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N° 653

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la prévention contre les pratiques commerciales illicites liées au marché de l’influence sur internet et
à renforcer la lutte contre ces pratiques,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Nadège ABOMANGOLI, François PIQUEMAL, Aurélien TACHÉ, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, JeanFrançois COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Frédéric MAILLOT, Pascale MARTIN, Élisa MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, JeanPhilippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, Francesca PASQUINI, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Jean-Claude RAUX, Sébastien ROME, Sandrine ROUSSEAU, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACHTERRENOIR, Sophie TAILLÉPOLIAN, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les années 2010 ont vu l’explosion des sites d’achat à bas prix comme Wish, Ali Express ainsi que la démocratisation des outils de création de site, notamment via l’apparition de CMS comme Wordpress, facilitant énormément cette création devenant à la portée de personnes ne maîtrisant pas nécessairement les techniques de codage et qui peuvent mettre en ligne en quelques jours voire quelques heures un site de vente en ligne.

C’est également dans cette période qu’émergent des cryptomonnaies avec comme pionnier le bitcoin qui, par son succès fulgurant, devient l’objet d’investissements et de spéculation de plus en plus importants. C’est dans ce contexte que s’est développé et multiplié le nombre d’arnaque en ligne.

Ce phénomène s’est aggravé depuis le premier confinement en réponse à la crise sanitaire du covid‑19, les témoignages et recensements d’escroqueries et d’arnaques en ligne se font de plus en plus nombreux. En effet, lors de cette période, le recours aux réseaux sociaux a été démultiplié et les utilisateurs se sont retrouvés exposés en masse aux réseaux sociaux avec leur lot de publicité pour ces arnaques, combinées à une forte augmentation de la pratique d’achats en ligne.

De plus, l’angoisse générée par les incertitudes liées au covid‑19 a sensibilisé certains publics dans des achats notamment liés à la santé, au développement personnel ou à faire des investissements financiers face à l’arrêt de certaines activités professionnelles.

Cette hausse, constatée par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes mais aussi par la Banque de France, a poussé le gouvernement à réagir en mettant en place une “task force” et en développant la plateforme Signal Conso. Une part de ces escroqueries sont le fait d’influenceuses et influenceurs qui profitent de leur notoriété et du lien de confiance qu’ils ont su tisser avec leurs abonnés pour proposer à ceuxci des produits soit hors de prix, soit nocifs, soit inexistants.

Ces pratiques frauduleuses prennent de multiples formes et changent rapidement pour s’adapter aux “modes” du moment et à l’accroissement de la vigilance des consommateurs sur certaines arnaques. Ainsi, nous avons connu une période durant laquelle le recours au dropshipping, c’est‑à‑dire se faire passer pour un fournisseur pour au final revendre un produit à un prix bien plus élevé que celui du réel fournisseur, était de plus en plus répandu. Puis une autre durant laquelle la tendance était de faire la promotion de cosmétiques dont les vertus supposées n’ont jamais fait l’objet de test et se sont révélées parfois dangereuses pour la santé. Enfin, une période pendant laquelle la promotion des cryptomonnaies et des placements financiers présentés comme garantis de gain est de plus en plus monnaie courante.

Ces pratiques peuvent également s’appuyer sur du marketing de réseau, pratique dangereuse, proche de la vente pyramidale et qui en 2019 faisait déjà l’objet d’inquiétude de la part de la Miviludes.

Ces dérives du marché des influenceurs en ligne ont fait l’objet d’une attention accrue depuis l’été 2022, notamment à l’occasion de plusieurs articles publiés dans Libération et Médiapart et d’un reportage réalisé par Complément d’Enquête. Cette couverture de la presse a permis la constitution de collectifs de victimes de ces dérives et leur a donné de la force face aux influenceuses et influenceurs qu’ils dénoncent. Beaucoup font en effet état de harcèlement en ligne suite aux dénonciations qu’ils ont émises.

Les recensements effectués par ces collectifs et autres personnes, à titre purement bénévole, sont accablants. Dans certains cas, les sommes perdues par les victimes de ses dérives et publicités mensongères peuvent atteindre jusqu’à 30 000 euros. Certains influenceurs savent en effet parfaitement inverser la culpabilité et faire croire aux victimes qu’elles n’ont pas bien compris et doivent renchérir pour récupérer leurs sommes. Dans plusieurs cas, les victimes rencontrent ce qui s’apparente à une addiction aux jeux d’argent avec des mécanismes similaires et une dépendance semblable.

Pourtant, la législation interdisant ces dérives et ces pratiques existe déjà. Le Code de la consommation dote d’ores et déjà la DGCCRF et différents régulateurs des activités en lignes de capacité d’action pour venir sanctionner ces dérives. Mais les agents de la DGCCRF ne sont pas assez nombreux pour pouvoir agir sereinement et efficacement sur un pan entier du numérique en constante expansion.

Un nombre conséquent d’influenceuses et d’influenceurs et leurs agences sont domiciliés dans d’autres pays tels que les ÉmiratsArabesUnis ou l’Arabie Saoudite afin de payer moins d’impôts et de rendre les sanctions à leur égard plus difficilement applicables et ce alors qu’une part considérable de leurs revenus provient de consommateurs français.

Il y a donc aujourd’hui un enjeu fort à renforcer la prévention à destination des consommateurs mais aussi les moyens des autorités de répression des fraudes. Les plateformes qui hébergent ces marchés de l’influence doivent également prendre leur part dans la lutte contre les arnaques en ligne.

L’article 1er insère une obligation de moyens et d’effectif de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des fraudes afin de lui permettre d’assurer les missions qui lui incombent, notamment au regard de la hausse des activités de commerce en ligne.

L’article 2 crée un comité interministériel de prévention contre les pratiques commerciales illégales en ligne. Ce comité fera une veille sur les différentes pratiques commerciales illégales en ligne et proposera des politiques de prévention en adéquation avec les différents publics touchés par ces pratiques.

L’article 3 crée une obligation pour les fournisseurs de services de communication au public en ligne d’informer les utilisateurs sur les pratiques commerciales illégales en ligne et de favoriser la détection et le signalement des contenus illicites au regard du code de la communication.

L’article 4 demande aux fournisseurs de services de communication au public d’apposer un message signifiant les condamnations pour non‑respect du code de la consommation sur les comptes incriminés.

L’article 5 demande aux banques et aux services de paiements en ligne d’informer leurs clients sur les pratiques commerciales illégales en ligne. Il introduit une obligation pour les banques de prévenir leur clientèle en cas de mouvements ou transferts de fonds vers des comptes domiciliés dans les États ou territoires non coopératifs ou soumis à un régime fiscal privilégié. Cette obligation à destination des banques et services de paiements en ligne permet d’une part de faire la transparence sur la domiciliation de certains comptes et entreprises d’influenceurs et d’autre part d’inciter les clients à effectuer leurs mouvements ou transferts de fonds en toute connaissance de cause.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 511‑3 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dispose de moyens et d’un nombre d’agents suffisants pour accomplir ses missions ».

Article 2

Le titre II du livre VIII du code de la consommation est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Comité interministériel de prévention contre les pratiques commerciales illégales en ligne

« Art. L. 8261. – Le comité interministériel de prévention contre les pratiques commerciales illégales en ligne suit l’évolution des pratiques commerciales illégales en ligne. Il propose, en lien avec les associations mentionnées à l’article L. 811‑1, des actions de prévention adaptées aux publics touchés par ces pratiques commerciales illégales. »

Article 3

Les fournisseurs de services de communication au public en ligne tels que définis par l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques sont tenus :

1° D’informer les utilisateurs sur les pratiques commerciales prohibées par les articles L. 121‑1 à L. 121‑21 du code de la consommation et sur les risques associés à ces pratiques ;

2° D’informer les utilisateurs sur les moyens dont ils disposent pour protéger leurs droits en cas d’arnaque en ligne ;

3° De favoriser le signalement, par leurs utilisateurs, de contenus qui porteraient atteinte au code de la consommation ;

4° De détecter, en lien avec les associations mentionnées à l’article L. 811‑1 du code de la consommation, les pratiques commerciales prohibées par les articles L. 121‑1 à L. 121‑21 du même code.

Article 4

Après le titre III du livre Ier du code de la consommation, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Publicité des sanctions par les fournisseurs de plateformes en ligne et les fournisseurs de services d’hébergement

« Art. L. 1331. – Les fournisseurs de services de communication au public en ligne tels que définis par l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques sont tenus d’apposer, dans les trente jours suivant la condamnation et pour une durée de trois mois, une bannière sur le compte incriminé indiquant que la personne propriétaire du compte a fait l’objet d’une condamnation pour non‑respect du code de la consommation, si cette personne a fait l’objet d’une condamnation pour non‑respect des articles L. 121‑1 à L. 121‑21 du code de la consommation.

« Art. L. 1332. – Le refus d’apposition d’une bannière dans les conditions prévues à l’article L. 133‑1 est puni d’une amende de 300 000 euros. »

Article 5

Le titre VI du livre V du code monétaire et financier est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Obligations relatives à la lutte contre les pratiques commerciales illégales

« Art. L. 5651.  Sont assujettis aux obligations prévues par les dispositions du présent chapitre :

« 1° Les organismes, institutions et services régis par les dispositions du titre Ier du présent livre, y compris les succursales des établissements de crédit mentionnés à l’article L. 511‑22 et des établissements financiers mentionnés à l’article L. 511‑23 ;

« 2° Les établissements de paiement régis par les dispositions du chapitre II du titre II du présent livre, y compris les succursales des établissements de paiement mentionnés au II de l’article L. 522‑13 ;

« 3° Les établissements de monnaie électronique régis par le chapitre VI du titre II du présent livre, y compris les succursales des établissements de monnaie électronique mentionnés à l’article L. 526‑24 ;

« 4° Les établissements de crédit, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique ayant leur siège social dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen en tant qu’ils exercent leur activité sur le territoire national en ayant recours aux services d’un ou plusieurs agents pour la fourniture de services de paiement en France ou d’une ou plusieurs personnes en vue de distribuer en France de la monnaie électronique au sens de l’article L. 525‑8 ;

« 5° Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement mentionnés à l’article L. 519‑1 lorsqu’ils agissent en vertu d’un mandat délivré par un client et qu’ils se voient confier des fonds en tant que mandataire des parties ;

« 6° Les intermédiaires d’assurance définis à l’article L. 511‑1 du code des assurances, sauf ceux qui agissent sous l’entière responsabilité de l’organisme ou du courtier d’assurance ;

« 7° Les intermédiaires en financement participatif mentionnés à l’article L. 548‑2.

« Les personnes assujetties mentionnées aux 1° à 7° comprennent les personnes physiques et les personnes morales.

« Art. L. 5652. – Les personnes mentionnées à l’article L. 565‑1 sont tenues de favoriser l’information et la sensibilisation des clients sur les pratiques commerciales prohibées en ligne.

« Art. L. 5653. – Les personnes mentionnées à l’article L. 565‑1 sont tenues, lorsqu’elles observent tout mouvement ou transfert de fonds en provenance ou à destination de comptes identifiés comme domiciliés dans des États ou territoires non coopératifs, au sens de l’article 238‑0 A du code général des impôts, ou dans les États ou territoires soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du même code, d’informer les clients concernés par ces mouvements ou transferts de fonds de la dangerosité de ces mouvements ou transferts de fonds. »

Article 6

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.