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N° 344

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un service à la Nation,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alexandre VINCENDET, Julien DIVE, Virginie DUBYMULLER, Raphaël SCHELLENBERGER, Pierre VATIN, Éric PAUGET, Vincent SEITLINGER, Dino CINIERI, Mansour KAMARDINE, Alexandre PORTIER, Stéphane VIRY, Philippe JUVIN,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandezvous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». John Fitzgerald Kennedy

En 1996, Jacques Chirac, Président de la République, annonçait la professionnalisation des armées et la suspension du service national. Ce sera chose faite par la loi du 28 octobre 1997 adoptée par la majorité dite plurielle issue de la dissolution.

Si le service militaire, devenu service national en 1965 sous le Général de Gaulle, fut suspendu, c’était pour une raison essentielle qui figurait déjà̀ dans le programme du RPR en 1993 : « la France a besoin de se doter d’une véritable armée professionnelle et doit, dès lors, renoncer au principe de la conscription »

De droite comme de gauche, nos dirigeants de l’époque, à raison, faisaient le constat que « le service militaire universel et égalitaire », avait cessé, au fil du temps, d’être militairement utile et efficace, qu’il n’avait jamais été́ universel car ne s’adressant de manière obligatoire aux jeunes hommes, et qu’il n’avait que rarement été́ égalitaire, du fait des exemptions de plus en plus nombreuses et inventives.

Dès lors, il ne faut plus envisager le retour d’un service militaire idéalisé́, qui aurait été́ le lieu magique, creuset de la République, qui aurait « fait nation » pour le plus grand bénéfice de ses enfants alors que l’armée, à longueur de rapport, d’études et autres livres blancs, confirme qu’un nouveau service militaire n’aurait aucun intérêt pour elle et constituerait une charge paralysante.

Et pourtant, quinquennat après quinquennat, ou plutôt campagne après campagne, le sujet revient sur la table de l’opinion publique, parfois sur la table du Conseil des ministres et plus rarement sur la table du Parlement.

C’est le signe, que collectivement, les Français continuent à penser qu’il manque dans notre pays un moment collectif, universel et égalitaire, qui permettrait à chacun de devenir pleinement citoyen.

Être citoyen dans notre République ne peut être uniquement dû au hasard d’un lieu de naissance ou d’un dossier administratif. Être citoyen dans notre République, c’est reconnaitre que celle‑ci a sur nous des droits et des devoirs, mais aussi que nous aussi avons envers elles, des droits et des devoirs.

La présente proposition de loi vise donc instaurer un service d’accès à la citoyenneté des droits et devoirs, simple, compréhensible par tous, accessible à tous à travers un « service à la Nation »

Les articles 1er, 2 et 3 remplacent ainsi le service national universel (SNU) par le service à la Nation, définit comme le devoir pour chacun, en sus du recensement et la journée défense, de donner à la Nation entre l’âge de 16 et 26 ans, trois mois de leur temps, soit environ 90 jours, en travaillant bénévolement pour l’État, une collectivité́ territoriale ou une association reconnue d’utilité́ publique. Les 90 jours de service bénévole pourront être réalisés en une seule fois, ou de manière fractionnée sur dix ans. Néanmoins, toute personne souscrivant un contrat d’engagement avec nos forces armées, dans la réserve de la Gendarmerie nationale ou la réserve de la Police nationale, s’il n’est pas résilié, sera réputé avoir réalisé son service à la Nation.

Au‑delà de 26 ans, la non réalisation du service à la Nation ne donnera plus accès à certains droits assurés par la République comme le RSA, l’accès au statut de fonctionnaire, le droit de se présenter à une élection locale et nationale. Le service à la Nation ayant vocation à renforcer l’auto‑responsabilisation de chacun, il pourra toutefois être réalisé sans fractionnement des 90 jours d’engagement bénévole au‑delà des 26 ans et sans limite maximum d’âge, redonnant ainsi l’accès aux droits suspendus.

Ainsi, si quelqu’un, par idéologie ou par esprit de contradiction ne souhaite accomplir ce devoir, il fera le pari de ne jamais avoir, un jour, même lointain, besoin de la République.

Les articles 5 et 6 et 7 conditionnent à la réalisation de ce service à la Nation l’obtention du RSA, la possibilité́ de devenir fonctionnaire et la possibilité de se présenter à une élection locale ou nationale.

L’article 8 conditionne l’accès à la nationalité française pour les étrangers résidants légalement en France à la réalisation du service à la Nation.

Cette proposition de loi fait aussi de la réalisation du service à la Nation une condition nécessaire à l’obtention de la nationalité française. L’article 9 conditionne donc le droit à un étranger, en situation régulière, de demeurer sur le territoire national au‑delà de cinq ans à la réalisation du service à la Nation.

Enfin, les seuls cas d’exemption du service à la Nation devront être motivés auprès d’une commission parlementaire ad hoc qui devra valider l’exemption à la majorité́ qualifiée.

Cette proposition de loi est au cœur de la notion de contrat social : celui qui veut faire partie de l’ensemble et bénéficier des services de l’État se doit de donner une partie de lui‑même.

 

 


proposition de loi

Article 1er

À l’article L. 111‑1 du code du service national, les mots : « national universel » sont remplacés par les mots : « à la Nation ».

Article 2

L’article L. 111‑2 du code du service national est ainsi rédigé :

« Le service à la Nation comprend des obligations : le recensement, la journée défense et citoyenneté et 90 jours d’engagement bénévole pour l’État, une collectivité́ territoriale ou une association reconnue d’utilité́ publique entre l’âge de 16 ans et l’âge de 26 ans.

« La liste des organismes publics ou associatifs pouvant accueillir des bénévoles citoyens est fixée par décret.

« Les 90 jours d’engagement bénévole peuvent être fractionnés sur les 10 ans entre l’âge de 16 ans et l’âge de 26 ans. 

« Au‑delà de 26 ans, le service à la Nation peut être réalisé à tout âge sans fractionnement des 90 jours d’engagement bénévole. 

« Les cas d’exemption au service à la Nation devront être motivés auprès d’une commission parlementaire ad hoc qui devra valider l’exemption à la majorité́ qualifiée. ».

Article 3

L’article L. 111‑2‑1 est abrogé.

Article 4

Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code du service national est complété par un article L. 111‑4 ainsi rédigé :

« Art. 1114.  Toute personne souscrivant un contrat d’engagement avec nos forces armées, la réserve de la gendarmerie nationale ou la réserve de la police nationale, s’il n’est pas résilié, sera réputée avoir satisfait le service à la Nation. ».

Article 5

Après le 2° de l’article L. 321‑1 du code général de la fonction publique, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis S’il ne répond aux conditions de réalisation du service à la Nation prévues à l’article L. 111‑2 du code du service national ; »

Article 6

L’article L. 262‑4 du code de l’action sociale et des familles est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Répondre aux conditions de réalisation du service à la Nation prévues à l’article L. 111‑2 du code du service national. »

Article 7

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code électoral est complété par un article L. 45‑2 ainsi rédigé :

« Art. 452. – Ne peuvent faire acte de candidature les personnes ne répondant pas aux conditions de réalisation du service à la Nation prévues à l’article L. 111‑2 du code du service national. »

Article 8

L’article L. 21‑2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le conjoint étranger doit enfin répondre aux conditions de réalisation du service à la Nation prévues à l’article L. 111‑2 du code du service national. »

Article 9

Après l’article L. 21‑16 du code civil, sont insérés deux articles L. 21‑16‑1 et L. 21‑16‑2 ainsi rédigés :

« Art. 21161. – La naturalisation ne peut être accordée qu’à l’étranger répondant aux conditions de réalisation du service à la Nation prévues à l’article L. 111‑2 du code du service national.

« Art. 21162. – Peut être naturalisé sans condition de réalisation du service à la Nation :

« 1° L’étranger qui a effectivement accompli des services militaires dans une unité de l’armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées ; 

« 2° L’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel. Dans ce cas, le décret de naturalisation ne peut être accordé qu’après avis du Conseil d’État sur rapport motivé du ministre compétent ; 

« 3° L’étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application de la loi n° 52‑893 du 25 juillet 1952 portant création d’un Office français de protection des réfugiés et apatrides. ».

Article 10

L’article L. 234‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « précédentes » sont insérés les mots : « et répondant aux conditions de réalisation du service à la Nation prévues à l’article L. 111‑2 du code du service national acquièrent ».

2° La première phrase du second alinéa est complétée par les mots : « et répondu aux conditions de réalisation du service à la Nation prévues à l’article L111‑2 du code du service national ».