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N° 520

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

portant renforcement des missions et de l’indépendance
du Défenseur des droits,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Pierre MORELÀL’HUISSIER,

député.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que la crise des Gilets Jaunes a révélé une vive fracture entre les institutions publiques et les citoyens, que l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de covid‑19 a restreint de manière inédite les libertés individuelles, et que les accusations de violences policières crispent les relations entre la population et les forces de l’ordre, le Défenseur des droits est une institution plus que jamais nécessaire à la réussite du projet républicain. 

Fruit d’une réflexion sur la modernisation de nos institutions démocratiques, le Défenseur des droits, inscrit dans la Constitution française en 2008 et mis en place en 2011, est doté de prérogatives plus importantes que celles des autorités administratives indépendantes qu’il remplace – le Médiateur de la République, la Haute autorité́ de lutte contre les discriminations, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité́. L’ambition du constituant et du législateur organique de 2011 se traduit ainsi par un statut renforcé, une saisine facilitée et des pouvoirs accrus. 

À l’occasion des dix ans de l’institution, la commission des lois de l’Assemblée nationale a souhaité dresser le bilan de son action à travers une mission d’information ayant comme rapporteurs Mme Coralie Dubost et M. Pierre Morel‑À‑L’Huissier. 

Comme à l’accoutumée, les travaux de la mission ont permis de déboucher sur un rapport nourri des très nombreux échanges avec l’institution du Défenseur des droits en la personne de M. Jacques Toubon et de ses adjoints, mais aussi de ses directeurs, des chefs de pôles régionaux et des délégués territoriaux. Au‑delà de l’institution, les consultations ont permis d’échanger avec des universitaires, des praticiens du droit – magistrats comme avocats – des préfets, des acteurs du monde associatif, des présidents d’autorités administratives indépendantes, des élus, ainsi que de nombreux organismes sociaux. Par ailleurs, la situation sanitaire exceptionnelle a permis à la mission de bénéficier de plus de contributions écrites qu’à l’accoutumée, une centaine.

À l’occasion de ces travaux, la mission d’information a constaté que le Défenseur des droits fait aujourd’hui face à trois principaux défis.

D’abord, il est le résultat fragile de la fusion de quatre autorités administratives indépendantes au périmètre et aux pratiques très différents. L’étendue de son champ de compétence a fait l’objet d’intenses oppositions politiques, de la part d’observateurs craignant de voir naître une institution, qui, à trop embrasser, mal étreigne.

Ensuite, afin de renforcer la visibilité de l’institution, qui est une condition nécessaire à la bonne réalisation de sa mission de protection des droits et libertés, des moyens importants doivent être consacrés aux actions de visibilité. Le Défenseur des droits est précisément l’entité qui doit être connue des usagers les plus vulnérables et les plus éloignés des services publics. 

Enfin, une meilleure prise en compte des avis du Défenseur des droits par les pouvoirs publics doit être au cœur de nos préoccupations. En outre, l’augmentation continue des saisines qu’il reçoit pourrait tout autant être analysée comme une preuve de sa montée en charge que comme celle de son impuissance à peser en faveur d’un règlement structurel des problèmes qui lui sont soumis.

Convaincu de la nécessité d’un Défenseur des droits fort, indépendant du pouvoir exécutif, proche des citoyens et du corps associatif, efficace dans l’ensemble de ses nombreuses missions, il nous appartient à nous législateur de concrétiser les observations et les propositions de la mission dans la loi.

La nature constitutionnelle du Défenseur des droits nous conduit à devoir présenter trois textes de loi, l’un constitutionnel, l’autre organique et le troisième simple, mais poursuivant tous le même objectif de cohérence. Le Défenseur des droits est aujourd’hui une institution incontournable qui a démontré son utilité, mais les difficultés qu’elle rencontre appellent à une réforme.

L’article 1er prévoit que le Défenseur des droits peut adresser au Conseil constitutionnel des observations sur les questions prioritaires de constitutionnalité.

Il s’agit ici d’un article de cohérence avec l’article 1er et 2 de la proposition de loi constitutionnelle. 

L’article 2 permet de renforcer les garanties d’indépendance budgétaire de l’institution en inscrivant ses crédits au sein d’un programme qui lui est exclusivement consacré.

Le Défenseur des droits relève de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et du programme 308 « Protection des droits et libertés ». Ce programme, dont le responsable est le secrétaire général du Gouvernement, regroupe sept autorités administratives, une autorité publique indépendante (le Conseil supérieur de l’audiovisuel), le Comité consultatif national d’ éthique et la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Or, il ressort de la loi organique relative aux lois de finances que le responsable de programme peut modifier l’affectation des crédits entre les différentes actions, en l’espèce entre les autorités, en cours de gestion. Le budget du Défenseur des droits n’est ainsi pas sanctuarisé.

Pour renforcer les garanties budgétaires attachées à l’institution, il est proposé que ses crédits soient regroupés au sein d’un programme unique, dont la responsabilité serait confiée au Défenseur des droits lui‑même, soit à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Cette dernière a pour particularité de regrouper les crédits dévolus à des institutions indépendantes du pouvoir exécutif, chargées de missions de conseil, de contrôle ou de fonctions juridictionnelles, qui pilotent elles‑mêmes leur budget. Le traitement budgétaire du Défenseur des droits serait par exemple aligné sur celui du Haut Conseil aux finances publiques dont la loi du 17 décembre 2012 précise : « le président du Haut Conseil des finances publiques gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Ces crédits sont regroupés au sein d’un programme spécifique de la mission ‘Conseil et contrôle de l’État ».

De surcroît, le niveau des moyens financiers consacrés à l’institution est un indicateur fort de son indépendance, en particulier alors qu’elle se voit confier de plus en plus de nouvelles compétences (lanceurs d’alertes par exemple). La dotation annuelle du Défenseur des droits est environ équivalente de 2012 à 2016 à l’addition des dotations pour 2010 des quatre anciennes autorités administratives indépendantes qu’il a remplacées. En 2017, la dotation diminue de 5,2 millions d’euros par rapport à 2016, « à la suite de l’emménagement sur le site Fégur- Fontenoy et de la fin des coûts liés aux loyers et à la gestion des anciens locaux avant restitution ». Pour 2020, elle était inférieure à 6,2 millions d’euros à la somme des dotations pour 2010 des quatre autorités administratives fusionnées.

En conséquence, en valeur absolue comme en valeur réelle, la dotation attribuée en loi de finances au Défenseur des droits a fortement diminué alors qu’il a dû prendre en charge de nouvelles compétences.

L’article 3 vise à retirer le Défenseur des droits de la catégorie des autorités administratives indépendantes pour lui octroyer un statut juridique sui generis.

Dans un souci de cohérence avec certaines modifications d’ordre constitutionnel mais aussi budgétaires, il apparait utile de faire évoluer la nature juridique de l’institution, pour revenir à la volonté initiale. Le Défenseur des droits a d’abord été qualifié d’ » autorité constitutionnelle indépendante » dans la version initiale de la loi organique de 2011. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel tempère immédiatement cette catégorisation en précisant que l’institution n’est qu’une autorité administrative qui s’y rapporte et « dont l’indépendance trouve son fondement dans la Constitution ». Telle que modifiée en 2017, la loi organique de 2011 achève le processus de « normalisation » du statut du Défenseur des droits, devenu l’une des vingt‑six autorités administratives indépendantes.

Pour autant, le Défenseur des droits ne peut être considéré comme les autres AAI, pas plus en droit sur ses prérogatives que symboliquement aux yeux des citoyens qui attendent beaucoup de cette institution. Il convient de lui redonner toute sa place dans notre ordonnancement juridique.

L’article 4 étend les missions du Défenseur des droits en matière de lanceurs d’alerte, aux tiers, facilitateurs et aux entités juridiques. Il confie également au Défenseur des droits une mission de contrôle des établissements et services sociaux et médico‑sociaux (EHPAD).

En matière de lanceurs d’alerte, le droit repose sur la directive sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, adoptée le 23 octobre 2019, est entrée en vigueur le 16 décembre 2019 et qui doit être transposée par les États membres avant le 17 décembre 2021.

En particulier, un élément a été mis en avant comme pouvant faire l’objet d’une extension du champ de compétence du Défenseur des droits en la matière : l’article 4 de la directive précise que les « mesures de protection des auteurs de signalement énoncées (…) s’appliquent également aux facilitateurs, tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement et qui risquent de faire l’objet de représailles dans un contexte professionnel (…) et entités juridiques appartenant aux auteurs de signalement ». Cet élargissement était prévu par une récente proposition de loi de M. Ugo Bernalicis adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 5 mars 2020 mais qui n’a pas été encore examinée en séance publique.

C’est pourquoi, il est ici proposé de permettre, au Défenseur des droits qui a déjà compétence sur les lanceurs d’alertes, d’étendre le bénéfice des protections bénéficiant aux lanceurs d’alerte aux facilitateurs, aux tiers et aux entités juridiques avec lesquels ils sont en lien et qui pourraient faire l’objet de représailles.

En matière d’établissements et services sociaux et médico‑sociaux, il existe plus de 7 400 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) publics ou privés, pour un total de plus de 605 000 places en France. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2019, environ une personne âgée sur six a été victime de maltraitance dans son environnement. Ces violences, dont certaines ont été récemment très médiatisées, sont plus fréquentes dans des structures d’accueil tels que les EHPAD.

Aujourd’hui compétent pour visiter « tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d’une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement », le CGLPL n’est pas habilité à contrôler les EHPAD. Plusieurs obstacles s’opposent à cette intervention :

– l’admission en EHPAD ne dépend pas d’une décision d’une autorité publique mais est un choix privé ;

– il n’y a pas d’interdiction d’aller et venir dans ces établissements ;

– la compétence du CGLPL concerne seulement les « personnes privées de liberté » ;

– l’institution ne pourrait pas, à moyens constants, réaliser convenablement sa mission de contrôle du fait du nombre conséquent d’établissements concernés.

Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, le CGLPL préconise de confier cette fonction de contrôle au Défenseur des droits.

Dans les faits, il n’existe pas d’autorité administrative habilitée à effectuer des contrôles sur place dans les EHPAD aujourd’hui. Ces derniers font néanmoins l’objet de plusieurs contrôles et audits de natures différentes. Les EHPAD sont soumis à un contrôle administratif par l’autorité ayant délivré l’autorisation de fonctionnement (article L. 313‑13 du code de l’action sociale et des familles (CASF)). Ils peuvent également faire l’objet d’un contrôle budgétaire et comptable par leur autorité de tarification lorsque la situation financière des établissements n’est pas stabilisée (art. L. 313‑14‑1 du CASF).

Lorsque les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement de l’établissement méconnaissent les dispositions du code de l’action sociale et des familles, l’autorité de contrôle dispose d’un pouvoir d’injonction, voire d’astreinte journalière et peut prononcer une sanction financière. Un administrateur provisoire peut également être nommé (art. L. 313‑14 du CASF). En outre, « lorsque la santé, la sécurité, ou le bienêtre physique ou moral des personnes accueillies ou accompagnées sont menacés ou compromis, et s’il n’y a pas été remédié dans le délai fixé par l’injonction (…) ou pendant la durée de l’administration provisoire, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation peut décider la suspension ou la cessation de tout ou partie des activités de l’établissement » (art. L. 313‑16 du CASF).

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico‑sociale a également créé un nouvel article L. 312‑8 du CASF qui oblige ces établissements à procéder à des évaluations internes et à faire procéder à des évaluations externes relatives à leurs activités et à la qualité des prestations qu’ils délivrent, selon une procédure élaborée par la Haute Autorité de santé (HAS). Le contrôle externe est réalisé par des organismes habilités par la HAS. Les résultats de ces deux processus d’évaluation sont communiqués à l’organisme ayant autorisé l’ouverture de l’EHPAD ainsi qu’à la HAS. Un récent rapport d’information soulevait néanmoins le caractère disparate et trop peu opérant des rapports d’évaluation externe.

Il apparait pertinent de permettre au Défenseur des droits, déjà compétent pour traiter des droits individuels des personnes en EHPAD, de réaliser des opérations de contrôle dans ces établissements, afin d’offrir une meilleure protection des droits aux personnes qui y résident.

L’article 5 retire au Défenseur des droits ses prérogatives en matière de règlement des litiges dans les établissements pénitentiaires. L’article 6 de la proposition de loi confie ces prérogatives au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

En 2011, un rapprochement entre le Défenseur des droits et le contrôleur général avait été étudié, puis repoussé à 2014, après l’établissement d’un premier bilan du CGLPL, alors jeune institution créée en 2007. Ce rapprochement n’est plus envisagé depuis le vote, en 2014, d’une loi renforçant les pouvoirs du CGLPL et rapprochant ceux‑ci des prérogatives dont dispose le DDD.

Alors que le Défenseur des droits intervient déjà pour résoudre les litiges de nature individuelle dans les établissements pénitentiaires, l’extension de ses compétences au contrôle des « conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux » le rendrait compétent pour les litiges de nature individuelle ainsi que pour les situations collectives dont le contrôle échoit aujourd’hui au CGLPL, ce qu’il ne souhaite pas. Ce d’autant plus que le CGLPL et le Défenseur des droits collaborent étroitement aujourd’hui.

Aussi, et afin de renforcer par ailleurs l’institution émergente du CGLPL, cet article vise à rendre ce dernier compétent pour traiter les litiges de nature individuelle dans les établissements pénitentiaires à la place du Défenseur des droits. Les délégués du Défenseur des droits cesseraient d’intervenir dans ces établissements.

Cette solution permettrait aux détenus d’avoir un interlocuteur unique pour la protection de leurs droits, tout en remédiant aux difficultés que peuvent rencontrer certains délégués du Défenseur des droits qui ont déjà de nombreux sujets à couvrir. Un tel transfert de compétences ne saurait être réalisé qu’à la condition qu’il s’accompagne de moyens financiers et humains suffisants pour permettre au CGLPL de réaliser cette nouvelle mission.

L’article 6 prévoit que la saisine du Défenseur des droits interrompt les délais de recours devant le juge administratif. 

L’article 6 de la loi organique de 2011 précise que « la saisine du Défenseur des droits n’interrompt ni ne suspend par ellemême les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à l’exercice de recours administratifs ou contentieux ». Le régime de droit commun de la médiation, précisé à l’article L. 213‑6 du code de justice administrative (CJA), prévoit que « les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d’un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation. Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. »

Aucune articulation entre ces régimes n’est prévue lorsque le Défenseur des droits fait usage de ses prérogatives de médiateur dans le cadre de l’article 26 de la loi organique de 2011.

La coexistence de ces deux dispositions entraine une incertitude juridique. Cette dernière est de nature à dissuader le citoyen de recourir au Défenseur des droits, en lui préférant la voie juridictionnelle. Elle « débouche sur des rapports concurrentiels avec les juridictions et obère l’efficacité de la saisine de l’institution ».

D’après les directeurs du Défenseur des droits, l’interruption des délais de recours, plus protectrice des réclamants que la suspension, « constitue indéniablement un élément essentiel de l’attractivité de la médiation avec les services publics, le contentieux administratif étant, à la différence du contentieux judiciaire, régi par un délai de recours de deux mois ».

Dans le cadre d’une médiation, il est également précisé que ce doit être la saisine elle‑même qui entraîne l’interruption des délais de recours et non l’ouverture de la médiation, comme prévue à l’article L. 213‑6 du CJA. En effet, dans ce dernier cas, se pose « une difficulté pratique dans la mesure où elle impose au Défenseur des droits de recueillir l’accord des deux parties dans le délai de saisine du juge (généralement deux mois), sous peine de faire obstacle à cette saisine par le réclamant ».

L’article 7 crée un poste d’adjoint chargé de la médiation avec les services publics et un poste d’adjoint chargé de l’orientation et de la protection des lanceurs d’alerte, conformément à la nouvelle dimension de l’institution aux vues de l’article 6 et de l’article 4.

La loi organique de 2011 prévoit que le Premier ministre nomme trois adjoints du Défenseur des droits : un Défenseur des enfants, un adjoint chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité, et un adjoint chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité. Ce choix est un héritage des trois autorités administratives remplacées par le Défenseur des droits. Les adjoints ont également la responsabilité d’un collège, dont ils assurent la vice‑présidence, que le Défenseur des droits peut consulter sur toute question nouvelle.

En premier lieu, la médiation avec les services publics représente la majorité de l’activité du Défenseur des droits, pourtant aucun adjoint n’est chargé de cette compétence. La création d’un poste de délégué général à la médiation avec les services publics est un choix institutionnel, qu’il conviendrait de substituer avec un véritable adjoint disposant des mêmes prérogatives que les trois adjoints déjà reconnus par la loi organique de 2011.

Par ailleurs, alors que le recours à la médiation ne cesse d’augmenter, le paysage institutionnel en la matière n’est pas uniforme. Certains dispositifs reposent sur des médiateurs bénévoles, tandis que d’autres mobilisent des médiateurs institutionnels ; certains peuvent être saisis physiquement, d’autres uniquement par l’intermédiaire d’un formulaire en ligne ; cette saisine entraîne parfois une suspension des délais de recours contentieux, mais ce n’est pas le cas pour l’ensemble des médiateurs. 

La nécessité d’une meilleure coordination entre les médiateurs sectoriels est évidente, tant les modalités de saisine et leur régime juridique diffèrent et contribuent à l’illisibilité actuelle de l’architecture de la médiation en France.

Pour uniformiser ces pratiques, il conviendrait de charger le Défenseur des droits d’une mission de coordination de la médiation publique, afin de « fédérer les médiateurs autour de l’institution qui est à la fois la plus ancienne, la plus importante en volume et qui dispose des garanties d’indépendance les plus solides, dans un réseau de “correspondants du Défenseur des droits” ». Ainsi, le Défenseur des droits aurait le rôle de chef de file de la médiation institutionnelle.

Cette évolution pourrait par exemple prendre la forme de l’envoi annuel d’un rapport d’activité de l’ensemble des médiateurs au Défenseur des droits.

En second lieu, s’agissant des lanceurs d’alerte, la loi organique de 2011 prévoit que » le Défenseur des droits préside les collèges qui l’assistent pour l’exercice de ses attributions en matière (…) d’orientation et de protection des lanceurs d’alertes. » Compte tenu de l’importance croissante de cette compétence et de son renforcement au sein de l’article 4, il conviendrait de créer un adjoint spécifique.

L’article 8 inscrit dans la loi organique la pratique des réunions conjointes des collèges.

Chacun des collèges du Défenseur des droits se réunit aujourd’hui quatre fois par an sur un ordre du jour déterminé par le Défenseur des droits.

Sans que cette pratique ne soit actuellement encadrée par la loi organique, le Défenseur des droits peut également réunir conjointement les collèges sur des sujets d’intérêt commun. Cette réunion est généralement convoquée une fois par an, en septembre.

Cette pratique est utile à la vie de l’institution et contribue à renforcer les prérogatives des collèges. Elle devrait être consacrée dans la loi organique de 2011.

Les articles 9, 10 et 11 modifient la composition des collèges pour prévoir que des parlementaires y figurent.

Aux termes de la loi organique de 2011, les collèges du Défenseur des droits sont composés de personnalités qualifiées nommées par le président du Sénat et de l’Assemblée nationale, de la Cour de cassation ou du Conseil d’État, et de membres ou anciens membres du Conseil d’État et de la Cour de cassation. 

Il ressort de ces modalités de nomination que les personnalités choisies sont principalement des universitaires et des hauts fonctionnaires. 

Au cours de son audition du 24 juin 2020, M. Jean‑Marie Delarue a attiré l’attention des rapporteurs sur la nécessité de renforcer la représentativité des acteurs associatifs et des organisations non gouvernementales dans les trois collèges prévus par la loi organique. Même si des échanges entre l’institution et le corps associatif sont déjà̀ formalisés au sein des comités d’entente, cette évolution assurerait une meilleure prise en compte de la voix des acteurs de terrain et permettrait au Défenseur des droits d’être au plus proche des problématiques rencontrées par les citoyens, pour y apporter des réponses adaptées.

De même, un renforcement du contrôle du Parlement sur l’action du Défenseur des droits est proposé en instituant la présence de Députés et de Sénateurs, en nombre égal, au sein des collèges.

L’article 12 permet au Défenseur des droits d’être saisi systématiquement par le Premier ministre de tout projet ou de toute proposition de loi entrant dans son champ de compétence.

La prérogative du Défenseur des droits tirée de l’article 32 de la loi organique de 2011, qui lui permet de « recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles », constitue l’une de ses compétences les plus essentielles pour favoriser l’émergence d’une véritable culture des droits.

En l’état du droit, le Défenseur » peut être consulté par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Senat sur toute question relevant de son champ de compétence ». La consultation est donc facultative.

De la même manière que l’article 70 de la Constitution prévoit, s’agissant du Conseil économique, social et environnemental (CESE), que » tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis », la systématisation d’une saisine obligatoire par le Premier Ministre pour avis doit être instituée pour le Défenseur des droits, s’agissant de l’ensemble des projets ou propositions de texte ayant trait à la lutte contre les discriminations, à la promotion de l’égalité, aux droits de l’enfant, à la déontologie de la sécurité ainsi qu’aux lanceurs d’alerte.

Par ailleurs, pour renforcer la place de ces avis dans le débat public et législatif, il pourrait être consacré des jours spécifiques chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat.

L’article 13 prévoit le versement au dossier des observations présentées par le Défenseur des droits afin d’assurer le principe du contradictoire.

Les discriminations peuvent faire l’objet de sanctions pénales lourdes lorsqu’elles sont soumises à l’office du juge. Ce n’est néanmoins pas nécessairement le cas lorsque le réclamant sollicite le Défenseur des droits pour une résolution amiable de son litige. Le rôle du juge est également limité lorsque l’institution résout le litige par la transaction pénale, le juge se contentant alors d’homologuer la transaction. Aussi, la justice doit pouvoir s’emparer des affaires pour lesquelles les faits de discrimination sont caractérisés et étayés. C’est pourquoi, le Défenseur des droits doit pouvoir inviter le réclamant à judiciariser sa demande.

La Cour de cassation considère que « cette faculté de présenter des observations ne méconnaissait pas “en ellemême” les exigences du procès équitable dès lors que les parties sont soumises au principe du contradictoire et peuvent donc répliquer aux observations ».

Afin d’apporter une clarification de l’usage de cette prérogative, d’encourager à sa bonne pratique et de faire respecter le contradictoire, principe directeur d’un procès, ce versement désormais encadré pourra faire l’objet d’une consultation par les parties au procès. 

L’article 14 prévoit que les avis et décisions du Défenseur des droits sont transmis automatiquement aux ministères concernés.

De la même dernière, un service interministériel est mis en place pour assurer l’analyse et le suivi des recommandations de modifications réglementaires. Il est notamment rendu destinataire, chaque année, d’éléments statistiques sur le nombre de saisines du Défenseur des droits pour chaque entité publique, avec la ventilation la plus fine possible, notamment en matière de déontologie de la sécurité. Ce transfert d’informations faciliterait l’identification des blocages et permettrait à l’administration centrale d’agir structurellement. Ce service est chargé de recevoir les avis et décisions du Défenseur des droits et de les diffuser auprès des services et administrations concernées, afin de permettre un échange avec l’institution.

 


proposition de loi ORGANIQUE

Article 1er

À la première phrase du premier alinéa de l’article 23‑8 de l’ordonnance n° 58‑1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, les mots : « et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat » sont remplacés par les mots : « , les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et le Défenseur des droits ».

Article 2

L’article 1er de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Le Défenseur des droits gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Ces crédits sont regroupés au sein d’un programme spécifique de la mission “Conseil et contrôle de l’État”. »

Article 3

Au premier alinéa de l’article 2 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée, le mot : « administrative » est remplacé par le mot : « constitutionnelle ».

Article 4

L’article 4 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié :

1° Le 5° est complété par les mots : « et des facilitateurs, des tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement et qui risquent de faire l’objet de représailles dans un contexte professionnel et des entités juridiques appartenant aux auteurs de signalement ou pour lesquelles ils travaillent, ou avec lesquelles ils sont en lien dans un contexte professionnel » ;

2° Est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° Sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prises en charge des personnes résidant dans les établissements et services sociaux et médico‑sociaux mentionnés à l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles. »

Article 5

Au 1° de l’article 5 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée, après le mot : « État, », sont insérés les mots : « à l’exclusion des lieux privatifs de libertés, ».

Article 6

L’article 6 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié :

1° À la fin du troisième alinéa, les mots : « , non plus que ceux relatifs à l’exercice de recours administratifs ou contentieux » sont supprimés ;

2° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La saisine du Défenseur des droits interrompt les délais de recours relatifs à l’exercice de recours administratifs ou contentieux. »

Article 7

Le I de l’article 11 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« – un adjoint chargé de la médiation avec les services publics, choisi pour ses connaissances ou son expérience dans ce domaine ;

« – un adjoint chargé de l’orientation et de la protection des lanceurs d’alerte, choisi pour ses connaissances ou son expérience dans ce domaine. »

Article 8

À l’article 12 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée, les mots : « peut convoquer » sont remplacés par les mots : « convoque, au moins une fois par an, »

Article 9

L’article 13 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le mot : « désignées » est remplacé par les mots : « et un sénateur désignés » ;

2° Au troisième alinéa, le mot : « désignées » est remplacé par les mots : « et un député désignés ».

Article 10

L’article 14 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le mot : « désignées » est remplacé par les mots : « et un sénateur désignés » ;

2° Au troisième alinéa, le mot : « désignées » est remplacé par les mots : « et un député désignés ».

Article 11

L’article 15 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le mot : « désignées » est remplacé par les mots : « et un sénateur désignés » ;

2° Au troisième alinéa, le mot : « désignées » est remplacé par les mots : « et un député désignés ».

Article 12

Le deuxième alinéa de l’article 32 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié : 

1° Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

2° Après le mot : « loi », sont insérés les mots : « et par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat, sur toute proposition de loi inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée parlementaire ».

Article 13

Le deuxième alinéa de l’article 33 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi rédigé :

« Lorsqu’une juridiction civile, administrative ou pénale connaît d’une instance sur les faits de laquelle le Défenseur des droits a établi des observations, celles‑ci sont versées au dossier d’instruction. Les mêmes juridictions peuvent, d’office ou à la demande des parties, l’inviter à présenter des observations orales. Le Défenseur des droits peut lui‑même demander à être entendu par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit. »

Article 14

Après le I de l’article 36 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 précitée, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Le Défenseur des droits transmet ses avis, recommandations et décisions aux ministères concernés. »