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N° 783

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à valoriser les missions d’engagement citoyen et associatif
dans les critères de notation universitaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Vincent SEITLINGER, Emmanuelle ANTHOINE, Valérie BAZINMALGRAS, Dino CINIERI, MarieChristine DALLOZ, Julien DIVE, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Meyer HABIB, Philippe JUVIN, Véronique LOUWAGIE, Isabelle PÉRIGAULT, Alexandre PORTIER, Nicolas RAY, Nathalie SERRE, Isabelle VALENTIN, JeanPierre VIGIER, Alexandre VINCENDET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les missions d’engagement citoyen et associatif que sont le bénévolat et le volontariat donnent la possibilité aux jeunes de consacrer leur temps, leurs compétences et leurs savoir‑faire à l’intérêt général. Elles permettent aux jeunes de se développer et à la collectivité de s’entourer de talents, mais aussi et surtout à notre société de faire corps. Il convient donc d’encourager les étudiants, en prenant en compte de tels engagements dans les systèmes de notation universitaire. C’est l’objet de la présente proposition de loi.

Tout d’abord, le bénévolat et le volontariat sont un atout pour la communauté. Ainsi, tout en lui faisant bénéficier de la force vive de nombreux jeunes, ils permettent à l’État de se doter d’un moyen supplémentaire pour réaliser sa mission de service public. Ils s’offrent même comme l’une des solutions à la pénurie de personnel touchant de nombreuses missions d’intérêt général. Nous avons pu nous rendre compte, notamment à travers les épisodes de Covid‑19 et de vagues de chaleur, combien les volontaires et les bénévoles représentaient un contingent utile pour ne pas dire vital. C’est en partie les sapeurs‑pompiers volontaires qui ont permis de faire la différence dans la maîtrise des incendies cet été. De surcroît, dans les circonscriptions rurales, l’ossature du modèle de secours repose en grande partie sur ces bénévoles. En outre, la désertification médicale et les profondes mutations territoriales à l’œuvre dans de nombreuses régions contraignent les collectivités à réorganiser l’administration de leur personnel, en se reposant de plus en plus sur ce format de missions sociales.

Par‑delà l’utilité pour le collectif, ces missions servent ceux qui les réalisent en consolidant leur savoir‑faire et leur savoir être. Ainsi, en plus de développer la confiance en soi, elles sollicitent indéniablement le sens de l’entraide, de la tolérance, du devoir ou encore de la rigueur. Ces valeurs sont décisives à un âge où l’on se construit et où l’on construit la société de demain. Enfin, ces missions permettent de diminuer les inégalités inhérentes aux milieux sociaux. Chacun sait en effet que le cadre de vie et l’éducation reçue par les parents entrent en jeu dans la réussite des élèves. Or le Centre national d’étude des systèmes scolaires fait état d’un nombre de 100 000 jeunes sortant du système éducatif sans diplôme. Dans ce contexte, il est aujourd’hui admis que les notes sont au mieux des indicateurs de normativité, au pire des critères d’ostracisation scolaire poussant les élèves les plus en difficulté vers la sortie. L’ajout de l’engagement dans les critères de notation académique permettrait donc au système scolaire d’assurer davantage l’égalité des chances.

Enfin, ces missions, parce qu’elles soudent une communauté autour d’un projet avec des valeurs communes, permettent d’impliquer davantage les citoyens dans la vie en société. Dans une telle période faite de complexité, de transitions et d’incertitudes, où les repères se fragilisent et où la jeunesse tend à se replier sur elle‑même, il est primordial d’insuffler ce goût de la chose publique et de l’action commune. En mobilisant des leviers forts, les citoyens font corps : c’est en ce sens que les missions d’engagement citoyen cimentent la société et concourent à son sain équilibre.

Ainsi, si notre pays peut se féliciter du nombre important de jeunes engagés de manière désintéressée au service de leurs concitoyens, il serait bon que l’État valorise et encourage à sa juste valeur cet engagement. Or ces dernières années, et alors qu’il devrait augmenter, le taux de recrutement de volontaires a baissé. Ainsi, entre 2019 et 2022, le 5e baromètre de l’engagement bénévole mené par l’Institut français d’opinion publique a montré une diminution du taux d’engagement de 24 à 20 %. Concernant le nombre de sapeurs‑pompiers volontaires : en 2005, la France comptait 204 000 volontaires, contre 197 000 aujourd’hui. Parmi les multiples facteurs, celui qui demeure le plus important est l’insécurité sociale. Dans un contexte où l’insertion sur le marché du travail s’avère difficile, il est vraisemblable que les jeunes privilégient leur employabilité à la voie associative. Ainsi, selon le Conseil économique, social et environnemental, l’insertion sociale et professionnelle des 15‑29 ans s’avère problématique, puisqu’un jeune sur cinq est toujours à la recherche d’un emploi trois ans après sa sortie du système scolaire, et que près de 2 millions de personnes âgées de 18 à 29 ans vivent sous le seuil de pauvreté. De plus, les contrats partiels ou saisonniers rémunérateurs et chronophages séduisent les jeunes, ces derniers cherchant à s’émanciper financièrement.

Dans ces conditions, si l’engagement citoyen n’est qu’encouragé, par exemple lors de la constitution d’un dossier pour intégrer une université ou une école, il ne présente qu’un intérêt limité car il n’est pas quantifiable. Or nous sommes forcés de faire état d’une certaine duplicité dans la doxa officielle : d’un côté l’engagement citoyen est félicité, du moins formellement, puisque l’exécutif n’hésite pas à le nommer « trésor de la République » ; mais de l’autre, aucun moyen concret n’est mis en place pour le promouvoir ou le valoriser.

En outre, l’engagement associatif est marqué par une forte reproduction sociale. Ainsi, ce sont les adolescents ayant grandi dans une famille elle‑même sensibilisée au bénévolat qui sont les plus investis dans les associations. Les chiffres de France bénévolat en témoignent : en 2010, 49 % des Français de 15 à 18 ans dont les parents pratiquaient une activité bénévole faisaient de même, contre 27,7 % pour les autres. Dans ce cadre, valoriser les missions d’engagement citoyen et associatif faciliterait l’égalité sociale, en permettant à la partie la moins privilégiée de la population de partager ses intérêts.

Concernant la prise en compte de l’engagement citoyen et associatif dans la notation, en l’état actuel des choses, le règlement précise que les universités fixent elles‑mêmes leurs propres règles, et ce dans les deux mois qui suivent la rentrée. Dans les faits, la valorisation se fait au cas par cas, par exemple en n’étant attribuée qu’à une certaine activité, ou encore via une bonification de la moyenne, allant de 0,25 à 0,5 point. Nous proposons donc que les missions d’engagement citoyen et associatif soient valorisées à hauteur de leur utilité. Aussi, la présente proposition de loi suggère qu’il soit systématiquement conféré aux intéressés un crédit European Credit Transfer and Accumulation System (ECTS) pour 30 heures de bénévolat effectué, dans la limite annuelle de 5 crédits ECTS, soit 150 heures de bénévolat. Ce barème se base sur le système européen de transfert et d’accumulation de crédits, lequel porte l’évaluation d’un crédit ECTS à 30 heures de travail.

Enfin, d’une part, cela présentera l’avantage de fonctionner selon une procédure unique et uniformisée, vecteur d’égalité et de simplification administrative ; et d’autre part, le bénévolat sera encouragé à hauteur de son bienfait. C’est l’objet de la présente proposition de loi, laquelle propose, en son article unique, que les missions d’engagement citoyen et associatif telles que définies dans l’article 611‑9 du code de l’éducation soient notabilisées à hauteur d’un crédit ECTS pour 30 heures de travail.

 


proposition de loi

Article unique

À la fin de la dernière phrase de l’article L. 611‑9 du code de l’éducation, les mots : « selon des modalités fixées par décret » sont remplacés par les mots : « selon les modalités d’un crédit européen (ECTS) pour 30 heures effectuées, dans la limite de cinq crédits ECTS par année ».