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N° 347

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI

tendant à garantir la décence des logements conventionnés,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre CORDIER, Émilie BONNIVARD, Ian BOUCARD, Dino CINIERI, Julien DIVE, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Victor HABERTDASSAULT, Michel HERBILLON, Philippe JUVIN, Mansour KAMARDINE, Yannick NEUDER, Alexandre PORTIER, Jean-Pierre TAITE, Jean-Pierre VIGIER, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY,

députés.

 

 

 

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Un particulier désirant mettre en location un logement peut signer une convention avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour bénéficier de réductions fiscales sur les revenus locatifs encaissés. Si le propriétaire recourt à l’intermédiation locative sociale, il peut également percevoir une prime de 1 000 euros, à condition que le loyer soit un loyer social ou très social, jusqu’au 31 décembre 2022. Autre garantie non négligeable : l’aide personnalisée au logement (APL) peut être versée directement par la Caisse d’allocations familiales au bailleur.

En contrepartie, la convention, détaillée à l’article L. 3214 du code de la construction et de l’habitation, impose au propriétaire un montant maximum de loyer (intermédiaire, social ou très social), et des restrictions dans le choix du locataire en excluant notamment les proches du propriétaire. La durée du bail ne peut être inférieure à neuf ans si le propriétaire reçoit une aide pour réaliser des travaux d’amélioration, et à six ans dans le cas contraire.

Pour autant, la notion de « logement décent » reste très vague. En effet, le décret n° 2002120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi  20001208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains défini un « logement décent » comme ne présentant pas de risques pour la sécurité physique et la santé des occupants. Il doit être pourvu des éléments de confort habituels (eau chaude et froide, prises électriques, installation permettant le chauffage…), répondre à des critères de surface minimale et de performance énergétique et être exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites.

Lorsqu’un logement loué n’est pas conforme aux caractéristiques de la décence, le locataire doit d’abord s’assurer qu’il n’est pas à l’origine du mauvais état du logement (ne pas boucher les ventilations, entretenir les joints de la douche, des fenêtres…). Les menues réparations et les réparations d’entretien courant sont également à sa charge. Si la responsabilité paraît bien incomber au propriétaire, le locataire peut engager des démarches en le contactant, et en cas de refus, en saisissant le tribunal d’instance.

Le maire est responsable de la salubrité publique et de la sécurité sur sa commune. Un agent des services techniques et sanitaires de la commune peut donc effectuer une visite du logement et établir un rapport transmis ensuite au maire. Si le logement ne répond pas aux prescriptions du Règlement sanitaire départemental (RSD), et que la responsabilité ne paraît pas incomber au locataire dans le cadre de l’entretien courant du logement, le maire peut mettre en demeure le propriétaire de respecter ce règlement. Si les travaux ne sont pas réalisés à l’issue d’une demande verbale ou d’un courrier simple, un procèsverbal d’infraction sera établi et adressé au propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception. Celuici sera tenu au paiement d’une contravention.

Mais bien souvent, étant en situation précaire, le locataire d’un logement indécent ou insalubre n’est pas armé pour se lancer dans ce combat juridique. La peur de se retrouver sans aucun toit, à la rue, le dissuade de contacter les services qui pourraient pourtant l’aider afin que son droit légitime à un logement décent soit respecté. Les autorités administratives ont l’obligation d’intervenir pour faire cesser les situations d’habitat indigne dont elles ont connaissance. Mais encore fautil qu’elles en aient connaissance…

Pour pallier à cela, certains maires ont décidé, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi ALUR, d’instaurer dans leurs communes un « permis de louer » afin de lutter contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil, mais cela ne s’applique pas aux locations de logements sociaux ni à ceux faisant l’objet d’une convention APL avec l’État…

En effet, en principe, tout logement avec une demande de conventionnement en cours peut faire l’objet d’une visite de contrôle de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) qui s’assure de la véracité des informations mentionnées et vérifient qu’il n’y a pas de problèmes liés à la décence ou à l’état général du logement. Après cette visite, il peut être demandé de procéder à quelques menus travaux ou installations complémentaires avant la validation de la convention. Mais cette visite n’est pas systématique.

L’Agence nationale de contrôle du logement social compte parmi ses prérogatives le contrôle de l’application des conventions d’APL, mais en l’état actuel du droit, elle n’est pas habilitée à contrôler les logements des bailleurs particuliers conventionnés à l’Anah.

De même, la Caf est habilitée à faire vérifier sur place le respect des conditions de décence car une de ses missions est, en effet, de contribuer à améliorer le cadre de vie des familles. Mais là encore, les contrôle sont rares.

Il n’est pas acceptable que des propriétaires bénéficient d’avantages fiscaux conséquents et d’une garantie des loyers par le versement direct de l’Aide personnalisée au logement (APL) par la Caisse d’allocations familiales pour des logements indignes qu’ils auraient honte de proposer sur le marché locatif classique.

Cette proposition de loi vise par conséquent à écrire dans la loi que l’Agence nationale de contrôle du logement social et l’Agence nationale de l’habitat, qui assurent déjà le contrôle du respect des conventions signées avec les bailleurs, vérifient également la décence des logements qui font une demande de conventionnement avant l’entrée en vigueur des conventions, puis tous les cinq ans.

Ce contrôle devra être effectué par une visite du logement, et pas seulement par un contrôle théorique d’un « dossier papier ». La visite quinquennale permettra également de protéger les propriétaires en constatant d’éventuelles dégradations du logement ou défaut d’entretien incombant aux locataires.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’avantdernier alinéa de l’article L. 3214 du code de la construction et de l’habitation est complété par les mots : « , laquelle contrôle, avant l’entrée en vigueur de la convention, puis au moins une fois tous les cinq ans, la décence du logement au sens de l’article 6 de la loi n° 89462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 861290 du 23 décembre 1986. ».

Article 2

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

 Après la première phrase de l’article L. 35311, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La décence de chaque logement est contrôlée par une visite de l’Agence nationale de contrôle du logement social avant l’entrée en vigueur des conventions, puis tous les cinq ans. » ;

 À la fin du 4° du II de l’article L. 3422, les mots : « , à l’exception de celles concernées uniquement au titre de logements conventionnés mentionnés à l’article L. 3218 » sont supprimés.

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés à l’article 991 du code général des impôts.