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N° 354

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Olivier MARLEIX, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BAZIN-MALGRAS, Anne-Laure BLIN, Émilie BONNIVARD, Jean-Yves BONY, Ian BOUCARD, Jean-Luc BOURGEAUX, Xavier BRETON, Hubert BRIGAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Marie-Christine DALLOZ, Vincent DESCŒUR, Fabien DI FILIPPO, Julien DIVE, Francis DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, Pierre-Henri DUMONT, Nicolas FORISSIER, Jean-Jacques GAULTIER, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, Justine GRUET, Victor HABERT-DASSAULT, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Christelle D’INTORNI, Philippe JUVIN, Mansour KAMARDINE, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Alexandra MARTIN, Frédérique MEUNIER, Maxime MINOT, Yannick NEUDER, Jérôme NURY, Éric PAUGET, Isabelle PERIGAULT, Christelle PETEX-LEVET, Alexandre PORTIER, Aurélien PRADIE, Nicolas RAY, Vincent ROLLAND, Raphaël SCHELLENBERGER, Vincent SEITLINGER, Nathalie SERRE, Michèle TABAROT, Jean-Pierre TAITE, Jean-Louis THIERIOT, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Antoine VERMOREL-MARQUES, Jean-Pierre VIGIER, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY.

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En octobre 2017, deux jeunes filles d’une vingtaine d’années, Laura et Mauranne, tombaient sous les coups d’un terroriste à Marseille. Cet attentat odieux aurait pourtant pu être évité car l’individu faisait l’objet d’une mesure d’expulsion du territoire. En réaction à ce drame, le Président de la République Emmanuel Macron avait souhaité que « toutes celles et ceux qui commettent un acte délictueux soient expulsés ». Pourtant rien n’a été fait malgré les nombreuses communications du ministre de l’intérieur à ce sujet.

Pendant sa deuxième campagne présidentielle, Emmanuel Macron a pourtant réitéré ses propos en souhaitant cibler en priorité l’expulsion des étrangers irréguliers acteurs d’actes terroristes ou fichés pour radicalisation. Face à la difficile mise en place des procédures d’exclusions, le chef de l’État réclamait des mesures opérationnelles rapidement. Il ciblait en priorité l’expulsion des étrangers irréguliers acteurs d’actes terroristes ou fichés pour radicalisation. Rappelons qu’il a eu 5 années pour agir sur ce sujet et pourtant…

En juillet 2022, Gérald Darmanin annonçait que depuis deux ans, 2 751 étrangers délinquants ont été expulsés, 770 comme responsables de trafic de stupéfiants, 900 pour violences conjugales. Pourquoi seulement maintenant et sans en tirer les conséquences législatives pour expulser plus facilement et plus rapidement ?

Si la France a, à l’égard des étrangers, une tradition d’accueil incontestable qui n’a nullement l’intention d’être remise en cause, cette hospitalité doit avoir un corolaire : le respect par les étrangers accueillis de nos lois, de notre ordre public et de notre sécurité.

Un étranger qui commet un crime ou un délit sur notre territoire national, où il n’est qu’autorisé à séjourner, doit voir son droit au séjour retiré et faire l’objet d’une mesure d’expulsion. Ce doit être la règle. Les exceptions doivent être le plus strictement limitées.

Comment comprendre alors que plus d’un détenu sur cinq dans nos prisons, soit un étranger ? Selon les données du ministère de la Justice([1]), sur un total de 70 867 détenus dans les prisons françaises au 30 juin 2022, 18 114 étaient des ressortissants étrangers soit près de 26 % de l’ensemble. Parmi eux, un continent ressort particulièrement : l’Afrique qui compte 10 456 détenus soit 58 % des étrangers.

Dans notre droit, deux régimes juridiques coexistent :

– La peine complémentaire d’interdiction du territoire qui peut être prononcée par un tribunal à l’égard d’un étranger coupable d’un crime ou d’un délit. Elle peut être définitive ou temporaire. Elle entraine la reconduction du condamné à la frontière, le cas échéant après qu’il a purgé sa peine de prison, puisque l’interdiction du territoire est suspendue pendant la durée de de l’exécution de celle‑ci.

– Un régime administratif, pris sur la base des articles L. 631‑1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui permet aux préfets, ou au ministre de l’intérieur de décider l’expulsion d’un étranger si cette mesure constitue « une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique » ou « en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

Cette expulsion décidée par l’autorité administrative ou judiciaire, lorsqu’elle s’applique à un étranger s’étant rendu coupable d’un crime, d’un délit ou d’une infraction, ou lorsqu’il menace l’ordre public a été qualifiée de « double peine ».

Elle a fait l’objet d’un aménagement en 2003 visant à mieux protéger les étrangers ayant des attaches plus fortes en France. Seule une décision de justice « spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger » ou une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme d’au moins 5 ans, permettent respectivement au juge et à l’autorité administrative d’éloigner un étranger « protégé ».

Ces protections s’appliquent largement, ainsi, par exemple, :

1. Un étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française,

2. Une personne résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans,

ne peuvent pas être expulsés même s’ils présentent une menace pour la sécurité publique.

La France a aujourd’hui une législation plus tolérante que certains de ses voisins européens : en Allemagne la législation a été modifiée en 2016 pour faciliter l’expulsion des étrangers protégés par les statuts de réfugié, dès lors qu’ils étaient condamnés, même avec sursis.

La présente proposition de loi vise donc à assouplir les conditions d’expulsion des individus constituant une menace grave pour l’ordre public, en élargissant le champ des catégories de personnes concernées.

L’article unique de ce texte a pour objet de supprimer certaines catégories de personnes qui font exception aux mesures d’expulsion du territoire français au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

 

 


proposition de loi

Article unique

Le chapitre Ier du titre III du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 631‑2 est ainsi modifié :

a) Les 2°, 3° et 4° sont abrogés ;

b) Aux avant‑dernier et dernier alinéas, les références : « aux 1° à 4° » sont remplacées par la référence : « au 1° ».

2° L’article L. 631‑3 est ainsi modifié :

a) Les 2°, 3° et 4° sont abrogés ;

b) Au septième alinéa, le mot : « à » est remplacé par le mot : « et » ;

c) L’avant‑dernier alinéa est supprimé ;

d) Au dernier alinéa, le mot : « à » est remplacé par le mot : « et ».


([1]) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/STAT_STMF_2022_06.pdf