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N° 571

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses mesures relatives à l’institution du Défenseur des droits,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Pierre MORELÀL’HUISSIER,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Alors que la crise des Gilets Jaunes a révélé une vive fracture entre les institutions publiques et les citoyens, que l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de covid‑19 a restreint de manière inédite les libertés individuelles, et que les accusations de violences policières crispent les relations entre la population et les forces de l’ordre, le Défenseur des droits est une institution plus que jamais nécessaire à la réussite du projet républicain. 

Fruit d’une réflexion sur la modernisation de nos institutions démocratiques, le Défenseur des droits, inscrit dans la Constitution française en 2008 et mis en place en 2011, est doté de prérogatives plus importantes que celles des autorités administratives indépendantes qu’il remplace – le Médiateur de la République, la Haute autorité́ de lutte contre les discriminations, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité́. L’ambition du constituant et du législateur organique de 2011 se traduit ainsi par un statut renforcé, une saisine facilitée et des pouvoirs accrus. 

À l’occasion des dix ans de l’institution, la commission des lois de l’Assemblée nationale a souhaité dresser le bilan de son action à travers une mission d’information ayant comme rapporteurs Mme Coralie Dubost et M. Pierre Morel‑À‑L’Huissier. 

Comme à l’accoutumée, les travaux de la mission ont permis de déboucher sur un rapport nourri des très nombreux échanges avec l’institution du Défenseur des droits en la personne de M. Jacques Toubon et de ses adjoints, mais aussi de ses directeurs, des chefs de pôles régionaux et des délégués territoriaux. Au‑delà de l’institution, les consultations ont permis d’échanger avec des universitaires, des praticiens du droit – magistrats comme avocats – des préfets, des acteurs du monde associatif, des présidents d’autorités administratives indépendantes, des élus, ainsi que de nombreux organismes sociaux. Par ailleurs, la situation sanitaire exceptionnelle a permis à la mission de bénéficier de plus de contributions écrites qu’à l’accoutumée, une centaine.

À l’occasion de ces travaux, la mission d’information a constaté que le Défenseur des droits fait aujourd’hui face à trois principaux défis.

D’abord, il est le résultat fragile de la fusion de quatre autorités administratives indépendantes au périmètre et aux pratiques très différents. L’étendue de son champ de compétence a fait l’objet d’intenses oppositions politiques, de la part d’observateurs craignant de voir naître une institution, qui, à trop embrasser, mal étreigne.

Ensuite, afin de renforcer la visibilité de l’institution, qui est une condition nécessaire à la bonne réalisation de sa mission de protection des droits et libertés, des moyens importants doivent être consacrés aux actions de visibilité. Le Défenseur des droits est précisément l’entité qui doit être connue des usagers les plus vulnérables et les plus éloignés des services publics. 

Enfin, une meilleure prise en compte des avis du Défenseur des droits par les pouvoirs publics doit être au cœur de nos préoccupations. En outre, l’augmentation continue des saisines qu’il reçoit pourrait tout autant être analysée comme une preuve de sa montée en charge que comme celle de son impuissance à peser en faveur d’un règlement structurel des problèmes qui lui sont soumis.

Convaincu de la nécessité d’un Défenseur des droits fort, indépendant du pouvoir exécutif, proche des citoyens et du corps associatif, efficace dans l’ensemble de ses nombreuses missions, il nous appartient à nous législateur de concrétiser les observations et les propositions de la mission dans la loi.

La nature constitutionnelle du Défenseur des droits nous conduit à devoir présenter trois textes de loi, l’un constitutionnel, l’autre organique et le troisième simple, mais poursuivant tous le même objectif de cohérence. Le Défenseur des droits est aujourd’hui une institution incontournable qui a démontré son utilité, mais les difficultés qu’elle rencontre appellent à une réforme.

Les articles 1er et 2 suppriment le Défenseur des droits de la liste des autorités administratives indépendantes, en cohérence avec la proposition de loi organique qui consacre le Défenseur des droits comme autorité sui generis.

L’article 3 crée une mention obligatoire indiquant l’existence et les modalités de saisine du Défenseur des droits dans les décisions administratives individuelles défavorables ou dérogatoires.

Si un nombre croissant d’usagers des services publics sollicite l’institution dans le cadre de litiges avec les administrations publiques, il demeure aujourd’hui insuffisant, notamment lorsqu’il est comparé au nombre d’affaires soulevées devant les tribunaux administratifs. 

Afin d’accroitre la saisine de l’institution et de répondre à la problématique de manque de connaissance de l’institution, il conviendrait de mentionner cette possibilité dans les décisions administratives individuelles défavorables ou dérogatoires.

Ces décisions concernent notamment les mesures de police, les décisions infligeant une sanction, l’annulation ou la suppression d’une décision créatrice de droits. Une telle mention s’adresserait donc directement à de potentiels futurs réclamants.

L’article 4 modifie les modalités de rémunération des délégués territoriaux en distinguant une part variable avec un seuil minimal fixé par la loi et une part fixe dépendant de la distance entre les différents lieux où chaque délégué exerce ses permanences.

Tous les délégués ne sont pas égaux dépendamment des territoires qui leurs sont alloués. Certains délégués sont contraints de faire plusieurs centaines de kilomètres pour rejoindre les différents lieux d’accueil où ils assurent une permanence, notamment ceux situés en territoires ruraux. Ils bénéficient d’une indemnité similaire à celle perçue par les délégués des territoires urbains, qui ne sont pas confrontés à cette dépense supplémentaire. La mise en place d’une indemnité de déplacement doit permettre de remédier à cette inégalité entre les délégués et serait versée sur présentation d’un justificatif.

Cet article prévoit aussi une revalorisation de l’indemnité des délégués qui ne pourraient être inférieur à 1 000 euros.

L’article 5 ouvre droit à des autorisations d’absence pour les délégués territoriaux.

Les délégués territoriaux sont aujourd’hui des bénévoles qui perçoivent une indemnité représentative de frais, comme le prévoit l’article 9 de la loi de 2011 relative au Défenseur des droits.

Le bénévolat est une activité libre, qui n’est encadrée par aucun statut. Seul l’article 12 de la loi du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif énonce deux critères caractérisant le bénévolat : 

– l’exercice d’une activité sans contrepartie ; 

– l’absence d’un quelconque lien de subordination.

Il existe toutefois une définition, non juridique, communément admise : « est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ».

Si le statut de bénévole a largement contribué au développement d’un maillage territorial dense à moindre coût pour l’institution, il devrait être accordé aux délégués dont le travail quotidien est exemplaire un droit à autorisation d’absence. Cette possibilité permettra au Défenseur des droits de diversifier le recrutement de ses délégués territoriaux en renforçant la proportion d’actifs parmi eux.

L’article 6 confie au Contrôleur général des lieux de privation de liberté les prérogatives jusqu’à présent dévolue au Défenseur des droits en matière de règlement des litiges dans les établissements pénitentiaires, en cohérence avec l’article 5 de la proposition de loi organique.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 4 de la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots « au Défenseur des droits, » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

Article 2

Le 20 de l’annexe de la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 précitée est abrogé.

Article 3

I. – Le titre Ier du livre II du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié : 

1° L’intitulé est complété par les mots : « et la mention relative au Défenseur des droits » ;

2° Il est ajouté un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Mention relative au Défenseur des droits 

« Art. L. 2131.  Les décisions administratives individuelles défavorables mentionnées aux articles L. 211‑2 et L. 211‑3 du présent code mentionnent les modalités de saisine du Défenseur des droits. »

Article 4

L’article 9 de la loi n° 2011‑334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette indemnité comprend une part fixe dont le montant ne peut être inférieur à 1 000 euros mensuels ainsi qu’une part variable en fonction de la distance entre les lieux où chaque délégué territorial effectue ses permanences. »

Article 5

L’article 10 de la loi n° 2011‑334 du 29 mars 2011 précitée est rétabli dans la rédaction suivante : 

« Art. 10.  Les permanences réalisées par les délégués du Défenseur des droits leur ouvrent droit à autorisation d’absence pendant leur temps de travail. Les autorisations d’absence ne peuvent leur être refusées que lorsque les nécessités du fonctionnement de l’entreprise ou du service public s’y opposent. L’employeur n’est pas tenu de rémunérer ces absences. »

Article 6

L’article 1er de la loi n° 2007‑1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté est complété par cinq alinéas ainsi rédigés : 

« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est également chargé, pour toute personne privée de liberté :

« 1° De défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public ;

« 2° De défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;

« 3° De lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité ;

« 4° De veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité dans les lieux où cette personne est privée de liberté. »

Article 7

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.