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N° 703

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à autoriser la pulvérisation aérienne
des produits phytopharmaceutiques,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Emmanuelle MÉNARD,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Loi Egalim, dans son article 82, a posé un principe de dérogation aux dispositions de l’alinéa I de l’article L. 253‑8 du Code rural et de la pêche maritime, qui interdisait la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques. Cet article a permis une expérimentation de l’utilisation des aéronefs télépilotés, ou drones, pour la pulvérisation de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale mentionnée à l’article L. 611‑6 du Code rural et de la pêche maritime. Cette expérimentation, prévue pour trois ans, devait également être évaluée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Depuis le 30 octobre 2021, date de fin de l’expérimentation prévue par la loi Egalim, il est de nouveau interdit de pulvériser des produits phytopharmaceutiques par drones, tel que le prévoyait l’article 253‑8 alinéa 1 du Code rural et de la pêche avant l’adoption de la loi Egalim.

L’ANSES a publié son rapport le 14 octobre 2022. Elle y rappelle que : « la qualité de la pulvérisation de traitements phytopharmaceutiques par drone a fait l’objet de mesures dans plusieurs essais qui ont porté sur deux variables :

1. La qualité des dépôts de bouillie, exprimée par leur quantité et leur homogénéité sur les plantes traitées ;

2. L’efficacité biologique sur certains bioagresseurs d’intérêt en vigne (mildiou, oïdium, black rot) réalisées en conditions d’infestation naturelle à la suite de l’application de plusieurs produits fongicides sur vigne. »

Les mesures de qualité des dépôts ont, quant à elles, été réalisées « sur diverses cultures suite à l’application de fongicides conventionnels (sur vigne) ou de solutions neutres contenant un traceur coloré (tartrazine, traceur fluorescent rouge, sur vigne, bananier, pommier) », sachant que « l’analyse de la qualité de la pulvérisation, en cas de traitement par drone, s’est appuyée sur 44 essais conduits en France entre 2019 et 2021 » à la suite de quoi « plusieurs rapports synthétisant les résultats d’un ou plusieurs essais ont été fournis. »

L’ANSES indique dans ses conclusions qu’au « regard de l’interdiction des applications de produits phytopharmaceutiques par hélicoptère et des limites associées au passage de pulvérisateurs terrestres dans les parcelles à fortes pentes (contraintes techniques, tassement du sol, exposition des opérateurs…), le recours à des drones de pulvérisation est envisagé comme une alternative pouvant présenter de multiples avantages ». Et d’ajouter que « le recours à des traitements par drone apparaît donc comme une solution intéressante pour protéger les cultures des bioagresseurs problématiques dans certaines conditions biologiques (faibles pressions en maladies), végétatives (volume foliaire limité et/ou port ouvert), climatiques (sols instables) et/ou topographiques (très fortes pentes). »

De plus, il est bien connu que l’Agriculture, qui plus est en forte pente, est un secteur en forte tension en termes de recrutement de main‑d’œuvre pour assurer les traitements phytosanitaires permettant de protéger les récoltes des exploitations agricoles.

De surcroît, au cours des expérimentations menées par la MSA Ardèche Drôme Loire, il a été relevé une concentration de résidus de produits phytopharmaceutiques 300 fois supérieure sur les équipements de protection individuelle d’un salarié agricole traitant à dos, par rapport aux équipements de protection individuelle d’un télépilote de drone. Ces expérimentations ont aussi mis en avant la grande intensité des efforts que doivent fournir les opérateurs pour traiter les vignes à forte pente (plus de 30 %). L’effort lié au pilotage est lui nettement moins intense.

Encore, la Commission européenne a dévoilé, le 29 novembre 2022, sa stratégie pour réglementer l’usage des drones sur le territoire européen. Intitulée « Drone 2.0 », elle prévoit de faire entrer certains usages de ces appareils volants dans le quotidien des Européens d’ici à 2030.

Enfin, nous avons l’exemple de nos voisins helvètes qui pratiquent depuis de nombreuses années la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques sur les vignobles en forte pente, en lieu et place de l’hélicoptère, avec un retour d’expérience très satisfaisant.

Cette proposition de loi vise donc à autoriser la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques utilisables en agriculture biologique par drone afin de traiter les cultures situées dans des zones difficiles d’accès, telles que les vignes en pente forte (égale ou supérieure à 30 %), à l’aide de drones gros‑porteurs (dont le poids au décollage est supérieur à 25 kg), et équipés de buses anti‑dérives.


proposition de loi

Article unique

L’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – La pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est autorisée sur les parcelles situées sur de fortes pentes, égales ou supérieures à 30 %, avec des produits phytosanitaires utilisables en agriculture biologique.

« Les drones employés sont des drones gros‑porteurs ayant un poids supérieur à 25 kilogrammes au décollage profitant de leur souffle conséquent. Ces drones doivent être déployés sous autorisation d’exploitation de la direction générale de l’aviation civile, avec une analyse de risque.

« Le drone agricole gros‑porteur est équipé de buses anti‑dérives.

« L’applicateur, possédant un certificat d’aptitude au télé‑pilotage de drones, doit se référer à la réglementation de l’application des produits phytopharmaceutiques. L’opérateur doit être détenteur d’un certificat individuel d’applicateur de produits pharmaceutiques – Certiphyto.

« L’entreprise exploitante de drones doit se référer à la réglementation de l’application des produits phytosanitaires. L’entreprise doit être détentrice d’un agrément « Certiphyto » entreprise pour l’application des produits phytopharmaceutiques en prestation de travaux agricoles, si elle réalise des prestations. »

2° Le II est ainsi rédigé :

« II. – En cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques pour lutter contre ce danger peut être autorisée temporairement par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, quelle que soit la pente des parcelles agricoles. »

 Le II bis est abrogé.