Description : LOGO

N° 536

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

portant renforcement des pouvoirs de la police municipale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Pierre MORELÀL’HUISSIER, Mme Emmanuelle MÉNARD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que les questions de sécurité reviennent au cœur des préoccupations politiques, le Gouvernement parle désormais d’une justice qui a trop longtemps été délaissée, d’une crise de l’autorité qui a conduit à l’ensauvagement d’une certaine partie de la société. « Ne rien laisser passer », voici les mots attendus, que nous parlementaires avons entendus. 

Cette demande émane aussi de nombreux maires, demandant l’extension des pouvoirs de leur police municipale pour une réponse ferme et sans complaisance. Les communes participent déjà aux efforts de sécurité et de protection des concitoyens sur le territoire en se dotant de nouveaux matériels, en augmentant les effectifs quand cela leur est possible et en mettant à disposition de la police nationale et de la justice leurs images vidéo.

Issu d’un travail transpartisan entre le Député Pierre Morel‑A‑L’Huissier et la Députée Emmanuelle Ménard, tous deux fortement impliqués sur ces sujets, cette proposition de loi vise à faire la synthèse des nombreux travaux menés par ces parlementaires, sur des propositions de loi qui n’ont pu être examinées jusqu’au bout et des amendements, notamment ceux issus de la loi de programmation du ministère de l’Intérieur.

Cette proposition de loi propose de renforcer l’action de « proximité » sur les questions de sécurité pour une approche adaptée aux réalités et aux besoins de chaque territoire, à l’écoute des citoyens mais aussi en capacité de prendre des sanctions fortes quand cela est nécessaire. 

Ainsi, il faut permettre aux forces municipales d’avoir accès à un certain nombre de fichiers comme ceux des permis de conduire, des voitures volées, des personnes recherchées mais encore des fichiers S. Sans cet accès, la police municipale de proximité ne peut avoir les outils nécessaires pour appliquer les mesures qui s’imposent. 

Il convient aussi de leur donner la possibilité de réaliser des contrôles d’identité, tout en poursuivant la généralisation du « ticket de contrôle » pour éviter les abus et au contraire, encourager une action de justice. 

La police municipale doit aussi pouvoir prononcer des fermetures d’établissements lorsque ces derniers ne respectent pas les impératifs de tranquillité publique. 

La sécurité est d’abord et avant tout une compétence de l’État. Pour autant, les maires sont prêts aujourd’hui à « faire un pas de plus pour accompagner l’État dans cette mission dans un contexte de menace terroriste et de délinquance sans doute renforcé par les crises sanitaire, économique et sociale liées au covid‑19 ». 

Toutes ces mesures devront faire l’objet d’une Convention signée entre le maire, le Préfet représentant de l’État et le procureur de la république, dans les cas où le maire y serait favorable. 

L’article 2 prévoit de sanctionner plus facilement le délit d’outrage. Les personnes dépositaires de l’autorité publique, notamment les forces de l’ordre, sont confrontées de manière récurrente à des insultes ou des menaces. 

L’article 3 vise à permettre aux agents de police municipale de procéder à des contrôles d’identité. Ce dispositif est d’autant plus important que les policiers municipaux sont très souvent amenés à renforcer les actions de la police nationale et de la gendarmerie dans le cadre de vastes opérations. Pourtant, de nombreux policiers municipaux se font régulièrement l’écho d’une coordination encore insuffisante et encore trop parcellaire. Il faut ainsi leur permettre, au même titre que les agents de police judiciaire adjoints de la police et de la gendarmerie, d’obtenir les mêmes compétences judiciaires pour, sur ordre et sous la responsabilité des officiers de police judicaire, procéder à des contrôles d’identité et à des fouilles de véhicules tant dans une procédure judiciaire que dans le cadre d’une réquisition écrite du procureur de la République.

L’article 4 a pour objectif de sanctionner de manière plus adaptée et cohérente les contrevenants qui ne seraient pas coopératifs lors d’un relevé d’identité. Une peine de trois mois de prison et 7 500 euros d’amende permettrait d’aligner cette infraction à celle du refus de se soumettre aux vérifications pour un conducteur de véhicule (article L. 233‑2 du code de la route).

L’article 5 permet de revenir sur le dispositif actuel prévu pour procéder à des fouilles pour les manifestations sportives, récréatives ou culturelles par les polices municipales comme pour les forces de sécurité privée en dessous du seuil de 300 personnes. Supprimer ce seuil permettrait de gagner en efficacité d’autant plus que, depuis une vingtaine d’année, notre pays est soumis à d’importants risques terroristes. 

L’article 6 a pour objectif de permettre à la police municipale d’être en mesure de prendre en charge les personnes en état d’ivresse sur la voie publique pour assurer non seulement leur sécurité mais aussi celle des riverains et des passants. 

L’article 7 porte sur la constatation de délits pouvant faire l’objet d’amende forfaitaire délictuelle par la police municipale. Les policiers municipaux sont en première ligne face à la délinquance quotidienne. Parfois même mieux formés que les policiers nationaux grâce à une formation préalable dont les minima requis sont supérieurs à ceux en vigueur dans la police nationale, il est temps de leur donner avec confiance les moyens d’agir. Cela est d’autant plus urgent que les renforts prévus en terme de sécurité ne seront sans doute pas suffisants pour endiguer une violence de plus en plus ordinaire. Permettre aux agents municipaux d’avoir recours au AFD serait donc une bonne chose pour améliorer la sécurité des Français.

L’article 8 donne à la police municipale la possibilité d’exercer sa mission en civil et armée lorsque cela est nécessaire. 

L’article 9 permet de revenir sur un problème souvent rencontré par la police municipale. En cas de flagrant délit d’un crime ou d’un délit, l’agent de police municipale peut interpeller la personne en fuite grâce à l’article 73 du code de procédure pénale. Cependant, dès lors que la personne franchit le périmètre de la commune, le policier municipal devient une personne comme les autres, dépouillée de ses prérogatives professionnelles. Dans un souci d’efficacité de notre droit et de notre justice, il convient donc de corriger cette carence qui empêche nos policiers municipaux d’assurer pleinement leur mission.

L’article 10 porte sur la question de la présomption de légitime défense pour les policiers, et plus généralement pour les forces de l’ordre, s’introduit régulièrement dans le débat médiatique et politique. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait affirmé être contre cette extension du domaine de la légitime défense en ces termes : « Je suis opposé à la légitime défense. Donc ça, c’est très clair et c’est intraitable parce que sinon, ça devient le Far West. » Outre le fait que cette position laisse entendre que les forces de l’ordre ne seraient pas capables de faire preuve de sang‑froid ou de discernement, ou pourraient utiliser avec une certaine désinvolture leurs armes de service, leur octroyant même, comme entendu dans nos médias, un « permis de tuer », le Président de la République semble ignorer le sentiment d’injustice qu’éprouvent nos forces de l’ordre qui, par exemple, lorsqu’elles ouvrent le feu, sont trop souvent suspectées d’être en faute ; victimes, en quelque sorte, d’une forme de présomption de culpabilité. En effet, si cette présomption de légitime défense existait, le policier ayant fait feu serait considéré comme ayant agi en légitime défense jusqu’à une preuve spécifique. Dans les faits, cette présomption n’éviterait pas la garde à vue, nécessaire à l’enquête, mais cela éviterait la mise en examen, vécue le plus souvent comme une humiliation par le policier incriminé et comme un véritable désaveu par l’institution policière. Outre l’image désastreuse qui est renvoyée de nos forces de l’ordre, c’est aussi celle de la Justice qui est affectée, suspectée de partialité. C’est ainsi que l’autorité même de l’État est remise en question par un affaiblissement de celle de nos forces de l’ordre et de notre système judiciaire. Une telle situation n’est ni tenable ni acceptable. Il est dès lors urgent de rétablir l’autorité morale de nos forces de l’ordre en leur manifestant clairement le soutien plein et entier de l’État par une reconnaissance de présomption de légitime défense dès lors qu’ils agissent pour assurer la sécurité des Français, mais aussi leur sécurité comme celle de leurs équipiers. Nous le devons à ceux qui nous protègent nuit et jour au prix, parfois, de leur vie. C’est pourquoi cet amendement vise à instaurer un principe de présomption de légitime défense au bénéfice des forces de l’ordre dès lorsqu’elles font usage de leurs armes de service dans l’exercice de leurs fonctions.

L’article 11 vise à permettre aux agents de police municipale de procéder à des tests d’alcoolémie dans le cadre de certaines infractions au code de la route sur l’ordre et le contrôle du maire en sa qualité d’officier de police judiciaire.

L’article 12 porte sur la constatation par PV. De la même manière que la violation de domicile, la dégradation de biens, ou l’occupation illégale de partie commune, l’exhibition sexuelle doit pouvoir aussi être un délit constaté par procès‑verbal par les policiers municipaux dès lors évidemment que d’autres faits ne sont pas établis contre l’auteur.

L’article 13 porte sur l’outrage. Les policiers municipaux peuvent être directement confrontés sur la voie publique à des personnes qui peuvent, lors d’un contrôle ou d’une verbalisation pour infraction au code de la route, s’emporter au‑delà du raisonnable en les outrageant. Ils peuvent être également amenés à être requis par une personne chargée d’une mission de service public comme un gardien d’immeuble pour des faits similaires. De tels faits qui sont commis quotidiennement en France doivent pouvoir faire l’objet d’un traitement par procès‑verbaux par ces agents.

L’article 14 est très largement demandé au sein de la police municipale pour lui permettre d’être facilement joignable par le biais d’un numéro facile à retenir et donc d’intervenir rapidement là où elle est appelée.

Tel est l’objet de la présente loi. 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le chapitre Ier du titre Ier du livre V de code de la sécurité intérieure est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Accès aux fichiers

« Art. L. 5117. – À l’initiative du maire, après accord du conseil municipal, une convention de sécurité communale peut être établie entre le maire de la commune, le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République.

« Cette convention définit les conditions d’accès et les moyens nouveaux accordés à la police municipale et aux gardes champêtres afin que ces derniers puissent : 

a) Accéder au fichier des permis de conduire ;

b) Accéder au fichier des voitures volées ; 

c) Accéder au fichier des personnes recherchées ; 

d) Accéder aux fichiers S ; 

e) Réaliser des contrôles d’identité définis aux articles 78‑1 à 78‑7 du code de procédure pénale ; 

f) Prononcer des fermetures d’établissements relevant de l’article L. 123‑4 du code de la construction et de l’habitation. »

« Art. L. 5118. – Les agents de police municipale, individuellement désignés et habilités par le représentant de l’État dans le département, sur proposition du maire de la commune, à raison de leurs attributions légales et dans la limite du besoin d’en connaître, ont directement accès aux données du fichier des objets et des véhicules signalés.

« Art. L. 5119. – Les agents de police municipale, individuellement désignés et habilités par le représentant de l’État dans le département, sur proposition du maire de la commune, à raison de leurs attributions légales et dans la limite du besoin d’en connaître, ont directement accès aux données du système d’immatriculation des véhicules.

« Art. L. 51110. – Les agents de police municipale, individuellement désignés et habilités par le représentant de l’État dans le département, sur proposition du maire de la commune, à raison de leurs attributions légales et dans la limite du besoin d’en connaître, ont directement accès au fichier des véhicules assurés. »

Article 2

Au premier alinéa de l’article 433‑5 du code pénal, les mots : « non rendus publics » sont supprimés.

Article 3

Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 78‑2, les mots : « aux articles 20 et 21‑1 », sont remplacés par les mots : « à l’article 20 et aux 1° ter, 2° et 3° de l’article 21 ».

2° Au premier alinéa du I de l’article 78‑2‑2 du code de procédure pénale, les mots : « et 1° ter », sont remplacés par les mots : « , 1° ter, 2° et 3° ».

3° Au premier alinéa du I de l’article 78‑2‑4 du code de procédure pénale les mots : « et 1° ter », sont remplacés par les mots : « , 1° ter, 2° et 3° ».

Article 4

À l’avant‑dernière phrase du second alinéa de l’article 78‑6 du code de procédure pénale, le mot : « deux », est remplacé par le mot : « trois ».

Article 5

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 613‑3 du code de la sécurité intérieure, les mots : « rassemblant plus de 300 spectateurs » sont supprimés.

Article 6

L’article L. 2212‑2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Le soin de conduire à ses frais, dans le local de police ou de gendarmerie le plus proche ou dans une chambre de sûreté, une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics, pour y être retenue jusqu’à ce que son taux d’alcoolémie soit inférieur ou égal à 0,25 mg d’alcool d’air expiré. »

Article 7

L’article L. 511‑1 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les agents de police municipale peuvent constater par procès‑verbaux, lorsqu’elles sont commises sur le territoire communal, les infractions donnant lieu à une amende forfaitaire délictuelle prévue par l’article 495‑17 du code de procédure pénale. »

Article 8

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 511‑4 du code de la sécurité intérieure, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Les agents de police municipale peuvent, en fonction des nécessités de leur activité professionnelle et du but poursuivi, et avec l’accord du maire, exercer leur mission armée et en tenue civile. Lors d’opérations de police, ils sont porteurs, de façon visible, de l’un des moyens matériels d’identification dont ils sont dotés sauf instructions expresses de l’autorité commandant l’opération. »

Article 9

L’article 21 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dès lors que l’agent de police municipale est amené, en cas de force majeure et pour les besoins d’une mission de police, à sortir des limites administratives de la commune à laquelle il est rattaché, en vue d’interpeller une personne susceptible d’avoir commis un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, il dispose des mêmes prérogatives que lorsqu’il exerce ses fonctions sur les limites administratives de la commune à laquelle il est rattaché. » 

Article 10

Après l’article 122‑6 du code pénal, il est inséré un article 122‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. 12261. – Est présumé en état de légitime défense tout garde‑champêtre, agent de la police municipale ou nationale, ou militaire de la gendarmerie nationale qui, lors d’une attaque à son encontre ou à l’encontre d’un de ses collègues, ou en cas de refus d’obtempérer, fait usage de son arme de service dans l’exercice de ses fonctions, qu’il soit habillé en civil ou revêtu d’un uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité. » 

Article 11

Au premier alinéa de l’article L. 234‑3 du code de la route, le mot : « soumettent », est remplacé par les mots : « mentionnés à l’article 21 du code de procédure pénale, sur l’ordre et sous la responsabilité du maire, peuvent soumettre ».

Article 12

L’article L. 511‑1 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les agents de police municipale peuvent constater par procès‑verbal, dès lors qu’ils sont commis sur le territoire communal et qu’ils ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête, les délits prévus à l’article 222‑32 du code pénal. »

Article 13

Les agents de police municipale peuvent constater par procès‑verbal, dès lors qu’ils sont commis sur le territoire communal et qu’ils ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête, les délits prévus à l’article L. 236‑1 du code de la route.

Article 14

Pour appeler la police municipale, et sur le modèle du numéro 115 pour le Samu social, il est créé un numéro d’urgence unique : le 120.

Article 15

Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application de la présente loi.

Article 16

I. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.