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N° 417

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre le squat dans les propriétés privées,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Marine LE PEN, Thibaut FRANÇOIS, Thomas MÉNAGÉ
et les membres du groupe Rassemblement National et apparentés (1),

députés.

 

 

(1) Ce groupe est constitué de Mesdames et Messieurs : Franck Allisio, Bénédicte Auzanot, Philippe Ballard, Christophe Barthès, Romain Baubry, José Beaurain, Christophe Bentz, Pierrick Berteloot, Bruno Bilde, Emmanuel Blairy, Sophie Blanc, Frédéric Boccaletti, Pascale Bordes, Jorys Bovet, Jérôme Buisson, Frédéric Cabrolier, Victor Catteau, Sébastien Chenu, Roger Chudeau, Caroline Colombier, Annick Cousin, Nathalie Da Conceicao Carvalho, Grégoire de Fournas, Hervé de Lépinau, Jocelyn Dessigny, Edwige Diaz, Sandrine Dogor‑Such, Nicolas Dragon, Christine Engrand, Frédéric Falcon, Thibaut François, Thierry Frappé, Anne‑Sophie Frigout, Stéphanie Galzy, Frank Giletti, Yoann Gillet, Christian Girard, José Gonzalez, Florence Goulet, Géraldine Grangier, Daniel Grenon, Michel Guiniot, Jordan Guitton, Marine Hamelet, Joris Hébrard, Timothée Houssin, Laurent Jacobelli, Alexis Jolly, Hélène Laporte, Laure Lavalette, Marine Le Pen, Julie Lechanteux, Gisèle Lelouis, Katiana Levavasseur, Christine Loir, Aurélien Lopez‑Liguori, Marie‑France Lorho, Philippe Lottiaux, Alexandre Loubet, Matthieu Marchio, Michèle Martinez, Alexandra Masson, Bryan Masson, Kévin Mauvieux, Nicolas Meizonnet, Joëlle Mélin, Yaël Ménache, Thomas Ménagé, Pierre Meurin, Serge Muller, Julien Odoul, Mathilde Paris, Caroline Parmentier, Kévin Pfeffer, Lisette Pollet, Stéphane Rambaud, Angélique Ranc, Julien Rancoule, Laurence Robert‑Dehault, Béatrice Roullaud, Anaïs Sabatini, Alexandre Sabatou, Emeric Salmon, Philippe Schreck, Emmanuel Taché de la Pagerie, Jean‑Philippe Tanguy, Michaël Taverne, Lionel Tivoli, Antoine Villedieu.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 27 juillet dernier, un habitant d’Aubigny‑au‑Bac, dans le Douaisis, a alerté les autorités locales de l’occupation de sa maison familiale héritée quelques mois plus tôt. Alors qu’il devait commencer les travaux de rénovation au mois d’août, il n’a finalement pas pu les réaliser car deux couples et leurs trois enfants occupaient illégalement sa maison.

Cet habitant a déposé plainte à la gendarmerie. Un avis d’expulsion a été envoyé à la préfecture, qui n’y a pas donné suite.

Ce type de situation résulte à la fois des lacunes législatives et d’un laxisme judiciaire de la part des autorités compétentes.

Depuis plusieurs années, un certain nombre de nos concitoyens propriétaires de biens immobiliers en sont dépossédés du fait de l’introduction ou du maintien d’individus au sein de ceux‑ci sans droit ni titre.

Ce phénomène, communément et médiatiquement connu sous le nom de « squat », peut prendre des formes différentes. Il concerne à la fois des logements inhabités ou des logements initialement loués puis au sein desquels se maintiennent les locataires à l’expiration du bail. Il concerne même, parfois, des logements habités mais laissés vacants pour une période limitée du fait, par exemple, d’un départ en vacances ou encore avant la livraison d’un bien neuf.

Les propriétaires des logements concernés, pour qui l’achat d’un bien immobilier est parfois le projet de toute une vie, se retrouvent désarmés et abandonnés par les pouvoirs publics. Pire : la Cour de cassation a récemment considéré que leur responsabilité peut être engagée en cas de défaut d’entretien, l’occupation sans droit ni titre n’étant pas constitutive d’une faute de nature à l’exonérer (Cass. 2e civ., 15 septembre 2022, n° 19‑26.249).

C’est donc la triple peine pour les honnêtes propriétaires : ils doivent assurer l’entretien du bien illicitement occupé sous peine de voir leur responsabilité engagée, se battre devant les tribunaux et, enfin, se battre pour obtenir l’exécution de la décision éventuellement rendue en leur faveur.

Il est urgent de légiférer pour éviter de voir apparaître des « justices privées » qui « régleraient » directement les questions de squat laissées sans réponse par notre droit en vigueur.

Au‑delà de la mise en cause éventuelle de sa responsabilité civile, le propriétaire est également amené à exposer un certain nombre de frais courants (eau, électricité,…) et de frais liés à la procédure de libération du logement. L’actualité en donne un exemple caractéristique : après quatre ans de squat, il est réclamé à un propriétaire de 86 ans une facture d’eau de 97 582 euros correspondant à des impayés s’étalant de 2018 à 2022. Ces frais s’ajoutent à ceux parfois engagés pour se reloger.

Enfin, les dispositions relatives à la violation de domicile ne sont aujourd’hui pas applicables aux locaux vides de meubles (Cass. crim., 19 juillet 1957). Ainsi, quelqu’un s’introduisant ou se maintenant sans droit ni titre au sein d’un tel local ne se rend pas coupable de l’infraction. Cette conception est largement dépassée au vu des enjeux de protection de la propriété face au phénomène du squat.

La présente loi a pour objectif de protéger les propriétaires victimes d’occupation illicite de leur bien immobilier.

L’article 1 crée un nouveau délit d’occupation frauduleuse d’un logement, d’un immeuble ou d’un terrain.

L’article 2 renforce les peines applicables en matière de violation de domicile.

L’article 3 rend applicable le délit de violation de domicile à l’introduction ou au maintien dans des locaux même vides de meubles, modifiant la jurisprudence actuelle.

L’article 4 complète l’article L. 411‑1 du code des procédures civiles d’exécution en cas d’occupation sans droit ni titre constitutive une atteinte à l’ordre public.

L’article 5 réécrit en profondeur l’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale afin de pouvoir lutter efficacement contre les squats.

L’article 6 crée une action directe et met à l’abri le propriétaire de procédures de recouvrement entamées par des fournisseurs s’agissant des charges courantes exposées durant la période d’occupation. Le paiement de ces charges sera garanti par l’État s’il est défaillant.

L’article 7 permet aux fournisseurs d’électricité et de gaz d’exiger la présentation d’un titre, par exemple un contrat de bail, avant la prise d’effet d’un contrat de fourniture. À défaut de présentation de ce titre, la souscription pourra être refusée.

L’article 8 met l’ensemble des charges, dépens et frais irrépétibles tendant au recouvrement de sommes nées du fait de cette occupation ou tendant à l’expulsion de l’occupant à la charge de ce dernier.

L’article 9 permettra de protéger les propriétaires en créant une cause d’exonération ad hoc dans le cas où leur responsabilité serait recherchée. Il précise que la responsabilité civile du propriétaire ne peut être recherchée pour tout dommage causé durant la période d’occupation sans droit ni titre et résultant d’un défaut d’entretien du bien, corrigeant la jurisprudence.

 


proposition de loi

Titre Ier

DISPOSITIONS PÉNALES

Article 1er

Le titre Ier du livre III du code pénal est complété́ par un chapitre V ainsi rédigé́ :

« CHAPITRE V

« De l’occupation frauduleuse d’un logement ou d’un immeuble

« Art. 3151. – L’occupation frauduleuse d’un logement, d’un immeuble ou d’un terrain se définit par l’action de l’occuper et de s’y maintenir sans droit ni titre, de mauvaise foi et contre la volonté́ du propriétaire ou de la personne disposant d’un titre à l’occuper.

« Art. 3152. – L’occupation frauduleuse d’un logement, d’un immeuble ou d’un terrain est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« Lorsqu’une personne déjà condamnée définitivement pour des faits d’occupation frauduleuse d’un logement, d’un immeuble ou d’un terrain commet, dans un délai de dix ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, le même délit, elle est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

« Est assimilé à l’occupation frauduleuse le fait de ne pas quitter un meublé de tourisme dans un délai de soixante‑douze heures suivant le terme prévu de la location. »

Article 2

Le premier alinéa de l’article 226‑4 du code pénal est ainsi modifié :

1° Les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » ;

2° Le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 45 000 euros ».

Article 3

L’article 226‑4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions sont applicables aux locaux vides de meubles. »

TITRE II

DISPOSITIONS PROCÉDURALES

Article 4

L’article L. 411‑1 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où l’occupation illégale ou sans droit ni titre d’un lieu habité constitue une atteinte à l’ordre public, l’expulsion d’urgence peut être diligentée, sans aucune condition de durée de l’occupation illégale, par l’autorité administrative. Les autorités compétentes sont le représentant de l’État dans le département ou le maire de la commune sur laquelle sont situés les locaux concernés, agissant en vertu de leurs pouvoirs respectifs des polices administratives de la tranquillité, de la sécurité ou de la salubrité publiques. Les forces de l’ordre ainsi que les officiers publics territorialement compétents sont tenus d’obéir à tout ordre de réquisition. L’acte administratif ayant ordonné l’expulsion d’urgence est susceptible d’être attaqué devant les juridictions administratives compétentes. »

Article 5

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur en faveur de la cohésion sociale est ainsi rédigé :

« Art. 38.  En cas d’introduction et de maintien, quelle qu’en soit la durée, dans le domicile d’autrui ou dans un local quelconque à usage d’habitation, le propriétaire, toute personne disposant d’un titre régulier et actuel justifiant son droit à occuper les lieux, ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte des personnes mentionnées précédemment, après avoir déposé plainte en justifiant de son droit par tout moyen et après avoir fait constater l’occupation des lieux par un officier de police judiciaire, peut demander au représentant de l’État dans le département de mettre en demeure dans les plus brefs délais tout tiers occupant ainsi frauduleusement ces lieux de les quitter.

« Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de Police, statue au plus tard dans un délai de quarante‑huit heures à compter de la réception de la demande. Il ne peut refuser de procéder à cette mise en demeure que s’il apparaît des motifs impérieux de douter que l’auteur de la demande est bien fondé dans sa démarche. En cas de refus, les motifs de la décision sont communiqués sans délai à l’auteur de la demande ainsi qu’au propriétaire et à la personne disposant d’un titre régulier et actuel justifiant son droit à occuper les lieux, s’ils sont connus et quand ils ne sont pas l’auteur de la demande.

« La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt‑quatre heures ni supérieur à dix jours, sauf, à titre exceptionnel, pour des considérations impérieuses d’intérêt général ou liées à la situation des personnes concernées, dûment énoncées dans la décision. Elle met en garde l’occupant contre toute dégradation, détérioration ou altération des lieux et lui interdit de procéder à toute opération qui aurait pour objet ou pour effet de faire échec aux droits du propriétaire ou d’un occupant disposant d’un titre régulier et actuel, comme à faire obstacle à l’intervention de la force publique. Elle est notifiée par tout moyen à tout occupant des lieux, à l’auteur de la demande ainsi qu’au propriétaire et à la personne disposant d’un titre régulier et actuel justifiant son droit à occuper les lieux, s’ils sont connus et quand ils ne sont pas l’auteur de la demande. Elle est publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux.

« Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de Police, recourt à la force publique afin de procéder sans délai à l’expulsion forcée de tout occupant du logement en vue de permettre à l’auteur ou au bénéficiaire de la demande de rentrer pleinement dans son droit.

« Les articles L. 412‑1 à L. 412‑7 du code des procédures civiles d’exécution ne sont pas applicables dans le cas de la procédure d’expulsion prévue à l’avant‑dernier alinéa. ».

TITRE III

DISPOSITIONS CIVILES

Article 6

Si une des personnes visées au premier alinéa de l’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 a sollicité la mise en demeure, qu’elle n’a pas été suivie d’effet et qu’il n’est pas recouru à la force publique dans les conditions prévues par ce même article, l’ensemble des charges et frais courants nés durant la période d’occupation sans droit ni titre sont à la charge de l’État qui en garantit le paiement.

Ces charges et frais courants sont, hors le cas visé au premier alinéa, à la charge de l’occupant. Les créanciers concernés bénéficient d’une action directe à son égard.

Aucune action tendant au recouvrement des sommes visées aux premier et deuxième alinéas ne peut être menée à l’égard du propriétaire du bien.

Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

Article 7

Tout client souhaitant souscrire un contrat de fourniture d’électricité ou de gaz pour sa propre consommation au sens des articles L. 331‑1 et L. 441‑1 du code de l’énergie peut être tenu de présenter au fournisseur, sur sa demande, un titre l’autorisant à occuper le logement, l’immeuble ou le terrain concerné.

Le défaut de présentation du titre susmentionné constitue un motif légitime au sens de l’article L. 121‑11 du code de la consommation.

Les modalités d’application du présent article sont définies par décret.

Article 8

L’ensemble des charges, dépens et frais irrépétibles exposés par le propriétaire d’un bâtiment occupé sans droit ni titre tendant au recouvrement de sommes nées du fait de cette occupation ou tendant à l’expulsion de l’occupant sont à la charge de ce dernier.

Article 9

La responsabilité civile du propriétaire d’un bien immobilier ne peut être recherchée pour tout dommage causé durant une période d’occupation sans droit ni titre et résultant d’un défaut d’entretien du bien.

Article 10

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.