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N° 737

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’engagement pour l’intérêt général de notre Nation,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par

M. Henri ALFANDARI,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les récentes crises économiques et plus particulièrement, la pandémie et ses différents confinements ont drastiquement accentué le repli sur soi alors même que l’individualisme prend une place grandissante dans notre société. Tout cela se fait au détriment de valeurs essentielles garantissant la cohésion et donc « faire société ». L’empathie, la solidarité et l’intérêt général sont pourtant le socle d’un pays uni et prospère. Cependant, nous avons des motifs d’espoir comme l’a montré le déploiement d’initiatives solidaires durant la crise sanitaire ; la mise en place de dispositifs pour aider les plus isolés ou encore avec un engagement grandissant des jeunes dans le milieu associatif, notamment en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique. Mais les besoins sont tels que cela n’est pas suffisant.

Pendant longtemps, l’engagement a pris la forme d’un service militaire, celui‑ci donnait les mêmes obligations à tous les citoyens. L’abrogation de son caractère obligatoire en 1996 a supprimé ce lien d’équité avec la nation. Depuis, de nombreux dispositifs ont vu le jour au fil des gouvernements pour développer d’autres formes d’engagements : service civique, volontariat en association, en administration ou en entreprise, ou encore volontariat à l’étranger, plus d’une dizaine de dispositifs pour tous âges sont actuellement disponibles. Or, ces dispositifs sont méconnus du public car difficile à identifier et dépendent de multiples gouvernances. Les citoyens ne peuvent pas s’y retrouver tout comme les organismes souhaitant faire partie de ces dispositifs.

Cette proposition de loi vise donc à créer un dispositif « d’engagement citoyen », permettant d’ancrer les actions concrètes des citoyens dans chacun des dispositifs déjà existants tels que le service national universel, le volontariat, mais également toute forme de bénévolat afin que nous contribuions tous à la cohésion, à la stabilité et à la prospérité de notre pays. Nous retrouverons ainsi les valeurs de partage, d’ouverture et d’enrichissement réciproque nécessaires au sentiment équité, de fraternité et de justice, obligatoires pour la réussite d’un destin commun.

Cet engagement serait obligatoire pour toute personne de 16 à 75 ans, en laissant libre choix à chacun de l’effectuer sous la forme qu’il le souhaite pour une durée totale de 803,5 heures dans leur vie. Chaque action dans l’un des dispositifs existants sera comptabilisée dans un carnet de suivi : sapeur‑pompier, bénévole dans une association, volontaire à l’étranger ou service civique : toute action d’intérêt général sera bel et bien identifiée, valorisée et pourra faire l’objet d’une indemnisation. Il concernera également nos collectivités territoriales, les services de l’État et les entreprises ayant des missions d’intérêt général, que ce soit en France ou à l’étranger. Chacun pourra donc trouver sa place, du sens et sa vocation selon ses compétences, ses envies et ses ambitions pour contribuer à l’enrichissement et à l’ouverture de la France. Les personnes ayant déjà effectué un service militaire ou toute forme d’engagement dans l’un des dispositifs existants pourront le faire valoir et s’exonérer ainsi des horaires déjà effectués.

La présente proposition de loi permet également d’élargir l’actuel service civique à l’ensemble de la population, de 16 à 75 ans, offrant ainsi à chaque territoire les compétences et le travail nécessaire à ses besoins. Chaque EPCI pourra déterminer une liste de « missions prioritaires » d’intérêt général selon ses besoins. Ces « missions prioritaires » permettront d’identifier des secteurs ayant des carences de personnel et de moyens pour répondre à des besoins de notre société. Cela peut permettre d’identifier des problématiques que nous ne savons pas adresser ; désertification médicale, aide aux personnes âgées et en situation de handicap, études, apprentissage de la langue, ou encore l’orientation des jeunes en ruralité par exemple.

Il n’est par ailleurs pas inutile de préciser que ce dispositif doit également permettre à certaines populations qui peinent à s’insérer ou à se réinsérer dans le marché de l’emploi de bénéficier d’un « sas » dans lequel elles pourront faire valoir et affermir leurs talents, au service de l’intérêt général. Les personnes en situation de difficulté ; chômeurs de longue durée, personnes en situation de handicap, personnes en situation précaire et aujourd’hui, nos jeunes, pourront faire partie de dispositifs leur permettant de s’insérer durablement dans la société et de trouver leur orientation.

L’article 1 crée dans le code du service national le dispositif d’engagement citoyen, et rend ainsi obligatoire pour chaque personne entre 16 et 75 ans, toute forme d’action d’intérêt général : du service national universel, passant par le service civique ou toute autre forme de volontariat, mais également toute forme de bénévolat ou encore de service militaire pour un quota horaire total de 803,5 heures. Chaque personne ayant déjà effectué de telles actions pourra les comptabiliser dans ce carnet. Le présent article autorise les rémunérations pour ces actions, et garantit que le montant des indemnisations ne sera pas pris en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Il permet également de garantir que ces périodes d’engagement soient prises en compte dans le calcul des droits à pensions et d’assurer que les compétences acquises puissent être prise en compte au titre de la validation des acquis de l’expérience.

L’article 2 permet d’ouvrir le dispositif actuel du service civique au plus de 25 ans, permettant ainsi à toute personne jusqu’à 75 ans de s’engager dans des missions d’intérêt général. Les collectivités territoriales devront lister les « missions prioritaires » pour s’assurer qu’elles seront impliquées dans le dispositif et que ces missions pourront apporter une réponse aux besoins spécifiques des territoires.

L’article 3 vise à clarifier le positionnement et le rôle de l’Agence du Service Civique dans les territoires et à s’assurer de la bonne communication du dispositif auprès des citoyens.

L’article 4 ouvre la possibilité d’effectuer un service civique sous la forme d’un temps partiel, alors qu’il est actuellement prévu uniquement un contrat de temps plein. Cela permet aux personnes ayant déjà un contrat de travail de pouvoir effectuer un service civique à côté de leur activité professionnelle.

L’article 5 permet d’ouvrir le cumul de l’indemnisation du service civique avec le revenu de solidarité active et le versement des allocations prévues au titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail, ou encore de tout revenu salarié.

L’article 6 vise à prendre en compte l’engagement citoyen des étrangers dans les demandes de naturalisation de ces derniers.

L’article 7 vient préciser la compensation pour l’État des charges qui pourraient résulter de la présente loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre Ier du livre Ier du code du service national est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« Chapitre VII 

« L’engagement national

« Art. L. 1171. – L’engagement national est un moment républicain visant à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté nationale, ainsi que l’attachement à la poursuite de l’intérêt général et aux valeurs de la République.

« Cet engagement a pour but de sensibiliser les citoyens aux valeurs de l’engagement et contribue au développement du sentiment de solidarité et d’intérêt général. Il permet de créer un lien entre les citoyens, les collectivités territoriales, le milieu associatif, le secteur privé et l’État dans un but d’ouverture et d’épanouissement de la Nation.

« Art. L. 1172. – L’engagement national couvre une période obligatoire que doivent effectuer tous les Français, quand ils le souhaitent et avant l’âge de soixante‑quinze ans. Il peut être effectué en plusieurs temps fractionnés, à temps plein ou partiel, et doit constituer au total une période de 803,5 heures.

« Art. L. 1173. – Le service national universel, le service civique, la journée défense et citoyenneté et le service national constituent un temps d’engagement national, tout comme la période militaire d’initiation ou de perfectionnement, les cadets de la défense, le volontariat dans les armées, le volontariat d’insertion, et tous les autres types de volontariats, dont le travail associatif. Chaque Français est libre de sélectionner son engagement comme il l’entend.

« La garde nationale, composée par les volontaires servant au titre d’un contrat d’engagement à servir dans la réserve opérationnelle des forces armées et des formations rattachées les volontaires de la réserve civile de la police nationale, et le volontariat de sapeur‑pompier demeurent également un temps d’engagement national.

« Art. L. 1174. – À partir de leur seizième anniversaire, les Français disposent d’un carnet d’engagement qui valide leur période d’engagement national. Pour chaque participation à un programme, ce carnet est visé avec la durée et les missions effectuées durant l’engagement. À l’issu de la période obligatoire de 803,5 heures, un certificat de participation est remis à l’engagé. »

« Art. L. 1175. – Les départements mettent en œuvre et coordonnent la gestion et le suivi du carnet d’engagement. Un service interministériel est mis en place afin de mettre en œuvre et de coordonner la gestion et le suivi du carnet d’engagement en lien avec les services de l’État dans les territoires et avec les départements. 

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent article. »

« Art. L. 1176. – Cet engagement peut donner lieu à une rémunération. Ni le montant, ni la durée des allocations perçues par l’engagé ne sont remis en cause. Le montant de l’indemnité n’est pas pris en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu.

« Art. L. 1177. – Conformément au 4° de l’article L. 351‑3 du code de la sécurité sociale, la période de l’engagement est assimilée à une période d’assurance pour l’ouverture et le calcul des droits à pensions lorsque l’engagement national est effectué avant la liquidation des droits.

« Art. L. 1178. – L’ensemble des compétences acquises dans l’exécution de l’engagement national en rapport direct avec le contenu d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification est pris en compte au titre de la validation des acquis de l’expérience dans les conditions prévues aux articles L. 335‑5 du code de l’éducation et au livre IV de la sixième partie du code du travail.

« Art. L. 1179. – Est puni d’une amende de 3 605 euros le fait de ne pas avoir réalisé ou être en passe de réaliser son engagement volontaire à soixante‑quinze ans révolus.

« Art. L. 11710. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

L’article L. 120‑1 du code du service national est ainsi modifié :

1° À la dernière phrase du second alinéa du I, les mots : « et ne peuvent se substituer ni à un emploi ni à un stage » sont supprimés ;

2° Le II est ainsi rédigé :

« II. – Le service civique est un engagement volontaire d’une durée de six à douze mois pouvant s’effectuer en continu ou à temps partiel. Il donne lieu à une indemnisation prise en charge par l’Agence du service civique, ouverte à toute personne âgée de seize à soixante‑quinze ans en faveur de missions d’intérêt général reconnues prioritaires pour la Nation.

« La liste des missions d’intérêt général reconnues prioritaires pour la Nation est définie sous la forme d’un catalogue de priorités défini par les établissements publics de coopération intercommunale sur délibération du conseil communautaire et sur les propositions de leurs conseils de développement lorsqu’elles en ont un. »

3° À la fin du deuxième alinéa du III, les mots : « selon des modalités fixées par décret » sont supprimés.

Article 3

L’article L. 120‑2‑1 du code du service national est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État de l’Agence dans le département via les services préfectoraux, anime le développement du service civique en lien avec les collectivités territoriales et de leurs groupements, avec l’appui des associations, et des personnes morales susceptibles de recevoir l’agrément mentionné à l’article L. 120‑30 afin : «

2° Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° De s’assurer de la bonne communication relative aux différents dispositifs de volontariat et de service civique existants. »

3° Au dernier alinéa, après le mot : « avec », sont insérés les mots : « les collectivités territoriales, les communes et leurs groupements. »

Article 4

L’article L. 120‑8 du code du service national est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « du contrat » sont remplacés par les mots : « d’un contrat en temps plein » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cadre d’un contrat en temps partiel, le contrat précise la durée mensuelle et la durée de temps de travail hebdomadaire. La durée doit être inférieure à vingt‑quatre heures par semaine et doit être au minimum de deux heures par semaine.

« Les heures supplémentaires effectuées sur la durée hebdomadaire ne peuvent donner lieu à une majoration de l’indemnité. Elles peuvent cependant être déduites sur la durée hebdomadaire d’autres semaines. ».

Article 5

L’article L. 120‑11 du code du service national est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « est suspendu à compter de la date » sont remplacés par les mots : « est maintenu durant la période » ;

2° À la fin du second alinéa, les mots : « suspendu à compter de la date d’effet du contrat et repris au terme du contrat » sont remplacés par les mots : « maintenu durant la période d’effet du contrat. Ni le montant, ni la durée des allocations ne sont remis en cause. » ;

3° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’indemnisation peut être cumulée avec tout revenu salarié. »

Article 6

Après l’article L. 21‑16 du code civil, sont insérés deux articles L. 21‑16‑1 et L. 21‑16‑2 ainsi rédigés :

« Art. 21161. – La naturalisation ne peut être accordée qu’à l’étranger répondant aux conditions de réalisation de son engagement national prévu à l’article L. 117‑1 du code du service national.

« Art. 21162. – Peut être naturalisé sans condition de réalisation de l’engagement national :

« 1° L’étranger qui a effectivement accompli des services militaires dans une unité de l’armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées ; 

« 2° L’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel. Dans ce cas, le décret de naturalisation ne peut être accordé qu’après avis du Conseil d’État sur rapport motivé du ministre compétent ; 

« 3° L’étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application de la loi n° 52‑893 du 25 juillet 1952 portant création d’un Office français de protection des réfugiés et apatrides. »

Article 7

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.