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N° 460

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à mettre en place un dispositif assurant la pleine effectivité
des peines, lors de la condamnation pour destruction ou dégradation, pouvant aller jusqu’à la saisie sur aides sociales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Antoine VERMORELMARQUES, Patrick HETZEL, Francis DUBOIS, Josiane CORNELOUP, Isabelle VALENTIN, Victor HABERTDASSAULT, Yannick NEUDER, Émilie BONNIVARD, Maxime MINOT, Éric PAUGET, Alexandre PORTIER, Nicolas RAY, Pierre CORDIER, JeanYves BONY, Julien DIVE, Véronique LOUWAGIE, Justine GRUET, Alexandra MARTIN, Meyer HABIB, Nathalie SERRE, Michel HERBILLON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Qu’elles s’exercent sur les forces de l’ordre, professeurs, biens publics, personnes fragiles ou en situation de handicap, les violences se multiplient, se généralisent et se banalisent à travers notre pays. Auteurs de faits graves, certains récidivistes multiplient ainsi les actes d’une délinquance qui ne trouve plus, face à eux, une force suffisamment dissuasive une fois confrontée à notre système juridictionnel. Le jugement étant rarement immédiat - même lorsque les faits sont indiscutables - l’indignation est alors vite noyée sous un délai déraisonnable.

Si Montesquieu alertait déjà dans L’esprit des Lois, que “la cause de tous les relâchements tient de l’impunité des crimes, non de la modération des peines”, force est de constater que la réalité lui donne assurément raison.

Pour preuve, c’est ainsi que le doute s’est installé profondément parmi les Français, quant à la capacité de notre justice à garantir sa fonction première. Cette réalité a ainsi parfaitement été mise en lumière dès 2021, lors d’une enquête réalisée pour le Sénat, montrant que 53 % des Français affirment ne pas avoir confiance dans leur justice, la jugeant à 68 % trop laxiste.

Cette incapacité à condamner effectivement et donc à poursuivre le nécessaire travail d’équilibre qui lui est dévolu, la justice participe de fait, à un relâchement généralisé de notre société.

À noter également que si une très courte majorité de Français considèrent que les peines appliquées pour les meurtres et assassinats sont adaptées, ils sont 70 % à considérer que celle‑ci ne l’est pas pour les faits de petites délinquances.

C’est ainsi que cette délinquance du quotidien se trouve être la plus protégée dans le système actuel de non‑effectivité des peines.

Bien loin d’un sentiment, cette éclatante réalité vient se vérifier par les chiffres fournis par le Ministère de l’Intérieur lui‑même. Un bilan dressé par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) donne le chiffre de 544 500 destructions ou dégradations volontaires en 2021. C’est ainsi que chaque minute en France, plus d’une destruction ou dégradation volontaire par minute est perpétrée.

Ce chiffre, déjà vertigineux, prend en compte les faits enregistrés par la police et la gendarmerie nationales.

Face à cette glaçante réalité, la présente proposition de Loi entend poursuivre l’objectif de casser le sentiment d’impunité qui conduit souvent les mis en cause à la multi récidives. Par la même occasion, le présent texte entend rétablir une forme de justice sociale, rappelant que l’aide de l’État et des Collectivités doit nécessairement s’accompagner d’un respect des règles établies par la société elle‑même. Il ne saurait être société juste sans respect de cette dernière.

C’est pourquoi, la présente proposition de loi propose la mise en place de manière systématique par le juge, du remboursement des dommages causés à un bien public relevant du domaine public ou du domaine privé, ou à une personne privée, lors de la condamnation d’un individu pour dégradation ou destruction.

Conformément à l’objectif de pleine effectivité des peines, un individu se déclarant irrecevable ne saurait se dérober de l’obligation de réparation du dommage intervenu à la suite de la dégradation ou la destruction.

Ainsi, la personne condamnée au remboursement des dommages, se déclarant insolvable, se verra ponctionner les montants dus sur les allocations versées par la Caisse d’allocation familiale.

C’est pourquoi, face à cette décomposition de la société par l’absence d’effectivité des peines, la présente proposition de Loi entend mettre en place un cadre afin de réaffirmer que toute atteinte à cet équilibre que l’on nomme société, mérite une sanction effective.

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article 2‑25 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2‑26 ainsi rédigé :

« Art. 226. – La condamnation d’un individu pour dégradation ou destruction d’un bien public relevant du domaine public ou du domaine privé conduit le juge saisi du dossier à prononcer systématiquement le remboursement des dégâts causés à la personne publique propriétaire du bien en cause.

« Cette réparation pécuniaire des dommages causés vise à assurer le remboursement des dégâts causés à la victime. Il ne s’agit pas d’une condamnation pénale.

« La valeur des dégâts causés par le comportement délictueux du condamné est définie par le juge qui peut à sa libre appréciation solliciter une expertise afin d’éclairer son jugement.

« Le juge peut moduler, selon sa libre appréciation des faits et des circonstances de l’espèce, la part du remboursement dont le condamné doit s’acquitter entre 50 et 100 % de la valeur des dégâts causés.

« Le présent article ne s’applique pas aux dégradations ou destructions non intentionnelles au sens de l’article 121‑3 du code pénal.

« Ces dispositions ne font pas obstacle aux actions civiles en réparation engagées en vertu de l’article 2 du code de procédure civile. »

Article 2

Après l’article 2‑25 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2‑27 ainsi rédigé :

« Art. 227. – Lorsqu’un individu est condamné par le juge pénal pour la dégradation ou la destruction d’un bien privé, le juge doit assortir la sanction pénale du remboursement à la victime des dégâts causés.

« La valeur des dégâts causés par le comportement délictueux du condamné est définie par le juge qui peut, à sa libre appréciation, solliciter une expertise afin d’éclairer son jugement.

« Le juge peut moduler, selon sa libre appréciation des faits et des circonstances de l’espèce, la part du remboursement dont le condamné doit s’acquitter entre 50 et 100 % de la valeur des dégâts causés.

« Le présent article ne s’applique pas aux dégradations ou destructions non intentionnelles au sens de l’article 121‑3 du code pénal.

« Ces dispositions ne font pas obstacle aux actions civiles en réparation engagées en vertu de l’article 2 du code de procédure civile. »

Article 3

Après l’article 2‑25 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2‑28 ainsi rédigé :

« Art. 228. – Si la personne condamnée au remboursement des dommages, en vertu des articles 2‑26 et 2‑27, affirme ne pas être en capacité de le faire, le juge est chargé d’ordonner la saisie des montants dus sur les allocations versées par la caisse d’allocation familiale.

« Les sommes saisies sont alors versées de façon automatique en réparation des dégâts ayant conduit à la condamnation.

« Le juge définit le calendrier et l’échelonnement de ce remboursement selon son appréciation des faits et des conditions de vie de la personne condamnée, en respectant le montant du solde bancaire insaisissable.

« L’individu condamné a la possibilité de faire un recours gracieux auprès du juge afin de solliciter la modification de l’échéancier de remboursement défini en vertu du troisième alinéa du présent article. Ce recours gracieux s’inscrit selon la procédure prévue aux articles 60 et 61 du code de procédure civile. En cas de rejet, la décision du juge n’est pas susceptible de recours.

« Le juge compétent est fixé par décret. »

Article 4

Le 4° de l’article 41‑1 du code de procédure pénale est abrogé.

Article 5

L’article 41‑1‑1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 4111. – Lorsque le Procureur de la République, ou une personne ayant qualité pour agir, décide d’appliquer les dispositions de l’article 41‑1 pour des faits de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien d’autrui au sens de l’article 322‑1 du code pénal, il doit demander à l’auteur des faits de rembourser les dommages causés.

« Pour ce faire, il peut :

« 1° Définir le montant des réparations dues eu égard aux faits, aux montants prononcés pour des faits similaires et ultérieures ;

« 2° Solliciter une expertise afin de fixer la valeur des dommages causés ;

« 3° Saisir le juge compétent fixé par le décret prévu à l’article 2‑28, afin que celui‑ci définisse un calendrier et un échelonnement du remboursement de la somme due. Le juge saisira les allocations familiales de l’intéressé et celles de la personne en ayant la garde s’il est mineur au moment des faits. L’auteur des faits, enjoint de rembourser les dégâts causés, peut adresser au juge un recours gracieux selon la procédure prévue aux articles 60 et 61 du code de procédure civile afin de solliciter, auprès de lui, la modification de l’échéancier de remboursement. En cas de rejet, la décision du juge n’est pas susceptible de recours.

« Le juge compétent est fixé par décret. »

Article 6

Après l’article 2‑25 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2‑29 ainsi rédigé :

« Art. 229. – Lorsqu’il statue sur la base des articles 2‑26 ou 2‑27, le juge compétent peut entendre les personnes qu’il souhaite afin de fonder sa décision, notamment les experts, la victime ou le prévenu.

« Lors d’un recours gracieux exercé par l’intéressé en vertu de l’article 2‑28, le juge est tenu d’entendre la personne à l’origine du recours ou son représentant. »