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N° 608

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2022.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à créer un Défenseur de l’environnement,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Gérard LESEUL, Cécile UNTERMAIER, Chantal JOURDAN,
Boris VALLAUD et les membres du groupe Socialistes et apparentés (1),
Marie POCHON, Francesca PASQUINI, Lisa BELLUCO, Marie-Charlotte GARIN, Sabrina SEBAIHI, Sandrine ROUSSEAU, Nicolas THIERRY, Aurélien TACHÉ, Jean-Claude RAUX, Sébastien PEYTAVIE, Eva SAS, Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIENLAFERRIÈRE,

députés.

 

______________________

(1) Mesdames et Messieurs : Joël Aviragnet, Christian Baptiste, Marie‑Noëlle Battistel, Mickaël Bouloux, Philippe Brun, Elie Califer, Alain David, Arthur Delaporte, Stéphane Delautrette, Inaki Echaniz, Olivier Faure, Guillaume Garot, Jérôme Guedj, Johnny Hajjar, Chantal Jourdan, Marietta Karamanli, Fatiha Keloua Hachi, Gérard Leseul, Philippe Naillet, Anna Pic, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Valérie Rabault, Claudia Rouaux, Isabelle Santiago, Hervé Saulignac, Mélanie Thomin, Cécile Untermaier, Boris Vallaud, Roger Vicot.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi constitutionnelle vise à créer un Défenseur de l’environnement sur le modèle du Défenseur des droits, créé lors de la réforme constitutionnelle de 2008. Ce Défenseur de l’environnement est particulièrement nécessaire dans le contexte de crise écologique que nous traversons et afin de poursuivre les avancées en matière de droit environnemental.

Les indicateurs globaux de l’état de notre environnement national et international sont plus inquiétants jour après jour. À titre d’exemple, la Terre a vu disparaître près de 68 % de ses populations de vertébrés entre 1970 et 2016, un rythme estimé de 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d’extinction par le Fond mondial pour la nature ([1]). Cette dégradation généralisée produit déjà ses effets délétères sur la population mondiale et française, à l’image de la sécheresse et des canicules records que le territoire métropolitain a connu en cet été 2022. De la même manière, les territoires d’Outre‑Mer qui abritent une biodiversité exceptionnelle font face aux effets du changement climatique et aux conséquences néfastes des activités humaines depuis longtemps.

Le droit de l’environnement s’est développé en France pour contribuer à enrayer cette dégradation. De l’intégration de la Charte de l’environnement au bloc de Constitutionnalité en 2005 jusqu’au vote de la loi Climat et Résilience en 2021, ce droit n’a cessé de s’étendre.

Néanmoins, ce développement apparaît comme insuffisant à plusieurs égards.

Tout d’abord, le droit de l’environnement pâtit d’une application trop limitée. L’exemple le plus illustratif est celui de cette même loi Climat et Résilience, votée à l’issue de la Convention Citoyenne pour le Climat, et dont, un an après son vote, à peine 10 % des dispositifs législatifs ont été suivis par la publication de décrets d’application, nécessaires pour la mise en œuvre des mesures votées par le Parlement.

Malgré l’existence de ce droit, la protection ou la restauration de l’environnement manque de moyens, même lorsqu’il ne s’agit que de respecter les règles de droit établies. De nombreux acteurs privés et publics restent impunis après leurs méfaits. Dès lors, il ne s’agit pas tellement de renforcer les normes du droit de l’environnement – importantes à tous les étages de la hiérarchie des normes – mais plutôt de leur donner corps à travers un Défenseur de l’environnement, véritable garant de leur mise en application.

À ces deux premiers constats doit s’ajouter un troisième concernant la complexité du droit de l’environnement pour les citoyens. Subissant de nombreux préjudices, constatant le non‑respect des objectifs fixés par nos politiques publiques et nos décideurs, les citoyens sont souvent en peine d’identifier le recours approprié, ainsi que l’interlocuteur privilégié pour protéger leur droit à un environnement sain.

Face à ces défauts du droit de l’environnement, la création d’un Défenseur de l’environnement, et sa mention au sein de notre Constitution, apparaît comme légitime et nécessaire.

Le Défenseur des droits figure dans le texte constitutionnel depuis sa réforme de 2008. Son rôle, incontesté, consiste à protéger nos concitoyens lorsque ceux‑ci s’estiment lésés quant à leurs droits les plus fondamentaux. De ce fait, la reconnaissance par le Conseil d’État en septembre 2022 dans sa décision n° 451129 du droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, a fait de ce droit à un environnement sain une liberté fondamentale, qui n’est à ce jour pas prise en charge par le Défenseur des droits.

Par conséquent, l’inscription dans notre Constitution d’un Défenseur de l’environnement, pensé sur le modèle du Défenseur des droits, constitue une évolution logique et nécessaire.

Pensé sur le modèle du Défenseur des droits, le Défenseur de l’environnement disposera d’un statut d’Autorité Administrative indépendante (AAI).

Les AAI « trouvent leur fondement ou leur justification première dans la garantie de l’impartialité de l’intervention de l’État dans certains domaines jugés sensibles, comme des domaines touchant aux libertés fondamentales ou des domaines économiques », d’après Hubert Delzangles, professeur de droit public spécialiste du droit de l’environnement ([2]).

Or, le domaine de l’environnement rassemble l’ensemble de ces justifications. En effet, depuis 2005, la Charte de l’environnement a constitutionnalisé des droits fondamentaux dans le domaine de l’environnement. De plus, la protection de l’environnement est intimement liée au domaine économique et il a été démontré qu’il s’agit d’un domaine dans lequel l’intervention de l’État se doit d’être impartiale.

En outre, l’indépendance de cette autorité permettra d’assurer l’effectivité de l’application des normes environnementales. Si l’environnement constitue désormais une composante de l’intérêt général, il reste un élément parmi d’autres. La tendance naturelle reste, malgré les progrès accomplis, la marginalisation des intérêts environnementaux. Dès lors, l’effectivité du droit de l’environnement dépend nécessairement en partie de l’impartialité de l’État dans sa mise en œuvre : l’indépendance d’une autorité administrative permettra de progresser sur ce terrain.

Elle évitera enfin un paradoxe, qui consiste à condamner l’État, pour inaction en matière environnementale à s’auto‑verser des astreintes. Avec ce Défenseur de l’environnement, il sera possible de flécher le bénéfice des amendes dues aux motifs de dégradation et d’inaction environnementales des personnes publiques vers cette personne publique indépendante et en charge du respect de notre environnement. Ainsi, les sanctions ne seront plus de simples opérations comptables, mais produiront un effet réellement réparateur.

Cette indépendance du Défenseur de l’environnement contribuera au renforcement de l’évaluation environnementale de nos politiques environnementales.

Pour le moment, par exemple, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD) chargé de mener ces évaluations « est placé sous l’autorité directe du ministre chargé de l’environnement et du développement durable qui le préside » ([3]). Qu’il s’agisse du CGDD ou des missions régionales d’autorité environnementale (MRAE), une partie de ces membres décisionnaires sont des fonctionnaires, qui dépendent du ministère pour leur avancement de carrière. L’indépendance du Défenseur de l’environnement, chargé de l’évaluation de nos politiques publiques, assurera de ce point de vue une amélioration de l’impartialité de ces évaluations.

Il rendra publics des avis sur les projets et les propositions de loi ainsi que sur les évaluations qui les accompagnent avant leur discussion au Parlement. Aujourd’hui, les propositions de lois ne sont jamais accompagnées d’une étude d’impact, ce qui complique parfois leur appréciation. Il en va de même de certains projets de lois. À cet égard, l’indépendance de l’institution fera la force de ces avis rendus publics et donc transparents.

La systématisation de ces avis permettra d’éclairer tout à la fois les décideurs publics et les citoyens dans leurs choix démocratiques sur l’ensemble de nos politiques. Car il est encore trop souvent question simplement d’évaluation de nos politiques environnementales, plutôt que d’évaluation environnementale de nos politiques : chaque loi peut potentiellement dégrader ou protéger notre environnement, et il est nécessaire que les décideurs, sur chacune des lois, puissent disposer d’une boussole quant aux effets environnementaux de leurs décisions.

Pour s’assurer de l’expertise de ces évaluations et avis, la loi organique créera, sur le modèle du Défenseur des droits, plusieurs viceprésidents du Défenseur de l’environnement, en charge d’une ou plusieurs limites planétaires

Les limites planétaires, définies en 2009 par une équipe internationale de 26 chercheurs et scientifiques du Stockolm Resilience Centre, correspondent aux seuils que l’humanité ne doit pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer pour pouvoir vivre durablement dans un écosystème sûr. Ces limites sont au cœur du 7e programme d’action pour l’environnement de l’Union Européenne et ont été reprises en 2019 en France par le Commissariat Général au développement durable (CGDD) ([4]). Les limites planétaires s’articulent autour de neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre :

– Changement climatique ;

– Érosion de la biodiversité ;

– Perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ;

– Changements d’utilisation des sols ;

– Acidification des océans ;

– Utilisation de l’eau ;

– Appauvrissement de l’ozone stratosphérique ;

– Augmentation des aérosols dans l’atmosphère ;

– Introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.

L’une après l’autre, ces limites planétaires sont dépassées. En 2019, d’après un rapport sur l’état de l’environnement publié par le ministère de la transition écologique, la France avait franchi six limites planétaires sur neuf. Ainsi, les limites sont déjà franchies en matière de réchauffement climatique, d’érosion de la biodiversité, de perturbation du cycle de l’azote et du phosphore, de changements d’utilisation des sols, d’acidification des océans, d’utilisation de l’eau… Les limites planétaires constitueront une obligation positive pesant sur le législateur qui devra s’assurer que la production de normes législatives ne dépasse pas les seuils au‑delà desquelles l’habitabilité de la terre est mise en péril.

En malmenant notre environnement de la sorte, c’est tout l’équilibre de la planète qui menace de s’effondrer. Sa sauvegarde doit devenir un impératif et les actes qui vont à son encontre doivent être sanctionnés à la hauteur des fautes commises.

Ainsi le Défenseur de l’environnement et ses vice‑présidents auront la capacité d’analyser des données environnementales complexes et de produire une analyse impartiale et reconnue concernant l’ensemble des politiques publiques relatives à la préservation ou au contraire à l’exploitation de notre environnement. Par‑là, le Défenseur de l’environnement sera l’incarnation d’une Haute autorité aux limites planétaires, pensée par la Convention citoyenne pour le climat, qui proposait la création d’une « instance scientifiquement reconnue et compétente pour garantir l’application et le respect des limites planétaires, de transcrire ces limites planétaires au niveau national et de réévaluer ces données de façon périodique compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » ([5]).

Plus largement, la proposition de créer un Défenseur de l’environnement poursuit le travail opéré par la Convention Citoyenne pour le Climat, dans son chapitre réforme constitutionnelle. Étaient impératives aux yeux des citoyens :

– L’intégration de ce Défenseur de l’environnement à la Constitution, garantissant son indépendance, sa force d’action et lui conférant une autorité symbolique importante.

– La facilité de recours de la part des citoyens (le Défenseur des droits peut être saisi), la publicité de ses rapports et son autonomie par rapport au Gouvernement.

– Une intégration des citoyens à ces instances de contrôle.

La proposition de loi répond à ces différents objectifs, d’abord par son caractère constitutionnel.

De plus, la facilité du recours est garantie par sa possibilité d’autosaisine d’une part, et par la possibilité pour chaque personne estimant que l’environnement est menacé d’avoir le droit de recourir à ce Défenseur dans les conditions qui seront prévues par la loi organique. Il orientera les requérants vers les institutions compétentes et fera figure de guichet unique pour les contentieux environnementaux.

Son autonomie par rapport au Gouvernement est assurée dans la loi constitutionnelle par l’impossibilité de présider l’institution et d’être en même temps membre du Gouvernement. D’autre part, la loi organique, dans la continuité de la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat, établira qu’il ne peut être mis fin aux fonctions de son président que sur sa demande ou en cas d’empêchement manifeste et avéré, sur le modèle du Défenseur des droits.

Le Défenseur de l’environnement pourra être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions, ouvrant la voie à une participation citoyenne, organisée par la loi organique.

Aussi cette proposition de loi constitutionnelle s’inscrit‑elle dans la continuité des pistes de réflexions de la Convention Citoyenne pour le Climat, qu’elle poursuit et approfondit.

Cette innovation institutionnelle est en même temps une adaptation, en France, de formes institutionnelles se développant et ayant fait leurs preuves dans plusieurs juridictions étrangères.

De nombreux pays et États, dans et hors de l’Union européenne, se sont en effet déjà dotés d’un Défenseur des droits ayant une compétence pour se saisir de questions en matières environnementales. Parmi eux, on pourrait citer à titre d’exemples l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Grèce, la République Tchèque, la Suède ou encore l’Argentine et l’Ontario au Canada.

Néanmoins, dans le cas français, la simple extension du rôle du Défenseur des droits vers les problématiques environnementales serait insuffisante. En effet, le Défenseur des droits n’est pas compétent pour les litiges entre personnes privées ; il n’a pas l’habitude de défendre des droits collectifs comme peuvent l’être les droits liés à l’environnement ; les compétences techniques et scientifiques dont il dispose ne sont pas celles nécessaires à des prises de décisions justes et impartiales dans les matières environnementales ; ce choix ne permettrait pas de conférer la visibilité et l’incarnation qu’apporteraient un véritable Défenseur de l’environnement, autonome. Aussi, pour s’assurer que cette création institutionnelle produise des effets réels sur les droits fondamentaux de nos concitoyens, il est plus prudent d’être plus ambitieux.

Certains pays ont ainsi effectué un pas supplémentaire, en autonomisant l’institution chargée de défendre ces droits spécifiques. C’est notamment le cas de la Nouvelle‑Zélande et de son « Commissaire Parlementaire pour l’Environnement », crée en 1986 ([6]). Indépendant, ce commissaire formule des recommandations au Parlement au sujet des initiatives du gouvernement en matière environnementale, renforçant le Parlement plus à même de contrôler les politiques publiques. Il enquête sur les conflits environnementaux, en étant entouré d’experts transdisciplinaires pour accomplir son travail. L’organisme peut obtenir des données non publiques, et interroger des acteurs de la société néo‑zélandaise sous serment, de façon analogique aux commissions d’enquêtes parlementaires prévues par nos institutions. Il n’est pas anodin que ce pays réputé pour son environnement préservé soit également pionnier au sein de l’OCDE en termes de déploiement des énergies renouvelables, lesquelles représente 80 % du mix énergétique du pays.

Pour s’assurer pleinement de l’effectivité de cette nouvelle institution, la loi constitutionnelle entend doter cette AAI d’un pouvoir de sanction, que viendra délimiter la loi organique. Elle précisera en particulier son pouvoir de sanction s’agissant de la répression administrative, comme du déclenchement de la répression pénale.

Dans le domaine de l’eau, un rapport du Conseil d’État relevait en 2010 que seulement 8,5 % des manquements faisaient l’objet d’une mise en demeure ([7]). Dans le domaine des installations classées, en 2014, les contrôles ont abouti à 2 280 mises en demeure mais seulement 250 sanctions administratives ont été adoptées. Cette retenue de la sanction s’explique par le conflit d’intérêt qui existe pour l’autorité tutélaire du pouvoir de sanction : le préfet. Victime du phénomène de « capture » du régulateur, il est sensible aux intérêts économiques locaux et, de ce fait, est réticent lorsqu’il s’agit de sanctionner.

D’autres AAI en matière environnementale disposent déjà de tels pouvoirs de sanction, en France. C’est le cas notamment de l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN). Or, le taux de réponse administrative les concernant est sans commune mesure avec ce qui existe pour la police des installations classées ou pour la police de l’eau. On passe de 70 % minimum pour les nuisances aéroportuaires à environ 10 % pour les polices de l’eau et des ICPE ([8]). Aussi, les AAI font la preuve de leur efficacité relative en matière de respect du droit environnemental.

De plus, l’usage indépendant de la sanction permettra de limiter des sanctions nuisant à la concurrence. En effet, le poids des grands pourvoyeurs d’emplois face aux autorités disposant du pouvoir de sanction est bien plus important que celui des TPE ou PME, de sorte que les grandes entreprises ont tendance à être moins sanctionnées que les plus petites, ce qui est une distorsion illégitime de la concurrence. De la même manière, comme ce pouvoir est déconcentré, en étant confié au préfet, les sanctions peuvent varier d’un territoire à un autre, entraînant des peines plus lourdes pour les uns que pour les autres. En centralisant le pouvoir de sanction dans les mais d’une AAI, de tels préjudices seraient évités.

Par ces différentes prérogatives qui lui seront confiées, le défenseur de l’environnement sera en mesure de s’assurer que la préservation de l’environnement fasse l’objet d’une amélioration constante.

Cette nouvelle institution ne viendra pas s’ajouter à un paysage institutionnel déjà complexe, mais participera au contraire à sa simplification. En effet, de nombreux organismes existants pourraient être, en partie ou dans leur ensemble, fusionnés afin de former ce Défenseur de l’environnement. Ainsi, cela évitera d’ajouter une nouvelle institution à celles existantes, et contribuera à la meilleure lisibilité de nos organes décisionnaires, pour nos concitoyens.

Parmi ces institutions, en fonction des attributions que la loi organique confiera exactement au Défenseur de l’environnement, sera envisagée une fusion totale ou partielle de la CnDAspe (Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement), de la CNDP (Commission Nationale du Débat Public), d’une partie de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs, concernant la documentation environnementale), du médiateur de l’énergie et de la médiation de l’eau, du HCC (Haut Conseil pour le Climat – en particulier, sur le modèle néo‑zélandais, pour que le Défenseur de l’environnement soit accompagné d’un organe scientifique compétent et reconnu), de l’ACNUSA (Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires), de l’ASN (l’Autorité de Sûreté Nucléaire), ou de certaines autorités environnementales, à savoir l’autorité environnementale du Conseil général à l’environnement et au développement durable (CGEDD), et les missions régionales d’autorités environnementales du CGEDD (MRAe), notamment.

Enfin, en fusionnant ainsi divers organismes, le coût de la création du Défenseur de l’environnement sera limité, sinon nul. Considérant les budgets et les ETP de ces divers organismes incorporés ou rattachés au DDDE, en faisant la somme des budgets et des ETP, une fusion de tout ou partie de ces organismes confiera au Défenseur de l’environnement plus d’une centaine d’ETP et un budget propre de plus de 14 millions d’euros, sans avoir à augmenter les dépenses du budget de l’État.

L’article unique institue, en un titre XI ter nouveau de la Constitution, un Défenseur de l’environnement chargé de veiller en particulier à la préservation et à l’amélioration constante de notre environnement. Le Défenseur de l’environnement pourra s’autosaisir ou être saisi par toute personne estimant que la préservation de l’environnement est menacée. Une loi organique précisera ses modalités d’intervention ainsi que les autres attributions susceptibles, le cas échéant, de lui être dévolues en complément de sa mission constitutionnellement définie.


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après le titre XI bis de la Constitution, il est inséré un titre XI ter ainsi rédigé :

« Titre XI ter

« Le Défenseur de l’environnement

« Art. 712. – Le Défenseur de l’environnement veille à la préservation de l’environnement et des biens communs planétaires par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, les organismes investis d’une mission de service public ainsi que par toute autre personne.

« Il veille à ce que cette préservation fasse l’objet d’une amélioration constante.

« Il veille à ce que les politiques publiques respectent les limites qui conditionnent l’habitabilité de la terre.

« Il rend public, à ce titre et lorsqu’il l’estime nécessaire, des avis sur les projets et les propositions de loi ainsi que sur les évaluations qui les accompagnent avant leur discussion au Parlement.

« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne estimant que la préservation de l’environnement est menacée. Il peut se saisir d’office.

« La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur de l’environnement. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions.

« La loi organique définit les conditions dans lesquelles le Défenseur de l’environnement dispose d’un pouvoir de sanction.

« Le Défenseur de l’environnement est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelables, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.

« Le Défenseur de l’environnement rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. »


([1]) Rapport « Living Planet Report 2020. Bending the curve of biodiversity loss » de la WWF, consultable ici :

https://wwf.be/sites/default/files/articles/files/IMAGES-2/CAMPAGNES/LPR2020/LPR20-Full-report-LQ.pdf

([2]) Hubert Delzangles, L’indépendance des autorités de régulation sectorielles – Communications électroniques, Énergie et Postes, thèse de droit, Bordeaux, 2008.

([3]) Article 1er du décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable.

([4]) La présentation du 7e programme d’action pour l’environnement de l’UE, intitulé « Bien vivre dans les limites de notre planète », est accessible en ligne à l’adresse suivante :

http://publications.europa.eu/resource/cellar/1d861dfb-ae0c-4638-83ab-69b234bde376.0002.02/DOC_1. Le rapport de 2019 de la CCGD, L’Environnement en France, est accessible à cette adresse : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/271417.pdf.

([5]) Propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, p. 403 :

https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Convention/ccc-rapport-final.pdf

([6]) Pour de plus amples informations, on pourra se référer au site internet de l’institution : https://pce.parliament.nz

([7]) Conseil d’État, L’Eau et son droit, rapport de juin 2010, téléchargeable à l’adresse : https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/l-eau-et-son-droit, p. 221.

([8]) Voir Julien Betaille, « Le contrôle des nuisances aéroportuaires, un modèle à reproduire pour le droit de l’environnement », Droit et Ville, n° 82, 2016. De manière générale, voir également la thèse du même auteur, Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne : illustrations en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement, 2012, Université de Limoges, accessible en ligne : https://www.uc.pt/site/assets/files/518797/these_julien_betaille.pdf.