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N° 426

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre déclaratif le système encadrant l’instruction en famille,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Isabelle PÉRIGAULT, JeanYves BONY, Josiane CORNELOUP, Isabelle VALENTIN, Virginie DUBYMULLER, Marc LE FUR, Vincent SEITLINGER, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, MarieChristine DALLOZ, Thibault BAZIN, Fabien DI FILIPPO, Nicolas FORISSIER, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pouvoir apprendre est l’essence même d’une démocratie, avec une école accessible pour tous. Mais cette école peut prendre différentes formes. Oui, la priorité dans un pays comme le nôtre, c’est avant tout de s’assurer que chaque enfant reçoive un apprentissage digne de ce nom. Oui les professeurs en sont les transmetteurs, la plupart du temps.

Mais nous le savons, l’école peut aussi être faite par des parents qui ont une vision différente de cet apprentissage, mais qui pour autant, se forment et suivent des programmes équivalents à ceux donnés dans les écoles publiques et privées.

Cette instruction en famille, communément appelée « école à la maison », a longtemps suivi une procédure simple, celle d’un système déclaratif, permettant ainsi à chaque famille qui souhaitait opter pour cette forme d’apprentissage, de le faire.

Mais ce libre choix a été limité par l’article 49 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Celui‑ci a modifié́ le régime de l’instruction en famille à compter de la rentrée scolaire 2022. Il a modifié́ l’article L. 131‑2 du code de l’éducation, en instaurant que l’instruction obligatoire sera donnée dans les écoles et établissements d’enseignement et qu’elle ne pourra, par dérogation, être dispensée en famille par les parents ou par toute personne de leur choix, que sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131‑5 du même code.

En vertu de l’article L. 131‑5 du code de l’éducation, dans sa version applicable à compter de la rentrée scolaire 2022, l’autorisation d’instruction dans la famille est donc accordée, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant, pour quatre motifs distincts :

– L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;

– La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;

– L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique d’un établissement scolaire public ;

– L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif d’instruction en famille.

Suite à la mise en place du nouveau régime d’autorisation, de très nombreuses familles se voient d’ores et déjà imposer contre leur volonté la scolarisation de leurs enfants, dès 3 ans, alors qu’elles n’ont aucune velléité de séparatisme et se sont pliées à toutes les exigences de la nouvelle loi.

Les familles sont inquiètes. Nous estimons le refus de ces demandes depuis le passage au système dérogatoire, à 70 %, voire à 100 % dans certaines académies. Ces chiffres ne sont pas inventés par les familles. Nombreux élus interpellés sur le sujet ont pris acte de cette situation et se sont tournés vers leurs rectorats respectifs, qui ont confirmé ces chiffres.

L’exemple le plus frappant et qui prouve à quel point cette situation est critique, est celui des familles qui étaient régulièrement déclarées en IEF, notamment en 2021‑2022 et donc légitimes à demander cette dérogation de plein droit. Pour ces dernières, nous constatons un taux de refus de 27 %, voire 50 % dans certaines académies.

Au‑delà des chiffres, cette situation soulève différentes problématiques. En effet, lors des débats parlementaires, qui avaient été particulièrement animés, le Gouvernement s’était voulu rassurant, en précisant que les décrets seraient précis et laisseraient une grande marge de manœuvre aux familles.

Force est de constater qu’il n’en est rien. Le motif 4, qui pose l’existence d’une situation propre à l’enfant, motivant le projet éducatif d’instruction, pose particulièrement problème aux familles, mais aussi aux rectorats, dans l’application de la loi. Les textes règlementaires ne sont pas à la hauteur et c’est en partie ce qui complexifie la procédure.

Une réserve d’interprétation a été formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021‑823 du 13 août 2021, au paragraphe 76 : « en prévoyant que cette autorisation est accordée en raison de « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif », le législateur a entendu que l’autorité administrative s’assure que le projet d’instruction en famille comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant. »

Or, le motif 4 fut laissé à la libre appréciation des Directeurs académiques des services de l’Éducation nationale, ce qui engendra de grandes disparités et injustices sur le territoire.

Les refus, selon des critères subjectifs et non écrits, constituent une inégalité́ de traitement devant la loi. Dans ces conditions, les familles, dont les motifs relevaient d’une volonté de garantir l’intérêt supérieur de leurs enfants et leur droit à l’instruction, sont actuellement exposées à un arbitraire administratif qui ne peut plus durer.

Le Ministre de l’Éducation nationale l’a même reconnu, lors de son audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation en date du mardi 2 août 2022. Monsieur Pap NDIAYE a reconnu les grandes disparités dans le traitement des dossiers de demande d’autorisation d’instruction dans la famille :

« Mais, là où nous péchons, au niveau du ministère, c’est qu’il y a des écarts très forts, des contrastes très forts entre académies et départements quant aux réponses qui sont fournies. Dans certains départements, c’est un non qui est très massif. Dans d’autres départements, les services académiques fournissent des réponses plus ouvertes. Et donc nous devons absolument équilibrer les choses à l’échelle du pays pour éviter ces écarts. »

Il est important que ce Gouvernement reconnaisse les faiblesses de ce dispositif. Mais cela ne peut suffire.

De nombreuses familles souhaitent simplement apporter un autre cadre pédagogique à leurs enfants.

D’autres familles sont confrontées à des situations difficiles de leur enfant à l’école (phobie, harcèlement, troubles d’apprentissage insuffisamment pris en charge, etc.) et sont contraintes par le refus d’autorisation de les (re)scolariser malgré l’absence de solutions trouvées au sein de l’Éducation nationale.

Elles sont noyées dans des démarches longues, difficiles et impactantes pour l’enfant.

La colère de ces familles est immense. Même si elles sont minoritaires, leur liberté, c’est la liberté de tous car chacun peut être confronté à un moment donné à une situation compliquée pour son enfant, ou souhaiterait pouvoir choisir une pédagogie adaptée aux besoins de celui‑ci.

Des familles ayant une grande expérience de l’instruction en famille, avec des contrôles positifs depuis toujours, parfaitement engagées dans l’intérêt de leurs enfants, se retrouvent à devoir déployer toutes leurs ressources pour défendre le droit de leur enfant à être instruit en famille.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à revenir au système précédent, soit le système déclaratif. L’instruction en famille resterait encadrée, comme par le passé, par un contrôle de la mairie et un contrôle pédagogique, afin de s’assurer que l’instruction remplit pleinement les critères d’acquisition du socle commun à 16 ans dans le respect des valeurs de la République.

Le dispositif propose donc un retour à l’ancien système déclaratif, en apportant les modifications nécessaires aux codes de l’éducation et de la sécurité sociale.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 131‑2 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé : « L’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix. »

2° Le 5° est abrogé.

Article 2

L’article L. 131‑5 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 1315.  Les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire définie à l’article L. 131‑1 doivent le faire inscrire dans un établissement d’enseignement public ou privé, ou bien déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille. Dans ce cas, il est exigé une déclaration annuelle.

« Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence ou de choix d’instruction.

« La présente obligation s’applique à compter de la rentrée scolaire de l’année civile où l’enfant atteint l’âge de trois ans.

« Le fait, pour les parents d’un enfant ou pour toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, d’inscrire cet enfant dans un établissement d’enseignement privé qui a ouvert malgré l’opposition prévue au chapitre Ier du titre IV du livre IV du présent code ou sans remplir les conditions prescrites au même chapitre Ier, alors qu’ils ont déclaré qu’ils feront donner à cet enfant l’instruction dans la famille, est passible des peines prévues au premier alinéa de l’article 441‑7 du code pénal.

« Les familles domiciliées à proximité de deux ou plusieurs écoles publiques ont la faculté de faire inscrire leurs enfants à l’une ou l’autre de ces écoles, qu’elle soit ou non sur le territoire de leur commune, à moins qu’elle ne compte déjà le nombre maximum d’élèves autorisé par voie réglementaire.

« Toutefois, lorsque le ressort des écoles publiques a été déterminé conformément aux dispositions de l’article L. 212‑7 du présent code, les familles doivent se conformer à la délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, déterminant le ressort de chacune de ces écoles.

« Lorsque le ressort des écoles publiques a été déterminé conformément aux dispositions de l’article L. 212‑7, l’inscription des élèves, dans les écoles publiques ou privées, se fait sur présentation d’un certificat d’inscription sur la liste scolaire prévue à l’article L. 131‑6. Ce certificat est délivré par le maire, qui y indique l’école que l’enfant doit fréquenter. En cas de refus d’inscription sur la liste scolaire de la part du maire sans motif légitime, le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du préfet procède à cette inscription, en application de l’article L. 2122‑34 du code général des collectivités territoriales, après en avoir requis le maire.

« La domiciliation des parents à l’étranger ne peut être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire. Chaque enfant est inscrit soit dans la commune où ses parents ont une résidence, soit dans celle du domicile de la personne qui en a la garde, soit dans celle où est situé un établissement ou une section d’établissement destinés plus particulièrement aux enfants de Français établis hors de France.

« Le statut ou le mode d’habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne peut être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire. Lorsque la famille n’a pas de domicile stable, l’inscription dans un établissement public ou privé peut être cumulée avec l’inscription auprès du service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance prévu à l’article L. 131‑2.

« La conclusion d’un contrat de travail à caractère saisonnier ouvre le droit de faire inscrire ses enfants dans une école de la commune de son lieu de résidence temporaire ou de travail. »

Article 3

Les articles L. 131‑5‑1, L. 131‑5‑2 et L. 131‑6‑1 du code de l’éducation sont abrogés.

Article 4

L’article L. 131‑10 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 13110.  Les enfants soumis à l’obligation scolaire qui reçoivent l’instruction dans leur famille, y compris dans le cadre d’une inscription dans un établissement d’enseignement à distance, sont dès la première année, et tous les deux ans, l’objet d’une enquête de la mairie compétente, uniquement aux fins d’établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables de l’enfant, et s’il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et aux personnes responsables de l’enfant.

« Lorsque l’enquête n’a pas été effectuée, elle est diligentée par le représentant de l’État dans le département.

« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction par les personnes responsables de l’enfant prévue au premier alinéa de l’article L. 131‑5, faire vérifier, d’une part, que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille et, d’autre part, que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131‑1‑1. À cet effet, ce contrôle permet de s’assurer de l’acquisition progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122‑1‑1 au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire.

« Il est adapté à l’âge de l’enfant et, lorsqu’il présente un handicap ou un trouble de santé invalidant, à ses besoins particuliers.

« Le contrôle est prescrit par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation selon des modalités qu’elle détermine. Il est organisé en principe au domicile où l’enfant est instruit. Les personnes responsables de l’enfant sont informées, à la suite de la déclaration annuelle qu’elles sont tenues d’effectuer en application du premier alinéa de l’article L. 131‑5, de l’objet et des modalités des contrôles qui seront conduits en application du présent article.

« Ce contrôle est effectué sans délai en cas de défaut de déclaration d’instruction dans la famille par les personnes responsables de l’enfant, sans préjudice de l’application des sanctions pénales.

« Les résultats du contrôle sont notifiés aux personnes responsables de l’enfant. Lorsque ces résultats sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l’enfant sont informées du délai au terme duquel un second contrôle est prévu et des insuffisances de l’enseignement dispensé auxquelles il convient de remédier. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l’objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l’article 227‑17‑1 du code pénal.

« Si les résultats du second contrôle sont jugés insuffisants, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée.

« Lorsque les personnes responsables de l’enfant ont refusé, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa du présent article, elles sont informées qu’en cas de second refus, sans motif légitime, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est en droit de les mettre en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé dans les conditions et selon les modalités prévues au septième alinéa. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l’objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l’article 227‑17‑1 du code pénal.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Article 5

Au premier alinéa de l’article L. 131‑11 du code de l’éducation, la référence : « L. 131‑5‑1, » est supprimée.

Article 6

À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 311‑1 du code de l’éducation, le mot : « autorisation » est remplacé par les mots : « déclaration annuelle ».

Article 7

L’article L. 552‑4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Le versement des prestations familiales afférentes à un enfant soumis à l’obligation scolaire est subordonné à la présentation soit du certificat d’inscription dans un établissement d’enseignement public ou privé, soit d’un certificat de l’autorité compétente de l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d’enseignement en raison de son état de santé.

« Les prestations ne sont dues qu’à compter de la production de l’une des pièces prévues au premier alinéa. Elles peuvent toutefois être rétroactivement payées ou rétablies si l’allocataire justifie que le retard apporté dans la production de ladite pièce résulte de motifs indépendants de sa volonté.

« Un arrêté interministériel fixe les modalités d’application du présent article et, notamment, le délai dans lequel les pièces citées au premier alinéa du présent article doivent être produites. »

Article 8

Le IV de l’article 49 de la loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République est abrogé.