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N° 708

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la publicité pour les paris sportifs,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Carlos Martens BILONGO, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH TERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la libéralisation des jeux de hasard et d’argent issue de la loi n° 2010‑476 du 12 mai 2010 qui a ouvert le secteur à la concurrence, les publicités pour ces produits, et notamment les paris sportifs, ont connu une croissance exponentielle.

Or il existe une incompatibilité manifeste entre la raison d’être de la publicité qui tend à encourager la consommation et à inciter au jeu d’une part et la prévention des risques addictifs liés aux jeux d’argent dans un cadre de préservation de la santé publique, d’autre part.

Un rappel du contexte est nécessaire pour restituer l’ampleur de ce phénomène.

Entre 2014 et 2019, les investissements publicitaires des opérateurs de jeux en ligne ont augmenté de 25 %.

Selon l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ), la Coupe du monde de football au Qatar sera l’événement sportif où les mises sur internet seront les plus importantes, au minimum 530 millions d’euros en France, soit une croissance de 70 % de plus par rapport au Mondial 2018, organisé en Russie.

Dans le bilan qu’elle dresse de l’année 2021, l’ANJ évoque une « progression spectaculaire des jeux en ligne », dont les paris sportifs constituent le principal moteur. En effet, sur l’année 2020/2021, le secteur des paris sportifs connaît une envolée vertigineuse : le volume des mises augmente de 47 % ; le produit brut des jeux de 44 % ; le nombre de comptes joueurs actifs augmente de 16 % pour atteindre 4,5 millions (les joueurs actifs regroupent les joueurs réguliers - 52 fois dans l’année ou plus ‑ et les joueurs dépensiers – 500 euros dépensés dans l’année ou plus- certains pouvant être les deux).

Le chiffre d’affaires par compte joueur actif croît à hauteur de 25 % pour atteindre 303 euros en 2021.

C’est à cette croissance des jeux en ligne et des paris sportifs, essentiellement via le football que l’on peut attribuer l’essentiel de la progression du chiffre d’affaires du secteur des jeux d’argent, qui a enregistré une croissance de 7 % en 2021.

Une attention particulière doit être portée au fait que la publicité pour les paris sportifs en ligne vise prioritairement les plus jeunes et des plus précaires, cibles des opérateurs de jeux tels que Winamax, Zebet, Unibet, FDJ, etc.

Les dépenses en paris sportifs en ligne des 18‑24 ans connaissent par voie de conséquence une hausse de 127 % au cours de la première moitié de l’année, et de 30 % sur la seule période correspondant au championnat d’Europe de football, selon une étude réalisée en 2021. Les 18‑24 seraient désormais la tranche de population qui effectue le plus de transactions liées aux paris sportifs en ligne, suivis des 24‑35 ans.

Cette implication croissante des plus jeunes adultes ne doit rien à la fatalité et résulte directement de la stratégie publicitaire agressive et délibérée de la part des acteurs du jeu en ligne.

Plus problématique, la Commission européenne souligne que l’exposition des mineurs aux publicités pour des jeux d’argent et de hasard est permanente en raison de leur présence sur tous les supports de communication (TV, radio, réseaux sociaux, internet, affichage public, magazines et journaux…).

Pendant l’Euro 2021, elles ont pu représenter jusqu’à 40 % des affiches publicitaires dans les stations de métro à Paris et petite couronne et plus d’un quart des publicités télévisées avant les matches de foot et pendant la mi‑temps.

Selon une enquête commandée par l’ANJ, plus d’un tiers des 15‑17 ans auraient joué à un jeu d’argent au cours de l’année 2021, dont 28,3 % ont misé sur des paris sportifs, en dépit de leur interdiction aux mineurs.

Cette pression publicitaire contribue à la normalisation de la pratique des paris sportifs dans la société, réalisée par une diversification croissante des canaux publicitaires (recours à des influenceurs, contrats de sponsoring, réseaux sociaux, placements de produit…)

Mais derrière les perspectives annoncées de réussite sociale, d’opportunités de sortir de difficultés personnelles, professionnelles et sociales, se cache la réalité d’une industrie prédatrice dont le modèle économique repose sur les plus vulnérables, en particulier sur les pertes des joueurs dépendants.

C’est la raison pour laquelle, les campagnes publicitaires ciblent les habitants des quartiers populaires. Elles mettent en scène des jeunes et reprennent les codes qui leurs sont familiers.

Pour les jeux d’argent en général, Santé publique France relève que les jeunes sont six fois plus susceptibles de développer une addiction et que 70 % des joueurs sont endettés auprès des banques.

40 % du chiffre d’affaires des opérateurs de jeux proviennent de personnes aux pratiques excessives, c’est‑à‑dire souffrant d’une addiction au jeu, et qui présentent une dépendance qui entraîne de graves conséquences financières et relationnelles.

Les chiffres montrent également que des personnes jeunes et les personnes en situation économique difficile sont plus enclines aux paris sportifs : deux tiers des mises proviennent de joueurs en situation de précarité.

Or cette publicité pour les paris sportif est d’autant plus problématique qu’elle assure la promotion d’une industrie dont le modèle économique est déloyal et dangereux.

En effet, au‑delà du rapport ambivalent inhérent au principe des paris sportifs qui oppose la démarche d’expertise du joueur à l’aléa inhérent à tout pari, les opérateurs de paris sportifs ont recours à des pratiques commerciales trompeuses.

À cet égard, une attention particulière doit être portée au respect très relatif par les opérateurs du taux de retour joueur (ou TRJ) qui peut se définir comme la partie des mises restituée aux joueurs par les opérateurs sur une période de temps donnée.

Le décret du 4 novembre 2020 relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne dispose que ce taux est plafonné à une moyenne de 85 %.

Un consensus se dégage sur le lien entre TRJ élevé et fréquence ou temps de jeu. En effet, les sommes gagnées sont rejouées de manière mécanique. De cela résulte une exposition plus longue et une banalisation qui entraîne une accoutumance.

Un TRJ supérieur à 85 % est donc un indicateur du caractère addictif du jeu proposé par l’opérateur et qui doit, en théorie, conditionner l’obtention de l’agrément nécessaire à l’exercice de l’activité par ce dernier.

Or, il apparait que le TRJ peut être manipulé artificiellement par les opérateurs via deux leviers d’ajustement : accroitre les pertes des joueurs perdants, ou refuser de payer les joueurs gagnants.

Le sociologue Thomas Andrieu évoque ainsi dans « La Fabrique de l’addiction aux jeux d’argent » le fait que « les jeux d’argent sont devenus la référence en matière d’addiction comportementale fabriquée par l’homme » et insiste sur la volonté des opérateurs de susciter « un désir de jouer sans s’arrêter, en dépit des pertes qui s’accumulent, et entretenir l’espoir de gain ».

Il met ainsi en lumière le fait que les opérateurs de jeux ont « développé une expertise dans la manipulation cognitive et comportementale des clients et évoque un « arsenal de techniques » : telles que le ciblage et la sur‑sollicitation des joueurs problématiques à travers les notifications des applications, l’incitation à « surévaluer les gains à faible probabilité ou sous‑évaluer les pertes à forte probabilité », en particulier avec les paris combinés, trompeusement plus attractifs, ou encore le « quasi‑gain » qui incite le parieur à jouer quand il croit passer près du banco.

Par ailleurs, en parallèle des bonus offerts à l’inscription, pouvant atteindre jusqu’à 200 euros, cohabitent des publicités moins lisibles qui stipulent que 100 euros à 250 euros seront offerts aux parieurs, alors qu’en réalité, cette somme dépend de la mise de départ et pourra être offerte sous forme de paris gratuits.

Ces promotions sont en réalité des incitations au jeu qui tendent à créer et entretenir l’addiction des joueurs.

En matière d’offres promotionnelles et de gratifications, plusieurs témoignages de joueurs font état de faveurs adressées à des joueurs perdants, comme le fait de recevoir des places pour assister à des matchs de foot en loge VIP, des « freebets » (sommes offertes pour parier) alors même que ces joueurs accusent des pertes significatives suite à leurs paris et sont parfois déjà lourdement endettés.

De même, plusieurs joueurs ont fait état de difficultés significatives pour « s’auto‑exclure » et être réellement empêchés par l’opérateur de récréer un compte joueur avec les mêmes identifiants, laissant le joueur en proie à son addiction, malgré son souhait de mettre un terme à sa pratique problématique.

Par ailleurs, il apparait que des restrictions infondées sont opposées aux joueurs gagnants, telles que des limitations de paris ou des blocages de gains.

C’est la raison pour laquelle une délibération n° 2017‑c‑02 portant communication de l’ARJEL (aujourd’hui l’ANJ) relative aux interdictions et limitations de parier a été rendue le 23 novembre 2017, dans laquelle l’autorité a considéré que les limitations de paris par les opérateurs s’apparentent à un refus de vente tel que défini par le code de la consommation et qu’elles sont donc illégales.

Malgré cela, le rapport du Médiateur des jeux en ligne de l’ANJ qui a pour mission de favoriser le règlement amiable des litiges entre les joueurs et les opérateurs de jeux, révèle que 82 % des demandes de médiation sont relatives aux paris sportifs et concernent principalement Winamax (31 %) et Betclic (18 %). Plus d’un tiers des demandes concerne des annulations de paris, des limitations de mises ou des fermetures de comptes.

En outre, il apparait qu’il existe un contentieux nourri opposant les joueurs gagnants aux opérateurs de paris sportifs et qui met en lumière les pratiques particulièrement contestables de ces derniers : blocage de gains fondés sur des allégations de soupçon de blanchiment, fraude ou encore financement du terrorisme, sans que ces affirmations ne soient soutenues par des faits tangibles, ce qui a ému le collège de l’ARJEL au point de rappeler, par la délibération précitée que les opérateurs doivent pouvoir justifier de « faits tangibles et non au regard d’indices dont la faiblesse trahirait l’absence de légitimité ».

Les opérateurs n’hésitent pas non plus à se prévaloir de leurs clauses générales d’utilisation, pourtant abusives, qui se réservent le droit d’annuler le pari d’un joueur, contraignant ce dernier à introduire une action en justice pour obtenir gain de cause.

Ces pratiques font apparaitre qu’en matière de paris sportifs, seuls les opérateurs peuvent vraiment gagner.

Malgré ces ajustements réalisés par les opérateurs en partie pour ne pas dépasser le TRJ légal et également par pure volonté d’expansion commerciale, la moitié des opérateurs ont dépassé le taux de TRJ et comparaissent actuellement devant la commission des sanctions de l’ANJ.

Or les précédentes décisions publiées sur le site de l’ANJ datent pour les plus récentes de 2017, elles sont anonymisées et caractérisent que le dépassement du TRJ est systématiquement sanctionné par un avertissement et non par un retrait d’agrément.

Il est manifeste que cette absence de sanctions entretient les opérateurs de paris sportifs dans l’idée qu’ils jouissent d’une totale impunité concernant leurs pratiques commerciales trompeuses et les opérations promotionnelles qu’ils déploient pour en assurer la diffusion.

Pourtant, l’ANJ vu son le champ de compétence étendu par le législateur aux promotions de l’offre et de communications commerciales des opérateurs.

Mais force est de constater que le spectre que l’ANJ doit contrôler est particulièrement large en ce qu’il comprend les jeux et paris autorisés en ligne, en points de vente et dans les hippodromes, la politique de jeu responsable des casinos. L’ANJ doit également s’assurer que les opérateurs autorisés à exercer sur le marché français respectent leurs obligations et elle doit enfin lutter contre l’offre illégale et les pratiques frauduleuses.

Cependant, les services de l’ANJ ne se composent que de 72 agents principalement contractuels. Ces effectifs semblent très insuffisants par rapport à l’ampleur de la tâche et contraignent l’ANJ à ne réaliser qu’un contrôle superficiel des opérations promotionnelles autant qu’à investir dans des recommandations et l’auto‑évaluation des acteurs plus que dans le contrôle et la sanction.

Ainsi, le 23 février 2022, l’ANJ dévoilait un plan d’action visant à prévenir le jeu excessif des plus jeunes, élaboré après consultation des acteurs du secteur. La stratégie promotionnelle annuelle des 15 opérateurs de jeux agréés doit être soumise à des « recommandations » de l’ANJ. Des « lignes directrices » « souples » interprétant le décret du 4 novembre 2020 sur les communications commerciales liées au jeu doivent orienter et encadrer tant le contenu que la fréquence des messages publicitaires.

Il y a cependant lieu de douter de l’efficacité de telles mesures, au regard de leur caractère essentiellement non‑contraignant, qui laisse pour l’essentiel aux opérateurs la responsabilité de se réguler eux‑mêmes. La présidente de l’ANJ assurait ainsi en février dernier que l’ANJ n’est « pas l’ennemie de la publicité, qui permet à l’offre légale d’être connue ». « Nous aurons un comité de suivi : si cela ne marche pas, nous aurons toujours la réponse législative et réglementaire : mais ce serait dommage pour les opérateurs eux‑mêmes ».

De telles dispositions paraissent loin d’être à la hauteur des enjeux et des risques encourus, en particulier par les publics les plus vulnérables.

Ainsi, bien que le décret du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) prohibe les publicités qui suggèrent que jouer contribue à la réussite sociale, que jouer peut‑être une solution face à des difficultés personnelles ou encore qui présentent le jeu comme une activité permettant de gagner sa vie, force est de constater que la loi n’est pas toujours respectée.

Par exemple, les publicités Winamax utilisant le leïtmotiv « Grosse cote, gros gains, gros respect » sont largement diffusées malgré la notion illégale de « respect » suggérant la réussite sociale par le pari. En outre, ce n’est qu’a posteriori que l’ANJ a ordonné à Winamax, le 17 mars 2022 de cesser la diffusion de son opération promotionnelle « Tout pour la daronne », au motif qu’il « véhicule le message selon lequel les paris sportifs peuvent contribuer à la réussite sociale, entendue comme une ascension sociale ou un changement de statut social », et ce après que cette publicité ait été largement diffusée.

Enfin, l’un des slogans de l’opérateur Betclic montre à quel point l’opérateur se soucie des recommandations de l’ANJ tant l’éloge du caractère addictif du pari est assumé, pour ne pas dire revendiqué par la formule « Bascule dans le game ».

Il doit également être rappelé que d’autres pays européens tels l’Italie, l’Espagne ou la Belgique ont ainsi agi de façon beaucoup plus énergique. L’Espagne encadre strictement les horaires de diffusion des publicités pour les paris, qui n’est autorisée qu’entre 1 heure et 5 heure du matin à la télévision et à la radio. L’Italie a fait le choix d’interdire toute publicité pour les paris et les jeux d’argent à la télévision, sur internet ou à la radio. La Belgique a introduit un seuil maximum d’un spot télévisé réservé aux paris sportifs par page de publicité en période normale ; pendant la retransmission d’une compétition sportive, les publicités pour les paris sportifs sont effectivement interdites.

Par comparaison, la France apparait aujourd’hui très en retard et permissive. Il est nécessaire de renforcer le contrôle et les sanctions pour veiller à l’application de la loi, car à ce jour, seul le retrait de l’agrément d’un opérateur, entrainant entre autres la suspension de sa plateforme, est possible pour l’ANJ.

Ce renforcement des contrôles concernant les opérations promotionnelles autant que les pratiques des opérateurs est d’autant plus souhaitable qu’il apparait qu’un des principaux opérateurs du secteur s’est affranchi pendant des années de ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et n’a pas réalisé de déclaration Tracfin pendant plus de sept ans.

C’est particulièrement surprenant compte tenu du fait que l’article 27 de la loi du 12 mai 2010 prévoit que l’opérateur doit rendre compte annuellement à l’ANJ des résultats des contrôles qu’il a réalisés en matière de lutte contre les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ce manquement grave de l’opérateur doit être appréhendé dans la perspective de la privatisation du secteur : non seulement le fruit des jeux d’argent et de hasard n’est plus redistribué à la collectivité autrement que par une taxe venant alimenter le budget du ministère des sports mais potentiellement, il pourrait participer au financement du terrorisme ou à d’autre opérations de blanchiment d’argent.

Et si le fruit de ces paris sportifs alimente pour moitié le budget du ministère des sports, qui s’élève à 284 millions d’euros par le produit de taxes sur les paris sportifs, l’analyse du sociologue Thomas Andrieu dans l’ouvrage précité doit être rappelée pour appréhender ce chiffre : « On pense que les jeux d’argent remplissent les caisses du Trésor public, mais l’addiction coûte plus qu’elle ne rapporte. Des estimations ont été faites en Suède. Si on les extrapole pour la France, en prenant en compte les divorces, les violences conjugales, le chômage, la criminalité que l’endettement engendre, la dépense publique pourrait atteindre les 15 milliards d’euros par an ».

En effet, les conséquences du jeu excessif sont déjà largement documentées et notamment par une étude du Centre du jeu excessif du Centre hospitalier universitaire vaudois, Département de psychiatrie qui envisage des « conséquences financières (pertes d’argent, dettes avec ou sans poursuites, factures non payées, crédits multiples, utilisation de budgets destinés à d’autres fins), des conséquences conjugales et familiales (conflits conjugaux et familiaux, mensonges, manque de communication, violence verbale, physique, séparation, divorce), des conséquences sociales (isolement, emprunts, conflits avec l’entourage, précarisation), des conséquences émotionnelles, dépression, anxiété, honte, culpabilité, idées suicidaires avec ou sans passage à l’acte), de conséquences professionnelles (retards, absentéisme, irritabilité, manque de concentration, licenciement) et enfin des conséquences judiciaires (activités illégales telles que vols, détournements d’argent, suites pénales ou civiles).

En outre, cette étude fait apparaitre que les personnes qui ont des problèmes de jeu présentent plus souvent que les autres des problèmes liés à l’alcool ou aux drogues illégales. Un véritable cercle vicieux se met en place et les conséquences sont graves pour les victimes souvent jeunes de ce démarchage agressif, en particulier chez les jeunes les plus vulnérables issus des quartiers populaires.

Au regard de ce qui précède il est incontestable que les pratiques des opérateurs de paris sportifs sont contraires aux principes élémentaires de loyauté et d’éthique qu’un consommateur pourrait attendre d’un professionnel.

En particulier, le fait que le modèle économique des opérateurs de paris sportifs repose en grande partie sur les joueurs problématiques nécessite que ces derniers soient protégés de tout démarchage qui viendrait aggraver leur dépendance.

Les publicités qui en assurent la promotion sont incompatibles avec les objectifs de préservation de la santé publique et notamment la prévention des risques d’addictions et doivent donc être prohibées. Tel est l’objectif de cette proposition de loi.

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après le 5° de l’article L. 320‑12 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Interdite lorsqu’elle concerne un jeu d’argent et de hasard relatif au sport. »

Article 2

Le chapitre III de la loi n° 2010‑476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est complété par un article 16 bis ainsi rédigé :

« Art. 16 bis. – La publicité pour les paris sportifs en ligne visés au chapitre II de la présente loi est interdite. Toute entreprise y contrevenant perdra son agrément en tant qu’opérateur de jeux ou de paris en ligne »