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N° 745

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

portant un cadre pour la refondation de la politique dédiée à l’enfance en matière de santé mentale et de psychiatrie,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Huguette TIEGNA, Stéphane VIRY, Sandrine LE FEUR, Claire COLLOMB-PITOLLAT, Philippe PRADAL, Tematai LE GAYIC, Joël GIRAUD, Damien ABAD, Lionel ROYERPERREAUT, Natalia POUZYREFF, Mickaël COSSON, Véronique BESSE, Christophe MARION, Christine DECODTS, Patrice PERROT, Anne LE HÉNANFF, Sandrine JOSSO, Nathalie BASSIRE, Lysiane MÉTAYER, Philippe FAIT, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, Robin REDA, Paul CHRISTOPHE, Charlotte GOETSCHYBOLOGNESE, Cyrille ISAACSIBILLE, Jean-François ROUSSET, Philippe GUILLEMARD, JeanMarc ZULESI, Guy BRICOUT, Christophe PLASSARD, Olivier FALORNI, Véronique RIOTTON, Vincent LEDOUX, Anne BRUGNERA, Estelle YOUSSOUFFA, Laurence HEYDEL GRILLERE, Benoit MOURNET, Chantal JOURDAN, Monique IBORRA, Nicole DUBRÉCHIRAT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors qu’entre deux et trois millions de jeunes Françaises et Français de moins de 19 ans souffrent de troubles mentaux, seulement 700 pédopsychiatres exercent en France. Ce manque de moyens pour garantir la santé mentale de la population se traduit par des délais d’attente pour une prise en charge allant jusqu’à 18 mois, voire 2 ans dans certains territoires particulièrement déficitaires en offre, et par le suivi de seulement 700 000 à 900 000 enfants et adolescents au total. La crise sanitaire a eu un effet d’aggravation de la santé mentale, en particulier chez les adolescents : les tentatives de suicide ont par exemple augmenté de 60 % chez les filles de 12 à 24 ans. Ce chiffre s’inscrit dans la tendance générale des 20 dernières années où le nombre de patients suivis en psychiatrie infanto‑juvénile a augmenté de plus de 60 %. Le déficit d’offre face à une demande croissante affecte également la qualité des soins proposés qui s’effectuent sur un mode dit dégradé. Par ailleurs, les territoires sont inégalement affectés par le déficit d’offre : certains départements ne disposent d’aucun pédopsychiatre !

Pourtant, garantir l’accès à la santé mentale pour les jeunes générations est crucial.

D’abord parce que c’est une problématique de santé publique, que des vies humaines sont affectées par ces troubles. La situation est encore plus dramatique pour les enfants et adolescents que pour les adultes. Surtout, dans la moitié des cas de troubles mentaux chez l’adulte, les troubles mentaux commencent avant l’âge de 14 ans ([1]). Cela appelle à l’action la plus précoce possible, dans la détection des troubles et les premiers soins, et cela justifie la nécessité de traiter en priorité le champ de l’enfance en santé mentale et psychiatrie.

Ensuite, car le coût de la santé mentale était évalué à 109 milliards d’euros avant même la crise sanitaire du Covid‑19 ([2]) : agir pour la santé mentale des jeunes, c’est un investissement social fort pour la santé mentale de toute la société et pour l’allègement des finances publiques.

Enfin, traiter la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent ne peut se faire que conjointement avec un investissement fort dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.

Cette loi actualise le cadre de la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, pour une dynamique de secteur élargie. Elle trouve son origine dans le cri d’alerte d’un certain nombre de professionnels et associations qui gravitent autour du champ de l’enfance, de la santé mentale et de la psychiatrie en décembre 2021 via une pétition de plus de 26 000 signatures initiée par l’Association des Psychiatres de secteur Infanto‑juvénile ([3]). La présente proposition de loi est issue d’échanges avec cette association.

Cette loi se concentre sur la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.

Depuis 1992 et la circulaire n° 70 relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents, aucune mesure législative ou réglementaire majeure concernant la pédopsychiatrie n’a été adoptée. La déclinaison de la politique de secteur à la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent date de 1972 et n’a pas été actualisée depuis. Le Président Macron a certes annoncé des mesures lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, comme la modification à venir de la maquette de l’internat de psychiatrie, mais elles ne seront efficaces qu’en s’inscrivant dans une refonte holistique.

En outre, le Président de la République a rappelé au cours de la campagne présidentielle de 2022 que la santé mentale et la psychiatrie devaient être un des axes majeurs de la politique de santé nationale dans les années à venir.

Si la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine, la pédopsychiatrie est le parent pauvre de la psychiatrie. Il est essentiel d’agir de manière globale et de redéfinir dans la loi un cadre pour garantir la santé mentale des jeunes Françaises et Français. La situation actuelle en centres médico‑psychologiques, où les soins se font de façon dégradée, est également terrible à vivre pour les médecins, confrontés à des questions d’éthique et de pertinence médicale.

Cette loi doit aussi participer à la sensibilisation de la société dans son ensemble à la santé mentale, en œuvrant à la déstigmatisation des troubles mentaux et à la promotion de la santé mentale comme une problématique majeure de santé publique, dans les médias et à l’école notamment.

L’idée générale de cette loi‑cadre est de refonder l’architecture générale en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent autour d’une dynamique de secteur élargie ([4]), 50 ans après la création du secteur en psychiatrie de l’enfance et 30 ans après la dernière circulaire sur le sujet. Elle clarifie le cadre d’action de la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en fixant des objectifs clairs à intégrer dans un plan décennal à adopter avant le mois de juillet de l’année suivant la promulgation de la présente loi. Cette programmation comprend un volet structurel, et un volet budgétaire à prévoir dans le PLFSS.

Le volet structurel doit permettre une organisation fluidifiée, plus efficace, lisible, repérable, comprenant des articulations pleines entre les structures, en s’appuyant sur les centres médico‑psychologiques (CMP) et centres médico‑psycho‑pédagogiques (CMPP) comme pivots de la politique de secteur. L’organisation de la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent est aujourd’hui noyée dans un système de soins complété par d’autres dispositifs qui ont récupéré des moyens aux dépens des CMP et CMPP sans que les articulations n’aient été pensées suffisamment en rapport avec l’organisation sectorielle. Le travail de coordination et de coopération est crucial en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, comparé à d’autres médecines. En effet, les nourrissons, enfants et adolescents troublés sur le plan psychique sont particulièrement réceptifs à la façon dont les professionnels se coordonnent concrètement autour d’eux. Cette dynamique qui structure les parcours de soins est en elle‑même une composante du soin puisqu’elle le potentialise. Cette loi met en avant la trans‑sectorialité tout en maintenant la primeur de l’échelle du bassin de vie lié au secteur. Ce volet structurel mettra en avant la proximité (la tendance à l’hospitalo‑centrisme est néfaste pour la qualité des soins dans ce domaine), l’accessibilité, la continuité des actions de soin et de prévention (notamment primaire), ainsi que le décloisonnement entre sanitaire et médico‑social et la personnalisation des soins et des parcours tout en maintenant la stabilité du premier appui du parcours du patient. Enfin, la psychiatrie ne peut pas être pensée toute seule. En amont, la question de la santé mentale est traitée de manière très dégradée dans l’éducation nationale, la protection maternelle et infantile, la protection de l’enfance, la protection judiciaire de la jeunesse… En aval, les instituts médico‑éducatifs jouent un rôle essentiel également. En résumé, pour garantir la santé mentale, il y a besoin d’espace, d’investissement dans l’humain, de souplesse et de temps.

Le volet budgétaire doit permettre de répondre à l’extrême tension en termes de moyens qui a fait dévier de certains impératifs, en particulier celui de pleine coopération entre les acteurs de la santé mentale. L’objectif est d’augmenter, par rapport aux 1,5 milliard d’euros annuels actuels, les investissements dans la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de 2 milliards d’euros annuels supplémentaires en dix ans, qui pourraient se répartir théoriquement en 1,5 milliard d’euros pour la psychiatrie en tant que telle et 0,5 milliard d’euros pour le niveau primaire de la santé mentale où se fait la première détection des troubles mentaux, c’est à dire l’éducation nationale, la protection de l’enfance, la protection judiciaire de la jeunesse… Au‑delà de l’investissement d’abord dans la coopération entre acteurs de la santé mentale des jeunes et dans les structures pivots du modèle français de secteur qui ont une vocation d’accueil généraliste, ces moyens supplémentaires seront aussi destinés à des unités plus spécialisées adossées aux structures pivots, dans une logique de complémentarité opérationnelle et non de concurrence. De façon générale, cet investissement social fort doit aussi redonner du sens et de l’attractivité au travail de tous les professionnels du champ de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent : infirmiers, éducateurs, psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, assistants sociaux, secrétaires, pédopsychiatres, etc. L’objectif derrière cette augmentation de moyens est d’arriver à réduire les délais d’attente et de garantir l’accès à la santé mentale pour les 3 millions de jeunes en besoin. Ces investissements supplémentaires devront également permettre d’intensifier la recherche en santé mentale et psychiatrique de l’enfant et de l’adolescent.

Enfin, il sera crucial de suivre l’avancement par étapes de ce plan décennal afin de corriger d’éventuels retards ou dysfonctionnements. Ce sera le rôle de l’Observatoire de la santé mentale et de la pédopsychiatrie, que cette loi propose de créer, d’enfin fournir des données robustes.

À l’international, quelques expériences peuvent inspirer la marche à suivre en France. Le Royaume‑Uni a compris l’importance de la santé mentale de ses jeunes en investissant notamment très fortement dans la psychiatrie périnatale, avec 300 millions de livres dans une logique de santé publique de réduction des coûts à long terme. La région de Bruxelles‑Capitale en Belgique a adopté un plan de restructuration dont le budget restreint à la psychiatrie en tant que telle (et non élargi en amont et en aval comme nous le proposons ici) revient en extrapolant à l’échelle de la France à un investissement de près d’un milliard d’euros ([5]).

Certaines mesures n’ont pas été intégrées dans le dispositif de cette proposition de loi car trop précises ou relevant du domaine règlementaire, mais il serait par exemple tout à fait pertinent de créer par décret un délégué à l’enfance auprès de la délégation interministérielle à la psychiatrie, qui pourrait coordonner l’organisation de ce plan décennal ([6]).

Le titre Ier de cette proposition de loi définit le cadre de la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.

L’article 1er définit les grands objectifs que se fixe l’État en termes de santé mentale de l’enfant et de l’adolescent, en la considérant comme une problématique majeure de santé publique.

L’article 2 présente les orientations du plan décennal que l’État devra adopter, tant sur le plan structurel via la refondation organisationnelle de la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent autour du modèle français du secteur élargi, que sur le plan budgétaire en programmant une augmentation massive des investissements. L’architecture du système de soins en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent est à penser autour des CMP de l’enfant et de l’adolescent pour lesquels un cahier des charges a été écrit par la Fédération Française de la Psychiatrie ([7]), ainsi qu’autour des CMPP pour lesquels un document « Missions Socle » a été écrit récemment par la FDCMPP ([8]).

L’article 3 crée un Observatoire de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, organisme indépendant placé auprès du premier ministre, pour pallier le manque de données sur l’état de santé mentale des enfants et adolescents français (estimations de files actives, de déficit d’offre). Il est chargé de publier un rapport annuel d’évaluation sur la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en France au regard notamment du plan décennal, afin d’éclairer les éventuelles adaptations nécessaires.

Le titre II présente des mesures complémentaires au cadre défini au titre Ier.

L’article 4 propose une expérimentation de guichet unique en CMP dans les territoires peu denses, sous condition d’une densification suffisante de l’offre. Cela permettrait de garantir la stabilité des contacts humains dans le parcours du patient.

L’article 5 propose une expérimentation de dispositifs d’aller‑vers les populations précaires dans des lieux de vie publics comme les écoles, les collèges, les salles de sport, pour améliorer la détection précoce de troubles mentaux des enfants et adolescents.

L’article 6 dispose que le gouvernement remette un rapport au Parlement sur la possibilité et l’intérêt de valoriser dans la rémunération des pédopsychiatres, en hôpital et en libéral, le travail indirect, plutôt que d’avoir une rémunération à l’acte qui ne valorise pas le temps de consultation supplémentaire avec les parents et la coordination avec les partenaires de prise en charge comme les écoles, les structures et services sociaux et médico‑sociaux. Ce rapport étudiera aussi la possibilité et l’intérêt de revaloriser la rémunération de professionnels non médecins spécialisés en santé mentale et en psychiatrie, comme les infirmiers.

L’article 7 dispose que le gouvernement remette un rapport au Parlement sur l’accentuation de la prévention primaire, notamment sur la possibilité d’intégrer un minimum d’heures de formation continue des enseignants, des ATSEM, des assistants d’éducation, des AESH et des auxiliaires de puériculture à la détection de troubles mentaux chez les enfants et adolescents.

L’article 8 vise à assurer que le parcours éducatif et dans l’enseignement supérieur assure la promotion de la santé mentale et la déstigmatisation des troubles mentaux.

L’article 9 vise à intégrer des heures de formation au collège et lycée aux premiers gestes de secours en santé mentale.

L’article 10 vise à intégrer un bilan psychique dans les examens médicaux obligatoires au cours de la scolarité et à créer un bilan psychique à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

L’article 11 vise à intégrer une dimension concernant la santé mentale de l’enfant dans les entretiens pré- et postnatal précoces obligatoires.

L’article 12 gage financièrement cette loi.


proposition de loi

Titre Ier

Cadre de la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent

Article 1er

La présente loi, avec la volonté et l’ambition de répondre au constat préoccupant d’une santé mentale en dégradation de la population française, fixe les objectifs et définit le cadre d’action de la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, pour une dynamique de secteur élargie.

Les politiques publiques doivent promouvoir la santé mentale des enfants et adolescents comme une problématique de santé publique.

L’État se fixe comme objectifs :

1° Que tout nourrisson, enfant ou adolescent jusqu’à ses 18 ans puisse bénéficier sans attendre des conditions pour retrouver un état de bien‑être psychique lui permettant de s’épanouir dans son développement, et de bénéficier des soins psychiques nécessaires, sur un mode ambulatoire en priorité, ou via une hospitalisation au besoin. Ces conditions recouvrent :

a) Le repérage et le dépistage, dans une logique de prévention primaire des troubles mentaux, avec une attention particulière à la prévention du suicide ;

b) Le bilan diagnostic de santé mentale dans ses dimensions clinique, psychopathologique, comportementale, situationnelle et systémique ;

c) Les soins les plus précoces possibles, personnalisés, ajustés à la singularité des troubles de chaque enfant et adolescent, appropriés en termes d’intensité, de diversité et de pluridisciplinarité ;

d) Le traitement en urgence dans certains contextes comme celui du risque suicidaire ;

2° La réduction des délais d’attente pour bénéficier des conditions mentionnées au 1°, en particulier pour bénéficier des soins nécessaires ;

3° Que ces dispositifs et soins puissent être facilement accessibles sur l’ensemble du territoire français, à proximité des lieux de vie, et lisibles ; qu’ils s’inscrivent dans la continuité des dispositifs ou soins précédents et dans la cohérence du parcours de vie ;

4° De garantir, tout au long du parcours de soin, l’intensité et la gradation du suivi en fonction de l’évolution des troubles de l’enfant et de l’adolescent ;

5° D’œuvrer à la déstigmatisation des troubles mentaux et à la promotion de la santé mentale dans la société et les médias afin de désenclaver cette problématique de santé publique.

Article 2

Pour atteindre les objectifs mentionnés à l’article 1er de la présente loi, l’État adopte, avant le 31 juillet de l’année suivant la promulgation de la même loi, un plan décennal pour la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, présentant une refondation organisationnelle et dynamique ainsi qu’une programmation budgétaire des investissements nécessaires.

La refondation organisationnelle et dynamique de la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent s’appuie sur le modèle français du secteur défini par la circulaire n° 72‑443 du 16 mars 1972. Le secteur est un socle théoriquement pertinent en raison de l’échelle populationnelle du bassin de vie qu’il dessert, en raison de la qualité du service qu’il rend à la population via la coopération, la concertation, la co‑construction, la coordination humaine entre professionnels et institutions mais aussi entre familles et professionnels, et en raison des impératifs d’accessibilité, de proximité, de continuité des soins et de prévention qu’il promeut. La dynamique de secteur place la dimension relationnelle, personnelle et humaine au centre du soin.

1° Le plan décennal doit contenir des mesures d’amélioration sur les axes suivants :

a) Élargir la dynamique de secteur à tous les acteurs et structures de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, qu’ils soient du domaine sanitaire ou médico‑social, qu’ils soient publics ou privés sans marchandisation du service rendu ; Ces secteurs agissent à l’échelle de bassins de vie d’environ 200 000 habitants.

b) Clarifier ce qui relève de l’échelle plus large des territoires de santé, dans une dynamique de projets et partenariats larges inscrits dans les projets territoriaux de santé mentale définis à l’article L. 3221‑2 du code de la santé publique, et ce qui relève de l’échelle de secteur, dans une dynamique du quotidien centrée sur la personne et son parcours avec tous les acteurs de terrain ;

c) Réduire les inégalités territoriales d’accès à la santé mentale des enfants et adolescents ;

d) Réserver une partie de l’offre en santé mentale et en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent aux enfants protégés ou à protéger en collaboration privilégiée avec les services de protection de l’enfance ;

e) Réviser, là où c’est nécessaire en raison de l’évolution démographique des cinquante dernières années, le découpage géographique des secteurs de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ;

f) Étoffer l’articulation et la coordination nécessaire entre les différents champs de l’enfance pour un travail en réseau sur la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, notamment entre le niveau secondaire des soins tel que rappelé dans la circulaire n° 72‑443 du 16 mars 1972 et le niveau primaire des services de santé scolaire, de la protection maternelle et infantile, de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse ;

g) Renforcer la coopération et la coordination avec la pédiatrie ambulatoire et hospitalière ;

h) Renforcer la place pivot des centres médico‑psychologiques et centres médico‑psycho‑pédagogiques dans le modèle français de secteur élargi, vis‑à‑vis de toutes les structures existantes sanitaires et médico‑sociales ;

i) Favoriser, en clarifiant l’architecture générale de la dynamique de secteur, une flexibilité suffisante dans les organisations locales permettant une adaptation du secteur au contexte socio‑territorial, au besoin via des dispositifs innovants ;

j) Favoriser les dispositifs et partenariats trans‑sectoriels au sein des territoires de santé et des départements ;

k) Favoriser les articulations entre le champ de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent avec celui du handicap ;

l) Soutenir la transition vers les services de psychiatrie adulte, quand elle est indiquée ;

m) Améliorer et fluidifier la transition vers les équipes de psychiatrie adulte quand c’est indiqué ;

n) Développer des dispositifs participatifs dans le travail avec les familles ;

o) Développer la pair‑aidance ;

p) Favoriser la stabilité des référents et des liens de confiance dans le parcours du patient.

2° Le plan décennal doit contenir une programmation budgétaire visant à augmenter de deux milliards d’euros par an, dans les dix ans à compter de la promulgation de la présente loi, les investissements de l’État pour la politique de santé mentale et de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, en priorisant les territoires où le déficit d’offre et la file active sont les plus importants. Ces moyens supplémentaires doivent permettre, au-delà de la refondation organisationnelle de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, une densification massive de l’offre de soin sur le territoire via :

a) Le doublement en dix ans du nombre de pédopsychiatres et personnels travaillant au service de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ;

b) Le doublement en dix ans du nombre de centres médico-psychologiques et centres médico‑psycho‑pédagogiques ;

c) Le renforcement des moyens de chaque centre médico-psychologique et centre médico‑psycho‑pédagogique en termes de personnels, de formations, de conditions de travail, de locaux, d’approches plurielles au service de la personnalisation des soins ;

d) Le renforcement des capacités d’hospitalisation en les augmentant en dix ans de 50 % pour les moins de 10 ans en en les doublant pour les plus de dix ans ;

e) La création d’équipes mobiles adossées aux centres médico‑psychologiques et centres médico‑psycho‑pédagogiques, pour le développement des visites à domicile et de l’aller‑vers ;

f) La création de centres d’accueil thérapeutique à temps partiel, d’hôpitaux de jours et d’unités hyperspécialisées pour des troubles ou des âges spécifiques, adossés aux pivots que sont les centres médico‑psychologiques ;

g) La poursuite de la densification de l’offre en psychiatrie périnatale ;

h) Le triplement du nombre de professeurs des universités et des universitaires en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ;

i) La création de places et de structures en aval de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, notamment dans les instituts médico‑éducatifs ;

j) L’augmentation de moyens pour les besoins spécifiques en soins en santé mentale dans le champ de la protection de l’enfance ;

k) L’intensification de la recherche, notamment clinique et fondamentale, en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ;

l) Le triplement des moyens de formation continue, notamment pour l’application des recommandations de bonne pratique.

Article 3

Un observatoire de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, organisme indépendant placé auprès du Premier ministre, est créé pour pallier le manque de données sur l’état de santé mentale des enfants et adolescents français. Cet observatoire :

1° Est constitué de façon représentative des organisations officielles des professionnels et des familles ;

2° Est chargé de publier une évaluation annuelle de la politique en santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en France au regard notamment du plan décennal mentionné à l’article 2 de la présente loi ;

3° Dresse des estimations des files actives et des offres de psychiatrie de l’enfant dans tous les départements ;

4° Émet des recommandations pour orienter et améliorer la politique de santé mentale de l’enfant et de l’adolescent et la dynamique de secteur élargie ;

5° Soutient la recherche en épidémiologie psychiatrique en acquérant une connaissance plus fine de la population des mineurs touchés par des troubles psychiatriques.

Ses modalités d’organisation sont définies par un décret en Conseil d’État.

Titre II

Mesures complémentaires

Article 4

L’État peut mettre en œuvre, dans un nombre limité de territoires à faible densité de population et pour une durée de deux ans, une expérimentation de guichet unique de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, sous condition d’une densification suffisante de l’offre. Dans ces territoires, un objectif de densification de l’offre du secteur est défini et un guichet unique d’accueil des nouveaux patients en centre médico‑psychologique est ouvert, pour rechercher la stabilité du premier contact et fluidifier le début du parcours de soins.

Un arrêté du ministre de la santé dresse la liste des territoires retenus pour mener l’expérimentation. L’expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État.

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er septembre de la seconde année suivant la promulgation de la présente loi, un rapport faisant le bilan de l’expérimentation.

Les modalités d’application de l’expérimentation sont définies par un décret en Conseil d’État.

Article 5

L’État peut mettre en œuvre, dans un nombre limité de territoires et pour une durée de deux ans, une expérimentation de dispositifs d’aller‑vers les populations précaires pour améliorer la détection précoce de troubles mentaux des enfants et adolescents. Dans ces territoires, des moyens sont déployés pour que des professionnels liés au secteur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent se déplacent dans des lieux de vie publics comme les écoles, les collèges, les salles de sport pour détecter des troubles mentaux chez des mineurs de milieux précaires particulièrement éloignés du système de soin en santé mentale et pour organiser leur prise en charge.

Un arrêté du ministre de la santé dresse la liste des territoires retenus pour mener l’expérimentation. L’expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État.

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er septembre de la seconde année suivant la promulgation de la présente loi, un rapport faisant le bilan de l’expérimentation.

Les modalités d’application de l’expérimentation sont définies par un décret en Conseil d’État.

Article 6

Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er juillet de l’année suivant la promulgation de la présente loi, sur la revalorisation de la rémunération des professionnels de la psychiatrie et la santé mentale des enfants et adolescents. Ce rapport étudie la possibilité et l’intérêt de valoriser dans la rémunération des pédopsychiatres, en hôpital et en libéral, le travail indirect, qu’une rémunération à l’acte ne valorise pas, et qui comprend notamment le temps de consultation supplémentaire avec les parents et la coordination avec les partenaires de prise en charge comme les écoles, les structures et services sociaux et médico‑sociaux. Ce rapport étudie également la possibilité et l’intérêt de revaloriser la rémunération de professionnels, non médecins, spécialisés en santé mentale et en psychiatrie.

Article 7

Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er juillet de l’année suivant la promulgation de la présente loi, sur l’accentuation de la prévention primaire, telle que rappelée dans la circulaire n° 72‑443 du 16 mars 1972, dans la politique de santé mentale et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Ce rapport étudie notamment la possibilité d’intégrer un minimum d’heures de formation continue des enseignants, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, des assistants d’éducation, des accompagnants des élèves en situation de handicap et des auxiliaires de puériculture à la détection de troubles mentaux chez les enfants et adolescents.

Article 8

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 111‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’école œuvre à la promotion de la santé mentale et à la déstigmatisation des troubles mentaux. »

2° Après le 3° bis de l’article L. 123‑2, il est inséré un 3° ter ainsi rédigé :

« 3° ter À la promotion de la santé mentale et la déstigmatisation des troubles mentaux ; »

3° L’article L. 401‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet d’école ou d’établissement prévoit la promotion de la santé mentale et la déstigmatisation des troubles mentaux. »

Article 9

Après l’article L. 312‑16 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 312‑16‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312161. – Une information et une éducation à la santé mentale des enfants et adolescents sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène. Ces séances contribuent à la promotion de la santé mentale et la déstigmatisation des troubles mentaux. Elles peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire.

« Un cours d’apprentissage sur les premiers gestes de secours en santé mentale est délivré aux élèves de collège et de lycée, selon des modalités définies par décret. »

Article 10

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 541‑1 est ainsi modifié :

a) À la troisième phrase du premier alinéa, après le mot : « qui », sont insérés les mots : « mettent notamment l’accent sur la santé mentale et » ;

b) Au cinquième alinéa, après le mot : « apprentissages », sont insérés les mots : « ainsi que des troubles mentaux. » ;

c) À l’avant‑dernier alinéa, après le mot : « périodiques », sont insérés les mots : « comprenant un bilan de santé somatique et psychique, »

2° L’article L. 831‑3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un bilan de santé somatique et psychique est effectué à leur entrée dans l’enseignement supérieur. »

Article 11

L’article L. 2122‑1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cet entretien est notamment consacré à la prévention et à la sensibilisation de la santé mentale de l’enfant dans le cadre familial. » ;

2° À la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « obligatoire », sont insérés les mots : « pour la mère et l’éventuel deuxième parent ayant procédé à une reconnaissance de l’enfant à naître ».

Article 12

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1]) OMS, « La santé mentale : renforcer notre action », Aide-mémoire, n° 220, septembre 2010

([2]) Feuille de route santé mentale et psychiatrie 2018 (Académie de médecine)

([3]) https://www.mesopinions.com/petition/sante/droit-jeunes-aux-soins-psychiques-urgence/164843

([4]) Le concept de « secteur » désigne une dynamique de soin, au-delà d’une aire géographique ; Par extension, le concept de « secteur élargi » désigne une dynamique de secteur qui est « élargie ».

([5]) https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/donnees-phares-dans-les-soins-de-sante/soins-en-sante-mentale/soins-en-sante-mentale-pour-les-enfants-et-les-adolescents/organisation-de-l-offre-de-soins-pour-les-enfants-et-adolescents/reseaux-de-soins-en-sante-mentale-pour-les-enfants-et-adolescents

([6]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038429197/2022-05-24/

([7]) https://fedepsychiatrie.fr/wp-content/uploads/2021/02/Fedepsychiatrie-Cahier-des-charges-des-CMP-Fevrier-2021.pdf

([8]) https://www.fdcmpp.fr/IMG/pdf/fdcmpp_-_missions_socle_des_cmpp_au_11.02.2022.pdf