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N° 328

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à augmenter le salaire minimum interprofessionnel
de croissance à 1 600 euros net,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Alexis CORBIÈRE, Charlotte LEDUC, Rachel KEKE, Sébastien ROME, Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, JeanFrançois COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, JeanPhilippe NILOR, Danièle OBONO, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACHTERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à répondre à lurgence sociale en portant laugmentation du SMIC à 1 600 euros net et en instaurant un mécanisme de solidarité pour aider les très petites et moyennes entreprises à financer cette hausse des salaires. Aujourd’hui, la flambée des prix atteint son plus haut niveau depuis 1985. Les classes populaires deviennent les premières cibles sur le front de linflation. Tous les indicateurs sociaux sont déjà au rouge. Près de 8 millions de nos concitoyennes et concitoyens sont contraints de recourir à laide alimentaire pour subvenir à leurs besoins, 12 millions rencontrent des difficultés pour se chauffer, et 10 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté. La situation est particulièrement critique dans les Outre‑mer que le gouvernement a totalement abandonnées ces dernières années. Mais le pire est à craindre. Le travail ne protège même plus de la pauvreté puisque le pays compte près de 2 millions de travailleurs pauvres.

La meilleure protection du pouvoir dachat passe par laugmentation des revenus. Ce fut dailleurs cette motivation qui poussa à la création du premier salaire minimal en France par la loi du 11 février 1950 visant à « relancer la consommation et lutter contre la pauvreté » pour ensuite donner lactuel SMIC en vigueur depuis 1969. Mais fidèle à la méthode éprouvée depuis 2017, les mesures gouvernementales sont tardives et bien souvent insignifiantes. Le plafond de la prime de partage de la valeur, dite « prime Macron » a ainsi été augmenté par le projet de loi portant soi‑disant « mesures pour le pouvoir dachat ». Dans les faits, ce dispositif coûteux et défiscalisé na concerné en 2021 que 16 % des salarié∙es pour des montants aléatoires et arbitraires.

La feuille de route est claire : le Gouvernement encourage les entreprises à verser des primes – bien quelles ne le fassent pas – et fait ainsi diversion sur la juste et nécessaire revendication de hausse des salaires. Pour les mêmes raisons, les gouvernements successifs depuis 2017 se sont toujours refusés à revaloriser le SMIC. Les augmentations annuelles ne sont que la résultante de la formule dindexation automatique légale, elle‑même insuffisante car bridée par le fait que lensemble des bas salaires augmentent faiblement. Pour finir, malgré le contraste saisissant entre des bénéfices records pour quelques‑uns et une précarité inédite pour des millions de nos concitoyennes et concitoyens, le gouvernement s’est contenté de mesures dajustements et dannonces fausses ou dépourvues deffets. Ainsi, M. le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a‑t‑il demandé aux entreprises daugmenter les salaires « si elles le peuvent » le 29 juillet 2022.

Augmenter le SMIC constitue une mesure urgente de justice sociale. En effet, selon la dernière note de lObservatoire des multinationales de mai 2022, les groupes du CAC 40 ont ainsi versé à leurs actionnaires plus de 80 milliards deuros en dividendes et rachats dactions pour lannée 2021. Dernièrement, le record a une nouvelle fois été battu au deuxième trimestre 2022 avec 44 milliards deuros de dividendes versés. Pour 2020, la même tendance était déjà bien amorcée : ces grands groupes ont reversé à leurs actionnaires l’équivalent de 140 % de leurs profits annuels, allant jusqu’à puiser dans leur propre trésorerie pour mieux satisfaire leurs actionnaires. Les mêmes excès se constatent du côté de la rémunération des Présidents Directeurs Généraux à la tête de ces groupes. Le PDG du groupe CMA‑CGM a vu sa fortune multipliée par six en une année, passant de 6 à 36 milliards deuros. Pour le groupe Total, son PDG sest quant à lui accordé une augmentation de 52 % en 2021. En moyenne sur lannée 2022, les patrons du CAC 40 vont toucher 7,4 millions deuros cette année, soit l’équivalent de 5681 SMIC, en complète déconnexion avec les réalités du pays et en dehors de toute logique économique ou de gains de productivité.

Augmenter le SMIC, c’est une mesure de bienêtre social pour les 2,04 millions de Français qui touchent le salaire minimum, soit 12 % de lensemble des salarié∙es du privé. Du fait de l’inflation, les salaires réels ont diminué de 3 % en un an. Celle‑ci devrait avoisiner les +6 % d’ici la fin de l’année. En plus du renchérissement de l’électricité et du gaz, les produits de consommation courante voient aussi leurs prix s’envoler : +12,4 % sur un panier de produits (IRI, septembre 2022). La hausse est encore plus conséquente dans le détail : +15 % pour le café, +17 % pour la farine, +29 % pour le riz et les coquillettes, +137 % pour l’huile de tournesol. Alors que le premier quinquennat du Président Emmanuel Macron a fait basculer au moins 400 000 personnes dans la pauvreté, le décrochage des revenus par rapport aux prix se répercute brutalement sur les conditions de vie des ménages au quotidien : 8 Français sur 10 prévoient des économies sur leurs dépenses essentielles. La flambée des prix des carburants, de l’énergie et de l’alimentation a encore érodé des conditions matérielles déjà exsangues, attaquant la capacité de survie même de nos concitoyens.

Augmenter le SMIC serait aussi synonyme dune nette amélioration des conditions de travail et de rémunération. En effet, la proportion des bénéficiaires du SMIC par principaux secteurs dactivités montre que près de 40 % des bénéficiaires travaillent dans le secteur « Hébergement et restauration », 25 % dans les « Activités de services », et 20 % dans le secteur « Santé Humaine et action sociale ». Tous ces secteurs connaissent des conditions de travail particulièrement difficiles, tant par la pénibilité des tâches requise que par le faible niveau de rémunération.

Augmenter le SMIC c’est également une mesure résolument féministe. Parmi les salariés au SMIC, près de 60 % des bénéficiaires sont des femmes, alors quelles ne représentent que 45 % de lemploi salarié. La hausse du SMIC constituerait donc une mesure concrète et immédiate pour favoriser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes souvent évoquée comme la « grande cause du quinquennat » sans quaucune mesure ne soit prise pour la réaliser.

Mécaniquement, la hausse du SMIC permettrait de relancer la consommation populaire. Cela est loin d’être une idée neuve en Europe. Au contraire, elle sinscrirait en pleine cohérence avec la dynamique existante chez nos voisins. Depuis 2018, le Gouvernement espagnol a augmenté le salaire minimum de 31,8 %. En Allemagne, laugmentation a été de lordre de 25 % en décembre 2021. Au Royaume‑Uni, cette hausse fut de 30 % ces cinq dernières années et dépassera le niveau français cette année. Dans le même temps, le Royaume‑Uni connaît un record de création demplois en 2021, ce qui bat en brèche les arguments tenus par les libéraux farouchement opposés à toute hausse de salaires. Lexemple français le démontre également. Lorsque le SMIC fut augmenté en France de 14 % entre 1997 et 2002, près de 2 millions demplois ont été créés sur la même période, contre trois seulement dans les dix années précédentes.

La hausse du SMIC ne pénalise pas lemploi, pas plus quelle ne pénalise les entreprises contrairement à ce que soutiennent les détracteurs libéraux. Dans les faits, cest tout linverse : cette hausse remplit les carnets de commandes des petites et moyennes entreprises qui constituent limmense majorité du tissu industriel et commercial français. Elle permettra de relancer lactivité en stimulant la consommation populaire et ainsi participer du développement économique de la nation. Elle apportera aussi une réponse à des tensions de recrutement en rendant certains secteurs qui rechignent à améliorer les conditions dembauche plus attractifs.

L’augmentation du SMIC à 1 600 euros nets doit s’accompagner d’un autre dispositif : une caisse de péréquation. Celle‑ci permettra de mutualiser la contribution sociale entre grandes et petites entreprises. En effet, la pandémie comme linflation révèlent des états de dénuement alarmants et de grandes difficulté, y compris pour les petites entreprises tandis que les profiteurs de crise tirent profits de la spirale inflationniste. Cette caisse sera financée par une contribution progressive sur le résultat net des entreprises pour garantir la soutenabilité financière de la hausse du SMIC à chacune delle et notamment aux très petites, petites et moyennes entreprises. Enfin, en tenant compte des allègements de cotisations en vigueur sur les bas salaires, une partie de la hausse serait dans un premier temps prise en charge par lÉtat.

Cette proposition de loi propose donc en son article premier laugmentation immédiate du SMIC à 1 600 euros net dès le 1er janvier 2023. Il prévoit également par son article 2 un mécanisme de solidarité pour aider les très petites et moyennes entreprises à financer cette hausse des salaires.

 

 


proposition de loi

Article 1er

I. – Larticle L. 3231‑4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2023, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de lindexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 2 050 euros brut mensuel. »

II. – Il est institué une caisse de péréquation inter‑entreprises, financée par une contribution progressive sur le résultat net réalisé par les entreprises dont le chiffre daffaires constaté au dernier exercice comptable est supérieur à 750 millions deuros. Cette caisse garantit pour chaque entreprise, la soutenabilité financière pour les associations employeuses, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises de la hausse du salaire minimum de croissance prévue au I du présent article.

Un décret en Conseil d’État fixe le barème et les modalités de contrôle et de recouvrement de la contribution destinée à son financement.

Article 2

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune.