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N° 548

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

relative aux atteintes volontaires contre les cyclistes,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Bruno STUDER, Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mathieu LEFÈVRE, David VALENCE, Damien ABAD, Damien ADAM, Éric ALAUZET, Pascale BOYER, Anthony BROSSE, Stéphane BUCHOU, Mireille CLAPOT, Philippe FAIT, Éric GIRARDIN, Yannick HAURY, Laurence HEYDEL GRILLERE, Marie LEBEC, Vincent LEDOUX, Nicolas PACQUOT, Béatrice PIRON, Natalia POUZYREFF, Thomas RUDIGOZ, Bertrand SORRE, Violette SPILLEBOUT, Stéphane TRAVERT, Patrick VIGNAL, Stéphane VOJETTA, JeanMarc ZULESI,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Le prochain, je me le fais ». C’est en ces termes qu’un célèbre chanteur de variétés s’est exprimé lors d’une interview diffusée dimanche soir sur France 2, à propos des usagers de trottinettes et des cyclistes qui ne respecteraient pas le code de la route. Hasard de l’actualité, un peu plus tôt dans l’après‑midi, en Gironde, un automobiliste percutait volontairement quatre cyclotouristes sur une route de Sadirac.

La violence de ces propos publics résonne de manière inquiétante dans ce fait divers, qui n’est malheureusement pas un cas isolé. La presse quotidienne se fait régulièrement l’écho d’agressions contre des cyclistes, souvent gratuites, qui se multiplient depuis plusieurs années et s’apparentent parfois à de véritables chasses à l’homme : en vallée de Chevreuse près de Gif‑sur‑Yvette, à l’entrée d’un rond‑point près de Bourg‑en‑Bresse, sur la route de Semussac à Royan, pour n’en citer que les exemples les plus médiatisés.

Nombre d’entre eux concernent des cyclistes sportifs parfois professionnels et des vélotouristes, circulant sur les routes de campagne, mais le problème ne s’y limite pas. En ville, au quotidien, de nombreuses incivilités visant souvent à intimider ou à faire peur les autres usagers, mettent en danger les cyclistes et génèrent des atteintes aux personnes qui, si elles sont parfois moins graves, n’en sapent pas moins le vivre‑ensemble dans l’espace public.

Si nul n’est parfait, pas même les cyclistes, il convient de rappeler leur particulière vulnérabilité sur nos routes, tant en ville qu’à la campagne. 227 cyclistes ont été tués sur la route en 2021, au plus haut depuis vingt ans, en forte augmentation par rapport à 2019 (+ 21 %). Parce que la rue et la route appartiennent à tous les usagers, ce constat appelle à une responsabilité particulière des automobilistes et autres véhicules motorisés à l’égard des usagers les plus vulnérables.

Summum de l’intolérance et du refus de partager l’espace public, les attaques contre les cyclistes sur la route relèvent des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, telles que définies dans la Section 1 du Chapitre II du Titre II du Livre II du Code pénal. Des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont ainsi punies de quinze ans de réclusion criminelle (art. 222‑7 du code pénal), celles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende (art. 222‑9).

Dans tous les cas de figure, l’usage d’un véhicule, qualifié d’arme par destination, constitue une circonstance aggravante. Le cadre répressif en place ne se heurte donc qu’à la difficulté à rassembler les preuves.

La suspension ou l’annulation du permis de conduire figurent par ailleurs parmi les peines complémentaires pouvant être prononcées par le juge pénal. Paradoxalement, comme l’a identifié Maître Michel Benezra, président de la commission juridique de l’association « Mon Vélo est une Vie », aujourd’hui, la durée de suspension du permis de conduire est la même qu’il s’agisse de faits volontaires ou involontaires, voire plus importante en cas d’atteinte involontaire avec circonstances aggravantes. Pourtant, qu’y atil de plus grave que de heurter volontairement un usager vulnérable ?

Face à cette incohérence du code pénal, l’association « Mon Vélo Est Une Vie » créée par Teodoro BARTUCCIO en 2017 se mobilise, à travers notamment une pétition et une sensibilisation des élus locaux et nationaux, pour obtenir une modification de la durée de suspension et d’annulation du permis de conduire.

Pour mettre fin à cette situation, l’article 1er de la présente proposition de loi modifie les peines complémentaires prévues par l’article 222‑44 du code pénal en introduisant dans les alinéas relatifs à la suspension et à l’annulation du permis de conduire une modulation des peines selon que les atteintes possèdent un caractère volontaire ou involontaire.

Parce qu’il apparaît urgent d’enrayer cette spirale d’intolérance sur nos routes et dans l’espace public, l’article 2 formule au Gouvernement une demande de rapport sur les attaques volontaires contre les cyclistes et autres usagers vulnérables. Ce rapport doit permettre de disposer de statistiques précises sur ces attaques, notamment les territoires et publics les plus concernés. Ce rapport a également vocation à déterminer les freins à la constitution de preuves et les moyens d’y remédier.

Cette proposition de loi, malheureusement, ne résoudra pas en elle‑même la tension croissante entre usagers de la route. Nous espérons seulement qu’elle participera d’une prise de conscience collective de la nécessité d’une plus grande tolérance à l’égard des autres usagers et d’un partage plus serein de la route entre usagers motorisés et non‑motorisés.


proposition de loi

Article 1er

Le I de l’article 222‑44 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au 3°, les mots : « pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire » sont remplacés par les mots : « du permis de conduire, pour une durée de cinq ans au plus en cas d’atteinte involontaire, pour une durée de dix ans au plus en cas d’atteinte volontaire ».

2° Le 4° est complété par les mots : « en cas d’atteinte involontaire, pendant dix ans au plus en cas d’atteinte volontaire. »

Article 2

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les attaques volontaires contre les cyclistes et autres usagers vulnérables, visant à disposer de statistiques précises sur ces attaques et de déterminer les freins à la constitution de preuves et les moyens d’y remédier.