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N° 738

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à soutenir les petites entreprises et les collectivités territoriales
en cas de crise énergétique,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Luc LAMIRAULT, Laurent MARCANGELI et les membres du groupe Horizons (1) et apparentés (2),

députés.

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Xavier Albertini, Henri Alfandari, Béatrice Bellamy, Thierry Benoit, Agnès Carel, Paul Christophe, Félicie Gérard, François Gernigon, François Jolivet, Loïc Kervran, Stéphanie Kochert, Luc Lamirault, Anne Le Hénanff, Didier Lemaire, Lise Magnier, Laurent Marcangeli, Naïma Moutchou, Jérémie Patrier‑Leitus, Christophe Plassard, Marie‑Agnès Poussier‑Winsback, Philippe Pradal, Isabelle Rauch, Vincent Thiébaut, Frédéric Valletoux, André Villiers, Anne‑Cécile Violland.

(2) Mesdames et Messieurs : Yannick Favennec‑Bécot, Jean‑Charles Larsonneur, Jean‑François Portarrieu.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays est confronté à la plus grave crise énergétique qu’il ait eu à connaître depuis les chocs pétroliers de 1970, en raison notamment du conflit en Ukraine et alors même que nous sortons tout juste d’une crise sanitaire majeure.

L’augmentation des prix de l’énergie a des répercussions directes sur l’ensemble de l’activité économique. Des chaînes d’approvisionnement à l’inflation constatée sur les prix des matières premières, des produits alimentaires, manufacturés et de première nécessité, la crise que nous vivons impacte les dépenses quotidiennes des Français, de nos entreprises ainsi que de nos collectivités territoriales, dans un contexte encore fragile.

Les collectivités territoriales et entreprises qui renouvèlent leurs contrats de fourniture en énergie font face à de multiples difficultés dont la volatilité des cours et l’envolée des prix. En effet, le prix de l’électricité sur le marché de gros est passé de moins de 100 euros le mégawattheure (MWh) en début d’année 2021 à plus de 700 euros/MWh fin août 2022 soit une multiplication par plus de sept.

Face à un budget amputé par l’augmentation des prix de l’énergie, certaines collectivités territoriales n’ont d’autres solutions immédiates, pour réduire leurs dépenses, que de fermer l’accès à des équipements et réduire certains services au public et investissements, tandis que certains professionnels alertent sur leur impossibilité à poursuivre leur activité faute de pouvoir assumer les charges qui en découlent. C’est le cas par exemple des artisans boulangers‑pâtissiers pour lesquels la facture énergétique représente une part importante du chiffre d’affaires.

Face à cette situation, avec le Gouvernement et la majorité présidentielle, nous, députés du groupe Horizons et apparentés, sommes mobilisés pour soutenir le pouvoir d’achat et contenir la hausse des prix.

Plusieurs leviers, pour ne pas tous les citer, ont été mobilisés : le bouclier tarifaire qui a limité la hausse de la facture d’électricité à 4 % pour les particuliers en 2022, la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, passant de 22,5€/MWh à 0,5€/MWh, l’augmentation du volume de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), le mécanisme d’amortisseur électricité ou encore, à l’initiative du groupe Horizons & apparentés, la mise en place d’un filet de sécurité à destination des collectivités territoriales.

Récemment, en réponse à nos inquiétudes quant à la situation des très petites entreprises, le Président de la République a demandé que les contrats passés à des prix supérieurs à 280€/MWh soient révisés pour les plafonner à ce niveau. Il a également annoncé la mise en place d’un point d’appui par département pour accompagner ces entreprises dans leurs démarches sur l’énergie. De manière plus large, le Président de la République a également évoqué le besoin d’une réforme en profondeur du marché de l’électricité pour qu’il dépende de nos coûts de production et la contribution active de la France à la démarche lancée par la Commission européenne à ce sujet.

La présente proposition de loi s’inscrit pleinement dans la dynamique présentée par le Président de la République en visant à faciliter une mise en œuvre effective des mesures annoncées sur le court terme et de tirer les enseignements des derniers mois pour prendre des dispositions permettant d’éviter que la situation dans laquelle se sont retrouvés certains acteurs à l’automne ne se reproduise.

L’article premier instaure un mécanisme de fourniture d’électricité de dernier recours pour les entreprises de moins de 50 salariés et 10 M€ de chiffre d’affaires ainsi que pour les collectivités territoriales et leurs groupements de moins de 50 équivalents temps plein et 10 M€ de recettes qui échoueraient à trouver un fournisseur. Inspiré du dispositif mis en place pour les clients domestiques en gaz, cette fourniture d’électricité de dernier recours sera établie avec l’appui de la Commission de régulation de l’énergie, au travers d’un appel à candidatures.

L’article 2 donne à la Commission de régulation de l’énergie la mission de publier mensuellement le prix moyen de fourniture d’électricité et son évolution ainsi que la marge moyenne réalisée par les fournisseurs d’électricité, pour chacune des catégories de consommateurs éligibles à la fourniture d’électricité de dernier recours, afin de contribuer à la transparence et à la fluidité du marché.

L’article 3 met en cohérence les missions du médiateur de l’énergie pour qu’il puisse intervenir sur les litiges concernant les catégories de consommateurs éligibles à la fourniture d’électricité de dernier recours.

L’article 4, par symétrie, étend le mécanisme de fourniture de gaz de dernier recours aux clients non domestiques de taille « petite entreprise ».

L’article 5, dans la perspective de la réforme du marché européen de l’électricité, demande au Gouvernement la préparation d’un rapport sur le renforcement des obligations de couverture de leur portefeuille client incombant aux fournisseurs.

L’article 6 vise à diagnostiquer les situations rencontrées cet hiver par les petites entreprises et collectivités territoriales de notre pays, et à établir un bilan des mesures mises en place pour assurer leur protection face aux coûts de l’énergie.

L’article 7 vise à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Le code de l’énergie est ainsi modifié :

1° L’article L. 121‑5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle consiste également à participer aux appels à candidatures visant à assurer la fourniture d’électricité de dernier recours aux clients raccordés aux réseaux publics dans les conditions prévues à l’article L. 333‑5. »

2° L’article L. 333‑4 est complété par un c ainsi rédigé :

« c) À la fourniture de dernier recours prévue à l’article L. 333‑5. »

3° Le chapitre III du titre III du livre III est complété par un article L. 333‑5 ainsi rédigé :

« Art. L. 3335. – I. – Le ministre chargé de l’énergie désigne, après un appel à candidatures organisé avec l’appui de la Commission de régulation de l’énergie selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, les fournisseurs de dernier recours d’électricité pour les clients finals domestiques ainsi que les clients finals non domestiques qui emploient moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales au sens du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution et de leurs groupements, est inférieur à 10 millions d’euros raccordés au réseau public de distribution d’électricité qui ne trouvent pas de fournisseur.

« II. – Le cahier des charges de l’appel à candidatures mentionné au I précise les exigences auxquelles doivent satisfaire les contrats de fourniture proposés par les fournisseurs de dernier recours, notamment la zone de desserte à couvrir. Ce cahier des charges précise également le niveau maximal de la majoration que le fournisseur peut prévoir pour la fourniture de dernier recours en complément de son prix de fourniture librement déterminé. Ce niveau maximal est proposé par la Commission de régulation de l’énergie afin de couvrir les coûts additionnels de la fourniture de dernier recours, y compris le coût des éventuels impayés.

« III. – La fourniture d’électricité dans le cadre d’un contrat de fourniture de dernier recours est assurée à titre onéreux et est conditionnée, sans préjudice de l’article L. 115‑3 du code de l’action sociale et des familles, au remboursement préalable auprès du fournisseur de dernier recours des éventuelles créances résultant d’un précédent contrat de fourniture de dernier recours d’électricité.

« IV. – Les fournisseurs d’électricité dont la proportion de clients finals domestiques ou non domestiques dans la zone de desserte considérée au cours de l’année précédant celle de l’appel à candidatures mentionné au I est supérieure à un pourcentage fixé par voie réglementaire sont tenus de présenter une offre audit appel à candidatures pour la catégorie concernée.

« V. – Les fournisseurs désignés à l’issue de l’appel à candidatures mentionné au I sont tenus de proposer un contrat de fourniture de dernier recours dans les conditions prévues par le cahier des charges à tout client final domestique ou à tout client final non domestique qui emploie moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales au sens du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution et de leurs groupements, est inférieur à 10 millions d’euros raccordé au réseau public de distribution d’électricité qui en fait la demande.

« VI. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application du présent article. »

Article 2

L’article L. 131‑4 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« II. – La Commission de régulation de l’énergie publie chaque mois le prix moyen de fourniture d’électricité et son évolution ainsi que la marge moyenne réalisée par les fournisseurs d’électricité, sur chacun des deux segments de consommateurs raccordés au réseau public de distribution d’électricité éligibles au dispositif mentionné à l’article L. 333‑5, à savoir respectivement les clients finals domestiques d’une part ainsi que les clients finals non domestiques qui emploient moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales au sens du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution et de leurs groupements, est inférieur à 10 millions d’euros d’autre part. La nature et les modalités d’actualisation des informations que les fournisseurs sont tenus de transmettre à la commission pour l’exercice de cette mission sont définies par l’arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie et de la consommation pris en application de l’article L. 134‑15‑1. »

Article 3

La section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’énergie est ainsi modifiée :

1° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 122‑1, après le mot : « économie, », sont insérés les mots : « ou employant moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales au sens du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution et de leurs groupements, est inférieur à 10 millions d’euros, » ;

2° Après le mot : « clients », la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 122‑3 est ainsi rédigée : « finals résidentiels et non domestiques qui emploient moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales au sens du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution et de leurs groupements, est inférieur à 10 millions d’euros d’autre part. ».

3° Le deuxième alinéa de l’article L. 122‑3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après la référence : « L. 443‑9‑2 », sont insérés les mots : « la fourniture de dernier recours mentionnée à l’article L. 333‑5 » ;

b) À la seconde phrase, le mot : « mentionné » est remplacé par les mots : « et le prix moyen de la fourniture d’électricité mentionnés ».

Article 4

L’article L. 443‑9‑2 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Au I, après le mot : « domestiques », sont insérés les mots : « ainsi que les clients finals non domestiques qui emploient moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales au sens du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution et de leurs groupements, est inférieur à 10 millions d’euros » ;

2° Au IV, après le mot : « domestiques », sont insérés les mots : « ou finals non domestiques » et, après le mot : « candidatures », sont insérés les mots : « pour la catégorie concernée » ;

3° Au V, après le mot : « domestique », sont insérés les mots : « ou à tout client final non domestique qui emploie moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes, s’agissant des collectivités territoriales au sens du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution et de leurs groupements, est inférieur à 10 millions d’euros ».

Article 5

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité et la pertinence économique de l’institution d’obligations prudentielles, visant notamment à assurer la couverture de leurs clients par des engagements de long terme, aux fournisseurs titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333‑1 du code de l’énergie.

Article 6

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, la commission de régulation de l’énergie remet au Parlement un rapport qui identifie de manière quantitative par catégorie de clients, parmi les entreprises et collectivités territoriales ainsi que leurs groupements, les situations contractuelles rencontrées pour l’année de livraison 2023 et tire le bilan des mesures instituées afin de répondre aux difficultés économiques des petites entreprises liées à la crise énergétique pour cette même année.

Article 7

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.