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N° 429

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre incompressibles les peines pour viol prévues
par le code pénal, les peines pour agressions sexuelles sur mineurs,
et à mieux prévenir la récidive,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Fabien DI FILIPPO, Ian BOUCARD, Hubert BRIGAND, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, MarieChristine DALLOZ, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, Justine GRUET, Victor HABERTDASSAULT, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Véronique LOUWAGIE, Alexandra MARTIN, Éric PAUGET, Nathalie SERRE, Jean-Pierre TAITE, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Jean-Pierre VIGIER, Alexandre VINCENDET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les cas de violences sexuelles enregistrés par les services de police et de gendarmerie ont augmenté de 33 % en 2021, selon les chiffres du ministère de l’intérieur. L’augmentation avait été de 3 % en 2020 et de 12 % en 2019.

75 800 personnes ont ainsi porté plainte pour ce type de faits : 45 % pour des viols ou tentatives de viol, les autres pour des agressions sexuelles ou harcèlement. 

Cela représente 19 000 plaintes supplémentaires par rapport à 2020. La comparaison est certes délicate en raison de la crise sanitaire et des confinements successifs qui en font une année à part, mais la hausse reste du même ordre de grandeur par rapport à 2019 : + 20.300.

Autre fait notable : un quart des faits dénoncés concernaient des mineurs, contre seulement 18 % en 2018

Aujourd’hui, selon le Haut Conseil à l’égalité, moins de 10 % des personnes qui se disent victimes d’un viol ou d’une tentative de viol ont déposé plainte et seule une plainte sur dix aboutit à une condamnation.

Le manque de sanction envers les coupables explique sans doute en partie pourquoi un tel sentiment d’impunité règne et pourquoi tant de personnes qui en sont victimes renoncent à porter plainte.

Pour dissuader les passages à l’acte et pour encourager les victimes à dénoncer leurs agresseurs, il est indispensable qu’une réponse pénale forte soit apportée.

Le viol est défini comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise.

Le code pénal dispose que ce crime est passible de quinze ans de réclusion criminelle.

Il est en revanche passible de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu’il s’accompagne de circonstances aggravantes (lorsqu’il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, qu’il a été commis sur une personne vulnérable ou encore sous la menace d’une arme…), de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il a entraîné la mort de la victime, et de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie.

Malheureusement, à ce jour, nous ne pouvons que constater que ces peines sont insuffisamment appliquées, ce qui conduit à un sentiment d’impunité pour les auteurs et de profonde injustice pour les victimes.

Pire encore : des individus dangereux sont ainsi relâchés dans la société, bien avant d’avoir purgé l’intégralité de la peine prévue par le code pénal, et récidivent, parfois de manière encore plus grave et violente.

Les exemples sont malheureusement très nombreux Ainsi, en juin dernier devant le tribunal d’Evry, Karine faisait part de sa détresse après la condamnation de son violeur par la Cour d’assises de l’Essonne. Jugé pour deux viols et une agression sexuelle en récidive commis en 2016, l’homme venait alors d’écoper de six ans de prison, dont quatre assortis d’un sursis probatoire, et deux ferme – mais aménageables… et ressortait libre. Pour juger cette peine, la cour d’assises a notamment retenu la situation familiale et l’insertion professionnelle de ce chauffeur de taxi, en couple et père d’un enfant de deux ans. Mais alors que l’accusé avait été condamné à un an de prison avec sursis pour agression sexuelle sur mineur quelques mois seulement avant de croiser la route de Karine, l’affaire relance les questions du sens de la peine et du traitement de la récidive. 

Nous nous souvenons également du cas de cette adolescente de quinze ans à Nantes, violée et tuée en 2020 par un homme coupable de douze viols et tentatives de viol entre 2001 et 2003. Cet homme avait été condamné en 2005 à dix‑huit ans de réclusion criminelle et était sorti de prison en février 2016 grâce à une remise de peine.

Pour éviter les passages à l’acte et les récidives, il est indispensable de prendre enfin des décisions fermes et d’appliquer de façon systématique, sans aucune remise de peine ni aménagement possible, les sanctions prévues par le code pénal en cas de viol. C’est ce que prévoit la présente proposition de loi dans ses articles 1er à 4.

En cas de récidive, des mesures radicales doivent également être prises. L’article 5 dispose donc que toute personne en état de récidive ne pourra être libérée qu’à condition de se soumettre à un important suivi psychiatrique mais aussi à une castration chimique qui inhibera sa libido. La castration chimique (aussi appelée traitement inhibiteur de la libido) est une technique de diminution de l’appétence sexuelle par l’administration de substances hormonales. Elle est aujourd’hui employée aux États‑Unis et dans certains pays d’Europe (Belgique, Allemagne, Danemark, Espagne…) pour lutter contre la récidive des délinquants sexuels et s’avère efficace lorsqu’elle s’accompagne d’un suivi psychiatrique. Il convient de préciser que ces mesures de diminution temporaire des hormones sont réversibles.

Ce traitement pourra commencer pendant l’exécution de la peine. Le violeur récidiviste qui refusera de se le voir administrer à la fin de sa période d’emprisonnement devra rester incarcéré.

Face aux violeurs, la protection des victimes doit être une priorité absolue.

Les Français n’ont jamais été aussi mécontents du fonctionnement de la Justice en France. Près des trois quarts (73 %) des personnes interrogées affirment qu’elle fonctionne mal, contre 63 % il y a cinq ans, juste avant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Près d’un tiers des Français déclare même qu’elle fonctionne « très mal » (31 %). Selon un rapport de l’Institut de sondage CSA pour le Sénat datant de septembre 2021, 69 % des sondés estimaient déjà il y a un an que la justice est « tout à fait ou plutôt laxiste », 68 % qu’elle est « tout à fait ou plutôt opaque », et 94 % que l’institution est « tout à fait ou plutôt lente ». Pas moins de 49 % des personnes interrogées jugeaient par ailleurs que les sanctions des meurtres et assassinats sont « assez mal ou très mal adaptées », tout comme celles des délits financiers (65 %), des délits et crimes à caractère sexuel (66 %) ou des faits de petite délinquance (70 %). Ces chiffres témoignent d’une défiance toujours plus forte des citoyens envers l’institution judiciaire.

L’instauration de peines incompressibles permettra de répondre partiellement à cette défiance et de renforcer la sécurité dans notre pays.

Elle permettra aussi de faciliter le travail des juges d’application des peines et de réduire le nombre de dossiers qu’ils ont à traiter, dossiers qui prennent parfois tant de retard qu’une personne reconnue coupable d’une agression sexuelle sur un enfant peut rester libre pendant des mois dans l’attente d’une décision sur son aménagement de peine.

Concernant les mineurs, ce texte propose d’étendre l’incompressibilité de la peine aux agressions sexuelles.

Officiellement, selon le ministère de la Justice, quatre affaires de violences sexuelles sur dix sont des agressions sexuelles sur mineur. Mais il semblerait que la réalité soit difficile à évaluer car toutes les victimes ne sont pas en mesure d’en parler et de porter plainte. Une fille sur cinq et un garçon sur treize ont subi une agression sexuelle ou un viol, selon les chiffres mondiaux de l’OMS. L’ONDRP estimait en 2016 que moins de 4 % des viols sur mineurs font l’objet de plaintes. 70 % de cellesci sont classées sans suite, et 30 % sont instruites mais la moitié d’entre elles, sont correctionnalisées.

Il est donc essentiel et urgent de s’attaquer à ce phénomène, en étant d’une fermeté totale sur les sanctions envers les agresseurs qui s’attaquent à des personnes mineures.

Les article 6 et 7 de cette proposition de loi proposent donc de rendre incompressibles les peines prévues par le code pénal concernant les viols et les agressions sexuelles commises sur des mineurs.

La loi n° 2021‑478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a créé quatre nouvelles infractions dans le code pénal pour punir les actes sexuels sur les enfants :

– le crime de viol sur mineur de moins de quinze ans, puni de vingt ans de réclusion criminelle ;

– le crime de viol incestueux sur mineur (de moins de dix‑huit ans), puni de vingt ans de réclusion criminelle ;

– le délit d’agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans, puni de dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende ;

– le délit d’agression sexuelle incestueuse sur mineur (de moins de dix‑huit ans), puni de dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende.

Afin de mieux protéger nos enfants, cette proposition de loi vise à rendre ces peines incompressibles, la seule alternative à la prison pouvant être envisagée étant l’internement dans un établissement adapté si l’état de la personne condamnée nécessite des soins médicaux ou psychiatriques, sans qu’aucune permission de sortir ne puisse être accordée.

Enfin, le code pénal prévoit que hors les cas de viol ou d’agression sexuelle, le fait pour un majeur d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. Là encore, la peine doit être incompressible et aucun aménagement de peine ne doit pouvoir être prononcé.

La priorité absolue doit toujours être d’assurer la sécurité des victimes, de leur rendre justice, et de prévenir les passages à l’acte et les récidives.

proposition de loi

Article 1er

Le deuxième alinéa de l’article 222‑23 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces quinze années de réclusion criminelle s’appliquent de façon systématique : aucun aménagement ni aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état. »

Article 2

L’article 222‑24 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces vingt années de réclusion criminelle s’appliquent de façon systématique : aucun aménagement ni aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état. »

Article 3

Le second alinéa de l’article 222‑25 du code pénal est ainsi rédigé :

« Ces trente années de réclusion criminelle s’appliquent de façon systématique : aucun aménagement ni aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état. »

Article 4

Le second alinéa de l’article 222‑26 du code pénal est ainsi rédigé :

« Cette réclusion criminelle à perpétuité s’applique de façon systématique : aucun aménagement et aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état. »

Article 5

L’article 131‑36‑4 du code pénal est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la personne est en état de récidive pour une infraction définie aux articles 222‑23 à 222‑29‑3, la juridiction ordonne le suivi d’un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido et un accompagnement psychiatrique. Ce traitement peut commencer pendant l’exécution de la peine.

« Si le violeur refuse ce traitement, il devra rester en prison ou en rétention de sûreté.

« Lorsque la peine d’emprisonnement se termine pendant la période de traitement du condamné, celui‑ci doit se présenter dans un hôpital ou un lieu agréé pour continuer de recevoir le traitement sous forme d’injections. Le non‑respect de ces obligations entraîne la possibilité par le juge d’application des peines de remettre le criminel sexuel en prison ou dans un hôpital spécialisé fermé pendant une durée déterminée. »

Article 6

L’article 222‑23‑3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces vingt années de réclusion criminelle s’appliquent de façon systématique : aucun aménagement ni aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état. »

Article 7

Le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal :

1° Après le premier alinéa de l’article 222‑29‑2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette peine de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende pour atteinte sexuelle commise par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans s’applique de façon systématique : aucun aménagement ni aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état, sans aucune permission de sortir. » ;

2° L’article 222‑29‑3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette peine de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende pour toute relation sexuelle incestueuse autre qu’un viol commise par un majeur sur la personne d’un mineur s’applique de façon systématique : aucun aménagement ni aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état, sans aucune permission de sortir. »

Article 8

L’article 227‑25 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette peine s’applique de façon systématique : aucun aménagement ni aucune remise de peine ne sont possibles. Si une expertise médicale confirme que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée ne permet pas de vivre son enfermement en prison, celle‑ci effectue sa peine dans un établissement de santé adapté à son état, sans aucune permission de sortir. »