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N° 478

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre à l’enfant de maintenir des liens équilibrés avec
ses deux parents en cas de séparation s’il y a désaccord sur
le mode de résidence,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Rémy REBEYROTTE, Caroline ABADIE, Damien ADAM, Françoise BUFFET, Lionel CAUSSE, Michel LAUZZANA, Jacqueline MAQUET, Christophe MARION, Denis MASSÉGLIA, Nicolas PACQUOT, Béatrice PIRON, JeanPierre PONT, Stéphane TRAVERT, Annie VIDAL, JeanMarc ZULESI,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année en France, 350 000 couples se séparent et 200 000 enfants sont concernés par un choix de mode de garde.

Le recours à la résidence alternée est de plus en plus fréquent : la proportion d’enfants de moins de 18 ans en résidence alternée a doublé entre 2010 et 2016, et atteint 2,7 % en 2016. Ainsi, 400 000 enfants vivent la moitié du temps chez chacun de leurs parents séparés.

Toutefois, la garde est encore octroyée dans une large majorité à l’un des deux parents exclusivement : sur 4 millions d’enfants de parents séparés, seuls 12 % d’entre eux vivent en résidence alternée (5 % pour les enfants de moins de 4 ans).

Il est admis que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être le principal moteur des décisions prises pour un enfant de parents séparés. Le choix du mode de garde doit évidemment suivre ce principe.

Les chiffres parlent d’eux‑mêmes : 85 % des détenus ont été élevés sans l’un de leur parent ; 90 % des sans‑abri n’ont pas connu un parent et 63 % des mineurs suicidaires ont vécu une enfance monoparentale.

En termes de réussite scolaire, 24 % des enfants en famille monoparentale ont redoublé contre 9 % en résidence alternée (14 % en famille unie). On constate 11 fois plus d’actes de violence chez les enfants élevés en l’absence d’un des deux parents.

L’intérêt supérieur de l’enfant est donc qu’il puisse entretenir des liens forts, réguliers et équilibrés avec ses deux parents afin qu’il reçoive également de chacun d’eux les soins, l’éducation, l’instruction et l’assistance morale.

Au niveau international, de nombreux traités consacrent un droit pour l’enfant à entretenir des contacts réguliers avec ses deux parents. En atteste l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant « Les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ».

La résolution 2079 votée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 2 octobre 2015 énonce quant à elle un certain nombre d’objectifs tels que l’égalité parentale, l’égale implication des parents dans l’éducation de leur enfant, la reconnaissance et la valorisation du rôle de chaque parent auprès de son enfant. D’ailleurs, la réflexion de ce texte repose sur la recommandation 5.5 dans laquelle l’Assemblée appelle les États « à introduire dans leur législation le principe de résidence alternée des enfants après une séparation, tout en limitant les exceptions aux cas d’abus ou de négligence d’un enfant, ou de violence domestique, et en aménageant le temps de résidence en fonction des besoins et de l’intérêt des enfants ».

Le modèle de coparentalité dans l’intérêt supérieur de l’enfant commande donc l’établissement d’une présomption légale de résidence alternée. Cette présomption présente deux bénéfices : la détermination de la charge de la preuve et la réduction des contentieux.

Premier bénéfice : en créant une présomption légale de résidence alternée, il appartiendra au parent qui refuse la résidence alternée de prouver que ce mode de résidence de l’enfant est contraire à l’intérêt de celui‑ci. Les Pays, États ou Provinces, qui ont opéré cette réforme ([1]) notent un accroissement de la demande spontanée des parents vers une résidence alternée.

Deuxième bénéfice : dès lors que le législateur consacre une présomption légale de résidence alternée, alors celle‑ci agit comme un repère et les parents qui se séparent optent plus facilement d’eux‑mêmes pour ce mode de résidence. Ils réduisent par conséquent le nombre de contentieux.

Bien que la résidence alternée soit le mode de résidence idéal de l’enfant dès lors que les parents se séparent, il est évident que des violences avérées ou un éloignement géographique trop important, notamment, sont autant d’éléments à prendre en compte par le juge pour déterminer un mode de résidence particulier et adapté pour l’enfant.

Cette proposition de loi tient à mettre l’accent sur la responsabilisation des parents, parfaitement illustrée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 septembre 2012 dans lequel le juge indique qu’il appartient aux parents « séparément mais aussi en concertation, de faire en sorte que cette résidence alternée ne fasse pas émerger de nouveaux problèmes au détriment des enfants (…) ils doivent rechercher, d’un commun accord, le ou les établissements scolaires les plus appropriés au regard de leurs adresses respectives mais également de leurs contraintes horaires de travail ; chacun doit être très attentif au respect des droits de l’autre parent, mais aussi à ne pas détériorer l’image de l’autre parent. »

Il existe un troisième bénéfice à cette proposition, inquantifiable, mais infiniment palpable : celui d’un meilleur vécu d’une situation, forcément douloureuse, que constitue la séparation. Séparation d’un couple qui n’est plus, mais persistance d’une coparentalité. Coparentalité dans l’intérêt premier de l’enfant à qui la société, protégeant ainsi le mineur par la Loi, lui donne avec ses deux parents la chance de trouver son équilibre en tant que citoyen de demain. Mais aussi, coparentalité dans l’intérêt de chaque parent, égal en droit et en devoir à élever son enfant.

Faut‑il rappeler que trois parents, privés de leur enfant, se suicident tous les jours en France ?

Cette proposition de loi n’est donc pas seulement une avancée par la détermination d’un mode de garde pour un enfant dans le cadre d’une séparation de ses parents. Elle constitue aussi une perspective de progrès en ce sens qu’elle favorisera un taux de réussite scolaire supérieur des enfants de parents séparés, de moindres recours en justice entre ex‑conjoints, un amoindrissement de la délinquance liée au manque d’un père ou d’une mère et enfin, une perspective pour des parents désespérés par la privation de leur(s) enfant(s).

Pour clore ces motifs, notons que 76 % des Français sont d’accord pour que la Résidence Alternée soit la solution proposée par défaut.

L’article unique établit une présomption légale de résidence alternée permettant au juge d’évaluer prioritairement la possibilité de prononcer une résidence alternée lors d’un litige sur le mode de résidence de l’enfant et à la demande d’un des deux parents.


proposition de loi

Article unique

Le premier alinéa de l’article 373‑2‑9 du code civil est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« À défaut d’accord entre les parents sur le mode de résidence de l’enfant, le juge fixe prioritairement l’hébergement de l’enfant de manière équilibrée entre ses deux parents, dans l’intérêt supérieur de celui‑ci en application de l’article 371‑1.

« Lorsque le juge estime que la modalité de cette alternance doit être adaptée dans le temps, en particulier du fait du très bas âge de l’enfant, il le précise sous forme de décision provisoire, ou prévoit une autre modalité à échéance définie.

« Lorsque l’enfant ne peut bénéficier de ces dispositions, le juge motive spécialement sa décision et privilégie la solution qui préserve l’environnement habituel de l’enfant. »


([1]) L’Alberta et la Colombie-Britannique, au Canada, la Nouvelle-Zélande, la Suède ou le RoyaumeUni, Belgique, Australie, Danemark ont modifié leur législation pour soutenir le choix de la résidence alternée.