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N° 563

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

relative aux nouveaux services de La Poste de facteur numérique
sur la base du volontariat,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Pierre MORELÀL’HUISSIER,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nous estimons en France à 13 millions de personnes qui ne maîtrisent pas les outils numériques ou souffrant d’illectronisme. Dans un contexte de dématérialisation généralisée, notamment des démarches administratives avec l’ambition gouvernementale de dématérialiser à 100 % les plus utilisées d’ici mai 2022, l’enjeu de lutte et d’accompagnement des trois Français sur cinq qui se disent incapables de réaliser des démarches administratives en ligne est de taille.

Le déploiement de 4 000 postes de conseillers numériques recrutés par les collectivités territoriales et les associations avait été prévu par le plan de relance suite à la crise sanitaire. Toutefois, cette stratégie n’est pas suffisante pour aller à la rencontre de l’ensemble des personnes rencontrant des difficultés, qui peuvent rester chez elles pour des raisons de santé, de vieillissement ou d’éloignement des services publics, collectivités et maisons France service.

En parallèle, La Poste s’est engagée en faveur de l’inclusion numérique. L’entreprise mène des expérimentations comme avec des médiateurs équipés de tablettes et proposant des questionnaires aux clients afin d’évaluer leurs compétences numériques. Selon les premiers résultats de ces expérimentations, près de 42 000 clients ont accepté de répondre au questionnaire proposé et près de 20 % d’entre eux sont considérés comme très éloignés du numérique. Ces données ont été recueillies dans le cadre du rapport sénatorial au nom de la commission des affaires économiques sur l’avenir des missions de service public de La Poste, par MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon,

Dès lors, il convient de développer une approche à domicile visant les publics invisibles, sur le modèle de l’expérimentation mise en œuvre par la communauté d’agglomération du Sicoval, en Haute‑Garonne, en partenariat avec La Poste.

L’expérimentation s’est révélée très satisfaisante pour les élus locaux, les habitants et les facteurs, ces derniers ayant insisté sur l’importance de ces initiatives pour valoriser leur métier et donner du sens à leur travail. Le coût de l’expérimentation pour la communauté d’agglomération du Sicoval est estimé à 15 000 €, dont 12 000 € pour la rémunération des prestations des facteurs.

Les facteurs sont à la fois des acteurs de confiance et des acteurs de terrain qui se déplacent auprès de la population, à leur domicile et pourraient légitimement jouer ce rôle de détecteur et de soutien aux personnes en difficultés, isolées, en situation de précarité, qui n’ont pas toujours la capacité́ de se déplacer ou qui n’osent pas demander de l’aide pour sortir de la précarité numérique.

Il ne s’agit pas ici de donner une responsabilité de formation aux facteurs, mais plutôt un rôle de détection et d’accompagnement, sous la forme du volontariat de chacun d’entre eux.

C’est pourquoi, la proposition de loi ci‑présente propose d’instaurer une cinquième mission de service public au groupe La Poste en créant la fonction de « facteur numérique ».

Afin de structurer ces nouvelles missions et de conserver une réponse complète aux citoyens, il serait utile de renforcer le partenariat entre La Poste et France Services, faisant des facteurs numériques des représentants à domicile des maisons France Services.

Ce partenariat pourrait prendre la forme de lignes téléphoniques dédiées aux facteurs lorsqu’ils souhaitent joindre une maison France Services depuis chez un particulier ou la mise en place de files d’attente dédiées aux usagers identifiés au préalable par un facteur.

Dans le cadre de la mise en place du programme France Services, La Poste s’était engagée, comme cela est mentionné dans la circulaire du Premier ministre du 1er juillet 2019, à mettre en place 250 équipes de facteurs mobiles dont le rôle serait d’aller au domicile des usagers pour les accompagner gratuitement dans la réalisation de leurs démarches administratives.

Ici, le rôle du facteur numérique est envisagé comme plus complet. Il peut jouer un rôle d’intervention auprès du particulier pour l’accompagnement dans la réalisation de sa démarche administrative. Des études ont été menées par le Groupe estimant le coût de ces interventions à 45 minutes.

Ces nouvelles compétences pour le groupe La Poste doivent être accompagnées de réformes structurelles, également proposées par la mission d’information sénatoriale visant à un maximum de transparence et d’efficacité.

Les obligations de service public du groupe La Poste au titre de sa mission de contribution à l’aménagement du territoire sont déterminées par la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste, modifiée par les lois du 20 mai 2005 et du 9 février 2010. Ses obligations sont les suivantes :

– Maintien d’un réseau de 17 000 points de contact sur l’ensemble du territoire français.

– Permettre à au moins 90 % de la population de chaque département d’accéder aux services de La Poste à moins de 5 km de son domicile et à moins de 20 minutes de trajet automobile.

Ces obligations sont globalement respectées par le groupe. Le maillage global de La Poste est composé de plus de 32 000 points d’accès, 17 000 points de contact et environ 15 000 points de présence postale que constituent essentiellement les points relais pickup, les consignes automatiques et les points de services courrier pour les professionnels.

Au niveau national, le taux d’accessibilité de la population aux services de La Poste est de 97,14 % au 1er janvier 2021. La règle d’accessibilité est respectée dans tous les départements sauf dans quatre départements, contre trois départements en 2019 : le Gers (81,8 %), la Lozère (87,5 %), le Lot (89,3 %) et l’Aube (89,8 %).

Pour pallier ces légers manques et éviter un accroissement de ces derniers avec la création de la mission de facteur numérique, il est proposé dans cette loi d’instaurer une révision périodique de la méthodologie de modélisation du réseau utilisée pour le calcul du coût net du maillage territorial afin de prendre en compte les évolutions démographiques et économiques des territoires.

En effet, la mission de service public de contribution à l’aménagement du territoire confié au groupe La Poste fait l’objet d’une compensation par l’État, conformément aux dispositions prévues à l’article 6 de la loi du 2 juillet 1990.

La base se fait sur une évaluation de l’Arcep sur des données de 2013 fournies par La Poste. Les évolutions sont mal prises en compte et ralentissent les bons résultats.

Par ailleurs, la supervision politique des questions postales mériterait d’être renforcée et clarifiée en incluant explicitement ces questions au sein du portefeuille d’un membre du Gouvernement, préférablement au numérique. Des arrêtés ministériels doivent être pris à échéance régulière pour homologuer les tarifs postaux et pour fixer des objectifs de qualité de service.

Le contrôle politique exercé par le Parlement pourrait également être renforcé notamment au sein de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP) où siègent trois députés et trois sénateurs. Il s’agit d’un organisme de suivi particulièrement important de la mission de service public de contribution à l’aménagement du territoire.

Il conviendrait dès lors de pérenniser la présence de trois députés et de trois sénateurs au sein de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP) par voie législative, de pérenniser la présence d’un député et d’un sénateur au sein de chacune des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) et d’élargir les compétences de l’ONPP et des CDPPT en matière de suivi de la qualité de service, de l’évolution de la présence postale et de l’organisation postale.

Dans leur rapport, les sénateurs ont pu constater qu’afin de s’adapter à la baisse de la fréquentation des bureaux de poste et dans une recherche d’une meilleure efficacité économique et sociale, la tendance est à la diminution du nombre de bureaux de poste et à la hausse du nombre de points de contact partenariaux.

Aussi, une mutualisation des bureaux de poste avec les mairies et les maisons France Services pourrait s’avérer utile pour éviter des fermetures de bureaux, notamment en zone rurale.

Par ailleurs, la Poste est un acteur majeur de la mise en œuvre du réseau France Services, L’entreprise contribue à la mise en œuvre de ce réseau en labellisant France Services une partie des maisons de services au public (MSAP) dont elle avait la charge auparavant.

Entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2021, 1 123 structures ont été labellisées France Services dont 191 portées par La Poste.

Dans la perspective d’une dématérialisation des démarches administratives et d’une amélioration de la qualité du partenariat entre les maisons France Services et La Poste, le processus de labellisation devrait être accéléré afin d’avoir au moins trois points de contact partenarial entre La Poste et France Services par département.

Les modalités d’information des maires en cas de fermeture d’un bureau de poste sont proposées également d’être revues afin qu’ils soient prévenus plus en amont et puissent envisager des solutions avec l’entreprise.

Enfin, dans le cadre de sa stratégie de diversification vers de nouveaux services à domicile et de proximité, le groupe La Poste a souhaité se positionner pour répondre aux enjeux du vieillissement et de la perte d’autonomie.

Comme le soulève le rapport de la mission d’information, il convient de mettre en avant sur ce sujet l’expérimentation mise en œuvre par le Gérontopôle du centre hospitalo‑universitaire (CHU) de Toulouse en partenariat avec La Poste dont l’objectif est de prévenir la dépendance.

À la suite d’une formation spécifique, les facteurs sont en mesure d’identifier les signaux d’un besoin d’accompagnement et de perte d’autonomie. Il est proposé que cette expérimentation soit étendue à d’autres départements.

Lutte contre précarité numérique, lutte contre la phobie et les méandres administratifs et accompagnement dans la perte d’autonomie grâce à la proximité des facteurs devenus facteur numérique, tel est l’objet de la présente loi.

L’article 1 crée une nouvelle mission de service public pour le Groupe La Poste visant à détecter la précarité numérique à domicile, sur la base du volontariat.

L’article 2 vise à développer, sur la base du volontariat, le rôle du facteur comme représentant à domicile des maisons France Services afin qu’ils puissent mettre en relation les usagers avec les maisons France Services pour réaliser leurs démarches administratives.

L’article 3 instaure une révision périodique de la méthodologie de modélisation du réseau utilisée pour le calcul du coût net du maillage territorial afin de prendre en compte les évolutions démographiques et économiques des territoires.

L’article 4 vise à renforcer la gouvernance de l’Observatoire national de la présence postale avec trois députés et trois sénateurs.

L’article 5 vise à accélérer la labellisation des bureaux de poste en maisons France Services, afin que chaque département soit doté d’au moins trois points de contact partenarial entre La Poste et France Services.

L’article 6 oblige La Poste à informer le maire de la fermeture d’un bureau un an minimum à l’avance.

L’article 7 vise à développer, sur l’ensemble du territoire, les expérimentations en partenariat avec les centres hospitalo‑universitaires (CHU) pour détecter la perte d’autonomie fonctionnelle des personnes âgées et isolées.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 2 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – La Poste peut exercer une mission de détection de la précarité numérique à domicile par les facteurs. Les obligations de ce service public, sur la base du volontariat, sa durée d’exercice, la méthode d’évaluation du coût net par utilisation et la méthodologie de calcul de la compensation sont définies par décret pris en Conseil d’État. »

Article 2

L’article 6 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom est complété par un V ainsi rédigé :

« V. – La Poste peut signer des contrats avec des maisons France Services pour faire des facteurs, sur la base de leur volontariat, des représentants à domicile des maisons France Services et aider les administrés dans leurs démarches administratives. Des dispositifs spécifiques peuvent être instaurés pour mettre en relation les usagers avec les maisons France Services pour réaliser leurs démarches administratives. »

Article 3

Après l’article 9 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom, il est inséré un article 9‑1 ainsi rédigé :

« Art. 91. – Un décret pris en Conseil d’État précise les modalités d’une révision annuelle de la méthodologie de modélisation du réseau utilisée pour le calcul du coût net du maillage territorial afin de prendre en compte les évolutions démographiques et économiques des territoires. »

Article 4

I. – L’article 38 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « dont un député et un sénateur » ;

2° Après le même alinéa, sont insérés neuf alinéas ainsi rédigés :

« Pour veiller à la mise en œuvre du contrat pluriannuel de la présence postale territoriale mentionné au II de l’article 6, est créée une instance de concertation au niveau national dénommée "Observatoire national de la présence postale". Cet observatoire peut émettre toute recommandation tendant à améliorer la présence postale dans les territoires, y compris en ce qui concerne la mutualisation de l’offre de services et les usages numériques.

« L’Observatoire national de la présence postale est composé de :

« 1° Trois députés et trois sénateurs, parmi lesquels l’Observatoire national de la présence postale élit son président ;

« 2° Six conseillers municipaux, membres de commissions départementales de présence postale territoriale, désignés par l’association nationale la plus représentative des maires ;

« 3° Deux conseillers départementaux, membres de commissions départementales de présence postale territoriale, désignés par l’association nationale la plus représentative des présidents de conseil départemental ;

« 4° Deux conseillers régionaux, membres de commissions départementales de présence postale territoriale, désignés par l’association nationale la plus représentative des présidents de conseil régional ;

« 5° Six représentants de l’État ;

« 6° Six représentants de La Poste.

« Chaque association mentionnée aux 2° à 4° du présent article désigne un nombre égal de femmes et d’hommes. Des suppléants des membres mentionnés aux mêmes 2° à 4°, en nombre égal à celui des titulaires, sont également désignés, dans les mêmes conditions, pour siéger en cas d’absence de ceux‑ci. »

II. – Il est mis fin aux fonctions des parlementaires désignés par la Commission supérieure du numérique et des postes en tant que membres de l’Observatoire national de la présence postale à compter des nominations intervenues en application du 1° de l’article 38 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom.

Article 5

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement faisant état du bilan de la labellisation des bureaux de poste en maisons France Services au sein de chaque département. Le rapport propose des actions à mener dans les départements qui ne seront pas dotés d’au moins trois points de contact partenarial entre La Poste et France Services.

Article 6

Après l’article 27 de la loi n° 90‑568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom, il est inséré un article 27‑1 ainsi rédigé :

« Art 271.  Lorsque La Poste envisage de fermer un bureau de poste pour quelque raison que ce soit, l’entreprise s’engage à prévenir préalablement le maire de la commune où se situe ledit bureau de poste, dans un délai minimal d’un an.

« Dans le cas où La Poste envisage le remplacement du bureau de poste par un point de contact d’une autre nature, l’entreprise s’engage à privilégier l’installation d’une agence postale communale ou intercommunale lorsque cela est possible. »

Article 7

Une expérimentation d’une durée de cinq ans est lancée dans l’ensemble des territoires qui le souhaitent visant à développer les expérimentations en partenariat entre le groupe La Poste et les centres hospitaliers universitaires pour détecter la perte d’autonomie fonctionnelle des personnes âgées et isolées grâce aux facteurs.

Les conditions de mise en place de cette expérimentation sont définies par décret en Conseil d’État.

Article 8

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.