sophie FRIGOUT, Stéphanie GALZY, Frank GILETTI, Marine HAMELET, Alexis JOLLY, Hélène LAPORTE, Laure LAVALETTE, Hervé de LÉPINAU, Philippe LOTTIAUX, Matthieu MARCHIO, Nicolas MEIZONNET, Thomas MÉNAGÉ, Emmanuelle MÉNARD, Julien ODOUL, Caroline PARMENTIER, Lisette POLLET, Julien RANCOULE, Laurence ROBERTDEHAULT, Alexandre SABATOU, Michaël TAVERNE, Laurence VICHNIEVSKY,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Français comme langue officielle de notre Nation est le fruit de plusieurs siècles d’Histoire.

C’est ainsi que l’Ordonnance de Villers‑Cotterêts du 25 août 1539, toujours en vigueur, prévoit que « tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. ».

Ensuite, la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 a conféré une valeur fondamentale à notre langue française dans l’article 2 de notre Constitution.

Par suite, le principe a été rappelé et explicité par la loi n° 94665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

Or, depuis plusieurs années, nous constatons que s’est développée en France ce qui est appelé désormais communément « l’écriture inclusive ». L’objectif affiché étant de prétendument « assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes » en faisant apparaître explicitement et systématiquement, dans la forme et dans la structure des mots écrits, la présence des femmes « à égalité » avec les hommes.

L’écriture dite « inclusive » s’illustre ainsi sous plusieurs formes :

‒ mentionner par ordre alphabétique : « l’égalité entre les femmes et les hommes » (ex : elle et il sont heureux ) ;

– mettre systématiquement au féminin les noms de fonctions et de professions (ex : autrice, mairesse, doctoresse, artisane, etc.) ;

– employer le féminin et le masculin lorsqu’il s’agit d’un groupe ou d’une personne dont on ne connaît pas le genre ;

– utiliser le point, le point médian ou le tiret pour écrire le féminin et le masculin en un mot (ex : lecteur.rice.s, traducteur·rice·s ou auditeur‑rice‑s).

– recourir à des pronoms neutres comme « iel », contraction de « il » et « elle ».

– créer des manières neutres pour évoquer les personnes sans avoir à préciser le genre.

En tout état de cause, la représentation graphique de cette « écriture » est particulièrement compliquée lors de la prononciation orale (exemple : l’indulgent•e lecteur•rice) et encore plus acrobatique lorsque les mots sont au pluriel (où le « s » est ajouté après un point médian. Ex : les lecteur•rice•s).

En vérité, l’écriture dite « inclusive » ébranle en profondeur le système de notre langue et instaure une rupture radicale et systématique entre écrit et oral très discriminatoire.

De nombreux linguistes ont d’ailleurs fait valoir, à plusieurs reprises, que cette « écriture » est excluante notamment pour les personnes atteintes de dyslexie, de dyspraxie ou de dysphasie, mais également particulièrement ardue pour les élèves en cours d’apprentissages.

Elle pose également un problème quant à l’enseignement de notre langue aux étrangers et aux ressortissants des pays francophones. Indéniablement, cette complexité aura pour conséquence inéluctable de les voir se détourner de son apprentissage.

Ainsi, dans une circulaire gouvernementale du 21 novembre 2017 « relative aux règles de féminisation », le Premier ministre d’alors a invité « (…) à ne pas faire usage de l’écriture inclusive » et au « respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l’État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme. » (Circulaire validée par l’arrêt du Conseil d’État du 28 février 2019)

En mai 2021, le ministre de l’éducation nationale a également fait valoir, dans une circulaire, qu’« il convient de proscrire le recours à l’écriture dite ‘‘inclusive’’, qui utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d’un mot employé au masculin lorsque celui‑ci est utilisé dans un sens générique. »

Malgré les textes en vigueur et les multiples recommandations gouvernementales, il est constaté une volonté délibérée d’imposer dans un certain nombre d’administrations, d’établissements d’enseignement ou de médias cette « écriture » comme obéissant aux règles de la langue française.

Pour exemple, en novembre 2017, plus de 300 fonctionnaires de l’éducation nationale ont fait fi de l’état du droit positif et se sont engagés à ne plus enseigner la règle de la prééminence du masculin sur le féminin en classe, certains allant même jusqu’à enseigner à leurs élèves comment écrire en « inclusif ».

Plus récemment encore, en juin 2022, l’Université Clermont‑Auvergne a fait adopter une » Charte pour une communication inclusive à l’UCA » par son conseil d’administration et indique que l’écriture dite « inclusive » devient obligatoire « dans l’ensemble de ses documents officiels, nouveaux ou en révision, en particulier dans ses règlements, directives, rapports, offres d’emploi ».

Si certains partis politiques, enseignants, administrations, éditeurs, associations, entreprises, syndicats, etc. cèdent peu à peu face à la pression des lobbys pour imposer cette « écriture », il revient au législateur d’afficher sa réelle détermination à sauvegarder notre langue française en donnant à l’Académie française tous les moyens pour assurer la préservation et l’évolution de notre langue.

En effet, dans ses communications constantes, l’Académie française a toujours mis en garde contre l’écriture dite « inclusive » et dénonce même un « péril mortel » car elle « aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. »

Les statuts de l’Académie française fondée par le Roi Louis XIII en janvier 1635 précisent que « La principale mission de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences. »

Redonner à l’Académie française ses lettres de noblesse et son autorité devient aujourd’hui plus que nécessaire pour endiguer les tentatives de dénaturation de la langue française.

Si la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, indique que « la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics », elle manque cependant de précisions notamment sur l’instance qui a la charge de veiller à la sauvegarde de notre langue.

Dès lors, l’objectif de la présente proposition de loi est de prévoir des dispositifs concrets pour à la fois proscrire fermement l’utilisation de l’écriture dite « inclusive » et donner pleine latitude à l’Académie française pour fixer la grammaire, l’orthographe et la syntaxe de notre langue.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 1er de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’Académie française fixe et préserve les règles grammaticales, orthographiques et syntaxiques de la langue française. ».

Article 2

Le premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 précitée est complété par les mots : « telle qu’elle est codifiée par l’Académie française. »

Article 3

Le premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 précitée est complété par les mots : « telle qu’elle est codifiée par l’Académie française. »

Article 4

La première phrase du premier alinéa de l’article 5 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : « telle qu’elle est codifiée par l’Académie française. »

Article 5

Après l’article 7 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 précitée, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :

« Art. 7 bis.  Les documents administratifs, les publications, les revues, les manuels scolaires, les communications papier et numériques diffusées en France et qui émanent d’une personne morale de droit public, d’une personne morale de droit privé, d’une personne privée exerçant une mission de service public, d’une association, d’un syndicat, d’un média, d’un parti politique ou d’une personne privée bénéficiant d’une subvention publique, doivent être rédigés en langue française telle qu’elle est codifiée par l’Académie française.

« L’usage de l’écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine, est interdit.

« Le présent article est également applicable aux documents, publications, revues et communications produites et diffusées par les administrations mentionnées au 1° de l’article L. 100‑3 du code des relations entre le public et l’administration. »

Article 6

À compter de la promulgation de la présente loi, l’utilisation de l’écriture dite inclusive est formellement interdite.

La violation de cette interdiction est punie d’une amende de 7 500 euros pour les personnes morales.

L’octroi, par les collectivités et les établissements publics, de subventions de toute nature est subordonné au respect par les bénéficiaires des dispositions de la présente loi.

Tout manquement à ce respect peut, après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations, entraîner l’arrêt et la restitution totale de la subvention.