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N° 728

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer le droit des parents dans le cadre
de la mise en place d’une mesure d’assistance éducative
et à garantir le respect du contradictoire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Lionel ROYERPERREAUT, Sabrina AGRESTIROUBACHE, Xavier ALBERTINI, Philippe FAIT, JeanMarie FIÉVET, JeanCarles GRELIER, Vincent LEDOUX, Jacqueline MAQUET, Annie VIDAL, Stéphane VOJETTA,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans notre pays, 300 000 enfants relèvent de la protection de l’enfance. Parmi eux, près de 224 000 sont placés, soit l’équivalent de la ville de Montpelier.

L’ordonnance 45‑174 du 2 février 1945, relative à l’enfance délinquante, a créé la fonction de juge des enfants, compétent en matière pénale. Son rôle a ensuite été complété par l’ordonnance n° 58‑1301 du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger, notamment en matière civile.

En raison de la violence au sein du milieu familial, de l’impécuniosité des parents, ou encore des carences éducatives et des risques qui en résultent pour leur formation ou pour leur santé physique, le juge pour enfant peut décider dans l’urgence du placement de l’enfant.

Si ce droit dérogatoire se justifie bien souvent pour l’intérêt supérieur de l’enfant, il apparait dans la pratique que celui‑ci est dévoyé et s’applique dans de nombreuses situations qui ne nécessitent pourtant pas une telle décision (conflit parental divers, maladie de l’enfant,…). La procédure de protection de l’enfance est aussi activée au détriment du droit des parents.

De cet état de fait, résulte ce que l’on pourrait qualifier de « présomption de culpabilité » à l’égard des parents, et cela tout au long de la procédure. Si le placement préalable de l’enfant se justifie par un caractère d’urgence, celui‑ci a tendance à se prolonger dans la durée. Or ce placement coupe tout lien avec les parents de l’enfant, à un âge où ce lien, s’il n’est pas nocif, est au contraire constitutif de l’identité.

La contrepartie de cette entorse aux principes fondamentaux du droit devrait être la possibilité pour les parents et leur conseil de se défendre pleinement devant l’administration. Ce n’est pourtant pas le cas.

Les parents de l’enfant ne sont en effet pas véritablement acteurs de la procédure. Ils ne disposent que de peu de droits pour se défendre. L’entièreté du dossier n’est pas connue de leur conseil dans un délai raisonnable. En effet, le rapport des services sociaux peut être communiqué à leur conseil sur le tard, ce qui ne permet pas une défense optimale.

De plus, si leur conseil a certes le droit d’adresser des demandes au juge pour enfants, ce dernier n’est dans la pratique pas obligé de leur répondre.

Ainsi, des parents peuvent demander un droit de visite pour les fêtes de Noël ou pour un anniversaire, et ne recevoir une réponse qu’après la date passée. Il en est de même pour toute une série de demandes légitimes, que l’on ne pourrait énumérer de manière exhaustive : demande de visite des grands‑parents, demande d’expertise psychiatrique, demande d’hébergement pour un week‑end… Cette situation n’est pas tolérable, et entraine parfois, pour des parents à bout de souffle, l’irrémédiable.

Au‑delà de ces éléments de procédure, les conditions même de l’audience font aujourd’hui défaut. S’il ne s’agit pas ici de remettre en question l’intérêt du huis‑clos dans ce type de procédure, nous ne pouvons pas non plus accepter les dérives qui en découlent. Ainsi, il n’est pas rare, dans les audiences pour assistance éducative, que des propos inappropriés soient prononcés de part et d’autre, limant ainsi les efforts de compréhension mutuelle. Si le huis‑clos protège les débats, il n’est pas garant de leur qualité. Cela doit changer, pour le bien de la Justice.

L’objet du présent texte est donc, sans toucher à la procédure spécifique de placement d’urgence, de mettre autant que possible cette matière en conformité avec les principes fondamentaux du droit et de donner à chaque partie les moyens d’être acteur de son procès de façon équitable.

L’article 1er vise à obliger, sous peine de nullité, le juge des enfants à communiquer et à circulariser au conseil des parents le rapport des services sociaux a minima quinze jours avant l’audience. Ce rapport est en réalité la principale pièce du dossier, celle sur laquelle le juge base sa décision. Or ce document, de taille variable, est aujourd’hui consultable dans le bureau du juge par le conseil des parents sur le tard, au mieux deux ou trois jours avant l’audience, au pire, le matin même. Cette pratique ne permet donc pas une défense équitable et se doit d’être amendée.

L’article 2 vise à permettre au conseil des parents d’être davantage acteur de la procédure d’assistance éducative, en lui donnant la possibilité de saisir le juge pour demander l’audition de toute personne ou la communication de tout document qui lui paraitrait utile. Ce dernier se doit ensuite de statuer sur cette demande par ordonnance motivée dans un délai de quinze jours, susceptible d’appel.

L’article 3 vise à filmer l’intégralité des audiences en assistance éducation. Le greffier dressera ensuite constat du contenu des bandes et chaque partie à la procédure aura accès, en interne, au visionnage de ses bandes sur simple demande.

L’article 4 vise à contraindre le juge des enfants de répondre aux demandes émanant du conseil des parents lorsque celles‑ci concernent l’exercice des droits de correspondance, de visite et d’hébergement au cours de la mesure d’assistance éducative. Le juge statue sur ces demandes par ordonnance motivée dans un délai de quinze jours, susceptible d’appel.

Au vu du nombre d’enfants placés, la protection de l’enfance est un enjeu de société majeur. C’est aujourd’hui la seule matière où les droits de la défense, c’est‑à‑dire des parents, ne peuvent être pleinement assurés. Procéder à un rééquilibrage des forces en présence, en gardant comme seul cap l’intérêt supérieur de l’enfant, est une nécessité.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi. 

 


proposition de loi

Article 1er

Après le second alinéa de l’article 375 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité de la procédure d’assistance éducative, le rapport des services sociaux préalable à l’audience est circularisé à l’avocat des parents et au conseil des mineurs au moins quinze jours avant celle-ci. »

Article 2

Après le second alinéa de l’article 375 du code civil, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Au cours de la procédure, l’avocat peut saisir le juge pour demander l’audition de toute personne ou la communication de tout document qui lui parait utile. Le juge statue sur cette demande dans un délai de quinze jours par ordonnance motivée. Cette ordonnance est susceptible d’appel, dans un délai de dix jours après son prononcé. L’appel doit être tranché par la cour d’appel dans un délai de deux mois suivant la signification de la décision aux parties.

« Si le magistrat devait ne pas répondre dans le délai de deux mois à compter de la saisine de l’avocat des parents, ce dernier peut saisir directement la cour d’appel par le biais d’une saisine directe. »

Article 3

L’article 375 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’intégralité des audiences en assistance éducation sont filmées. Le greffier dresse le constat du contenu des bandes. Chaque partie à la procédure a accès au visionnage de ces bandes sur demande.

« À la demande de toute partie, les bandes peuvent être visionnées lors des audiences. »

Article 4

Après le quatrième alinéa de l’article 375-7 du code civil, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les parents, par le biais de leur avocat, peuvent saisir le juge d’une demande tendant à modifier l’exercice des droits de correspondance, de visite et d’hébergement au cours de la mesure d’assistance éducative. Le juge statue sur cette demande dans un délai de quinze jours par ordonnance motivée. Cette ordonnance est susceptible d’appel, dans un délai de dix jours après son prononcé. L’appel doit être tranché par la cour d’appel dans un délai de deux mois suivant la signification de la décision aux parties.

« Si le magistrat devait ne pas répondre dans le délai de deux mois à compter de la saisine de l’avocat des parents, ce dernier peut saisir directement la cour d’appel par le biais d’une saisine directe. »

Article 5

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.