Description : LOGO

N° 422

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre obligatoire la signalisation des radars mobiles privés,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre CORDIER, JeanYves BONY, Ian BOUCARD, Jean-Luc BOURGEAUX, Hubert BRIGAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Josiane CORNELOUP, MarieChristine DALLOZ, Fabien DI FILIPPO, Julien DIVE, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, PierreHenri DUMONT, Nicolas FORISSIER, Marc LE FUR, Emmanuel MAQUET, Frédérique MEUNIER, Alexandre PORTIER, Vincent ROLLAND, Jean-Pierre TAITE, Isabelle VALENTIN, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les voitures radars ont commencé à sillonner la France depuis 2013. Le Projet de loi de finances pour 2023 indique qu’elles sont 400 « dont plus de 50 % auront une conduite externalisée » d’ici à fin 2023, étant entendu qu’à terme, toutes seront conduites par des chauffeurs privés.

Ces voitures de contrôle sont d’autant moins détectables qu’elles sont banalisées et que leurs marques et modèles sont variés. Elles font aussi leurs preuves : selon la générale de gendarmerie Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la Sécurité routière, rien qu’en 2021, le nombre de contrôles est passé de 758 000 au premier trimestre à 2,9 millions au dernier trimestre. Soit un bond de 280 %, qui s’explique notamment par le déploiement des voitures radars conduites par des chauffeurs salariés d’entreprises privées. Une pratique née en 2018 en Normandie et dont le déploiement est atteint dans 8 régions en 2022, toujours selon le Projet de loi de finances pour 2023. Lequel précise qu’il est « prévu, selon les priorités opérationnelles, d’entamer le déploiement dans tout ou partie des 4 régions restantes en métropole. »

Lorsqu’elle est déléguée à des chauffeurs privés, la conduite des voitures radars permet d’augmenter notablement leur temps d’utilisation. Les capacités de sanction sont ainsi accrues. En effet, conduite par des représentants des forces de l’ordre, chaque voiture radar circule en moyenne 1 h 12 par jour et engendre 0,46 PV par heure. Conduit par un chauffeur privé, le même véhicule circule 5 h 30 par jour et engendre 2,09 PV par heure. Sur la base d’un fonctionnement 7 jours sur 7, la première donnera ainsi lieu à 201 contraventions dans l’année, la seconde à 4 196. Emmanuel Barbe, l’ex‑délégué interministériel à la Sécurité routière, était d’ailleurs d’emblée persuadé de la capacité de sanction de ces machines, déclarant début 2019 : « Tous ceux qui critiquent le système redoutent en fait son efficacité. Avec ça, il va vraiment falloir respecter les limitations. Et ça en embête certains. »

Outre le caractère banalisé, la variété des voitures radars utilisées concourt aussi à les rendre indétectables. En effet, la liste des modèles utilisés a progressivement intégré des Dacia Sandero, Peugeot 208, 308 et 508, Renault Mégane, Citroën Berlingo, VW Golf et Passat, Ford Focus, Seat Leon, Skoda Octavia…

Or, pour sa sécurité, un conducteur a mieux à faire que de se demander si la voiture qu’il croise ou qu’il dépasse est un véhicule parmi d’autres ou un « radar sur roues » camouflé. Cette source de stress le détourne de l’objectif numéro 1, à savoir observer l’environnement dans lequel il circule, anticiper tout événement imprévu et se tenir prêt à réagir. Sans compter qu’avec la multiplication des radars et des variations de limitations de vitesse, il doit déjà porter une (trop) grande attention à son compteur de vitesse.

Les associations d’usagers notent par ailleurs l’apparition de témoignages inquiétants sur de premiers dérapages liés aux véhicules radars conduits par des chauffeurs privés. « Me rapprochant d’une voiture circulant sous la vitesse limite de 80 km/h, abordant une grande ligne droite avec une bonne visibilité, j’accélère pour la dépasser, tant que la route est libre et limiter mon temps sur la file opposée. Ensuite je me rabats et laisse la voiture ralentir pour que le régulateur se remette en fonctionnement à ma vitesse d’origine. Sauf que le véhicule que je venais de doubler était une voiture radar. Si elle n’avait pas été sur la route, je serais resté à ma vitesse d’origine et n’aurais pas commis d’infraction. Je me suis retrouvé en excès de 8 km/h… » (M. B.) ; ou encore : « J’ai déjà constaté que les voitures radars circulent à des vitesses inférieures aux limitations, incitant les conducteurs à doubler, les contraignant ainsi à dépasser la limite. » (J.‑F. H).

Tandis qu’à la suite d’une action initiée par l’association Ligue de défense des conducteurs, le Gouvernement a communiqué l’information selon laquelle 58 % des PV pour excès de vitesse concernent des mini‑dépassements de moins de 5 km/h, la focalisation du Gouvernement sur la vitesse, lorsqu’il s’agit de répression routière, se confirme à la lecture du bilan 2021 des infractions routières. On y apprend notamment que sur les 14,6 millions de points retirés l’an passé, 10,1 millions l’étaient pour des excès de vitesse (soit 69,2 %), contre 507 000 pour cause d’alcoolémie (3,7 %) et 250 000 pour usage de stupéfiants (1,7 %). Enfin, le recours systématique au contrôle de la vitesse par un parc de radars toujours plus conséquent (4 600 à fin 2023, auxquels s’ajouteront 1 000 cabines leurres), plus performant et bientôt repositionné là où « les vitesses pratiquées et le trafic sont le plus élevés » grâce à une base de données nouvellement acquise par l’État, révèle un tout autre objectif, basé sur la seule répression, selon la même association.

La confiance dans la responsabilité du conducteur, le développement de la prévention et de la formation, de même qu’une répression ciblée (notamment la lutte renforcée contre la conduite sous l’empire de l’alcool et/ou de stupéfiants), passent au second plan.

Un signal de confiance dans la responsabilité du conducteur pourrait résider dans la fin du caractère banalisé des véhicules de contrôle de la vitesse, sur le modèle des véhicules de contrôle du stationnement payant, mais en visible de plus loin. Cette décision atténuerait le stress des automobilistes, dont la conduite resterait concentrée sur les conditions de circulation, plutôt que sur la recherche du dispositif qui va les piéger. Elle réduirait aussi la défiance de la population, qui associe le concept de voitures radars, en particulier conduites par des chauffeurs salariés de sociétés privées, à un objectif de rentabilité plutôt qu’un renforcement de la sécurité routière. En effet, ces chauffeurs privés n’endossent aucune mission de prévention et ne sont pas habilités à arrêter les fous du volant.

L’identification des voitures radars serait par ailleurs parfaitement cohérente avec les panneaux de signalisation avertissant les conducteurs de leur entrée dans une zone de contrôle de la vitesse par radar fixe.

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.


proposition de loi

Article unique

Après l’article L. 413‑5 du code de la route, il est inséré un article L. 413‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 4136. – Les véhicules de contrôle de la vitesse font l’objet d’une signalisation spécifique de nature à permettre à tout conducteur de les identifier à l’œil nu en toutes circonstances.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »